République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 29 avril 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 6e session - 15e séance
RD 318
A la suite d'une part, des drames de l'Ordre du Temple Solaire survenus en octobre 1994 et décembre 1995 et, d'autre part, du dépôt devant le Grand Conseil genevois d'une pétition relative à l'église de scientologie, le Département de justice et police et des transports (ci-après : le département) a lancé le 6 janvier 1996 un audit sur les dérives sectaires, le confiant à un groupe d'experts présidé par Me François Bellanger, avocat.
Cet audit ayant abouti en février 1997, le département a mandaté un groupe d'experts qui a concrétisé une partie des recommandations faites par ses auteurs en élaborant trois projets de loi qui ont été déposés devant le Grand Conseil et qui ont d'ores et déjà été renvoyés en commission.
Il s'agit de trois projets de loi suivants :
1. Projet de loi sur la référence à des pratiques religieuses ou au terme « église » à des fins commerciales (PL 7872)
Le but de ce projet de loi est d'assurer une stricte séparation entre les activités religieuses ou liées à des croyances et les activités commerciales. Il s'agit de protéger le public contre les références trompeuses à des activités religieuses ou cultuelles destinées à promouvoir la vente de produits ou de services.
En conséquence, ce projet propose d'interdire, sous réserve de dérogation, toute utilisation de la dénomination « église » ou de références à des pratiques religieuses ou cultuelles pour des activités commerciales.
Une dérogation peut être accordée si les conditions cumulatives suivantes sont réunies : le groupement est une association ou une fondation, l'activité commerciale n'a pas un but lucratif et l'activité est indispensable pour permettre l'exercice d'une activité religieuse ou cultuelle.
Le projet de loi prend en considération la situation particulière des trois églises officielles, à savoir l'Eglise nationale protestante, l'Eglise catholique romaine et l'Eglise catholique chrétienne, qui sont reconnues d'utilité publique et qui ne sont pas soumises à l'interdiction prévue par ce projet de loi.
Ce texte est actuellement à l'étude devant la Commission judiciaire du Grand Conseil.
2. Projet de loi de modification du code de procédure pénale (PL 7871)
Cette modification du code de procédure pénale tend à l'amélioration de la protection des victimes de dérives sectaires en leur permettant d'être assistées par un membre d'un organisme reconnu à tous les stades de l'enquête de police et de l'instruction.
Ce projet de loi est actuellement à l'étude devant la Commission judiciaire du Grand Conseil.
3. Projet de loi modifiant la loi sur l'exercice des professions de la santé, des établissements médicaux et diverses entreprises du domaine médical, du 16 septembre 1983 (PL 7941)
Ce projet tend à instaurer un contrôle des activités dans le domaine de la santé en améliorant d'une part, la réglementation sur l'exercice illégal de la médecine et d'autre part, la répression de la publicité médicale illicite.
Il est actuellement à l'étude devant la Commission de la santé du Grand Conseil.
A côté de ce volet législatif, compte tenu de la responsabilité de l'Etat d'intervenir dans le domaine des croyances pour informer la population et prévenir les dérives sectaires, est apparue la nécessité de disposer d'une source d'information neutre sur les croyances et les activités des groupements à caractère religieux, spirituel ou ésotérique.
Il n'existe en effet pratiquement aucune source d'information véritablement indépendante sur la question. D'une part, les informations qui proviennent des associations de défense des victimes et des familles sont parfois trop marquées par l'engagement de ces associations contre les dérives sectaires. D'autre part, certains groupements diffusent une information relative à leur nature ou leur activité qui n'est pas entièrement conforme à la réalité. Ils tentent de se présenter sous un jour plus favorable et plus attrayant pour d'éventuels adeptes.
En conséquence, les personnes qui sont confrontées, soit personnellement, soit par l'intermédiaire de l'un des membres de leur famille, à ces groupements sont souvent très démunies. Il en va de même des autorités administratives qui ne disposent pas d'une source d'information fiable.
Pour pallier cette lacune, l'audit sur les dérives sectaires recommandait la création d'un centre d'information, indépendant de l'Etat et organisé de telle manière qu'il diffuse des données strictement contrôlées et neutres, ne s'impliquant pas dans une controverse quelconque entre partisans et adversaires des groupements.
Lors des premiers états généraux sur les dérives sectaires, qui se sont tenus à Genève le 12 juin 1997, les représentants des Gouvernements des six cantons romands, de Berne et du Tessin, ont pris la décision d'étudier la possibilité de créer un tel centre au niveau romand dans le cadre d'une collaboration des cantons concernés.
A l'initiative du département, la Commission intercantonale sur les dérives sectaires a ainsi reçu mandat d'établir la structure d'un centre intercantonal d'information au public.
Cette commission, au cours de ses travaux, a acquis la conviction de créer un tel centre sur les croyances apte à diffuser une information neutre et contrôlée sur les différents groupements actifs dans ce domaine et sur d'éventuelles dérives, étant précisé que pour conserver sa neutralité, le centre devra se limiter à l'information et ne devra pas exercer des activités de soutien et de conseil aux victimes.
Quant à la structure du centre, la commission a envisagé deux solutions, soit une fondation de droit privé, soit une fondation de droit public, la différence majeure entre les deux structures résultant du droit applicable et de l'acte constitutif.
Pour une fondation de droit public, un concordat est nécessaire, ce qui entraîne une approbation du Grand Conseil de chaque canton signataire. Dans le cas d'une fondation de droit privé, seul un acte notarié est requis. Sous réserve d'exigences spécifiques propres à chaque canton, les Parlements cantonaux n'interviennent, le cas échéant, qu'en relation avec les crédits nécessaires au financement du centre. Au surplus, la décision de devenir membre fondateur de l'entité relève de la compétence des exécutifs cantonaux.
Au surplus, sous réserve de quelques différences mineures, les règles relatives à l'organisation et au fonctionnement du centre sont identiques.
Compte tenu de cette situation et au vu, notamment, de la volonté de maintenir une structure légère et efficace, la Commission intercantonale sur les dérives sectaires a marqué une préférence pour la forme de droit privé. Cette solution permet également d'envisager plus facilement une période de test de trois ans pour l'exploitation du centre.
Tous les cantons représentés au sein de la Commission intercantonale sur les dérives sectaires ont exprimé le souhait de voir naître au plus vite le centre d'information sur les croyances. Cependant, ils ont également tous exprimé un souci, plus ou moins marqué, quant au coût d'une telle structure, vu les restrictions budgétaires.
Le coût total du centre d'information sur les croyances est estimé à environ 280 000 F par an. Ce montant relativement important est imposé par la nécessité de disposer de deux employés permanents, de niveau universitaire. A défaut, toute recherche active est exclue, ce qui viderait le centre de toute raison d'être.
Pour que ce centre soit opérationnel, il est primordial qu'il se situe au niveau intercantonal et qu'il soit par conséquent financé par tous les cantons intéressés à participer à un tel centre.
Les membres de la Commission intercantonale sur les dérives sectaires étant convaincus de la nécessité de créer au plus vite un centre d'information sur les croyances, le Conseil d'Etat, soucieux d'aller de l'avant dans ce dossier, entend que le présent rapport soit renvoyé pour étude à une commission parlementaire.
Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver le meilleur accueil au présent rapport.
Ce rapport est renvoyé à la commission judiciaire.