République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 25 mars 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 5e session - 9e séance
PL 7996
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
Une subvention annuelle de fonctionnement de 340 000 F est accordée à l'Association de la Maison de Montbrillant pour les exercices 1999, 2000 et 2001.
Article 2
Cette subvention est inscrite au budget et aux comptes à la rubrique 84.99.00.365.18 pour les exercices 1999, 2000 et 2001.
Article 3
Elle est financée par la part du droit des pauvres attribuée à l'Etat qui est inscrite au budget et aux comptes à la rubrique 84.99.00.494.02.
Article 4
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993, et de la loi sur la surveillance de la gestion administrative et financière et l'évaluation des politiques publiques, du 19 janvier 1995.
EXPOSÉ DES MOTIFS
1. Introduction
Depuis plusieurs années, l'Association de la Maison de Montbrillant a constaté des situations toujours plus alarmantes dans notre canton pour un certain nombre de personnes sourdes et malentendantes adultes présentant des difficultés particulières et pour lesquelles le problème de la surdité est dominant.
Cette situation suit une courbe inverse de celle de la majorité des sourds, dont l'existence s'est à tout point de vue améliorée, grâce à une bonne prise en charge et une communication adaptée dès le plus jeune âge leur permettant une vie autonome et épanouie.
Cet effort, entrepris pour tous les enfants sourds et malentendants, doit être poursuivi pour les plus fragiles et les plus démunis, une fois l'âge de la majorité atteint. En effet, la multiplicité des handicaps cumulés par une même personne, en plus de la surdité, crée une situation tout à fait particulière.
Par ailleurs, l'évolution économique a marginalisé bon nombre d'adultes sourds, souffrant d'un équilibre psychique instable ou d'autres handicaps légers associés. Ils sont par conséquent laissés à la charge de leurs familles (lorsque les circonstances le permettent) ou placés dans des foyers dont la vocation est autre et qui n'ont pas les moyens d'offrir un encadrement adéquat (absence de communication adaptée).
Ces situations entraînent une solitude, un isolement, un manque de communication, qui sont autant de facteurs de régression, et la fin des espoirs ouverts par la formation antérieure.
2. Projet
A plusieurs reprises, le bureau de l'Association de la Maison de Montbrillant avait relevé cette absence de structures adéquates pour les sourds avec handicaps joints.
A fin 1992, il a pris la décision de réunir un groupe de travail afin de disposer de toutes les données sur le plan genevois.
Dès le 15 janvier 1993, plusieurs séances eurent lieu auxquelles participaient des représentants :
de l'assurance-invalidité (AI) ;
du centre d'information et de coordination pour personnes handicapées (CICPH) ;
du centre de rencontres et d'activités culturelles en langue des signes (CRAL) ;
de l'union centrale suisse pour le bien des aveugles (UCBA) ;
du service médico-pédagogique (SMP) ;
du centre pour enfants sourds de Montbrillant (CESM) ;
du service social pour malentendants et sourds de l'Association genevoise des malentendants (AGM - anciennement AGSM) ;
de la communauté des sourds et malentendants de Genève (CSMG) ;
de l'Association de la Maison de Montbrillant.
Il apparut très vite que des besoins réels existaient. En 1995, lors d'une dernière séance, le groupe de réflexion parvenait de façon unanime à la conclusion que la création de structures pour « les personnes sourdes et malentendantes adultes présentant des difficultés particulières et pour lesquelles la surdité est le problème dominant » était absolument nécessaire.
A la suite de cette analyse fouillée, conduite par des personnes oeuvrant dans tous les domaines de la surdité, l'Association de la Maison de Montbrillant élabora un rapport qui reprenait l'essentiel des données. Ce document fut adressé au Conseil d'Etat le 24 novembre 1995. Les principales conclusions sont examinées ci-après sous chiffre 3.
Le 10 janvier 1996, le Conseil d'Etat informait l'Association de la Maison de Montbrillant qu'un groupe de travail interdépartemental allait examiner le dossier en collaboration avec l'association susmentionnée. Neuf réunions eurent lieu entre le 12 janvier et le 19 décembre 1996. Elles débouchèrent sur l'élaboration d'un rapport préliminaire adressé au Conseil d'Etat.
En été 1997, le Conseil d'Etat donnait un préavis favorable sur le projet global, sous réserve de l'accord officiel et définitif de l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS), qui a été obtenu le 31 juillet 1998.
3. Les besoins de la population concernée
Il s'agit de personnes sourdes et malentendantes adultes présentant des difficultés particulières (troubles psychiques, handicap mental, physique et sensoriel) pour lesquelles le problème de la surdité est dominant.
La création d'une structure pour ces personnes est dictée par le problème de la communication. Les tentatives d'intégration totale en milieu entendant (protégé ou non) se soldent par des échecs, notamment dus à l'interaction amplifiée des difficultés particulières.
Une enquête a été menée pour recenser les besoins. Elle a montré qu'à Genève, en 1995, 3 personnes avaient directement besoin d'un hébergement. En outre, 17 personnes nécessitaient un logement protégé. Il est à noter que ces personnes se trouvaient soit dans des institutions ou foyers non adaptés à leur handicap principal, la surdité, soit demeuraient dans leurs familles et ce malgré l'âge parfois avancé de leurs parents.
En outre, 28 personnes avaient besoin de formation, d'activités et d'occupations et 63 personnes avaient besoin de services et de soutiens divers.
4. Prise en charge socio-éducative
4.1 Concept d'accueil
La conception globale de l'ensemble du projet repose sur la problématique particulière de communication des personnes sourdes et malentendantes. Elle justifie le besoin de structures adaptées et le recours aux compétences d'un personnel spécialisé.
L'accueil en hébergement et en atelier doit être sécurisant, stimulant et individualisé. Il doit offrir un cadre de références à ces personnes doublement marginalisées : à l'écart du monde des entendants du fait de la surdité et à l'écart du monde des sourds du fait des handicaps joints.
Seul un personnel compétent peut assurer l'encadrement voulu. En plus des qualités morales, des compétences professionnelles, une sensibilité accrue aux problèmes du handicap et une excellente pratique de la langue des signes française (LSF) ou de tout autre moyen de communication adapté aux personnes sourdes sont indispensables.
4.2 Hébergement
L'hébergement est prévu en appartement et en studios pour un total de six personnes dépendantes jouissant d'une autonomie plus ou moins grande.
Cette solution en appartements et en studios offre une souplesse d'adaptation indispensable dans la première phase de mise en place de la structure, en faisant coïncider au plus juste l'offre avec la demande. Elle permet en outre la localisation de la structure d'hébergement dans un secteur proche du site de Montbrillant, centre de compétence pour la surdité à Genève.
La structure, qui comprend l'hébergement avec occupation intégrée, doit soutenir les personnes dans leurs actes quotidiens et les préparer à s'assumer au mieux. Elle est ouverte 365 jours par an.
4.3 Atelier d'occupation intégrée et formation
Vu l'extrême diversité de la clientèle, seules des activités personnalisées et adaptées aux capacités de chacun pourront répondre aux besoins.
Dès lors, il n'est pas envisagé de créer un atelier (au sens classique du terme), mais d'utiliser les possibilités actuelles de travail sur le site de Montbrillant (Association de la Maison de Montbrillant - Centre pour enfants sourds et malentendants, Département de l'instruction publique - Centre de rencontres et d'activités culturelles en langue des signes).
La capacité d'accueil est de six personnes, encadrées par des maîtres socio-professionnels et un enseignant formateur à temps partiel (33 %). L'accent est mis sur un travail occupationnel valorisant, mais aussi sur l'aspect formateur compte tenu des retards de connaissances accumulés par les personnes prises en charge. La surdité, conjuguée à d'autres handicaps, a pour effet de couper les personnes d'un nombre considérable d'informations et de donner une image très incomplète du monde extérieur. D'où l'importance d'une formation complémentaire à long terme.
4.4 Prise en charge socio-éducative
Vu le profil très diversifié de la population concernée, pour laquelle la surdité et la langue des signes, comme moyen de communication, constituent le dénominateur commun, une prise en charge modulée s'avère être la seule solution.
Au niveau de l'hébergement, trois formules sont prévues :
une prise en charge en appartement protégé pour les personnes très dépendantes ;
une prise en charge en studio indépendant mais avec une assistance relativement intense pour les personnes plus autonomes ;
une installation en studio indépendant avec une antenne de contact pour les personnes susceptibles, après un stage, d'accéder à une autonomie totale.
Pour répondre à ces besoins, il a donc été décidé de créer 6 places en hébergement avec occupation intégrée, avec un encadrement assuré par deux maîtres socio-professionnels et un enseignant formateur à temps partiel.
Ces besoins ont été inclus dans la planification cantonale exigée par l'OFAS.
5. Principe de subsidiarité pour établir les besoins
Le projet d'hébergement et d'encadrement de « personnes sourdes et malentendantes adultes présentant des difficultés particulières et pour lesquelles la surdité est le problème dominant » comble un vide à Genève. Aucun centre de ce type n'existe en Suisse romande. En Suisse alémanique, plusieurs institutions spécialisées offrent déjà les structures régionales voulues, notamment :
Gehörlosendorf, Stiftung Schloss Turbenthal, Turbenthal ;
Stiftung Uetenbergdorf, Schweizerische Wohn- und Arbeits-gemeinschaft für Hörbehinderte, Uetendorf ;
« Heim Tanne », Schweizerische Stiftung für Taubblinde, Langnau am Albis (pour les sourds-aveugles).
Pour des raisons linguistiques et communicationnelles, les personnes originaires de Suisse romande ne peuvent pas être accueillies de manière efficace par ces institutions.
6. Projet de logement
Afin de tendre vers une structure spécifique et souple, le groupe de travail a étudié avec le plus grand soin puis abandonné en l'état toutes les propositions d'extension au moyen de constructions nouvelles. En effet, et même en dehors de toute considération économique, un tel projet pilote se doit de rester adaptatif et souple. Il doit donc s'intégrer dans des bâtiments existants. Les propositions concrètes retenues sont les suivantes :
6.1 Logements requis
1 appartement totalisant 6-7 pièces pour 3-4 personnes sourdes ne pouvant pas vivre seules (lieu de vie ou logement à long terme).
Répartition : 1 chambre par personne sourde ;
1 chambre pour le permanent de nuit ;
séjour, cuisine, salle de bains, W.C. en commun ;
b) 2 grands studios ou petits appartements pour des personnes sourdes en phase d'apprentissage de l'indépendance (logement à moyen terme).
Ces hébergements devraient se situer dans le même immeuble ou être très proches l'un de l'autre. Le parcours entre le site de Montbrillant et ces hébergements devrait se faire aisément en transports publics.
Sur la base des besoins susmentionnés, deux pistes ont été explorées concernant, d'une part, des immeubles médico-sociaux et, d'autre part, des appartements.
6.2 Immeubles
EMS en ville de Genève, rive droite;
Fort-Barreau, rue Fort-Barreau 19.
6.3 Immeubles avec encadrement médico-social en Ville de Genève (D2)
Reposa, rue Liotard 75.
Il faut toutefois relever qu'il n'y a pas de disponibilités à ce jour, mais que les probabilités de libération de logements, dans un laps de temps raisonnable, sont réelles.
6.4 Appartements
Cette recherche a été entreprise en collaboration avec diverses régies de la place, mais les propositions faites par la CIA semblent particulièrement convenir à ce projet de par leur localisation.
6.4.1 Immeuble : rue de Vermont 12 à 18
Données techniques :
Année de construction :
1955
Type d'appartements :
pièces
surface moyenne (m2)
- petits
21 x 1.5
29.00
1 x 2.0
36.00
- moyens
28 x 3.0
59.00
39 x 4.0
72.15
2 x 5.0
94.00
6.4.2 Immeuble : rue de Vermont 46 à 52
Données techniques :
Année de construction :
1951
Type d'appartements :
pièces
surface moyenne (m2)
- petits
26 x 2.5
37.00
- moyens
12 x 3.0
52.25
31 x 3.5
59.84
17 x 4.0
63.06
1 x 4.5
75.00
- grands
1 x 5.5
104.00
1 x 6.0
99.00
6.4.3 Immeuble : avenue de France 29-31
Données techniques :
Année de construction :
1990
Type d'appartements :
pièces
surface moyenne (m2)
- moyens
2 x 3.0
60.00
16 x 4.0
90.13
10 x 5.0
108.00
7. Investissement
Un investissement de 80 500 F est nécessaire pour permettre l'adaptation et l'ameublement des locaux communs des appartements loués ainsi que l'aménagement des ateliers d'occupation.
Le financement sera assuré par :
- une subvention fédérale (OFAS) d'environ 6 500 F
- la part AI à charge des locataires pour les
avertisseurs lumineux 11 500 F
- un don de la Loterie romande de 62 500 F
8. Exploitation
Les recettes et les dépenses pour les 3 premières années sont les suivantes:
1re année
2e année
3e année
RECETTES
Recettes directes
267 280
267 280
267 280
Subv. fédérale, cantonale et dons
822 020
822 020
822 020
Total
1 089 300
1 089 300
1 089 300
DÉPENSES
(Hébergement et accompagnement)
Personnel
547 700
547 700
547 700
Nourriture et logements
143 200
143 200
143 200
Autres frais généraux
27 000
27 000
27 000
(Atelier et formation)
Personnel
272 200
272 200
272 200
Autres frais généraux
16 000
16 000
16 000
Frais d'exploitation
83 200
83 200
83 200
Total
1 089 300
1 089 300
1 089 300
La subvention annuelle de l'Etat de Genève est fixée à 340 000 F.
La subvention fédérale annuelle est fixée à 467 020 F.
9. Avis de l'autorité fédérale
L'annonce de projet a été envoyée à l'OFAS en date du 29 septembre 1997 avec l'aval des Départements de l'instruction publique, de l'aménagement, de l'équipement et du logement et de l'action sociale et de la santé.
Ce projet figure dans la planification 1998-2000 du canton de Genève exigée par l'OFAS. Il a été accepté le 31 juillet 1998.
10. Conclusion
Au vu des éléments qui viennent d'être exposés, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, d'approuver cette subvention qui permettra de répondre aux besoins de personnes sourdes et malentendantes adultes présentant des difficultés et pour lesquelles la surdité est le problème dominant.
Ce projet est renvoyé à la commission des finances sans débat de préconsultation.