République et canton de Genève

Grand Conseil

RD 313-1
14. Rapport de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil (1ère année de la législature 1997-2001). ( -) RD313
Rapport de majorité de Mme Martine Ruchat (AG), commission des visiteurs officiels du Grand Conseil
Rapport de minorité de M. Alain-Dominique Mauris (L), commission des visiteurs officiels du Grand Conseil

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Le présent rapport, qui relate les travaux de la Commission des visiteurs officiels du Grand Conseil, est divisé en trois parties, soit :

I. Les visites (avec des remarques générales)

II. Les auditions

III. Les réflexions de la commission (soit PL 7822 et PL 7843).

Il est introduit par un prologue et se clôt sur des recommandations.

Prologue

Composition de la commission

La Commission des visiteurs officiels du Grand Conseil a été présidée pendant l'année 1997-1998 par Pierre Froidevaux (R) et Esther Alder (vice-présidente) (Ve). Le rapport est assuré par Martine Ruchat (AdG). Le bureau du Grand Conseil a été représenté par René Longet (S). Les membres ont été : Janine Berberat (L), Claude Blanc (DC), remplacé en cours d'année par Henri Duvillard, Pierre-Alain Cristin (S), Jacqueline Cogne (S), Jeannine de Haller (AdG), Alain-Dominique Mauris (L). Les travaux de la commission ont été suivis par M. Thierry Brichet, adjoint de direction du service du Grand Conseil et par M. Alexandre Agad, secrétaire adjoint au DJPT. Les procès-verbaux ont été rédigé par M. Jean-Luc Constant.

Le conseiller d'Etat intéressé est M(R). Gérard Ramseyer, président du Département de justice et police (R).

Considérations générales

La Commission des visiteurs officiels du Grand Conseil est au niveau parlementaire un organe de contrôle des conditions de détention des prévenu-e-s et des condamné-e-s qui relèvent du canton de Genève (adultes et mineur-e-s). Il n'est pas, dans cette tâche, l'unique autorité, puisqu'il y a encore trois autres niveaux de contrôle de la détention, soit :

le niveau administratif : le DJPT exerce une surveillance sur les établissements genevois ;

le niveau judiciaire : chaque détenu a le droit de demander sa mise en liberté provisoire auprès de la Chambre d'accusation. Un juge d'instruction doit par ailleurs visiter chaque mois les personnes détenues préventivement. Les juges de la Cour de cassation, de la Cour de justice, du Tribunal de la jeunesse et le président du Tribunal de police sont autorisés à visiter en tout temps les établissements de détention du canton ;

le niveau européen : le Comité européen pour la prévention de la torture (ci-après CPT) peut visiter les établissements (ce qui a été fait pour la Suisse en 1991 et en 1996).

S'ajoutent des visites de tout ordre qui peuvent avoir lieu dans les prisons. Notons qu'en 1997, par exemple, Champ-Dollon a été l'objet de 47 visites soit de personnes (amis, connaissances de gardiens ou du directeur, visiteurs bénévoles), soit de groupes (étudiants en droit, élèves de l'Ecole de culture générale, association pour la prévention de la torture, Amnesty International, patronage, Automobile club suisse, etc.). Ces visites multiples sont l'une des garanties d'un fonctionnement carcéral en accord avec les droits des prisonniers, les Droits de l'homme et la démocratie. L'ouverture des prisons est un moyen d'assurer une certaine transparence dans le fonctionnement carcéral et dans les rapports entre le personnel et les détenu-e-s, d'assurer aussi la perméabilité des informations entre l'intérieur et l'extérieur, voire de rendre plus familier un lieu qui, par définition, est caché du public. Les observations faites sur les lieux de privation de liberté sont donc non seulement à maintenir, mais à développer.

Les visites ponctuelles - le plus souvent annoncées - ne permettent toutefois pas d'assurer un contrôle optimum du quotidien pénitentiaire et des éventuels abus de pouvoir liés à ce type de peines cachées. (La prison, conçue au siècle dernier comme une pénalité plus juste et plus humaine, n'en reste pas moins empreinte de violences : privation de liberté, enfermement, privation de relations sexuelles ordinaires).

Il en va de même des violences (physique ou psychologique) lors d'arrestations ou de gardes à vue (signalées dans des rapports précédents) ou lors des transferts au Palais de justice (signalées cette année par un détenu lors d'une entrevue) que ne peuvent observer les visiteurs officiels du Grand Conseil, en particulier du fait que les visites dites « à l'improviste » dans les postes de police sont annoncées dans l'heure ou la demi-heure précédente. Il faut rappeler que les postes de police ne sont pas considérés comme des lieux de détention et que seul un accord conclu en 1994 avec la police autorise ces visites (voir le rapport de la commission pour l'année 1994, pp. 3 et 4).

Les visites de la commission, quelles que soient les compétences des personnes et leur sérieux, quelles que soient la qualité de l'accueil et le désir de transparence des directions d'établissements, ne permettent pas d'apprécier le quotidien carcéral et ses multiples faits qui peuvent alourdir les peines des détenu-e-s et rendre le travail des gardien-ne-s difficiles. En effet, si la Suisse peut, à lire les rapports du CPT, être satisfaite de ne pas avoir enregistré d'actes de tortures, certains détenus ont fait part aux membres de la commission de la « torture mentale » qu'était pour eux l'isolement, le manque de correspondance, les promesses non tenues. La prison reste un « appareil destructeur de la personnalité » (E. Olivera, « Un système en question », Le Courrier de l'Unesco, juin 1998). Il revient donc aux autorités politiques et pénitentiaires de continuer à veiller à la qualité de la formation des gardiens et à la présence de personnel compétent pour régler des problèmes d'ordre psychologique voire psychiatrique, dans le but d'atténuer les souffrances humaines des personnes privées de liberté.

Quoi qu'il en soit du quotidien carcéral et de la souffrance unique qu'est la privation de liberté, il faut aussi mettre en exergue le travail difficile qui revient à la direction et au personnel des établissements pénitentiaires qui doivent exécuter le mandat attribué à la prison : protéger la société en neutralisant le délinquant et éduquer le délinquant en vue de son retour à la vie libre. Au relatif isolement dans lequel travaillent aussi les directions respectives des établissements s'ajoute aujourd'hui la difficile « gestion » des types de délinquants (notamment ceux ayant commis des délits sexuels ainsi que les détenu-e-s toxicomanes), de la diversité culturelle et linguistique que l'on rencontre en prison et de l'état de fragilité psychologique souvent diagnostiqué chez les détenu-e-s (faudrait-il, demande M. André Beytrison, directeur des établissements de détention du Valais, guérir avant de punir ?) qui nécessite aussi d'assurer la protection des détenu-e-s.

Il est à souhaiter que les réformes du système pénal instaurent toujours plus de mesures de substitution (travail utile à la communauté, bracelet émetteur) et que ne demeurent en prison que les personnes qui représentent un réel danger pour la collectivité.

Les travaux de la commission se sont déroulés dans un souci de qualité du travail à faire et de collaboration. Il convient de relever l'engagement de son président, Pierre Froidevaux. En premier lieu, ce rapport s'attache à rendre compte de la situation objective et subjective des premiers concernés, à savoir les détenu-e-s eux-mêmes. La rapporteure s'est appuyée pour ce faire sur les travaux de la commission excellemment verbalisés par M. Jean-Luc Constant.

Méthode de travail de la commission

Cette année, les membres de la Commission des visiteurs officiels se sont particulièrement préoccupés de questionner le rôle de la commission, les limites de ses compétences et les effets de son action. Dans cette perspective, ils ont demandé en début de mandat à être informés et même formés, afin que les visites ne soient pas qu'un acte symbolique voire de simple routine, mais aient une certaine efficacité. C'est pourquoi la commission a entendu M. Alexandre Agad, secrétaire adjoint du DJPT, lequel a présenté une information théorique sur la procédure pénale et sur les droits des personnes privées de liberté, alors que M. Jacques Reymond, directeur du Service de l'application des peines et mesures (SAPEM) a donné une information sur le domaine de l'exécution des peines.

Dans une deuxième séance, Mmes Claudine Haenni et Barbara Bernathe, de l'Association pour la prévention de la torture (APT), ont quant à elles rendu attentifs les membres de la commission aux différents « mécanismes » de visite et à la méthode des visites. Deux notions de base seraient selon elles à respecter pour que les visites soient efficaces : l'indépendance et la crédibilité.

C'est néanmoins sur les suggestions de M. Reymond que la commission a choisi d'effectuer à Genève les deux visites annuelles habituelles de Champ-Dollon (y compris La Pâquerette, la Maison de Favra, le Vallon) puis celle de La Clairière, de la Maison de Pinchat et de Riant-Parc, auxquelles se sont ajoutées six visites d'établissements concordataires. Soit : Bellechasse (FR), Bochuz (VD), Crêtelongue, Pramont et Sion (VS), Bellevue et La Ronde (NE). Le choix a été fait en fonction du nombre de détenus genevois placés relevant du Service de l'application des peines et mesures. Soit : une trentaine à Bochuz, entre 20 et 25 à Bellechasse, une quinzaine à Bellevue (Gorgier), 7 ou 8 à Crettelongue, 5 à Pramont. Au total environ 100 détenus genevois hors du canton en moyenne journalière. Il n'y avait au moment de l'établissement du programme que deux femmes condamnées par la justice genevoise à la Tuilière (VD) et une seule à Hindelbank (BE). La commission a visité les 5 et 12 novembre les violons de la police au boulevard Carl-Vogt, ceux du poste du chemin de la Gravière, du poste de Pécolat et de Plainpalais.

Dans le cadre du projet de loi 7822 étudié par la Commission des travaux concernant la transformation de l'établissement de détention pour les jeunes à La Clairière, la Commission des visiteurs s'est réunie à trois reprises, afin d'établir deux préavis (voir PL 7822-A). Pour ce faire, elle a aussi procédé à cinq auditions : M. Christian Nils-Robert, professeur de criminologie, Mme Anne-Françoise Comte, juge au Tribunal de la jeunesse, M. John Zwick, chef du secteur des subventions de construction (Office fédéral de la justice), Mme Rosemarie Facelli (Office fédéral de la justice) et M. Roland Fankhauser, responsable de La Clairière.

Profitant du dépôt du projet de loi 7843 concernant une modification de l'article 227, al.1 de la loi portant règlement du Grand Conseil, la Commission des visiteurs s'est proposé de faire une refonte de la section 17 concernant la Commission des visiteurs. La commission a donc décidé d'amender le projet de loi  7843. A cet effet, elle a établi un inventaire des lacunes existantes dans la loi et des idées à concrétiser. Elle a dans ce but auditionné le directeur de la prison de Champ-Dollon, M. Jean-Michel Claude, le chef de la police, M. Laurent Walpen et M. Jean-Pierre Garbade, avocat. La rédaction finale du projet s'est faite en liaison avec M. Alexandre Agad.

Suite à la première visite de Champ-Dollon, une réunion-débat a eu lieu entre les membres de la commission, M. Jean-Michel Claude, directeur de la prison et M. Reymond, directeur du SAPEM.

Suite aux arrestations effectuées lors des manifestations contre le cinquantième anniversaire de l'Organisation mondiale du commerce, une délégation a demandé à visiter inopinément la prison de Champ-Dollon à 22 heures. Cette visite a posé certains problèmes d'interprétation de la loi portant règlement du Grand Conseil qui demande à être revue (voir Ch. III.2 ci-après).

Une troisième visite a eu lieu à Champ-Dollon pour des auditions.

Afin d'éclaircir une situation individuelle particulièrement douloureuse, la commission, en réponse à de nombreuses lettres envoyées par un détenu, a demandé à rencontrer le professeur T. Harding. L'audition a eu lieu en présence de M. Claude, directeur de la prison de Champ-Dollon.

Des réunions intermédiaires ont aussi eu lieu, afin de régler les questions restées pendantes, en particulier les visites à l'improviste et les suites à donner aux visites et aux auditions. Des réponses écrites ont été envoyées à deux détenus de Champ-Dollon.

Remerciements

Les travaux de la commission ont été facilités par la présence constante et la célérité à fournir les documents nécessaires de M. Alexandre Agad, secrétaire adjoint au DJPT, et par M. Thierry Brichet, adjoint de direction du Service du Grand Conseil qui a organisé les visites et transmis les documents nécessaires.

La disponibilité de M. Reymond et de M. La Praz, respectivement directeur et directeur adjoint du Service de l'application des peines et mesures, a permis de recevoir nombre d'informations et de clarifier les interrogations des membres de la commission. La commission tient à les remercier vivement.

Des remerciements particuliers vont à M. Jean-Luc Constant pour ses procès-verbaux qui ont grandement facilité la rédaction du présent rapport.

La commission remercie toutes les personnes qui sont venues éclairer ses travaux par leurs compétences : le chef du département, M. Gérard Ramseyer, M. Nils-Robert, Mme Haenni et Bernathe, Mme Facelli, M. Zwick, M. Jean-Michel Claude, M. Michel Speck (gardien-chef adjoint de Champ-Dollon), M. Roland Fankhauser, M. Jean-Nicolas Roten (juge, président du Tribunal de la jeunesse), Mme Anne-Françoise Comte, M. Lucien Kohler (directeur administratif des Foyers Feux Verts), M. Laurent Walpen, M. Jean-Pierre Garbade et M. Timothy Harding.

Elle remercie également tous les directeurs et personnels des différents établissements qui l'ont accueillie avec attention et convivialité et transmis les informations nécessaires. Soit à Champ-Dollon : M. J.-M. Claude, M. G. Savary, M. R. Bloch, M. F. Oppliguer, Mme Renée Volkmann et M. D. Zwahlen animateurs pédagogiques de l'unité des femmes ; à La Pâquerette : Mme de Montmollin et Daniel (détenu) ; au Vallon : M. Jacques-Eric Richard, directeur ; à la Maison de Pinchat : Mme Madeline Barragan, adjointe ; à Riant-Parc : M. Claude Linker, chef de service et Mme Monique Ecabert, cheffe de service adjointe ; à Bellechasse, M. H. Nuoffer, directeur, M. A. Von Kaenel, directeur adjoint, M. C. Neuhaus, responsable du Service thérapeutique, M. J.-M. Limat, responsable de l'enseignement et de la formation ; à la Plaine de l'Orbe : M. Denis Pieren, directeur et M. Roger Ansermet, surveillant-chef ; M. André Beytrison, directeur des établissements de détention du Valais, à Pramont : M. Pierre-Alain Zufferey ; à Crêtelongue : M. Jean-Louis Praplan ; M. Willy Schenk, chef du Service des établissements de détention du canton de Neuchâtel et ses collaborateurs : MM. Germain Beucler, Gérard Bringold, Didier Leuba et Daniel Stern. M. Théo Gehrett, chef-éducateur de la maison d'éducation au travail La Ronde. Enfin, Mme Monika Dusong, conseillère d'Etat du canton de Neuchâtel, chargée du Département de la justice, de la santé et de la sécurité.

Nous remercions enfin les détenu-e-s qui nous ont fait confiance et ont demandé à être entendu-e-s par les membres de la commission.

Travaux de la commission

I. Visites

Prisons pour jeunes et jeunes adultes

La Clairière (GE)

La Clairière est une institution de prévention, d'observation, d'exécution de peines et d'arrêts disciplinaires rattachée à la Fondation des « Foyers Feux-Verts ». Elle reçoit des mandats de détention sans collusion, des mandats d'observation, des mandats disciplinaires ou des ordres de placement. Elle est considérée par son directeur, M. Fankhauser, comme un lieu d'accueil, de soins psychiques et physiques : en quelque sorte une « plaque-tournante ». Selon Mme Facelli, de l'Office fédéral de la justice, il serait difficile d'y mener un travail pédago-thérapeutique comme on l'entend habituellement. En effet, les séjours oscillent en moyenne (pour l'année 1997, tous mandats confondus) entre deux semaines et deux semaines et demie. Bien des jeunes quittent La Clairière avant d'avoir effectué les trois jours en cellule (régime sans collusion). Néanmoins, la détention préventive est très « élastique » (elle peut couvrir dans certains cas plusieurs mois, soit jusqu'au prononcé du jugement). En milieu fermé d'observation et d'exécution de peine, le séjour peut durer cinq semaines et peut s'étendre jusqu'à dix, voire douze mois ; la moyenne se situe donc entre trois et six mois. Avec le nouveau code pénal, la détention pourra s'étendre jusqu'à quatre ans.

La visite de La Clairière a été fortement influencée par le projet d'un nouveau bâtiment qui accueillerait aussi les filles. Les député-e-s ont été rendu attentifs-ves à la non correspondance des cellules actuelles aux normes suisses et européennes, à la présence de jeunes filles dans des lieux de détentions inappropriés (maison pour femmes adultes à Riant-Parc et à Champ-Dollon) ou peu pratiques vu l'éloignement géographique (à Valmont à Lausanne) et coûteux.

D'autres problèmes sont évoqués lors de la visite comme le rajeunissement des « délinquants juvéniles » (fourchette d'âge : 11 à 15 ans), la délinquance importée (jeunes des banlieues lyonnaises, de l'ex-Yougoslavie, d'Afrique), la docilité voire l'« amorphie » des garçons détenus, la violence des filles, l'augmentation des « cas psychiatriques », l'augmentation des requérants d'asile arrêtés pour trafic de stupéfiants, les difficultés linguistiques (jeunes d'Afrique ou des pays de l'Est), la difficulté d'évaluer l'âge réel de certains jeunes étrangers (besoin d'expertises osseuses coûteuses), la récidive et l'isolement cellulaire.

M. Fankhauser souhaiterait adjoindre à l'équipe psychopédagogique un psychiatre rattaché à l'institution qui pourrait intervenir à tout moment de la journée. Autre souhait : l'adjonction d'un collaborateur psychologue sur place qui éviterait le recours aux services d'intervenants extérieurs du SMP.

Aucun jeune ne désirait nous rencontrer. Par conséquent, il n'y a pas eu d'audition.

Pramont (VS)

Etablissement ouvert en 1978 pour les jeunes adultes de 18 à 25 ans sous les articles 100 bis (placement dans une maison d'éducation au travail), 93 bis (exécution et transfert dans une maison d'éducation au travail), 95 (sanctions pénales) du Code pénal et 16 du concordat (placement à des fins d'isolement). Il offre 29 places en section fermée et 6 en semi-liberté. Les ateliers existants permettent d'assurer la formation d'apprentis (métallurgie, mécanique, serrurerie). L'objectif d'une telle maison est non seulement d'amender le jeune, mais aussi de lui permettre d'assurer son existence à sa libération. L'article 100 bis n'est pas déterminé dans le temps, puisque la libération dépend des conditions énoncées ci-dessus. Ainsi un détenu peut rester jusqu'à trois ans, rarement en-dessus. Le temps de détention le plus court est d'une année.

Ces jeunes sont présentés comme des « produits d'institutions » et à 95 %, ils seraient sans famille.

De nombreux intervenants extérieurs s'ajoutent au personnel qui comprend 17 postes : visiteurs bénévoles, groupe biblique, aumôniers, équipes sportives des environs, médecin généraliste, psychiatre, bibliothécaire, enseignants, orienteurs professionnels, professionnels, représentants de la Ligue valaisanne contre la toxicomanie, assistants sociaux, protection de la jeunesse, membres de l'antenne Sida.

Outre les ateliers, les salles de classes, la bibliothèque, la salle de gymnastique, la salle de musculation et le terrain de football, Pramont possède une piscine ouverte aux jeunes chaque soir. Les détenus de Crêtelongue peuvent y être emmenés chaque lundi soir. L'après-midi, ce sont les écoles publiques qui en bénéficient.

Un projet fortement souhaité par les juges est en discussion pour étendre l'accueil aux mineurs.

La Ronde (NE)

La Ronde est un établissement de La Chaux-de-Fonds où la question de la délinquance est abordée dans une approche systémique. Le concept de base est psycho-éducatif et l'encadrement est aussi psycho-éducatif. Les ateliers sont uniquement occupationnels.

L'établissement a plusieurs mandats. Il reçoit des jeunes en vertu de l'art. 16 du concordat, des art. 91 et ss. du Code pénal, des art. 100 bis et 397 du Code civil. L'exécution de peine (art. 95) varie de un jour à un an. Les jeunes ont entre 13 et 25 ans. Dans les chambres, les mineurs sont autant que possible séparés des jeunes adultes. L'établissement collabore avec Pramont.

Le placement à La Ronde se fait en plusieurs étapes. La première est la phase d'isolement qui dure une semaine au minimum (aucune visite pour le détenu sauf de la famille, aucun congé). La deuxième étape est le « demi-groupe » pendant une semaine au minimum où le détenu travaille dans les ateliers (ateliers occupation + un atelier productif de fagots-allume feu par demi-journée) et ne reçoit toujours pas d'autres visites que celles de sa famille. La troisième phase est le « groupe complet fermé » d'une semaine au minimum, pendant laquelle le détenu peut recevoir la visite de sa famille et de ses amis et où des congés sont possibles. Le travail se fait en groupe, comme les repas et les activités de la maison. Enfin le « groupe complet ouvert » qui dure au minimum trois mois, pendant lesquels le jeune peut commencer un apprentissage ou une école. La dernière phase est une phase d'externat, le jeune peut prendre un studio en ville ou vivre dans sa famille avec accompagnement jusqu'à la libération définitive. Le délai maximum de la mesure est de quatre ans.

La Ronde ne reçoit pas de filles. Le concept de mixité serait de l'avis des psychologues un concept dépassé. Il s'agirait plutôt d'ouvrir une infrastructure romande pour les filles. Les juges valaisans en étudieraient une.

L'équipe va être renforcée : un demi-poste de psychologue, un demi-poste d'enseignant. L'approche pluridisciplinaire sera ainsi renforcée.

Prisons préventives

Champ-Dollon

Champ-Dollon est une prison préventive destinée à accueillir essentiellement des personnes en attente de jugement et présumées innocentes, mais aussi des personnes condamnées à une peine privative de liberté de trois mois ou qui doivent subir un solde de peine de trois mois maximum. De l'avis de son directeur, M. Jean-Michel Claude, Champ-Dollon n'est pas un pénitencier et il s'en distingue notamment par des conditions d'incarcération plus dures (dues aux contraintes de la détention préventive). Les prévenus peuvent néanmoins travailler (aucune obligation) et avoir accès aux médias. Champ-Dollon offre du travail pour 170 personnes (sur 330 environ) : reliure, cuisine, buanderie, peinture, ferblanterie, menuiserie, nettoyage, ateliers protégés pour détenus pour abus sexuels.

Le temps de détention préventive à Champ-Dollon aurait baissé ces dernières années. Il est aujourd'hui de 26 à 28 jours.

Néanmoins, le nombre de détenus purgeant une peine n'est pas à négliger, notamment ceux qui font recours et restent par conséquent en préventive à Champ-Dollon, ceux qui sont en attente de transfert dans un pénitencier, ceux détenus en vertu de l'art. 43 - il y une personne qui est à Champ-Dollon depuis 5 ans ! - et ceux purgeant une peine courte (laquelle peut parfois s'étendre jusqu'à deux ans). Le temps de la préventive varie en fonction de la gravité de ce qui est reproché et de la durée de l'enquête et de la procédure judiciaire, sans compter que le temps de séjour en détention est souvent plus long pour un étranger que pour un Suisse ou un Genevois.

En conséquence, on peut évaluer à 50 % le nombre de prévenus, et à un quart le nombre de détenus en recours. Reste un quart de condamnés (une seconde évaluation fournie en fin d'année par M. Agad indique un chiffre de 17 % de condamnés). Le maintien de condamnés à Champ-Dollon, outre des raisons de transferts et d'accords entre pénitenciers, paraît s'expliquer par des motifs d'économie : garder des condamnés à de courtes peines ne coûterait pas plus cher que de les envoyer dans d'autres cantons et augmenter le nombre de détenus réduirait le coût. Il est à relever que certains détenu-e-s désirent aussi rester à Genève.

Lors de la première visite, M. Jean-Michel Claude, nouveau directeur, expose sa conception de la prison comme « entreprise composée au total de 220 collaborateurs », ayant à charge aujourd'hui près de 330 « clients ». Lors de l'audition, il relève la difficulté du travail avec des détenus qui ne connaissent pas encore la durée de leur séjour, « qui ont le sentiment que l'on ne s'occupe pas d'eux et l'impression d'être tout seul dans le désarroi ». M. Claude parle d'un « profil de destruction » que présenterait le détenu de Champ-Dollon. Le temps de détention préventive à Champ-Dollon aurait baissé ces dernières années. Il est aujourd'hui de 26 à 28 jours.

Sont abordés les problèmes de la sécurité des « clients », des mineurs (adolescents) incarcérés (ils étaient au nombre de trois le jour de la visite et de dix la semaine précédente), l'isolement en cellule des jeunes par souci de protection (ce qui engendre de la souffrance due à l'isolement et à l'inoccupation), le renouvellement du personnel (nécessitant un budget important), les statistiques établies grâce au programme « Papillon ». Lors de l'audition complémentaire à la première visite, il est question de la mise en place dès le 1er janvier 1999 de coins fumeurs dans le cadre de « l'Etat sans fumée mais pas sans fumeurs ». Un atelier du livre (atelier lecture) serait aussi ouvert dans le cadre de l'atelier reliure. Cet atelier comprendra une salle de classe et une bibliothèque (la bibliothèque comporte actuellement 14 000 volumes). La mise à disposition d'un psychologue pour les gardiens est prévu pour 1999 (transformation d'un poste).

Lors de la seconde visite, les bâtiments ont été vus : couloirs, cellules, cellules fortes, ateliers (buanderie, ferblanterie, peinture, jardin, menuiserie), cuisine complétée par une boulangerie. Ces ateliers servent essentiellement à la maintenance du bâtiment. L'atelier de reliure effectue des travaux pour l'extérieur. Cet atelier est le plus grand de la prison (tri du papier, confection de différents objets - boîtes et dossiers - reliure du Mémorial du Grand Conseil, travaux sur demande). Une annexe de cet atelier s'ouvrira au mois de septembre : l'atelier du livre qui représentera, outre une bibliothèque, un lieu de lecture, d'apprentissage de la lecture et de recherche documentaire.

Lors de cette seconde visite, la Commission des visiteurs a aussi été accueillie dans l'unité des femmes par Mme R. Volkmann et M. D. Zwahlen. Vingt-six places sont occupées par des femmes venant essentiellement de pays étrangers (Afrique, Amérique du Sud, France voisine). Les enfants ne sont pas admis.

Un atelier polyvalent, un atelier de peinture, rotin et papier, un atelier de couture, un atelier bois et un poste d'informatique sont à disposition. Les productions, comme à la Pâquerette, sont vendues à l'extérieur et leur produit rentre dans les caisses de la comptabilité de la prison, avant de revenir à l'unité pour des achats d'outils. Le travail créatif effectué avec les détenues par Mme Volkmann est remarquable.

C'est dans l'unité médicale que des détenues peuvent être reçues avec leur bébé jusqu'à l'âge de 18 mois.

Cette unité fonctionne comme une polyclinique et assure des consultations de médecine générale, de psychiatrie, de soins dentaires, ORL et ophtalmologie. Le service comprend, outre médecins et infirmières, un psychiatre, deux psychologues et un psychologue stagiaire.

Lors de la discussion sont abordées les questions de la visite de sortie qui n'existe pas et qui pourrait peut-être éviter des drames (suicide par exemple), de la toxicomanie et en particulier du conflit entre une politique d'ouverture menée par le service médical avec remise de seringues sur une base d'échange et une politique pénitentiaire qui confisque les seringues !

Lors de la troisième visite à Champ-Dollon, un certain nombre de questions ont été discutées avec M. Claude :

le pourcentage de prévenus et de condamnés ; dans les prévenus, le nombre qui quitteront innocents la prison,

le droit de pétition (et l'interdiction de sondage fait par les détenus),

l'accueil des détenus,

les fouilles (problème du contrôle de l'entrée des drogues et des armes),

les activités sportives (130 minutes par semaine avec deux maîtres de sport dont un surveille),

le service médical qui est une polyclinique fonctionnant comme un cabinet médical,

le rituel qu'est la tournée des médicaments,

la question de la musique (suite à une demande d'un prisonnier d'acheter un synthétiseur),

les promenades (130 minutes par jour),

l'interdiction des plaques chauffantes dans les cellules (risque d'incendie et moyen d'évasion),

la TV par câble,

l'usage des CD-Rom,

l'épicerie.

Sion (VS)

La nouvelle prison de Sion vient s'ajouter à deux autres prisons préventives : la prison de Brigue, ouverte en 1985, et la prison de Martigny, ouverte en 1995, sans compter les places pour accueillir les détenus en prison préventive dans des cellules « spécialement aménagées » des postes de police de Viège, Sion, Martigny et Monthey.

La nouvelle prison de Sion n'avait pas encore ouvert ses portes lors de la visite. Ainsi c'est d'abord l'architecture qui a retenu l'oeil des commissaires. Une architecture de type conventuelle, symétrique avec une cour intérieure non accessible aux détenus, dans laquelle dominent le béton et l'aluminium. Conçu pour répondre à deux exigences essentielles de la prison préventive - éviter les évasions et la collusion -, un mur d'enceinte s'élève à quelques mètres du bâtiment et les ailes de détention sont dos à dos.

La prison compte une aile de semi-détention-semi-liberté, et quatre ailes de détention préventive. Au total 121 places, lesquelles peuvent être multipliées par deux si nécessaire, puisque chaque cellule possède deux lits superposés en béton. Les murs ont été peints dans une teinte rouge qui, de l'avis de M. Beytrison, s'atténuera avec le temps.

Chaque cellule est munie d'un W-C turc commutable en douche. Il en va de même des cachots construits en contrebas de l'établissement, lesquels donnent sur un couloir en béton.

La chaufferie à bois de la prison consommera 500 m3 de bois par année.

Pénitenciers, établissements de fin de peine et autres

Crêtelongue (VS)

Ouvert en 1931, l'établissement reçoit des détenus primaires non dangereux. Il compte 38 places en section fermée et 15 places en section ouverte. En général y sont envoyés des détenus pour des peines de courte durée. On y trouve plusieurs ateliers : scierie, menuiserie, caisserie, déchiquetage, buanderie, auxquels s'ajoute un domaine d'une centaine d'hectares (culture fruitière et céréalière, vigne, pomme de terre et 125 têtes de bétail). Ce domaine permet de fournir une occupation aux détenus et de leur apprendre le travail des champs. Crêtelongue dispose d'une salle de musculation et d'un local d'ordinateurs (trois PC et deux imprimantes).

Une annexe de la prison accueille les personnes sous mesure de contrainte.

Un projet de transformation de l'établissement (notamment pour la construction d'ateliers fermés) a été devisé à 7,5 millions, inscrits en principe dans le prochain plan financier cantonal valaisan.

Les détenus placés par le canton de Genève avaient reçu de la part de la direction un document mentionnant la visite, document sur lequel le détenu indiquait s'il voulait être auditionné et signait.

Bellechasse (FR)

L'établissement, construit en 1915, reçoit des détenus condamnés à des peines allant de 6 mois à la réclusion à vie. Il inclut un secteur pénitentiaire (régimes ouverts et section fermée) et un secteur de privation de liberté à des fins d'assistance. Deux cellules disciplinaires (cellules fortes) se trouvent dans le sous-sol. La politique de l'établissement est basée sur le régime progressif - dont les prémisses existent depuis 1920 - avec quatre phases (de l'observation à la libération conditionnelle). L'établissement s'est en outre spécialisé dans la prise en charge des détenus condamnés pour des délits à caractère sexuel (22 détenus pour 1997 dont 13 Suisses et 9 étrangers). Il reçoit aussi au bâtiment dit « La Sapinière » des détenus sous l'article 43 du Code pénal.

Un travail remarquable semble être fait afin de favoriser la re-socialisation et la réinsertion des détenus par des formations internes (cours de langue, cours d'informatique, visite de professeurs) et externes à l'établissement (formation par correspondance, apprentissage théorique, stages pratiques), lesquels semblent être bien suivis puisque au premier trimestre de l'année 1998, sur environ 200 détenus, 50 avaient suivi des cours hebdomadaires et 27 une formation par correspondance (système Auxilia).

Un système d'autorisation de congé a été mis en place depuis quelques années pour les détenus étrangers expulsés. Sur 933 autorisations délivrées jusqu'au jour de la visite de la commission, seuls 10 échecs ont été enregistrés.

Les établissements pénitentiaires de la Plaine de l'Orbe (EPO) (VD)

La visite de Bochuz a été introduite par une vidéo réalisée à la fin de l'année 1997 et produite par l'établissement avec des détenus. Les EPO accueillent des détenus primaires dits « dangereux » et récidivistes. Dans le pénitencier, l'exécution des peines s'organise selon un système progressif en trois phases : régime spécial, régime permettant l'observation du détenu et régime de responsabilisation du détenu. Les deux derniers régimes s'exécutent à la Colonie, territoire non clôturé. L'accent est mis sur la responsabilisation qui fait partie d'un contrat écrit et signé de se conformer aux règles et de recevoir en échange formation, travail et loisirs.

Des arrêts disciplinaires sont prévus pour les détenus ayant causé des bagarres ou disposé de matériel illicite, pouvant aller de huit jours (sous la compétence de la direction), jusqu'à quinze jours (confirmé par le chef du service pénitentiaire) et trente jours (sous la compétence du chef du département). Le détenu bénéficie d'une heure de sortie. Il ne dispose alors ni de télévision, ni de radio, mais d'un livre.

Il y a 34 nationalités différentes aux EPO.

La durée moyenne des peines se situe autour de dix ans et demi, sans tenir compte des détentions à vie et des mesures de l'art.43 (environ 25 personnes). 42 détenus (soit 20 %) le sont pour des délits à caractère sexuel, ceux-ci n'ont pas de prise en charge spécifique et quotidienne, l'établissement ne possédant pas d'unité thérapeutique proprement dite.

Depuis le 1er avril 1998, une division (6 places) accueille les détenus particulièrement dangereux. Il est encore envisagé la création d'une division psychiatrique de 14 places dans le pénitencier, qui relèvera de la médecine psychiatrique pénitentiaire.

De manière générale, M. Pieren estime que l'état de santé des détenus, mis à part les détenus toxicomanes et souffrant de troubles psychiatriques, est meilleur après leur passage aux EPO qu'à leur arrivée.

Aux EPO, les détenus disposent d'un parloir familial séparé des autres parloirs (une fois par mois). Aucun surveillant n'assiste à la visite, mais les relations sexuelles sont interdites. Une salle est réservée dans l'infirmerie pour les rencontres de couple (une fois tous les trois mois). Ce « parloir intime » est avec celui de la Stampa unique en Suisse.

Les promenades des détenus en division de sécurité renforcée ont lieu sur le toit du pénitencier au toit grillagé partiellement découvert (selon convention européenne).

Bellevue (NE)

A l'origine, l'établissement de Bellevue avait été conçu pour accueillir des jeunes filles ayant des troubles graves du comportement, ce qui n'est pas sans conséquences sur l'adaptation du bâtiment aux besoins carcéraux actuels.

Aujourd'hui, la prison peut accueillir 60 détenus en exécution de peine avec une équipe changée et renforcée depuis 1966, soit 15 surveillants et deux centralistes. S'ajoutent un service psychosocial avec deux psychologues à mi-temps, une formatrice à mi-temps, un animateur à 70 %, un demi poste d'assistant social et neuf maîtres d'ateliers (démontage de téléphones, mécanique, menuiserie).

L'objectif de l'établissement, « restructuré » après un rapport d'experts. Cela va de pair avec une attention particulière accordée aux conditions de travail des collaborateurs. C'est le canton même qui forme les gardiens en fonction des exigences du Centre suisse de formation du personnel pénitentiaire. Un travail en synergie est souhaité entre les collaborateurs. Cette philosophie de travail est discutée dès l'entretien d'embauche. « Si l'on veut respecter les détenus, il faut respecter les personnes chargées d'encadrer ces détenus » affirme M. Schenk, chef du Service des établissements de détention du canton de Neuchâtel. Une première étape pour rendre la dignité au détenu est de les appeler « M. » suivi de leur nom. Quant à Mme Dusong, conseillère d'Etat, elle se réjouit de la qualité humaine de cette petite prison, dans laquelle la personne humaine est au centre.

Bellevue est le seul établissement concordataire qui reçoit des détenus sous traitement de méthadone permanent.

La moyenne de détention est de deux à trois ans. Un détenu a 78 ans.

Bellevue entre dans un projet plus vaste de cohérence carcérale dans le canton de Neuchâtel entre les cinq établissements du canton (prison préventive de la Chaux-de-Fonds, prison de Neuchâtel, prison de semi-liberté de Boudry, maison d'éducation au travail de La Ronde et Bellevue à Gorgier), en créant un service pénitentiaire.

Le projet psychosocial de l'établissement comporte trois axes : la personne en détention, l'établissement et le Service cantonal des établissements de détention. Concernant le détenu, le travail est vu comme un accompagnement dans un processus relationnel et thérapeutique. Le projet d'exécution de peine inclut aussi le parloir familial. C'est donc aussi un travail en réseau qui est proposé (service placeur, patronage, autres établissements de détention) et une prise en charge intégrale du détenu dès le premier jour. Le séjour est ponctué de bilans avec le détenu, de synthèses et de colloques pluridisciplinaires.

Un outil d'évaluation des détenus est mis en place pour les surveillants et les maîtres d'atelier afin de fixer les observations effectuées de toute façon par le personnel. Cette échelle évalue en particulier le comportement et peut donner lieu à un certificat de travail. Une réflexion est aussi menée pour proposer une autoévaluation du détenu.

Le projet socio-éducatif qui a cours à l'établissement d'exécution de peines de Bellevue modifie le travail traditionnel du gardien de prison, le rapprochant d'un travail d'éducateur et d'assistant social. Cette orientation plus sociale de la profession est qualifiée « d'heureuse » par M. Schenk.

Le détenu peut décorer à sa manière les murs de sa cellule. Seules ne sont pas tolérées les images avec pénétration sexuelle. Le détenu peut manger en cellule ou en commun. La vue depuis les cellules donne sur le lac.

Maison de Riant-Parc (GE)

Avant d'être un établissement d'exécution de peine pour des femmes mineures et adultes, la Maison de Riant-Parc avait accueilli des hommes. On est alors passé de trente à douze places. Alors que les hommes n'y séjournaient que quelques jours (pour raison essentiellement de taxes militaires non payées), les femmes peuvent y effectuer un long séjour, y compris avec leur bébé puisqu'il y a un secteur maman-enfant (avec un berceau et une table à langer). Il est prévu d'aménager une douche et des toilettes à côté du secteur maman-enfant.

La Maison de Riant-Parc abrite deux quartiers pour mineures placées par le Tribunal de la jeunesse, soit QM1 et QM2, séparés des adultes par une porte. Les locaux sont exigus, c'est pourquoi les juges des mineurs hésitent entre autres à y placer des jeunes filles. La moyenne du séjour des mineures est de 4-5 jours. 50 % des jeunes filles sont ensuite expulsées hors du territoire. Les cellules des QM1 et QM2 seront - lorsque les jeunes filles iront à la Clairière - affectées aux adultes probablement pour des fins de peines. Il n'existe actuellement pas de cachot à Riant-Parc.

Les détenues adultes sont incarcérées pour conversions d'amende, escroqueries et trafic de stupéfiants. Pour les mineures, il s'agit essentiellement de vol, d'extorsion et menaces.

Les détenues sont astreintes au travail (buanderie, cuisine, peinture sur bois et sur tee-shirts, mise sous enveloppe et découpage, jardinage et entretien de la propriété). Des formations sont possibles en informatique et en dessin.

Notons qu'aucune fouille corporelle n'est effectuée, puisque, selon la direction, celle-ci devrait revenir au médecin. Des tests d'urine sont pourtant effectués et les chiens de la brigade des stupéfiants peuvent être amenés dans la maison.

Le Vallon (GE)

Le Vallon est une maison de fin de peine. Le bâtiment a été construit en 1900 dans le but d'accueillir une clinique psychiatrique. Annexe de la Clinique de Bel-Air d'abord, elle a ensuite été affectée à l'accueil de jeunes délinquants jusqu'à 25 ans. Relevant jusqu'en 1993 du Département de justice et police, elle est aujourd'hui privatisée et rattachée à la fondation des Foyers « Feux-Verts ». Outre le personnel (3 gardiens-surveillants, 4 maîtres d'ateliers, une éducatrice, une assistante-sociale, un directeur-adjoint et un directeur), une entreprise privée assure les surveillances de nuit.

Le Vallon accueille 20 détenus en fin de peine y compris en provenance d'autres cantons (deux sont âgés de 75 et 81 ans). La moyenne de séjour va de trois à six mois.

Des ateliers sont proposés : mécanique, bricelets, cuisine, entretien, jardinage, tri du PET. Le travail effectué est socio-productif, c'est-à-dire qu'il vise à remettre le détenu dans le circuit et à l'aider à reprendre un rythme de travail. Des conventions sont signées avec des entreprises de la place. Le salaire est de 15 Frs brut de l'heure dès la troisième semaine de présence. Les bricelets sont notamment vendus à la Placette, à la COOP, dans plusieurs maisons de personnes âgées et chez les glaciers de la rade. Des possibilités d'apprentissage existent.

En cas de découverte de drogue, le détenu retourne à Champ-Dollon. Le Vallon n'a pas de médecin attitré.

Centre de sociothérapie de La Pâquerette

La Pâquerette est un centre d'exécution de peine qui reçoit 11 détenus qui y viennent volontairement, désireux d'agir sur leur vie, d'évoluer et d'adopter des attitudes moins dommageables pour eux-mêmes et pour les autres. Une quinzaine de demandes sont en attente. Ces détenus peuvent être de jeunes adultes (18-25 ans) comme des adultes multirécidivistes. Leur point commun est d'avoir des désordres graves de la personnalité (certains peuvent être au bénéfice de l'art. 43). A l'origine, le centre était un atelier protégé et il est géré par l'Institut de médecine légale. L'exposé a été fait par un détenu expliquant les règles du centre.

La visite de la commission s'est déroulée dans une ambiance particulièrement conviviale avec café et discussion libre avec la directrice, Mme de Montmollin, les sociothérapeutes (deux femmes et un homme) et les détenus. Un travail remarquable d'écoute dans le respect des détenus semble s'y faire.

Un travail artisanal et artistique est effectué par les détenus et leurs productions sont vendues sur les marchés plusieurs fois par année. S'ajoutent une salle de cours, une salle de musique (avec prochainement un piano) et une salle d'informatique.

Mme de Montmollin signale le travail qu'elle est en train de réaliser sur le devenir des anciens détenus. Il serait souhaitable que les conclusions soient connues du public et que des leçons en soit tirées pour l'ensemble de la prise en charge pénitentiaire.

Maison de Pinchat

La maison de Pinchat, fondée en 1980 (anciennement « centre Le Tram ») est une structure de prise en charge pour toxicomanes (hommes de plus de 18 ans) en exécution de peines ou de mesures (article 44 CPS). Elle est gérée par la Fondation romande pour toxicomanes internés et condamnés. M. Gérard Ramseyer préside son conseil de direction.

Lors de la visite, aucun détenu genevois n'y séjournait. Par contre, plusieurs détenus venaient du canton de Vaud qui utilise cette structure comme deuxième étape après le Levant. Il y avait 12 détenus.

Les détenus passent généralement 18 mois répartis en trois étapes jusqu'à la phase postcure (dans un appartement en ville). La Maison de Pinchat peut accueillir de quatorze à dix-sept pensionnaires, lesquels sont encadrés par cinq éducateurs, une psychologue et trois maîtres d'ateliers (ateliers bois et mécanique, buanderie).

Les chambres sont à trois ou cinq lits, sans télévision ni sans radio (celles-ci sont dans la salle à manger). Le walkman est autorisé.

La Maison de Pinchat s'inscrit dans le sillage des Rives du Rhône valaisannes. Les détenus arrivent sevrés. Ils suivront pendant leur séjour une thérapie comportementaliste avec groupes de discussion et bilans. Rares sont les contacts avec les familles qui selon Mme Barragan, directrice adjointe, sont à 80 % des « milieux familiaux destructurés ». Une étude menée sur le devenir de 57 pensionnaires a montré que la moitié ne rechute pas.

Favra (GE)

La maison d'arrêt de Favra à Genève a été construite en même temps que Champ-Dollon en 1978. A l'origine Favra était une maison d'éducation au travail comme Pramont (15 places). Puis, par souci d'économie, il est devenu un lieu de détention pour les peines courtes. Enfin, Favra est devenu pour M. Reymond, directeur du Sapem, un « mini Bellechasse » pour des détenus primaires non dangereux. Aujourd'hui Favra reçoit les personnes sous mesure de contrainte. Demain, toujours selon M. Reymond, elle sera affectée aux délinquants primaires non dangereux.

L'établissement a aujourd'hui besoin de recevoir des placements venant des cantons de Vaud, Fribourg et de Berne pour être plein.

Le personnel actuel a été formé pour encadrer des détenus locaux, notamment pour le travail dans les ateliers, et les gardiens se retrouvent avec des personnes étrangères qui ne parlent pas français et n'ont pas d'obligation de travailler. Il faut noter que ces gardiens ont un salaire inférieur de quatre classes à ceux de Champ-Dollon pour une même formation effectuée à Fribourg au Centre suisse de formation pénitentiaire.

Le jour de la visite, il y avait 12 gardiens pour 4 personnes sous la loi sur les mesures de contrainte.

Visites des violons

Les visites ont été effectuées entre 21 h 30 et 22 h 50, soit pendant le service de nuit.

Les différentes délégations de la commission (4 et 3 personnes) ont ainsi trouvé les situations suivantes :

Au poste du boulevard Carl-Vogt: deux gardiens de nuit pour 14 violons et trois « passades », soit des chambres renforcées pour mineurs et femmes, sans W-C, des locaux vétustes et exigus, quatre personnes enfermées sous mandat d'amener dont une a souhaité rencontrer la commission. Le président de la commission seul est entré dans le violon pour l'auditionner. L'homme ne semble pas avoir reçu les informations nécessaires et/ou ne pas avoir compris ses droits.

Le poste du boulevard Carl-Vogt constitue le point de rassemblement de toutes les personnes arrêtées, c'est un passage administratif pendant lequel aucune fouille corporelle ne se fait.

Au poste du chemin de la Gravière : ce poste ordinaire reçoit les personnes interpellées jusqu'à leur transfert au poste du boulevard Carl-Vogt en cas d'arrestation. En principe (sauf si le poste du boulevard carl-Vogt est plein), aucune personne n'y passe la nuit. Les locaux ne sont pas équipés pour servir de repas aux prévenus. Il s'agit de deux violons avec toilettes turques et lumière néon à l'extérieur de la cellule. Une sonnette permet d'appeler un agent.

Au poste de Pécolat : cinq agents sont présents pour la nuit, un local LAVI pour les auditions est encaissé entre un mur, une armoire et deux paravents, deux salles d'audition (avec vitre sans tain), et trois violons avec W-C turcs et sonnette d'appel. Les violons sont vides. Bien que les locaux ne soient pas très grands, le poste de Pécolat est très chargé.

Au poste de Plainpalais: trois gendarmes forment l'effectif de nuit. L'horaire des gendarmes est particulièrement lourd, un week-end de congé par mois (heures supplémentaires - 2000 heures de travail par gendarme et par année -, travail deux nuits consécutives), ce qui n'est pas sans incidences sur la vie familiale et le taux des divorces.

Le poste dispose d'une salle d'accueil, d'une salle LAVI, de plusieurs bureaux et de violons relativement spacieux avec toilettes turques et sonnette d'appel. Cette « qualité » des conditions de détention pourrait avoir des effets sur les relations avec les personnes prévenues et leur degré de violence.

Remarques générales

Aucun manquement aux conditions « normales » de détention n'a été relevé dans les lieux de privation de liberté visités. En général les relations entre détenu-e-s et gardien-ne-s (ou surveillant-e-s) sont bonnes (preuve en est la stabilité du personnel).

Pourtant des faits - des détails même - ont pu être soit relevés lors de la visite, soit entendus lors d'auditions qui s'ils étaient additionnés pourraient rendre la vie carcérale plus difficile qu'elle ne l'est en général pour la majorité des prisonniers. Nous relèverons, sous forme de questions, les éléments qui demandent une attention particulière du point de vue des conditions d'incarcération.

1. La question du temps, laquelle apparaît cruciale pour un détenu qui souffre de ce que les réponses, les informations, les autorisations ne viennent pas assez vite. S'ajoute celle de la correspondance : les délais trop longs d'envoi et de réception, et la disparition de lettres.

2. La question des congés. Il faut remarquer que la Romandie est plus restrictive en matière de congés puisqu'elle les accorde pour les détenus primaires à un tiers de la peine, alors qu'en Suisse-allemande elles le sont à un sixième de la peine.

3. La question de l'accès aux soins médicaux (mode d'accès, rapidité, lien entre la direction de la prison et les services de soins).

4. La question de la distribution des médicaments (taux élevé de distribution, trafic de médicaments, prise de médicaments).

5. La question des visites et en particulier de favoriser le maintien des liens familiaux, conjugaux et d'amitié.

6. La question de la sexualité dans les prisons (le changement de sexualité par nécessité, les viols, la transmission du sida).

7. La question des rencontres à l'extérieur des bâtiments ou à l'intérieur (parloirs intimes).

8. La question du coût de la détention (voir annexe).

9. La question de l'incarcération des mères avec enfant en bas âge (jusqu'à 18 mois, voire 3 ans).

10. La question de l'accès des informations (écrites ou orales) dans la langue des détenu-e-s.

11. La question des détenu-e-s toxicomanes (prise en charge, soins, sevrage, traitement, thérapie).

12. La question du recouvrement des prestations AVS lorsque le détenu est étranger et retourne dans son pays.

En ce qui concerne la privation de liberté de 24 heures dans les violons de la police, il apparaît que pour des raisons diverses (langue, état particulier de la personne, choc de l'arrestation, compréhension de l'art. 107 du C.P.) les détenu-e-s ne sont pas toujours bien informé-e-s de leur droit et du règlement. Par ailleurs, les mineur-e-s peuvent comme les adultes rester au maximum 24 heures dans des cellules qui n'ont pas de W-C, sans possibilité de faire actionner la lumière et sans veilleuse pour la nuit ce qui pourrait être pour des jeunes filles et garçons une cause d'angoisse qui s'ajoute au choc de l'arrestation.

Quant aux salles permettant d'auditionner les victimes, elles devraient être mieux isolées notamment des regards.

II  Auditions

Détenus ayant fait la demande

Lors de la première visite à Champ-Dollon, sept détenus ont demandé à être entendus (dont un dans le quartier cellulaire de Champ-Dollon) sur un total de près de 350. La seconde visite s'est faite sans audition, puisqu'elle a été consacrée à la Pâquerette (où des détenus ont été rencontrés), à Favra et au Vallon. Une troisième visite à Champ-Dollon a permis d'entendre cinq détenus, dont l'un avait expressément demandé par lettre à être entendu au sujet d'une pétition qu'il désirait faire circuler dans la prison. La commission s'est alors scindée en trois groupes.

Le pétitionnaire a soulevé un certain nombre de points :

le droit de faire circuler une pétition,

l'humiliation de baisser son slip après chaque parloir,

l'accueil au service médical et l'attente pour les consultations médicales,

l'amélioration de l'accueil à Champ-Dollon, notamment quant à l'information sur la prison,

le manque de savoir-vivre de certains gardiens qui ne donnent pas un bon exemple,

la demande d'avantage d'activités sportives,

la façon d'apprêter les repas,

le manque d'articles à l'épicerie,

la qualité des produits vendus,

l'inadéquation de certains produits par rapport à la demande,

le souhait qu'une liste des différents produits apportés par les visiteurs soit diffusée,

la possibilité d'utiliser des CD,

la demande de la TV câblée moyennant 10 F par détenu et par mois.

Un détenu de Champ-Dollon a demandé un entretien particulier s'ajoutant aux nombreuses lettres envoyées pendant l'année (une douzaine). La situation tout à fait particulière de ce détenu n'a cessé de préoccuper les membres de la commission. Un sous-groupe de trois personnes s'est constitué pour lui rendre visite à Champ-Dollon. Vu la problématique posée par ce détenu et la complexité des faits juridiques qu'elle engendre, les accusations du détenu à l'encontre des services de la prison (de la bibliothèque, de la poste, des gardiens, des convoyeurs, du culte) et, surtout, l'absence de compétence donnée à la commission pour une quelconque action, seule une recommandation à l'action des pouvoirs compétents est demandée par la commission dans le but de mettre fin aux souffrances multiples qui touchent les membres de cette famille déchirée. Néanmoins, au mois de septembre la commission a pris la décision d'écrire au dit détenu et d'auditionner le professeur Harding comme il avait été suggéré par le détenu.

Dans les autres établissements: aucun jeune de la Clairière n'a souhaité rencontrer les membres de la commission, aucun détenu n'a souhaité être auditionné à la Maison de Pinchat et aucune détenue à la Maison de Riant-Parc.

Dans les pénitenciers du concordat romand, au total 12 détenus sur 67 ont demandé à être entendu par la commission.

3 détenus à Crêtelongue sur 4 détenus placés par les autorités genevoises,

5 détenus à Pramont sur les 5 détenus placés par les autorités genevoises,

2 détenus aux EPO sur 26 détenus placés par les autorités genevoises,

zéro à Bellechasse sur 17 détenus placés par les autorités genevoises (dont 15 étrangers),

2 détenus à Bellevue sur 15.

Le nombre relativement peu élevé des demandes laisse supposer que les conditions de détention sont en accord avec ce que les détenu-e-s peuvent supporter. Certains détenu-e-s venant d'autres pays ont déjà connu la prison et peuvent même être étonné-e-s des conditions matérielles de détention en Suisse. Néanmoins, certaines remarques de la part de détenu-e-s laissent planer un doute sur :

la façon dont les visites sont annoncées ;

la proximité de la direction des établissements avec la commission ;

les représentations sociales des prisonniers de l'utilité voire de l'efficacité de la commission ;

l'éventualité de crainte de mesures de rétorsion.

Beaucoup de demandes, voire de revendications relèvent de besoins affectifs liés à la privation de liberté : demande d'être écouté, d'être pris en considération, demande de soins et rapport au temps qui est particulièrement long en prison (longueur des réponses aux demandes, temps d'attente chez le médecin). Tous ces types de demandes ne sont pas illégitimes, mais leur réalisation demande souvent un accroissement de personnel et donc une conception politique de la prison réparatrice plus que punitive. Un certain nombre de remarques et revendications peuvent être ainsi regroupées :

l'usage du système progressif en vigueur dans de nombreux lieux de détention et d'éducation ne va pas sans un usage répressif particulièrement propice à des abus et surtout particulièrement démoralisant pour le détenu. Cela ouvre la question du pouvoir discrétionnaire du Sapem qui est ressenti par certains détenu-e-s comme arbitraire, notamment dans les cas de transfert ;

la façon dont les détenu-e-s sont informé-e-s sur leur situation, sur leur droits, sur ce qu'est la vie carcérale, sur la psychologie particulière du détenu, problème qui s'accentue pour les détenu-e-s analphabètes (beaucoup d'informations sont écrites) et pour les détenu-e-s non francophones ;

l'importance du sport comme activité pour les personnes privées de liberté: augmentation du temps de sport et diversification des types de sport ;

la fouille corporelle obligatoire - avec génuflexion ou non - qui est vécue par les détenus comme humiliante et qui, n'étant pas une fouille intime (qui ne pourrait être effectuée que par un médecin) n'assure nullement une non entrée de drogue dans les prisons. Quant au passage d'objet (tel une arme) dans un slip, un appareil de détection ne serait-il pas suffisant ?

les demandes liées à l'accessibilité aux nouvelles technologies (CD, CD-Rom, ordinateur, Internet, télévision câblée), lesquelles doivent être étudiées aujourd'hui afin d'assurer la sécurité (risque d'évasion, de communication avec l'extérieur), mais surtout le maintien des liens avec la réalité extérieure et la formation (culturelle, professionnelle). Notons que les détenus de La Pâquerette bénéficient déjà de ces nouvelles technologies ;

l'importance de distinguer les catégories de détenus : prévenus et détenus, multirécidivistes et délinquants primaires.

Médecin entendu sur demande de la Commission de grâce.

Suite à un échange de correspondance entre le médecin responsable de la colonie pénitentiaire de Crêtelongue et le Grand Conseil, la Commission des visiteurs officiels a profité de l'opportunité de la visite, sur demande du président du Grand Conseil, M. Koechlin, pour le rencontrer et éclaircir les raisons du ton de sa lettre et entendre ses regrets et excuses. En effet après un refus de la grâce d'un prisonnier suivi par le médecin, ce dernier avait envoyé une lettre dont le ton avait heurté les député-e-s. Le médecin reconnaît que le ton de sa lettre était très dur et il l'explique par sa compassion à l'égard du détenu. Le président de la commission en a pris acte et rendu compte par lettre au président du Grand Conseil.

III. Réflexions

La commission, outre les visites et auditions, a mené tout au long de l'année deux réflexions qui ont pris corps autour du projet de loi 7822 et du projet de loi 7843.

Soit :

la question de la détention des mineur-e-s et en particulier de l'isolement cellulaire ;

la question des compétences de la Commission des visiteurs.

1/ Le projet de loi ouvrant un crédit d'investissement pour les travaux de transformation et d'aménagement du bâtiment « La Clairière » à Montfleury (Satigny) (PL 7822) ressort à la Commission des travaux. La Commission des visiteurs a donc donné un préavis sur la conception d'un tel établissement et sur le concept pédagogique, sans aborder les aspects techniques des travaux. Le préavis donné a été positif à la majorité moins deux voix (voir à ce sujet le préavis, le préavis négatif et l'adjonction au rapport de la Commission des travaux). Une quasi unanimité s'est faite autour de la question de la mixité - afin surtout d'éviter aux jeunes filles un placement dans une prison pour adultes - et de la nécessité d'adapter les cellules de La Clairière aux règles minimales de la Confédération et à celles de l'Union européenne (dimension des cellules de 10m2 - 8 m2 lorsqu'il ne s'agit pas de nouvelles constructions - toilettes et eau dans les cellules). Par ailleurs, une quasi unanimité s'est faite sur l'absence de concept socio-éducatif (lequel est d'ailleurs toujours en élaboration par M. Frankhauser, qui travaille pour cela avec le directeur administratif des Foyers Feux-Verts).

Il n'en demeure pas moins que certains traits sont déjà tirés notamment autour du concept de mixité et de l'isolement. Soit :

les trois premiers jours sont ceux de l'enfermement complet qui signifie entre 10 et 11 heures de cellule par jour, auxquelles s'ajoutent les heures de nuit (soit de 21 heures à 7 heures du matin), la journée à mi-temps (demi-journée prise en charge individuelle, demi-journée prise en charge collective), soit 4 à 5 heures en cellule (plus les heures pendant la nuit) ;

la mixité est envisagée dans le régime d'observation et d'exécution de peine ;

les éducateurs n'interviendront jamais seuls auprès des jeunes filles ;

l'augmentation des temps en commun en fonction du bon comportement et après deux mois d'exécution de peine.

Néanmoins, il ressort des discussions des conceptions différentes au sein de la commission concernant le traitement des mineurs en détention (qu'ils soient prévenus ou en observation ou en détention après jugement). Soit (il s'agit d'un inventaire de positions extrêmes qui supposent des intermédiaires) :

privilégier les besoins des jeunes ou ceux des magistrats,

opter pour une prise en charge éducative et thérapeutique (où la détention apparaît comme subsidiaire ou résiduelle) ou pour l'imposition de limites fermes et contraignantes,

supprimer l'isolement cellulaire (ou ne lui donner qu'un caractère exceptionnel) ou le maintenir comme fondement de la détention des jeunes,

privilégier une mixité réelle entre les sexes (contacts, échanges, travail et loisirs en commun) ou une pseudo-mixité qui revient à adjoindre deux bâtiments, l'un pour les filles et l'autre pour les garçons,

mener une profonde réflexion sur le traitement des mineurs en conflit avec la loi (sur la base notamment de statistiques) ou saisir l'opportunité des subventions fédérales,

faire le choix d'une suppression d'établissement de détention pour mineur-e-s au profit d'équipes psychopédagogiques efficientes dans les maisons d'éducation actuelles ou englober l'établissement dans un cadre carcéral avec la proximité de personnes adultes détenues selon la loi sur les mesures de contraintes,

refuser totalement l'isolement cellulaire (y compris pendant les trois premiers jours) ou maintenir un isolement « bénéfique » (chambre de réflexion),

privilégier une politique éducative axée sur la relation et l'encadrement humain renforcé ou une politique répressive favorisant un encadrement matériel (murs des cellules, portes fermées, murs ou grillage d'enceinte, etc.).

En outre, la question se pose de transformer la Clairière actuelle pour les mesures de contrainte, alors qu'un bâtiment existe déjà : la maison Favra. De surcroît la proximité projetée entre la maison de détention pour mineurs à Montfleury et celle pour les mesures de contrainte accentuerait pour les jeunes le caractère carcéral peu en accord avec un concept psycho-éducatif de prise en charge.

2/ Les compétences de la commission découlent des articles 227 et suivants de la loi portant règlement du Grand Conseil stipulant un examen des conditions d'incarcération dans des lieux de détention. Le terme de « lieu de détention » est pris au sens restrictif, puisqu'il s'agit des établissements concordataires pour adultes et jeunes adultes et des établissements pour adolescent-e-s placé-e-s par une autorité pénale genevoise qui comprennent des prévenu-e-s et des condamné-e-s primaires ou récidivistes. En 1994 un accord est conclu avec la police pour élargir les compétences de la commission à la visite des postes de police, moyennant une réunion d'une délégation d'au minimum trois député-e-s de partis différents. Les compétences de la commission se sont donc étendues aux personnes sous mandat d'amener.

Les requérants d'asile ne relèveraient donc pas aujourd'hui des compétences de la commission.

Par le projet de loi 7843 modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil, le débat est ouvert autour de la définition de la détention. Le projet propose de remplacer ce terme aux contours imprécis (en effet certains lieux, centres de requérants d'asiles ou de protection civiles peuvent être utilisés à des fins de détention et un foyer de semi-liberté pour mineurs est reconnu par le Tribunal fédéral comme lieu de détention) par « privation de liberté » (en vertu du droit pénal, administratif, civil et de la loi sur la police), permettant ainsi d'inclure les personnes relevant de la loi fédérale sur les mesures de contrainte, des personnes privées de liberté à des fins d'assistance relevant du Code civil et les personnes placées au violon pour des contrôles d'identité.

Un prolongement du projet de loi 7843 en vue d'une refonte de la loi portant règlement du Grand Conseil permet de préciser les points suivants:

les compétences de la commission (en fonction de l'inventaire des « lieux de privation de liberté ») ;

les visites « à l'improviste » dans les postes de police et en général l'annonce des visites. Il faut rappeler que le rôle de la commission est aussi de voir s'il y a mauvais traitement ;

l'efficacité des visites et la crédibilité de la commission auprès des détenus. A ce propos, la commission a évoqué à de réitérées reprises la nécessité de réfléchir à l'efficacité de la commission et aux deux notions mises en avant par l'APT soit l'indépendance et la crédibilité. Concernant la première, l'actuelle procédure d'annonce des visiteurs relevant de la direction des prisons apparaît comme inadéquate. La commission propose que l'annonce soit faite directement par la Commission des visiteurs avec un papier à en-tête du Grand Conseil, lequel sera affiché à Champ-Dollon, et qu'elle soit transmise directement et personnellement aux détenus concernés dans les établissements concordataires. Les visiteurs devraient pouvoir rencontrer des membres du personnel autres que ceux de la direction sans la présence de la direction. La crédibilité de la commission tient à son indépendance à l'égard de la direction et du Département de justice et police et doit par conséquent pouvoir garder une certaine distance critique incompatible avec une présence constance de la direction (repas pris en commun, rapport des auditions des détenus) avec celle-ci, ce qui enlève de la crédibilité à l'égard des détenus ;

l'objet de la visite et les moyens d'observation et de contrôle des conditions carcérales. Le guide proposé par l'APT pourrait être considéré comme un outil d'observation à mettre en discussion au sein de la commission pour en faire un moyen approprié au contrôle parlementaire. Il s'agit en effet d'être à même non seulement de vérifier les conditions matérielles de privation de liberté, mais aussi le respect des droits (droit d'appeler le service médical, d'appeler un proche, de prendre contact avec un avocat), et les conditions dans lesquelles sont faites les fouilles et les déplacements en wagon cellulaire ;

la formation des visiteurs par le biais des cours donnés par la Croix-Rouge ou par d'autres moyens (auditions, formation ad hoc par l'APT, etc.) ;

la standardisation des rapports. L'outil que serait le guide d'observation pourrait aussi favoriser une forme standard du rapport annuel afin de favoriser la comparaison d'une année à l'autre et assurer un meilleur suivi des dossiers ;

les compétences des visiteurs et la nécessité d'une formation minimum qui remettrait en question la restriction du mandat à quatre ans ;

le secret de fonction ;

la féminisation du texte définitif de la loi.

Recommandations

La majorité de la Commission des visiteurs officiels suggère six recommandations inspirées par un certain nombre de points relevés lors des visites et lors des discussions en commission:

Maintenir une attention constante aux conditions de vie des détenu-e-s.

Développer des postes de travail centrés sur l'écoute et la relation et encourager la formation continue des gardien-ne-s.

Développer une collaboration intercantonale.

Faire une étude des coûts de la détention.

Améliorer la crédibilité de la Commission des visiteurs.

Prévenir la violence dans les lieux de privation de liberté.

1 a/ Une attention constante doit être portée aux conditions de vie des détenu-e-s. La qualité de celles-ci permet non seulement d'atténuer les souffrances de la privation de liberté et ainsi de diminuer ses effets secondaires en terme de médicalisation, de perturbations psychologiques et de violence, mais elle donne aux détenu-e-s le sentiment d'être respecté-e-s, prémisse à un « nouveau départ ». Pour ce faire, la majorité de la Commission des visiteurs met en évidence plusieurs situations relevées lors des auditions ou des visites qui ne répondent pas à ce critère de « qualité de vie ». Soit :

l'accès plus rapide aux soins (attendre 15 jours pour avoir une consultation paraît long pour des personnes privées de liberté et trois mois pour rencontrer un spécialiste aussi !). Il apparaît aussi que l'exigence d'une demande écrite est un handicap (difficulté de faire un auto-diagnostic), elle prétérite les personnes qui ne savent pas écrire (et qui n'osent l'avouer) ou qui ne parlent pas le français ;

la séparation des prisonniers en fonction de leur statut (« primaire » ou multirécidiviste) afin d'atténuer les problèmes de racket, de sodomie et de sévices corporels) ; en fonction aussi de leur dépendance au tabac ou non ;

la possibilité d'un travail d'alphabétisation et de formation pour les détenu-e-s qui resteraient plusieurs mois à Champ-Dollon (demande de recours, détention) tel qu'il se fait dans les pénitenciers ;

l'accès par la bibliothèque de Champ-Dollon au réseau romand des bibliothèques et au prêt interbibliothèque ;

la suppression de la fouille corporelle comme mesure vexatoire et son usage, après chaque parloir, que dans des cas exceptionnels.

Dans un souci de respect des personnes, la majorité de la commission encourage toute amélioration qui irait dans le sens de ces revendications. Par ailleurs, la majorité de la commission soutient les projets évoqués lors des visites qui visent à améliorer les conditions de vie des prisonniers à Champ-Dollon. Soit :

une meilleure communication de l'information lors de l'entrée à Champ-Dollon ;

la création d'un atelier du livre ;

l'utilisation des CD personnels et des CD-Rom dans le cadre de l'atelier du livre ou dans le cadre d'un atelier informatique ;

la location de PC ;

l'augmentation du temps consacré au sport ;

la publication d'une liste pour les visiteurs des produits autorisés à entrer ;

l'installation d'une antenne collective pour la réception de la TV ;

l'ouverture d'un atelier de création grâce à la récupération de containers scolaires afin d'agrandir la surface des ateliers existants ;

l'installation de sommiers en béton pour les matelas des cachots.

La majorité de la commission est favorable a une conception politique de la prison comme prison réparatrice plus que punitive. Il est notamment demandé :

un plus grand respect de la demande psychosomatique des détenu-e-s ;

une plus grande prise en compte de la parole du détenu-e ;

la distribution systématique de directives ou d'un règlement sur les droits des prisonnier-ère-s (y compris mineur-e-s) et les droits des personnes arrêtées ;

la rédaction d'un rapport sur la formation des gardiens à Champ-Dollon (recrutement, formation suivie, formation continue, supervision, langue étrangère) ;

l'adjonction à l'équipe psychopédagogique de La Clairière d'un psychiatre rattaché à l'institution et d'un psychologue dans l'établissement même ;

la mise à disposition, à Champ-Dollon, d'un psychologue pour les gardiens.

1b/ Concernant les mineurs privés de liberté, la majorité de la commission demande :

qu'aucun mineur-e ne soit plus envoyé-e à Champ-Dollon ou à Riant-Parc ;

que la prise en charge des jeunes détenu-e-s dans l'établissement de la Clairière repose sur un concept pédagogique clair et écrit (formation des éducateurs, travail avec les jeunes, mixité, etc.) et qu'il puisse être consulté par les personnes intéressées ;

que le temps de détention en préventive soit réduit au temps le plus court ;

que les fouilles corporelles soient supprimées ou, si vraiment nécessaires, effectuées par un médecin.

2/ Compte tenu du fait que la majeure partie des conditions de détention en prison et dans les postes de police repose sur la qualité de la relation entre détenu-e-s et entre détenu-e-s et professionnel-le-s, la majorité de la Commission des visiteurs est soucieuse de voir à l'avenir un développement de postes de travail centrés sur l'écoute des prisonnier-ère-s et sur la relation, ainsi qu'un encouragement à la formation continue des gardiens.

3/ La majorité de la commission souhaite que la collaboration intercantonale soit développée, notamment pour la création d'une Commission intercantonale de visiteurs officiels (laquelle pourrait être ouverte à des membres d'ONG, à des médecins) et pour la création d'un établissement ad hoc pour les détenus sous l'art. 43 qui sont hospitalisés dans un cadre sécuritaire (établissement ad hoc prévu dans le cadre du projet EEP 2000, conditions de vie, contrôle de la durée de l'internement). En 1996 déjà, le CPT s'était étonné de l'absence d'établissement pour ce type de détenu-e-s. Selon M. Savary (directeur-adjoint de Champ-Dollon), le chef du Service pénitentiaire vaudois aurait un tel projet pour les EPO. Actuellement Champ-Dollon (en particulier La Pâquerette) et Belle-Idée reçoivent des détenus sous l'art. 43 des autres cantons.

4/ La majorité de la commission souhaite que la question des coûts de la détention soit étudiée, afin que la répartition des détenu-e-s se fasse selon le critère de la proximité géographique avec les proches pour assurer le maintien des liens familiaux et d'amitié (essentiels à l'intégration sociale) et le critère du moindre coût (voir annexes).

5/ La majorité de la commission poursuit ses travaux sur le projet de loi 7843, néanmoins elle demande aujourd'hui que les visites de la Commission des visiteurs du Grand Conseil soient annoncées par le service du Grand Conseil, que l'on mette fin aux repas à l'intérieur de la prison et aux rapports d'audition en présence de la direction. Enfin que les visites dans les violons soient de vraies « visites à l'improviste ».

Il serait aussi souhaitable que le rapport de la Commission des visiteurs officiels soit rédigé d'année en année sur un modèle identique (rubriques, types de données, etc.) afin de permettre des comparaisons et d'assurer un meilleur suivi des travaux.

6/ La majorité de la commission souhaite enfin que toute la lumière soit faite sur l'accident survenu à Champ-Dollon qui a handicapé à vie un détenu (devenu tétraplégique) et que soit étudiée en particulier la question de la violence dans les prisons - et en général dans les lieux de privation de liberté - et de sa prévention.

Situation au 24 novembre 1998

La commission a réalisé la totalité du programme des visites prévues en début d'année, le projet de loi 7822 a été voté et les travaux sur le projet de loi 7843 sont suspendus dans l'attente des réponses du bureau du Grand Conseil, du DASS et du Conseil de surveillance psychiatrique aux lettres de la commission.

Pour conclure, la majorité de la commission réitère ses sincères remerciements à toutes les personnes qui lui ont permis d'atteindre au mieux ses objectifs. Elle invite le Conseil d'Etat et M. Le Procureur général à porter une attention particulière à ses remarques générales et à ses recommandations et vous prie, Mesdames et Messieurs les député-e-s, de bien vouloir accepter le présent rapport.

ANNEXE I

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ANNEXE II

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ANNEXE III

En 1997, 50 personnes faisaient, à Genève, l'objet d'une mesure au sens de l'art. 43 CPS :

28 étaient en traitement hospitalier ou internés (4 à Champ-Dollon),

22 étaient en traitement ambulatoire.

En 1996, 47 personnes faisaient, à Genève, l'objet d'une mesure au sens de l'art. 43 CPS :

22 étaient en traitement hospitalier ou internés (3 à Champ-Dollon),

25 étaient en traitement ambulatoire.

Informations données par M. A. Agad, secrétaire adjoint du DJP chargé du domaine pénitentiaire

ANNEXE IV

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ANNEXE V

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ANNEXE VI

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ANNEXE VII

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ANNEXE VIII

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Table des matières

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Prologue 2

Composition de la commission 2

Considérations générales 2

Méthode de travail de la commission 4

Remerciements 6

Travaux de la commission 8

I. Visites 8

Prisons pour jeunes et jeunes adultes 8

La Clairière (GE) 8

Pramont (VS) 9

La Ronde (NE) 10

Prisons préventives 11

Champ-Dollon (GE) 11

Sion (VS) 13

Pénitenciers, établissements de fin de peine et autres 14

Crêtelongue (VS) 14

Bellechasse (FR) 15

Les établissements de la Plaine de l'Orbe (VD) 15

Bellevue (NE) 16

Maison de Riant-Parc (GE) 18

Le Vallon (GE) 19

Centre de sociothérapie de La Pâquerette 20

Maison de Pinchat (GE) 21

Favra (GE) 21

Visites des violons 21

Poste du Bd.Carl-Vogt 21

Poste du chemin de la Gravière 22

Poste de Pécolat 22

Poste de Plainpalais 22

Remarques générales 22

II. Auditions 24

Détenus ayant fait la demande 24

Médecin entendu sur demande de la commission des grâces 27

III. Réflexions 27

1/La question de la détention des mineur-e-s (PL7822) 27

2/La question des compétences de la commission des visiteurs (PL7843) 29

Recommandations 31

Maintenir une attention constante aux conditions de vie des détenu-e-s  31

Développer des postes de travail centrés sur l'écoute et la relationet encourager la formation continue des gardien-ne-s  33

Développer une collaboration intercantonale 33

Faire une étude des coûts de la détention 33

Améliorer la crédibilité de la commission des visiteurs 34

Prévenir la violence dans les lieux de privation de liberté. 34

Date de dépôt : 9 mars 1999Messagerie

RAPPORT DE LA MINORITÉ

Introduction

Conformément à l'article 230 de la loi portant règlement du Grand Conseil, la commission des visiteurs présente chaque année au Grand Conseil un rapport d'activités comportant des recommandations à l'intention du Conseil d'Etat et du Procureur général.

Il est inhabituel qu'un rapport de minorité soit présenté.

Certes, la situation s'est déjà produite en 1992. Toutefois, le rapport dit de minorité était de l'aveu même de son auteur un rapport complémentaire au rapport de majorité contre lequel il n'avait pas de critiques à formuler (cf. Mémorial 1993 I pp. 1110 et 1117).

Tel n'est pas le cas du présent rapport.

Le rapport de majorité pour l'année 1998 ne nous paraît pas acceptable, notamment pour les raisons suivantes. D'une part, certaines réflexions de nature purement idéologique, auxquelles nous ne pouvons d'ailleurs souscrire, n'ont - à notre avis - pas leur place dans un rapport de la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil. D'autre part, un certain nombre de réflexions et d'allégations concernant les conditions de détention ou le mode de fonctionnement des institutions sont formulées de manière vague sans que soient désignés de manière précise les établissements en cause et les manquements dont ils seraient responsables. En fait, certaines de ces remarques ne correspondent pas aux constatations que nous avons faites. Enfin, et surtout, les recommandations du rapport de majorité nous paraissent en grande partie soit inadéquates, soit inapplicables ou sans objet pour leurs destinataires.

Nous analyserons ci-après ces différents points, à la lumière de la vision que nous avons eue du fonctionnement du système pénitentiaire, et nous les ferons suivre de nos recommandations. En revanche, nous ne reviendrons pas sur le compte-rendu des visites effectuées dans les établissements, celui-ci étant purement factuel et donc relativement objectif.

Des allégations, réflexions et autres considérations générales que comporte le rapport de majorité

Selon l'article 227, al. 1 de la loi portant règlement du Grand Conseil, la commission des visiteurs officiels a pour mission d'examiner les conditions d'incarcération dans les lieux de détention. Il est cependant admis que par « conditions d'incarcération » il faut non seulement entendre les conditions d'ordre purement matériel, mais aussi la manière dont sont traités les détenus par le personnel pénitentiaire ou par les fonctionnaires de police.

Se rendre dans les lieux de détention pour y contrôler les conditions dans lesquelles vivent les détenus, entendre ceux d'entre eux qui souhaitent s'exprimer et émettre ensuite des recommandations à l'intention des autorités compétentes est le rôle fondamental de la commission, et il doit le demeurer. A l'occasion, la commission peut certes aussi faire porter ses travaux sur d'autres sujets en rapport avec le domaine pénitentiaire (par ex. donner un préavis pour la construction d'un établissement, etc.) et, le cas échéant, en rendre compte dans son rapport. Cependant, dans son rapport annuel, la commission doit s'abstenir de faire état de considérations idéologiques, surtout s'agissant d'institutions qui ressortent de la compétence de la Confédération. En qualifiant, par exemple, la prison d'appareil destructeur de la personnalité ou en formulant le voeu qu'elle ne soit réservée qu'à des personnes qui représentent un réel danger pour la collectivité et en multipliant les réflexions de ce type, le rapport de majorité critique inutilement la privation de liberté en tant que peine instituée par le droit fédéral et méconnaît les buts de cette institution. Le rapport de la commission des visiteurs n'est pas le lieu pour mener ce type de polémique. De telles remarques fragilisent en outre la crédibilité de la commission qui risque d'être perçue comme un forum où se tiennent de grands débats idéologiques ou philosophiques sur les peines et l'exécution des peines et non plus comme un organe de contrôle des conditions de détention chargé de détecter sur le terrain d'éventuels dysfonctionnements et de les dénoncer. Des recommandations de politique pénitentiaire ne nous paraissent concevables que pour autant qu'elles soient concrètes et relèvent de la compétence du canton. Sinon, c'est la voie de la résolution qui devrait être choisie.

La crédibilité de la commission risque par ailleurs d'être fortement compromise si les critiques formulées dans son rapport annuel demeurent vagues et ne permettent pas aux autorités à qui s'adresse le rapport de déterminer l'établissement en cause et de prendre les mesures correctives nécessaires. C'est ainsi que le rapport de majorité indique, en page 3, que les membres de la commission ont pu entendre qu'une certaine « torture mentale » était vécue par des prisonniers (isolement, manque de correspondance, promesses non tenues) ou que les visites de la commission ne permettent pas d'assurer un contrôle sur les éventuels abus de pouvoir (cf. aussi p. 26), ni ne permettent de percevoir les multiples faits quotidiens qui alourdissent les peines des détenu-e-s. Or, le rapport ne décrit pas les abus de pouvoir dont la commission aurait eu connaissance, ni quels sont ces faits qui alourdissent le quotidien des détenus. On ne sait pas davantage dans quelles circonstances et où ils se produisent. Lorsque le rapport de majorité dénonce que le courrier des détenus disparaît parfois et qu'il indique que le nombre relativement peu élevé de demandes d'audition s'explique, aux dires des détenus, par le fait que les visites de la commission sont mal annoncées par les établissements ou que les détenus craignent des mesures de rétorsions, il s'agit là d'accusations graves. Le fait de ne citer aucun cas particulier en indiquant l'établissement dont il s'agit crée d'une part un climat général de suspicion touchant l'ensemble des établissements visités et ne permet pas, d'autre part, aux autorités concernées de prendre des mesures concrètes. Par  ailleurs, on demeure perplexe s'agissant de certaines affirmations paradoxales : d'un côté, on nous dit que la violence lors des arrestations et des gardes-à-vue, ainsi que les abus - dont le SAPEM serait l'auteur - ne seraient pas rares ; d'un autre côté, on apprend qu'aucun manquement saillant aux droits des prisonniers ou aux conditions « normales » de détention n'a été relevé dans aucun lieu de privation de liberté.

Quant aux remarques générales, qui ne sont en fait pas des remarques, mais une douzaine de questions, on peut craindre que les lecteurs du rapport de majorité, et en particulier leurs destinataires, ne sauront qu'en penser ou qu'en faire dès lors qu'il ne s'agit pas de constatations critiques donnant lieu à des recommandations. Le fait de relayer pêle-mêle les revendications des détenus, leurs pétitions, etc. ajoute également à cette confusion et participera, à n'en pas douter, à la perplexité du lecteur.

Ainsi, en optant pour une démarche résolument anti-institutionnelle sous prétexte de se distancer des précédents rapports de la commission des visiteurs qui auraient eu tendance à trop ménager l'administration pénitentiaire, le rapport de majorité ne fait en réalité que discréditer la commission elle-même. Or, pour gagner en crédibilité et en efficacité, la commission devrait à l'avenir travailler et rédiger son rapport de manière plus rigoureuse et plus factuelle, à la manière d'organismes reconnus agissant avec professionnalisme comme, par exemple, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT). La commission pourrait ainsi élaborer et utiliser des grilles d'analyse lorsqu'elle contrôle les lieux de détention. De même, un chapitre du rapport annuel pourrait être consacré au sort qui a été réservé par le Conseil d'Etat ou par le Procureur général aux recommandations faites l'année précédente, de manière à avoir un véritable suivi de l'activité de la commission. Le rapport devrait être rédigé d'année en année sur un modèle identique afin de permettre des comparaisons et d'assurer un meilleur suivi des travaux.

De l'illusion de certaines recommandations du rapport de majorité

1. « L'attention constante aux conditions de vie des détenu(e)s. »

Si cette recommandation n'est en soi pas critiquable, elle le devient à la lecture des explications qui sont données sur la manière dont elle doit être interprétée et appliquée.

Le rapport de majorité préconise par exemple la séparation des détenus selon leur statut, ainsi qu'en fonction de leur dépendance au tabac.

La séparation à la prison de Champ-Dollon des détenus en fonction de leur statut est déjà prévue par les articles 13 et 14 du règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées (F 1 50.04) qui disposent que, dans la mesure du possible, les prévenus, les condamnés et les adolescents sont placés dans des cellules distinctes et qu'en général le classement s'effectue d'après l'âge des détenus, la gravité et la nature des actes qui leur sont imputés. Nous n'avons pas eu le sentiment que la direction de la prison ignore ces règles. En particulier, nous avons constaté que la direction de la prison ne transige pas avec la règle qui veut que lorsque la prison accueille des adolescents, ceux-ci soient séparés des adultes. A notre avis, la direction de l'établissement ne peut pas toujours classer les détenus de la manière idéale prévue par le règlement compte tenu du niveau de surpopulation (taux d'occupation moyen en 1998 : 110 % ; nombre maximum de détenus : 363), du souci d'éviter des affrontements entre détenus pour des motifs ethniques (61 nationalités étaient représentées à la prison en 1998) et des impératifs de la détention préventive (isolement ordonné par le juge pour éviter tout risque de collusion). A noter que le règlement stipule que ce classement n'intervient d'ailleurs que dans la mesure du possible. Il est en revanche essentiel que les mineurs ne soient pas mis en contact avec les adultes et que les personnes arrêtées pour une très courte durée (généralement moins de 24 heures) en raison d'une infraction à la LCR ne soient pas mises en contact avec des délinquants au passé pénal chargé. Dans ces circonstances, la séparation des détenus en fonction de leur dépendance au tabac nous semble pour le moins secondaire.

Par ailleurs, nous nous opposons à la création de nouveaux ateliers qui  nécessiteraient des investissements et l'engagement de personnel supplémentaire ce qui n'est pas d'actualité au regard des finances cantonales. Quant à créer une structure supplémentaire destinée à prodiguer une formation aux détenus, nous doutons qu'elle puisse avoir l'effet escompté lorsqu'on sait que la durée du séjour moyen dans l'établissement est de 40 jours seulement. De plus, un prévenu n'a pas la même disponibilité qu'un condamné en raison des multiples actes d'instruction auxquels il est associé (auditions devant le juge, audiences devant la Chambre d'accusation, rendez-vous avec son avocat, temps consacré à la préparation de sa défense, etc.). De notre point de vue, il n'y a donc pas lieu d'amplifier les structures d'occupation à Champ-Dollon qui sont déjà exceptionnelles pour une prison à vocation essentiellement préventive.

Nous constatons également avec une certaine surprise que toutes les revendications faites par les détenus signataires des pétitions P 1226 et P 1228 ont été reprises telles quelles dans les autres recommandations du rapport de majorité visant à améliorer les conditions de vie des prisonniers à Champ-Dollon. Ce mode de faire a pour effet de fausser considérablement le débat démocratique dès lors qu'au moment où le rapport de majorité a été adopté par la commission des visiteurs, ces pétitions n'avaient pas encore été examinées par la commission des pétitions et qu'on ignore quel sort notre Grand Conseil leur réservera. Sur le fond, nombre de ces recommandations ne peuvent pas être suivies. La suppression des fouilles avec mise à nu de l'intéressé à l'issue des visites augmenterait considérablement les problèmes de sécurité au sein de l'établissement car il y aurait un risque accru d'entrées de stupéfiants ou d'objets dangereux qui ne seraient pas détectés à l'aide de  magnétomètres. Ces fouilles nous paraissent dès lors nécessaires et proportionnées au but de sécurité recherché. Nous sommes convaincus que la fouille n'est pas instituée comme une mesure vexatoire, comme le prétend le rapport de majorité, même si elle est souvent mal ressentie par les détenus. En revanche, nous recommandons que cette fouille soit effectuée en deux temps, de manière à ce que le détenu ne se trouve jamais complètement nu. Il serait souhaitable que cette règle figure par exemple dans un ordre de service. Quant à l'augmentation du temps consacré au sport - qui implique nécessairement l'engagement de personnel supplémentaire - ou l'installation d'une antenne TV collective, il s'agit là de revendications qui ne sont pour l'heure pas envisageables eu égard à l'état des finances cantonales.

Nous ne nous associons pas à la recommandation du rapport de majorité demandant qu'aucun-e mineur-e ne soit plus envoyé-e à Champ-Dollon ou à Riant-Parc, car c'est oublier que Champ-Dollon a aussi pour vocation d'accueillir - à titre exceptionnel - des adolescents (art. 1, al. 3 litt. a du règlement sur le régime intérieur de la prison [F 1 50.04] et art. 2, al. 1 litt. f et g du règlement relatif aux établissements de semi-détention [F 1 50.08]). Pour des raisons budgétaires évidentes, il n'est pas possible de concevoir actuellement un agrandissement de la nouvelle « Clairière » (cf. PL 7822) dont les travaux devraient débuter sous peu. Nous recommandons par conséquent que le Tribunal de la Jeunesse ne place des mineurs à la prison ou à Riant-Parc qu'en cas de nécessité et que les gardiens et surveillantes qui sont affectés à leur garde puissent bénéficier d'une formation ad hoc.

Enfin, il nous paraît superflu de recommander qu'un règlement sur les droits des détenus soit rédigé et distribué. En effet, ces droits sont expressément décrits dans le règlement sur le régime intérieur de la prison (F 1 50.04) qui est affiché dans chaque secteur de la prison comme le prévoit l'art. 10, al. 1 de ce règlement. Par conséquent, la publicité des règles applicables dans l'établissement, ainsi que des droits des détenus, nous paraît pleinement assurée.

2. « Développer des postes de travail centrés sur l'écoute et la relation et encourager la formation continue des gardien(ne)s. »

La qualité des conditions de détention et en particulier celle des relations entre gardiens et détenus repose sur le fait de disposer d'un personnel de surveillance qualifié. En revanche, contrairement à ce que laisse entendre le rapport de majorité, nous n'avons pas eu le sentiment que les gardiens et surveillantes étaient réduits à la fonction de « porteurs de clés » et qu'ils n'étaient pas suffisamment à l'écoute des détenus. Il nous semble au contraire qu'ils leur prêtent l'attention voulue et que leur formation est suffisante pour les préparer à assurer aussi bien la sécurité que le respect des personnes. Les gardiens et surveillantes suivent en effet 12 mois d'école genevoise au cours desquels l'enseignement théorique (4 mois) alterne avec la pratique (8 mois), puis ils subissent un examen avant d'être nommés. Leur formation ne s'arrête toutefois pas là puisque pour être confirmés dans leurs fonctions ils doivent encore suivre 15 semaines de cours à l'Ecole suisse de formation du personnel pénitentiaire (Fribourg) et réussir un examen. A priori, la formation des gardiens et surveillantes de prison ne nous semble pas présenter de lacune particulière dans la mesure où les cours comportent des matières telles que la psychologie, les contacts avec les détenus, les relations interculturelles, les mentalités étrangères, l'usage de la force et la proportionnalité, les droits des détenus, le savoir-être, etc. Au travers des entretiens que nous avons eus avec la direction, il ne nous a pas semblé que la parole des détenus ne soit pas prise en compte comme le prétend le rapport de majorité. Il nous apparaît au contraire que pour bien faire leur métier les gardiens et surveillantes se doivent de savoir faire la part des choses pour éviter tout risque d'être manipulé.

Si la formation de base nous paraît satisfaisante en l'état, nous concédons volontiers que la formation continue devrait être encouragée. En revanche, nous ne voyons pas l'utilité de créer des postes de travail centrés sur l'écoute et la relation. Au demeurant on ne voit pas de quoi il est question. S'agit-il de  psychologues, d'assistants sociaux, etc. ? Sur ce point, la seconde recommandation du rapport de majorité nous paraît inadéquate.

3. « Développer une collaboration intercantonale. »

Nous ne nous opposons pas en soi à l'idée d'une commission intercantonale des visiteurs officiels, composée de députés de différents parlements romands. Toutefois, l'initiative d'une telle collaboration doit être laissée à notre Grand Conseil. Nous ne comprenons dès lors pas que cette préoccupation fasse l'objet d'une recommandation à l'attention du Conseil d'Etat ou du procureur général puisqu'il ne leur appartient pas de la mettre en oeuvre.

4. « Faire une étude des coûts de détention. »

Le rapport de majorité laisse entendre que le SAPEM place les détenus dans les différents établissements de détention essentiellement en fonction des coûts de ceux-ci. Une telle affirmation est contraire à ce que nous avons pu constater sur le terrain. De même aucune déclaration faite au cours des travaux ne vient étayer cette hypothèse qui nous paraît totalement fantaisiste.

Lors de nos visites, nous avons pu au contraire constater que la diversité des établissements correspondait aux différents besoins en matière d'exécution de peine et que le choix de l'établissement était fonction de la durée de la détention à subir, du statut de l'intéressé (délinquant primaire, récidiviste, etc.). Le concordat romand sur l'exécution des peines et mesures (E 4 55) a établi à cet égard des règles précises. Le placement des condamnés s'effectue sur cette base. Il est vrai que lors de nos visites à Champ-Dollon, il y avait un certain nombre de condamnés (17 %, cf. p. 11 du rapport de majorité), mais il s'agissait de condamnés en attente de transfert vers un pénitencier ou de personnes devant subir un solde de peine restreint ou une courte peine. Rappelons à cet égard que Champ-Dollon a aussi pour vocation d'accueillir des personnes devant subir une peine jusqu'à 3 mois, ou détenues en application du droit pénal administratif, ou encore détenues à titre extraditionnel, voire des détenus à la demande d'autres cantons (art. 1 du règlement sur le régime intérieur de la prison, F 1 50.04).

S'agissant des coûts de la détention, il nous semblerait en revanche intéressant que les établissements introduisent une comptabilité analytique.

5. « Améliorer la crédibilité de la commission des visiteurs. »

Nous ne voyons pas en quoi cette recommandation doit s'adresser au Conseil d'Etat ou au Procureur général.

Si notre Conseil devait estimer que la commission des visiteurs ne jouit pas de la crédibilité voulue auprès des institutions ou des détenus, c'est à lui seul qu'il appartiendrait d'entreprendre les réformes nécessaires ou d'établir des règles de fonctionnement différentes pour la commission. Le projet de loi 7843 lui en donne l'occasion.

Une meilleure crédibilité de la commission passe avant tout à notre avis par le respect des principes évoqués ci-dessus sous ch. II.

6. « Prévenir la violence dans les lieux de privation de liberté. »

Voici encore l'exemple d'une recommandation dont nous doutons qu'elle puisse être efficace.

Prévenir la violence dans les lieux de privation de liberté est à n'en pas douter aussi bien un souci du Grand Conseil que du Conseil d'Etat ou encore du Procureur général. En tant que commission chargée d'examiner les conditions d'incarcération des détenus, il nous appartient de formuler des recommandations concrètes permettant de prévenir de tels risques de violence. Une formulation aussi vague que celle proposée par le rapport de majorité ne veut pas dire grand chose et ne fait précisément que jeter le discrédit sur le savoir-faire de la commission des visiteurs...

Recommandations

Des sommiers devraient être installés dans les cellules fortes de la prison.

La fouille complète des détenus effectuée à Champ-Dollon devrait être faite en deux temps. Cette règle devrait être consacrée dans un ordre de service.

Des adolescent(e)s ne devraient être placé(e)s à la prison ou à la maison d'arrêt de Riant-Parc qu'en dernière extrémité.

Les gardien(ne)s et surveillant(e)s en contact avec des détenu(e)s mineur(e)s devraient bénéficier d'une formation spéciale.

La formation continue des gardien(ne)s et surveillant(e)s devrait être développée.

Les établissements de détention sont encouragés à introduire une comptabilité analytique.

S'agissant du détenu brésilien qui a subi une tétraplégie, la commission des visiteurs officiel souhaite être régulièrement informée de l'état d'avancement de la procédure pénale en cours et - le moment venu - des conclusions de l'enquête de manière à pouvoir émettre les recommandations nécessaires.

Pour conclure, nous réitérons nos sincères remerciements à toutes les personnes qui ont permis à la commission de remplir au mieux sa mission. Nous invitons le Conseil d'Etat et M. le Procureur général à porter une attention particulière à nos recommandations et vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir accepter le présent rapport de minorité et rejeter le rapport de majorité.

Débat

Mme Martine Ruchat (AdG), rapporteuse de majorité. Pour l'AdG et pour moi en particulier, qui suis rapporteure des travaux de la commission des visiteurs et visiteuses officiels du Grand Conseil, faire la politique autrement, c'est se battre pour des idées et leur mise en oeuvre en dehors des questions de personnes et transmettre au niveau parlementaire les problèmes et les questions des gens qui n'y ont pas directement accès. Cette conception a été partagée par la majorité des membres de la commission des visiteurs et visiteuses, puisqu'ils et elles ont adhéré à l'idée de rédiger un rapport en fonction des observations des commissaires, mais, surtout, en fonction de l'avis des directions et de la parole des détenus qui ont demandé à être entendus.

Le rapport, comme il est dit dans son préliminaire, s'attache à rendre compte de la situation objective et subjective des détenus : il tient, de ce fait, de l'inventaire. Et il reprend le plus largement possible les avis de chacun, ce qui explique des listes de questions, de remarques ou d'avis aux pages 8, 12 et 13, 23, 24 et 26. Ce parti pris ne signifie pas une critique négative du travail effectué par la direction, par le personnel et les différents services attachés à la prison. Par exemple, s'il est question de torture mentale, cela ne signifie pas que les commissaires affirment que se pratiquent des tortures mentales dans les prisons ni que le personnel ou le directeur soient des tortionnaires. Cela signifie que ce terme a été exprimé par un détenu et que cela doit nous faire réfléchir sur la manière dont la prison peut être vécue subjectivement. Il ne s'agit donc pas de philosophie comme le prétend le rapport de minorité, mais bien de comprendre les difficultés psychologiques dans lesquelles se trouvent certains détenus. Car lorsqu'un détenu se pend dans sa cellule, comme cela a été le cas au mois de janvier; qu'un autre se lance ou est lancé contre un mur au point d'être handicapé à vie, cela justifie largement que l'on s'intéresse aux conditions de la vie carcérale.

Ce rapport est une mise en garde à l'adresse des pouvoirs politiques sur des points problématiques des conditions de vie des détenus. Il a été rédigé dans un souci de prévention de la violence à l'intérieur d'une institution qui est par définition violente, puisqu'elle prive les personnes de leur liberté individuelle. Que cette méthode ne soit pas du goût de certains ne m'étonne pas vraiment. Néanmoins, je dirai que les débats se sont toujours passés dans un esprit d'ouverture et rien, mais vraiment rien, n'empêchait que le rapport prît une autre forme que celle qu'il a aujourd'hui. Mais il est vrai que les positions politiques et donc idéologiques se sont durcies après coup, pour des raisons qui ont plus affaire avec le tempérament de certains députés qu'à des questions d'idées.

Mais parler, comme le fait le député Froidevaux dans la presse, de «hold-up idéologique» et tenter de pousser les médias à fabriquer une polémique, alors que le débat n'a pas encore eu lieu, est grotesque. Les députés qui sont de bonne foi peuvent le dire : le débat au sein de la commission a toujours été ouvert et franc. Il est vrai que la prison est aussi une question politique et, donc, idéologique et qu'il n'y a aucune raison pour que la gauche et la droite ne divergent pas sur cette question. Il est clair par ailleurs qu'il y a divergence entre ceux qui réfléchissent à des alternatives à la prison et ceux qui sont animés d'un esprit de vengeance au nom d'une science nouvelle : la «victimologie».

Me Warluzel, qui n'est pas un gauchiste, soutient la position prise par la majorité de la commission d'une prison comme lieu réparateur. Il me semblerait judicieux que nous débattions aujourd'hui du contenu des deux rapports. Le rapport de minorité est un programme minimal auquel chacun devrait pouvoir souscrire. Le rapport de majorité comporte des propositions beaucoup plus étendues.

Il propose de modifier le fonctionnement de la commission des visiteurs qui ne répond pas à deux critères essentiels des visites : l'indépendance et la crédibilité.

- Refuser le placement en prison d'enfants de moins de 18 ans en raison de leur fragilité psychologique et des conditions de détention qui sont les leurs, c'est-à-dire l'isolement et l'inoccupation.

- Supprimer les fouilles corporelles systématiques après chaque parloir qui n'ont qu'une valeur vexatoire.

- Faire rentrer les nouvelles technologies dans la prison permettant de maintenir un contact avec la réalité extérieure en favorisant l'information et la formation.

- Séparer les détenus en fonction de leur statut et de leur dépendance à la fumée.

- Soutenir des projets évoqués pour Champ-Dollon tels qu'ils apparaissent à la page 32. Je vais juste en citer quelques-uns : par exemple, une meilleure communication de l'information lors de l'entrée à Champ-Dollon; la création d'un atelier du livre; l'augmentation du temps consacré au sport; un plus grand respect de la demande psychosomatique des détenus; la mise à disposition à Champ-Dollon d'un psychologue pour les gardiens, et je vous renvoie, pour le reste, aux pages 32 et 33.

Trouver une solution pour les détenus sous l'article 33. C'est sur ces points essentiels que doit se discuter l'acceptation par le parlement du rapport de majorité.

M. Alain-Dominique Mauris (L), rapporteur de minorité. Est-il vraiment nécessaire d'utiliser un rapport pour polémiquer sur les conditions de détention de nos prisons ? Non ! Ce sujet est bien trop sensible pour être traité ainsi. Pourtant notre commission a travaillé dans un esprit serein et constructif pendant une année. Visite après visite, nous n'avons absolument rien remarqué d'inhumain : aucun cas de torture ou d'acte de violence à l'encontre des détenus ne nous a été révélé, contrairement à ce qu'affirme le rapport du majorité. Seule l'enquête concernant le malheureux Brésilien reste ouverte, et nous ne saurions nous prononcer aujourd'hui sur les faits.

Nous savions que Mme Ruchat avait une vision très orientée de la détention, son idéal étant certainement de supprimer les prisons. D'ailleurs, sa farouche opposition à la modernisation de La Clairière est encore dans nos mémoires. Voyez-vous, chers collègues, on ne peut pas faire un rapport en se basant sur des conceptions subjectives ne tenant pas compte des réalités que les commissaires ont constatées; dénoncer le rôle punitif des prisons et faire abstraction des nombreux efforts de réinsertion entrepris dans les prisons : tant les directeurs que les collaborateurs des établissements de détention et de prévention nous ont longuement expliqué la nécessité de tout mettre en place pour éviter la récidive grâce à un bon support psychosocial et des moyens adéquats.

Qui, parmi les commissaires, peut affirmer avoir constaté l'existence de tortures mentales ou de mesures vexatoires sciemment effectuées à l'encontre des détenus ? L'affirmer, c'est jeter le discrédit sur les gardiens, policiers et collaborateurs employés à encadrer les détenus et les prévenus ! Soutenir le rapport de majorité revient à promouvoir une vue fausse et humiliante basée sur aucun fait précis. Le rapport de minorité n'a pas voulu entrer dans cette polémique et reste basé sur les faits objectifs et la cohérence des résultats visibles des commissions. Pour le prouver, c'est très simple : il suffit de reprendre l'ensemble des procès-verbaux de la commission qui ont tous été approuvés par les commissaires, et vous constaterez très vite lequel des deux rapports - de majorité ou de minorité - est le plus fidèle reflet du travail de commission.

Les recommandations du rapport de majorité, au-delà des mots, laissent songeurs quant à leur interprétation et à leur réalisation. Pour preuve : la recommandation N°2 proposant davantage d'écoute. Nous sommes tous d'accord. Mais qui peut prétendre, après avoir visité les prisons, que les gardiens ne sont que des porteurs de clés incapables d'être à l'écoute des détenus ? Par contre, le rapport de minorité recommande la formation continue et encourage les gardiens à continuer leur rôle social.

La recommandation d'une commission intercantonale répond à une initiative de notre Grand Conseil et non du Conseil d'Etat ou du procureur. Vous l'adressez à ces instances-là, c'est une erreur ! Dans le rapport de minorité, nous proposons que ce soit notre parlement qui prenne en main la création d'une telle commission.

Un peu plus loin, vous prétendez que le SAPEM place les détenus en fonction des coûts : c'est contraire à ce que nous avons constaté sur le terrain. Madame Ruchat, où avez-vous donc puisé cette affirmation ? Au contraire, toutes nos visites ont démontré que la diversité des établissements correspondait aux différents besoins en matière d'exécution de peine !

Vous recommandez d'améliorer la crédibilité de la commission... Nous ne voyons pas en quoi cela intéresse le Conseil d'Etat ou le procureur; je le répète, cela concerne notre parlement, qui avec le projet de loi 7843 peut entreprendre toutes les réformes qu'il juge nécessaires. Par contre, soutenir le rapport de majorité, qui contient de nombreuses affirmations contraires à la réalité, va certainement jeter un doute sur l'objectivité des commissaires et sur la nécessité de maintenir une telle commission, incapable de rester objective.

En conclusion, qui soutenir : le rapport de majorité de Mme Ruchat ou tous les rapports précédents des commissions des visiteurs qui, année après année, se sont succédé, ont visité les prisons, ont rencontré les prisonniers ou les détenus ? Ces commissaires auraient-ils donc été assez aveugles, sourds et sans discernement, pour ne pas avoir dénoncé avant ce que Mme Ruchat prétend vouloir nous faire croire aujourd'hui.

Mesdames et Messieurs les députés, restons objectifs et soutenons le rapport de minorité.

M. Jean-Pierre Restellini (Ve). Dans d'autres pays, j'ai eu l'occasion de rencontrer à plusieurs reprises les membres de commissions de visiteurs de prison du type de la nôtre.

Je dois vous avouer que d'une manière générale le rapport coût/efficacité de telles commissions parlementaires m'a toujours semblé relativement modeste. Il faut humblement reconnaître que la République genevoise n'a jamais vraiment dérogé à cette règle. Et puis cette année - ô surprise - il y a un peu de vent frais ! Le rapport de la commission foisonne - explose, dirais-je - d'idées, de propositions nouvelles et de questions fondamentales. A telle enseigne que ce rapport suscite des contre-propositions qui prennent la forme d'un rapport de minorité, ce qui est tout à fait exceptionnel - vous l'avez relevé, Monsieur le rapporteur de minorité - pour les travaux de cette commission.

Avant toute chose, je voudrais personnellement exprimer des remerciements. Ils s'adressent tout d'abord, bien entendu, à Mme la rapporteuse de majorité pour le gros travail qu'elle a fourni en reprenant dans le détail les très nombreuses propositions qui ont surgi des travaux de cette commission. Mes remerciements vont aussi à celui qui a présidé cette commission au cours de l'année écoulée. Je peux vous dire, puisque je le croise tous les jours, que M. le député Froidevaux n'a pas ménagé ses efforts. A l'évidence, il a su créer un climat propice à cette vaste réflexion. Mais je tiens également à remercier M. le rapporteur de minorité qui a considéré qu'il ne s'agissait pas d'une matière mineure, qu'il y avait encore de la vie après la LDTR... et qui a pris le temps de rédiger un rapport de minorité pour exprimer un autre avis.

Mesdames et Messieurs les députés, le domaine de la privation de liberté et, singulièrement, de l'enfermement pénitentiaire est un sujet qui n'est absolument pas porteur au plan électoral, soyez-en persuadés. Il est plutôt de bon aloi d'éviter de trop en parler et de se limiter, la plupart du temps, à de simples comptes-rendus d'observations. Gardons-nous bien de toute proposition nouvelle qui pourrait simplement surprendre nos concitoyens, car ce serait autant de voix perdues...

C'est bien triste, Mesdames et Messieurs les députés. C'est bien triste, car une prison - j'y ai passé une bonne dizaine d'années de ma vie professionnelle - c'est tout simplement un océan de misère, de détresse et d'échecs. Mais la prison fait aussi partie de notre société. En d'autres termes, il est légitime de l'aborder aussi avec des idées nouvelles et, pourquoi pas, un peu dérangeantes.

Je vais maintenant aborder le fond, sans passer en revue tous les points et toutes les propositions, car on pourrait aisément y consacrer deux jours. C'est peut-être, Madame la rapporteuse de majorité, le seul reproche que je formulerai : il y a un peu trop d'objectifs dans votre rapport. Notre attention a avant tout été attirée par les points suivants :

Oui, Mesdames et Messieurs les députés, la présence de mineurs dans une prison d'adultes doit rester un sujet de préoccupation permanente. S'il est absolument impossible de l'éviter pour des raisons matérielles - ce dont on peut toujours douter - alors ces jeunes doivent faire l'objet d'un encadrement très spécifique.

Oui, Mesdames et Messieurs les députés, tout établissement pour mineurs, quel qu'il soit, doit impérativement s'articuler autour d'un concept socio-éducatif rigoureux. C'est à mon sens une des seules justifications de la privation de liberté chez des mineurs.

Oui, enfin, l'idée de créer une commission intercantonale de visiteurs me semble être excellente. Nos cantons, vous le savez, sont de grands villages : nous nous connaissons tous. Et dans ces conditions, il est souvent difficile de garder une certaine distance entre les visiteurs inspecteurs et les responsables de tels établissements de privation de liberté.

Ce matin encore, j'étais au Portugal, dans le cadre d'une mission du Conseil de l'Europe. Eh bien, laissez-moi vous dire que les Portugais ont développé depuis trois ans ce qu'ils appellent l'IGAI, c'est-à-dire l'Inspection générale de l'administration interne. C'est un corps de fonctionnaires et de parlementaires qui inspectent de manière inopinée les quelque sept cents commissariats de police du pays. Eh bien, au bout de trois ans d'activité, je peux vous dire que les résultats sont tout à fait positifs et que même les policiers sont contents. Par conséquent, il est à mon avis important de s'intéresser à cette idée qui a germé dans l'esprit de la minorité comme de la majorité.

Félicitons-nous d'avoir enfin une commission des visiteurs qui pense, c'est-à-dire qui, finalement, fait son travail. Bien entendu, toutes les propositions qui figurent dans le rapport de majorité ne sont peut-être pas applicables telles quelles et encore moins dans l'immédiat, mais elles esquissent des pistes qu'il faut travailler, et je ne doute pas que le département de M. Ramseyer et nous-mêmes, Mesdames et Messieurs les députés, nous nous mettions rapidement à la tâche.

Mme Esther Alder (Ve). En premier lieu, je tiens à dire que les Verts regrettent profondément qu'un débat de fond n'ait pas pu avoir lieu sur les conclusions du rapport de Mme Ruchat. Ce n'était pourtant pas faute de volonté de la part de l'Alternative. Il y a malheureusement eu, dès le départ, un blocage de la part de certains de nos collègues de l'Entente, et nous ne pouvons que le regretter.

Pour les Verts, le rapport de majorité reflète parfaitement ce qui a été vu, entendu, dit et commenté lors de nos travaux. Ainsi la polémique est parfaitement injustifiée. Le problème de fond relève plutôt d'une conception différente de la politique pénitentiaire, les uns considérant qu'il faut punir alors que les autres pensent qu'il s'agit avant tout d'éduquer et prévenir.

Ainsi nous tenons - cela a été fait par mon collègue Restellini - à saluer le travail remarquable de la rapporteuse de majorité. Notre groupe, bien sûr, soutiendra sans réserve les conclusions de celui-ci.

Certes, toutes les recommandations du rapport ne pourront pas être effectives du jour au lendemain, mais elles définissent clairement une autre vision de l'enfermement, telle que la majorité ici représentée souhaite voir se réaliser.

Enfin, nous ne voulons pas d'une commission des visiteurs-alibi, d'une certaine bonne conscience. Nous sommes d'avis qu'elle devrait être réinventée et s'inspirer largement de la commission du Conseil de l'Europe, plutôt que de perdurer dans sa conception actuelle qui nous apparaît désuète et relever plus de la visite guidée que de ce que l'on est en droit d'attendre réellement d'une telle commission. Ainsi sommes-nous de fervents partisans d'une commission intercantonale qui comporterait des experts et des parlementaires, et nous interviendrons au niveau fédéral dans ce sens.

M. Gilles Godinat (AdG). Comme l'ont relevé mes collègues, bien mieux que je ne saurais le faire, le principal mérite du rapport de Mme Ruchat est d'avoir osé prendre le risque de sortir des sentiers battus, en posant des questions de société essentielles, liées à la détention et la privation de liberté - Jean-Pierre Restellini l'a souligné tout à l'heure.

Je ne vais pas développer davantage les points qui ont déjà été abordés. Je pense que les recommandations qui figurent dans le rapport sont totalement légitimes, et notre groupe y souscrit évidemment totalement.

Je tiens juste à soulever un point pour montrer la difficulté dans laquelle peut se trouver un professionnel par rapport à l'application de certains articles du code pénal : les articles 42, 43 et 44. L'article 42 concerne les délinquants d'habitude qui pourraient présenter des troubles mentaux et pour lesquels le juge peut décider d'instaurer soit un traitement soit un internement en milieu carcéral, pour éviter la répétition de comportements délictueux. L'article 43 stipule : «Si le détenu présente une anomalie et que l'expertise psychiatrique qui a été commandée confirme ces faits, le juge peut alors suspendre une décision de peine d'emprisonnement et proposer un traitement.» Une fois, j'ai accepté de faire un traitement pour un patient de ce type, et je me suis retrouvé dans la situation suivante :

Je devais rendre régulièrement des comptes à Berne sur les séances que j'avais avec ce patient. Si le patient ne venait pas à sa séance, je devais le dire clairement à la justice du canton de Berne. A la fin du traitement j'ai dû faire un rapport pour expliquer l'évolution du patient, le bénéfice du traitement et, au cas où j'émettais certains doutes par rapport à l'efficacité de mon traitement, la sanction était évidente : la personne devait subir sa peine de prison. Je me suis donc retrouvé dans une situation extrêmement difficile. En effet, ce patient était venu à presque toutes les séances, mais je savais que, si je signalais le fait qu'il en avait manqué une ou deux, je le mettais dans son tort. J'ai donc apprécié la situation par rapport au risque qu'il représentait et j'ai estimé que ce risque était nul. Je voulais vous montrer la difficulté d'appréhender une telle situation, lorsqu'une décision médicale met en jeu la privation de liberté ou pas. Je pense pour ma part qu'une telle décision ne devrait jamais être prise tout seul, mais par un groupe de plusieurs professionnels.

Les articles 42, 43 et 44 du code pénal devraient être révisés, voire supprimés. En effet, il existe une contradiction à vouloir maintenir une décision de justice et une condamnation et mêler à cette décision une proposition de traitement. Quand les deux sont complètement imbriquées, les thérapeutes voudraient bien clarifier les mandats. En effet, la personne qui suit un traitement médical ne sait plus si elle exécute une peine ou si elle fait réellement un travail sur elle-même. Lorsque la condition de ce travail est liée à une détention, je vous assure que l'on se trouve typiquement dans ce qui a été analysé comme des double messages. Les systémiciens ont bien mis en évidence les paradoxes dans lesquels se trouvent ces personnes. Il est donc très difficile d'effectuer une bonne thérapie dans ces conditions.

Je propose donc que notre Grand Conseil réfléchisse à l'avenir sur la pertinence des articles 42, 43 et 44. Nous devons véritablement faire avancer le débat dans ce parlement. A mon avis nous devons nous poser ces questions importantes et proposer le résultat de nos réflexions aux Assemblées fédérales, à propos de ces situations bien particulières qui nous posent problème.

Mme Jacqueline Cogne (S). Que dire d'un rapport de majorité qui préconise entre autres l'utilisation des CD personnels et l'installation d'une antenne TV collective à Champ-Dollon ? Mais que dire aussi de ce même rapport qui demande qu'aucun mineur ne soit plus envoyé à Champ-Dollon et que le temps de détention en préventive soit réduit au temps le plus court, sinon qu'il a été fait avec une certaine sensibilité que l'on reconnaît bien là chez son auteur ?

Si les rapports quels qu'ils soient se doivent d'être le reflet de la position des uns et des autres au sein d'une commission, celui-ci, de toute évidence, est le reflet d'une personnalité qui a beaucoup de coeur.

Nonobstant, il faut savoir qu'une séance entière de commission a été consacrée à ce rapport et que Mme Ruchat s'est montrée totalement disponible pour tenir compte de certaines remarques, cela malgré le fait que

nous ayons dû parler de ce rapport en urgence. En effet, les deux tiers d'entre nous venaient d'être tirés au sort pour la commission de grâce et devaient quitter la commission : il fallait donc faire vite.

En regard de ce fait et tenant compte de l'avis malheureusement partagé de mon groupe, nous acceptons ce rapport de majorité. Personnellement, j'adresse mes félicitations à la rapporteuse.

M. Pierre Froidevaux (R). Je reprends des mots qui ont été régulièrement répétés ce soir : «oser prendre le risque de poser les questions essentielles». Oui, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons tous osé prendre le risque de reconsidérer l'ensemble des problèmes relatifs à l'incarcération. Mais si nous avons écouté, tenu compte et transmis les voix des détenus, comme le souhaite Mme Ruchat, nous souhaitons aussi vous faire part des réflexions qui ont entouré nos travaux parlementaires.

On m'a reproché les termes : «hold-up idéologique». Cela s'explique très bien dans le rapport de majorité qui se termine, en page 34, sur la «situation au 24 novembre 1998». Or, à cette date nous n'avions pas terminé nos travaux, puisque le rapport de majorité a été voté le 21 décembre seulement. Tout le problème réside dans le fait que toutes les discussions qui ont eu lieu ne figurent pas dans le rapport. Il a donc fallu rédiger un rapport de minorité pour inclure les discussions sur les problèmes que nous avons rencontrés lors de nos visites.

L'élaboration de ce rapport de minorité a été décidé au dernier moment. En effet, nous étions persuadés d'arriver à un consensus, car personne ne souhaitait politiser une population particulièrement affaiblie et souffrante. Madame Ruchat, vous parlez de difficultés psychologiques des détenus. Vous savez à quel point nous avons tous été extrêmement tendus et comme nous avons compris ce phénomène. Vous avez évoqué, auprès du président du Grand Conseil, auprès de députés attentifs, le cas très douloureux d'un détenu qui subirait des tortures mentales. Or, il s'est avéré qu'il était encore mieux protégé en prison que s'il avait été à l'extérieur. Nous étions d'accord, Madame Ruchat, et nous avons consacré une séance entière avec le professeur Harding pour ne traiter que de ce sujet. Nous avons comme d'habitude dépassé largement les heures de travail en raison des nombreuses points à examiner; nous nous sommes acharnés pour tenter d'améliorer le sort des détenus, et, pourtant, je ne vois pas une ligne de ce travail dans votre rapport... C'est la raison pour laquelle je ne puis qu'exprimer une grande déception, surtout - cela a été rappelé - que je crois m'être beaucoup engagé. J'ai en effet considéré que 20% de mon temps devait être consacré au seul travail de cette commission. Ma déception a été si grande, que je n'ai pas pu m'empêcher, alors que les journalistes me contactaient pour la xième fois, d'exprimer ma toute grande amertume.

Je recommande donc à cette assemblée de suivre sans détour le rapport de minorité qui apporte les réponses aux questions de Mme Ruchat. Si vous le lisez correctement, vous n'aurez pas les préoccupations que veut bien sous-entendre l'actuelle majorité.

Mme Dolorès Loly Bolay (AdG). Le rapport de majorité soulève la question, ô combien importante, suivante : quel est le rôle de la prison et à quoi doit-elle servir ? Punir, neutraliser les individus dangereux pour la société, mais aussi éduquer et aider à la réinsertion de ces personnes. Il y a deux types de protection : l'une à court terme et l'autre à long terme.

La protection à court terme écarte les individus de la société. La protection à long terme, c'est la réinsertion : elle est nécessaire, afin d'éviter la récidive. Sur ce point, quelles sont les mesures prises afin d'éduquer et réinsérer les détenus ? Quelles sont les mesures de substitution et de réinsertion mises en place ? En réalité, c'est une vue de l'esprit, car actuellement rien n'a été fait. Il n'y a pas de véritable politique pénitentiaire. La prison coûte : tout le monde le sait. En investissant dans la réinsertion, on pourrait faire des économies dans le long terme.

C'est la raison pour laquelle les mesures préconisées dans le rapport de majorité de Mme Ruchat vont dans le bon sens. Quelles sont les mesures à prendre ? Elle le dit : des mesures de substitution, le travail d'utilité publique. Donner la possibilité aux détenus de travailler dans les meilleurs conditions, les encourager à faire du sport, car évacuer l'agressivité par le sport contribue à l'éducation. Le sport, on le sait, développe l'esprit d'équipe, la maîtrise de soi, le sens de la solidarité, la motivation de la réussite. Et, enfin, bien sûr, la formation. Toutes ces mesures vont dans le sens d'une bonne réinsertion. Punir, on le sait, ne résout en rien les problèmes de fond. Et tout le monde sait que la plupart du temps la récidive est monnaie courante.

En ce qui concerne maintenant la crédibilité de la commission des visiteurs, les visites dites «à l'improviste» mais qui sont annoncées dans l'heure ou la demi-heure dans les postes de police doivent être revues. En effet, l'autorité ne veut pas considérer ces lieux comme des lieux de détention. Or, c'est justement là qu'il y a parfois de la violence, soit dans les cellules de postes, soit dans la salle d'auditions, soit dans les violons. C'est d'ailleurs dans un poste de police, plus précisément au poste de Pécolat qu'il y a eu, il n'y a pas si longtemps que ça, un passage à tabac. Un détenu, qui a d'ailleurs déposé plainte par la suite, avec certificat médical à l'appui, a été agressé, et les trois gendarmes concernés ont été condamnés par la justice.

Pour illustrer encore mes propos, j'aimerais tout de même vous rappeler l'histoire de ce Sri Lankais, qui avait été mis à genoux, en 1992, mains et pieds liés, et frappé avec une batte de base-ball sous la plante des pieds. Pour la crédibilité de la commission, nous préconisons que les visites dans les salles d'audition et les violons se fassent sans aucun préavis. De plus, nous pensons qu'afin d'éviter des problèmes et des dérives il est impératif que, juste après l'arrestation, les détenus puissent être accompagnés de leurs avocats. Cela éviterait, entre autres, que les détenus se rétractent devant les juges en invoquant des pressions policières.

Enfin, s'agissant des visites des détenus en prison, il faudrait effectivement trouver d'autres moyens pour éviter la fouille corporelle. Outre le fait qu'elle ne sert à rien, c'est une mesure très vexatoire.

M. Gérard Ramseyer. Je n'entends pas entrer dans cette polémique.

La commission des visiteurs officiels est une fierté de l'Etat de Genève dans la mesure où c'est une exception romande. Elle permet effectivement au détenu de s'exprimer, de se faire entendre, et c'est à ce titre qu'elle est soutenue fermement par le Conseil d'Etat.

Madame la rapporteuse de majorité, vous avez exprimé votre doctrine personnelle en annonçant que votre rapport est idéologique... En quelque sorte, vous réinventez le domaine pénitentiaire, c'est une réflexion légitime.

Toutefois, j'attire votre attention sur le fait que vous ne pourrez appliquer votre programme qu'à Genève seulement. En effet, certains établissements que vous avez visités sont situés sur le territoire d'autres cantons qui ont parfaitement le droit de vous dire que votre rapport n'engage que vous - le canton de Genève - mais pas les cantons concordataires.

Par ailleurs, le débat sur le pénitentiaire est constant. Genève, sous mon impulsion, est un des cantons-pilotes pour les arrêts dits «électroniques». J'ai proposé - c'est tout récent - au Concordat qui ne s'occupe que des adultes de créer un concordat qui s'occuperait aussi des mineurs, car les problèmes genevois sont les mêmes que les problèmes vaudois, fribourgeois, neuchâtelois, jurassiens ou tessinois.

Enfin, il faut rester pragmatiques. Vous dites, Madame, que les fouilles à l'entrée sont vexatoires. Mme Bolay vient de vous parler de la violence de la prison. Que se passera-t-il, demain, si on peut entrer impunément dans une prison avec un couteau ? Serez-vous là pour dire que nous aurions dû prendre des précautions ? Vous dites, Madame, qu'il faut introduire de nouvelles technologies, plus de sport, plus de séparation entre les détenus : je serais ravi d'en avoir les moyens, mais à l'heure où je vous parle nous avons trois cent nonante-sept détenus à Champ-Dollon pour deux cent septante places, et nous avons dû doubler, voire tripler, les séquences de sport, parce qu'on ne peut pas mélanger les ethnies. Je vous laisse deviner comment se passe une partie de football jouée par des ressortissants des Balkans... Nous avons dû veiller à toutes sortes de problèmes engendrés par une surpopulation effrayante.

Alors, à partir de ces faits, ou bien vous êtes conséquente avec vous-même, et vous voterez les crédits quand je les demanderai, ou bien vous devez admettre avec moi qu'il y a des périodes où il est difficile de faire mieux.

En conclusion, Madame la rapporteuse, vous avez parfaitement le droit - c'est légitime et c'est même souhaitable, à l'instar des propos tenus par M. Godinat - de repenser le pénitentiaire. Nous le faisons en permanence avec des spécialistes sociologues, des spécialistes de la sécurité, etc. Vous avez parfaitement le droit d'exprimer ces idées. J'attire simplement votre attention sur le fait que nous nous trouvons dans le cadre d'un Concordat et qu'il ne sera en aucun cas possible d'imposer vos idées aux cantons membres de ce Concordat - ce que ces cantons ne se sont pas privés de me faire savoir. Je voulais donc que vous le sachiez, aussi.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous arrêtons nos travaux qui reprendront à 17 h.