République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 26 février 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 4e session - 7e séance
PL 7992
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985, est modifiée comme suit :
Art. 230D Commissions d'enquête parlementaire (nouveau)
1 Lorsque le Grand Conseil estime que des faits relatifs aux affaires de l'Etat, et particulièrement aux agissements de l'administration cantonale ou d'un établissement public autonome, nécessitent des investigations du Grand Conseil , celui-ci peut instituer une commission d'enquête parlementaire.
2 Le Grand Conseil fixe, par voie de résolution, la mission de la commission.
3 Les membres de la commission sont nommés par le Grand Conseil. Ils siègent à huis clos et sont tenus au secret quant à la teneur des débats qui se déroulent en son sein.
4 Les membres de la commission ne peuvent pas être remplacés, à moins que le Grand Conseil n'ait désigné un nouveau titulaire en lieu et place d'un membre démissionnaire.
5 La commission est dotée, quant à l'établissement des faits, des moyens prévus par le chapitre 3 de la loi sur la procédure administrative (art. 18 à 40), à l'exception des articles 25, al. 3 à 5 et 26 LPA qui ne sont pas applicables devant les commissions d'enquête parlementaire.
6 La commission fait rapport au Grand Conseil et décide à cette occasion des faits qui seront rendus publics.
7 A cet effet, la commission nomme une délégation composée du (de la) Président(e) et du (de la) rapporteur(euse) de la commission. Cette délégation aura seule le pouvoir de rendre publiques les conclusions de l'enquête.
8 Le Conseil d'Etat peut présenter un rapport complémentaire.
EXPOSÉ DES MOTIFS
La mise sur pied d'une commission parlementaire afin de faire toute la lumière sur les violences perpétrées en marge de la conférence ministérielle de l'OMC en mai 1998, a montré les lacunes du système.
En effet, lorsque le Grand Conseil estime que des faits relatifs aux affaires de l'Etat nécessitent des investigations de sa part, on constate que le pouvoir d'enquête du Grand Conseil est aujourd'hui quasi nul et soumis à la volonté de collaboration du Conseil d'Etat.
Pratiquement, c'est surtout le refus du conseiller d'Etat Gérard Ramseyer d'autoriser des policiers à témoigner devant la commission qui a mis en lumière les limites de notre action. Alors même qu'il avait été admis que ces mêmes policiers pouvaient s'exprimer devant la presse.
Les exemples ne manquent pas. Le refus de délier d'une partie du secret professionnel, notamment au sujet des procédures judiciaires, le Chef de la police en est un. Cette éducatrice de rue qui s'est vu refuser l'autorisation de sa hiérarchie et qui n'a donc pu être auditionnée par la commission d'enquête en est un autre.
Le règlement actuel du Grand Conseil ne prévoyant pas la constitution d'une commission d'enquête, personne n'est vraiment fixé sur les droits et les devoirs de celle-ci. Nous prévoyons donc de l'introduire par le biais de ce projet de loi. En rajoutant, au chapitre III (« commissions ad hoc » - nouveau) du Titre IV de la loi portant règlement du Grand Conseil, un article définissant les attributions, les pouvoirs et le mode de fonctionnement des commissions d'enquête.
La mission de la commission est fixée par le Grand Conseil, par voie de résolution.
Le caractère particulier de ces commissions requiert le secret, ainsi il est prévu d'instaurer le huis clos jusqu'à la fin des travaux et de nommer une délégation (président, rapporteur) qui aura le pouvoir de rendre publiques les conclusions.
De par son caractère confidentiel, les députés ne devraient pas pouvoir être remplacés.
On a vu dans l'exemple cité plus haut que les moyens à disposition de la commission d'enquête sont inexistants ; le projet qui vous est soumis propose donc de s'en référer à la loi sur la procédure administrative (voir annexe), à l'exception des articles 25, al. 3 et 26 qui ne sont clairement pas applicables aux commissions d'enquêtes parlementaires.
On a pu s'apercevoir au cours du temps que ces commissions avaient leur raison d'être. Elles doivent pouvoir accomplir leur travail en toute indépendance, aussi bien à l'égard du Conseil d'Etat que du pouvoir judiciaire.
Elles n'ont pas pour but de se substituer à l'enquête judiciaire, leur mandat est politique.
Vous aurez donc compris, Mesdames et Messieurs les députés, que le but de ce projet de loi n'est autre que de donner au Grand Conseil le pouvoir qui lui revient. A savoir celui d'enquêter lorsqu'il estime que des faits relatifs aux affaires de l'Etat et particulièrement aux agissements de l'administration cantonale ou d'un établissement public autonome, nécessitent des investigations de sa part.
Nous espérons, Mesdames et Messieurs les députés, que vous accueillerez favorablement notre proposition.
ANNEXE
Loi sur la procédure administrative E 5 10 (art. 18 à 40)
Art. 18 Procédure écrite
La procédure administrative est en principe écrite, toutefois si le règlement et la nature de l'affaire le requièrent, l'autorité peut procéder oralement.
Art. 19 Maxime d'office
L'autorité établit les faits d'office. Elle n'est pas limitée par les allégués et les offres de preuves des parties.
Art. 20 Etablissement des faits
1 L'autorité réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties.
2 Elle recourt s'il y a lieu aux moyens de preuve suivants :
3 Les mesures probatoires effectuées dans le cadre d'une procédure contentieuse font l'objet de procès-verbaux signés par la personne chargée d'instruire, le cas échéant par le greffier et, après lecture de leurs dires, par toutes les personnes dont les déclarations ont été recueillies. Les dispositions spéciales de la présente loi relatives aux témoignages sont réservées.
Art. 21 Mesures provisionnelles
1 L'autorité peut d'office ou sur requête ordonner des mesures provisionnelles en exigeant au besoin des sûretés.
2 Ces mesures sont ordonnées par le président s'il s'agit d'une autorité collégiale ou d'une juridiction administrative.
Art. 22 Coopération des parties
Les parties sont tenues de collaborer à la constatation des faits dans les procédures qu'elles introduisent elles-mêmes, dans celles où elles y prennent des conclusions indépendantes ainsi que dans les autres cas prévus par la loi.
Art. 23 Interrogatoire des parties
Les parties dont l'interrogatoire a été ordonné comparaissent personnellement; les personnes morales désignent pour être interrogées une personne physique ayant la qualité d'organe et qui a personnellement connaissance des faits de la cause.
Art. 24 Production de documents
1 L'autorité peut inviter les parties à la renseigner, notamment en produisant les pièces en leur possession ou à se prononcer sur les faits constatés ou allégués et leur fixer un délai à cet effet.
2 L'autorité apprécie librement l'attitude d'une partie qui refuse de produire une pièce ou d'indiquer où celle-ci se trouve. Elle peut ainsi le cas échéant déclarer irrecevables les conclusions des parties qui refusent de produire les pièces et autres renseignements indispensables pour que l'autorité puisse prendre sa décision.
Art. 25 Entraide administrative
1 Les autorités administratives peuvent requérir auprès d'autres administrations les pièces et informations nécessaires à l'établissement des faits. Il en va de même des juridictions administratives qui peuvent requérir l'assistance des autorités administratives.
2 Sous réserve des situations dans lesquelles il y a péril en la demeure, lorsqu'une autorité administrative ou une juridiction administrative entend requérir, conformément à l'alinéa 1, des pièces ou des informations auprès d'une autre autorité, elle en avise préalablement les parties.
3 L'autorité requise est tenue de prêter assistance, sauf:
4 Les règles de l'article 45 protégeant les parties en matière de refus de consultation du dossier sont réservées lorsque le refus d'assistance émane de l'autorité partie à la procédure et a trait à des pièces ou informations qui servent de base à la décision en cause.
5 Tout refus doit être motivé, il ne doit concerner que les informations et pièces qui doivent rester secrètes.
Art. 26 Comparution et témoignage des membres d'autorités et agents publics
1 Les membres d'autorités administratives ainsi que les agents publics sont tenus de déposer devant les juridictions administratives lorsqu'ils en sont requis.
2 L'autorité compétente dont ils dépendent peut toutefois les libérer de cette obligation et refuser de les délier du secret de fonction dans les cas où, à teneur de l'article 25, alinéa 3, elle est en droit de refuser son assistance.
Art. 27 Renseignements écrits et production de pièces par des tiers
1 L'autorité peut recueillir des renseignements écrits auprès de particuliers non-parties à la procédure, ainsi que demander la production des pièces qu'ils détiennent.
2 Elle décide librement si ces renseignements ont valeur de preuve ou s'ils doivent être confirmés par témoignage.
3 Les tiers sont dispensés de leurs obligations lorsque les pièces et renseignements demandés se rapportent à des faits sur lesquels ils peuvent refuser de témoigner.
Art. 28 Témoignage
1 Lorsque les faits ne peuvent être éclaircis autrement, les autorités suivantes peuvent au besoin procéder à l'audition de témoins :
2 L'autorité cite les témoins par lettre recommandée.
3 La citation mentionne le droit du témoin à être indemnisé et les conséquences du défaut.
Art. 29 Défaut des témoins
1 Le témoin cité qui, sans justifier de son absence, ne paraît pas à l'audience à laquelle il a été convoqué, peut être condamné à une amende n'excédant pas 1000 F.
2 Si cité à nouveau il est encore défaillant, il est condamné à une amende n'excédant pas 3000 F, ainsi qu'en procédure contentieuse aux frais et dépens causés par ses absences et, le cas échéant, à des dommages-intérêts envers les parties.
3 L'autorité dont émane la citation peut en outre ordonner que le témoin soit amené par la force publique.
4 Si le témoin comparant refuse sans juste motif de déposer, il est condamné à une amende n'excédant pas 3000 F, ainsi qu'en procédure contentieuse aux frais et dépens et, le cas échéant, à des dommages-intérêts envers les parties.
Art. 30 Opposition du témoin condamné
1 Le témoin condamné peut former opposition à l'audience où il est entendu.
2 Si l'enquête est terminée, il peut encore le faire auprès de l'autorité qui a prononcé l'amende dans les 30 jours dès la notification de la décision de condamnation.
3 Selon la valeur de son excuse, le témoin opposant peut être déchargé de tout ou partie des condamnations prononcées contre lui.
Art. 31 Personnes entendues à titre de renseignement
Ne peuvent être entendus qu'à titre de renseignement :
Art. 32 Droit de refuser de témoigner
1 En général, ne sont pas obligées de déposer les personnes visées par les articles 320 et 321 du code pénal qui sont astreintes au secret de fonction ou au secret professionnel ainsi que les personnes dispensées de témoigner en vertu d'autres dispositions du droit fédéral.
2 Toutefois, ces personnes sont dans l'obligation de témoigner sur les faits constatés par un acte authentique auquel elles ont été parties ou auquel elles ont participé comme notaire ou témoin instrumentaire si l'exactitude de ces faits est contestée.
Art. 33(2)
Art. 34 Exhortation
Après avoir invité le témoin à déclarer:
Art. 35 Audition
1 Les témoins sont entendus séparément.
2 Les témoins peuvent ensuite être confrontés.
3 Après chaque déposition, le témoin est invité à signer le procès-verbal.
Art. 36 Indemnités
Le témoin peut obtenir le remboursement de ses frais de déplacement ainsi qu'une indemnité équitable qui tient compte de l'état ou profession du témoin, de l'éloignement de son domicile et du temps qu'a duré l'enquête.
Art. 37 Examen par l'autorité
Afin de constater un fait par elle-même, l'autorité peut ordonner :
Art. 38 Expertise
1 Lorsqu'une expertise est ordonnée, l'autorité nomme un ou des experts.
2 Elle détermine le cas échéant à qui incombe l'avance de frais et fixe le montant de cette avance.
Art. 39 Récusation
1 Un délai est imparti aux parties pour proposer, s'il y a lieu, la récusation des experts nommés.
2 Les causes de récusation prévues à l'article 15, alinéa 2, s'appliquent.
Art. 40 Sanctions
1 L'expert qui fait preuve de négligence dans l'exécution de sa mission, qui tarde sans justes motifs à l'accomplir, peut être relevé de son mandat et être condamné à une amende de 10000 F au plus sans préjudice des dommages-intérêts éventuels dus aux parties.
2 Il peut en outre être privé de tout ou partie des honoraires auxquels il pourrait prétendre.
Préconsultation
Mme Fabienne Bugnon (Ve). Le règlement de notre Grand Conseil prévoit un certain nombre de commissions. Il ne prévoit pas la création de commissions d'enquête. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé d'instituer ce type de commission, de lui donner des droits et des devoirs et surtout un pouvoir d'investigation.
Le projet de loi que le groupe des Verts vous propose ce soir suggère d'introduire un nouveau chapitre dans le règlement du Grand Conseil ayant pour titre «commissions ad hoc» et ayant pour but la création d'une commission d'enquête parlementaire.
Cette commission serait habilitée à traiter les objets qui lui seraient renvoyés par le Grand Conseil ; en l'occurrence, la voie de la résolution nous a paru souhaitable. Cette commission serait saisie par le Grand Conseil lorsque celui-ci estimerait que des faits relatifs aux agissements de l'administration cantonale ou d'un établissement public autonome nécessitent des investigations. Voilà pour l'objectif.
La composition de la commission d'enquête serait conforme aux autres commissions parlementaires, c'est-à-dire quinze membres selon la répartition classique, à la différence près que les membres seraient tenus au secret et que les séances se tiendraient à huis clos. Pour renforcer la confidentialité, il n'est pas prévu que les membres de la commission puissent se faire remplacer, sauf en cas de démission.
Enfin, au-delà des droits et des devoirs qui incombent à cette nouvelle commission, l'important est bien sûr le pouvoir d'investigation qui lui serait conféré. Lors des travaux de la commission d'enquête concernant les manifestations autour du 50e anniversaire de l'OMC, nous avons constaté que son pouvoir d'investigation était quasiment nul et dépendait surtout du bon vouloir du Conseil d'Etat. Deux exemples sont rappelés pour mémoire dans l'exposé des motifs. Nous en débattrons lors de la discussion sur la résolution 370.
Le projet de loi prévoit donc que la commission soit dotée des moyens prévus par le chapitre 3 de la loi sur la procédure administrative, articles 18 à 40, à l'exception de certains articles qui ne sont pas compatibles avec les commissions d'enquête. A l'issue de ses travaux, la commission devra présenter un rapport au Grand Conseil et décidera des faits qui seront rendus publics. A cet effet, nous avons prévu qu'elle nomme en son sein une délégation.
Nous ne cachons pas que ce projet de loi a été motivé par les entraves et les lacunes constatées lors des récentes créations de commissions d'enquête, qu'il s'agisse de celle relative à l'OMC ou de celle relative à la BCG. Nous sommes certains que vous aurez à coeur de donner une base légale à un acte du Grand Conseil.
Je tiens à préciser en conclusion, et d'ores et déjà pour répondre à d'éventuelles attaques que je sens venir et auxquelles le règlement ne me permettra pas de répondre, qu'il ne s'agit en aucun cas de se substituer à la justice. Nous n'en avons ni les compétences ni les moyens, ni tout simplement le désir. Il s'agit de mettre en place un instrument qui nous permette d'enquêter politiquement lorsque cela s'impose.
Pour toutes ces raisons, je vous remercie d'envoyer ce projet de loi à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.
M. Albert Rodrik (S). Le groupe socialiste se réjouit de l'arrivée de ce projet de loi qui, de surcroît, est bien fait. Nous pourrons le traiter rapidement en commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil et il pourra entrer en vigueur après la fin des travaux de la dernière commission dont le caractère d'enquête a été assez souvent contesté, répondant ainsi à une lacune et à un besoin. Nous nous réjouissons de le traiter et de voir notre Grand Conseil doté de cette possibilité. Nous remercions nos amis les Verts.
M. Pierre Marti (PDC). Nous remercions Mmes et MM. les auteurs du projet de loi d'avoir attiré notre attention sur l'article 192, alinéas 1, 2 et 3 du règlement du Grand Conseil qui stipule :
«Les commissions et sous-commissions procèdent aux auditions et consultations qu'elles jugent utiles.
»Lorsqu'un fonctionnaire doit être entendu, le président de la commission en informe préalablement, par écrit, le chef du département intéressé.
»Le Conseil d'Etat peut être représenté aux séances de commission. Toutefois, dans des situations particulières, la commission peut inviter préalablement le Conseil d'Etat à s'abstenir de se faire représenter aux séances.»
Il semble que ces dispositions n'ont pas été tout à fait appliquées lors du travail de la commission ad hoc concernant les événements qui se sont produits à l'occasion de la conférence de l'OMC.
Faut-il pour autant créer une instance hybride née d'un conglomérat entre le pouvoir politique et le pouvoir judiciaire ? Si des faits inquiétants nécessitent des investigations du Grand Conseil, les dispositifs actuels sont bien suffisants, sauf si le Grand Conseil veut se substituer à la justice.
Nous sommes donc opposés à l'institutionnalisation des commissions d'enquête parlementaires qui fait fi de la séparation des pouvoirs et nous refusons catégoriquement ce projet de loi.
M. Michel Balestra (L). Nous sommes convaincus que ce projet part d'un excellent sentiment, néanmoins, en y réfléchissant... (L'orateur est interpellé.) Monsieur Lescaze, cessez vos caprices et laissez-moi m'exprimer, ce d'autant plus que, rassurez-vous, je vais demander de le renvoyer à la commission de l'environnement ! (Rires et exclamations.)
Je dirai que tous les pays qui connaissent des commissions d'enquête finissent par se ridiculiser par des règlements de comptes politiques sous couvert d'enquêtes nécessaires. Toutes proportions gardées, le cas le plus drôle du concept de l'arroseur arrosé est sans aucun doute celui des démocrates américains qui ont eu la géniale idée de lancer la mise en place d'un procureur indépendant après l'affaire du Watergate. Ils se sont finalement retrouvés ridiculisés aux yeux de toute la planète avec une affaire glauque, et même pas très sexy, qui finit en eau de boudin !
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose de réfléchir très sérieusement avant de mettre en place cet outil. Nous ne nous opposerons pas au renvoi à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil, mais il n'est jamais intelligent de faire des lois - qui doivent avoir une pérennité - sur des coups de colère.
D'ailleurs, les deux dernières constitutions de commissions parlementaires ont prouvé que nous n'avons ni les compétences, ni la sagesse, ni le recul nécessaire pour pratiquer ce type d'exercice.
Le président. Bien, la parole n'est plus demandée... Pardon, Monsieur Lescaze, vous avez la parole !
M. Bernard Lescaze (R). Monsieur le président, vous savez que notre ancien collègue Jean-Philippe de Toledo dirige une entreprise appelée Visilab qui fait des lunettes avec des rabais pour les députés ! (Rires.)
Cela étant, je me félicite de l'optimisme de notre collègue Albert Rodrik. Effectivement, le groupe radical est d'accord de renvoyer ce projet à la commission des droits politiques. Il pense néanmoins que son examen se heurtera à de nombreuses difficultés de nature juridique car, s'agissant des articles de loi qui ont été mis en annexe, nous ne pensons pas qu'une commission du Grand Conseil puisse par exemple avoir la compétence d'infliger des amendes. Plusieurs articles ne pourront donc pas être entièrement appliqués et cela signifie qu'en réalité la loi sur la procédure administrative ne pourra être qu'un cadre très général. Bien entendu, ce projet se heurtera aussi à des difficultés politiques et, de ce point de vue, le groupe radical, comme le groupe libéral et le groupe démocrate-chrétien, annonce déjà ses plus grandes réserves à cet égard.
Il faudrait d'abord que le Grand Conseil puisse convenablement faire le travail pour lequel les électrices et les électeurs l'ont élu, avant de vouloir s'occuper de tâches qui ne sont pas de sa compétence mais qui - et je le comprends, car c'est très humain - vont être effectuées en priorité, avant celles qui lui sont normalement attribuées. Nous voyons cela séance après séance, et nous allons le voir encore ce soir où, à la suite d'un vote qui a eu lieu tout à l'heure à la demande de l'Alliance de gauche, nous serons empêchés d'examiner les projets régulièrement inscrits à l'ordre du jour.
En conséquence, cette commission d'enquête parlementaire telle qu'elle est proposée par le groupe des Verts nous paraît inopportune mais symptomatique de la manière dont certains groupes parlementaires essayent de détourner la démocratie et les droits démocratiques. Nous saurons nous y opposer de la manière la plus ferme en commission des droits politiques.
M. Christian Ferrazino (AdG). Quand on connaît le travail, ou plutôt l'absence de travail de M. Lescaze au sein de la commission d'enquête parlementaire sur les violences dans le cadre des manifestations contre l'OMC, on comprend sa prise de position sur ce projet... (L'orateur est interpellé par M. Lescaze.).
Le président. Monsieur Lescaze, nous allons terminer très tard si vous continuez ! Monsieur Ferrazino, poursuivez !
M. Bernard Lescaze. M. Ferrazino m'attaque, Monsieur le président !
M. Christian Ferrazino. Vous ne voulez pas qu'on vous renvoie à la commission de l'environnement, Monsieur Lescaze ? (Rires et exclamations.) Alors, on vous garde parmi nous et on répond à vos arguments !
En l'occurrence, nous avons un peu l'impression que vous n'avez pas vraiment saisi l'importance, voire l'opportunité de mettre sur pied des commissions d'enquête parlementaires. Mais nous sommes prêts à vous en convaincre et nous essayerons de le faire dans le cadre du débat qui nous attend tout à l'heure sur l'OMC.
Cela dit, faites un petit raisonnement de plus avec nous, Monsieur Lescaze : une fois qu'une commission parlementaire est instituée par ce parlement, la question est de savoir s'il faut tout faire pour qu'elle ne puisse pas travailler - ce qui est le cas aujourd'hui - ou si, au contraire, il faut lui donner les moyens de poursuivre ses investigations. Poser la question, c'est y répondre et d'ailleurs notre groupe a formulé une proposition semblable dans le cadre des travaux de la commission d'enquête sur la BCG, raison pour laquelle nous ne pourrons que soutenir ce projet de loi. Nous nous réservons la possibilité de proposer des amendements à ce projet de loi.
Deux mots encore pour terminer, Monsieur le président, en réponse à ce qui a été dit par M. Marti, sauf erreur, au sujet d'une prétendue séparation des pouvoirs qui serait remise en cause par le fait qu'un parlement serait doté de moyens lui permettant d'investiguer sur tel ou tel dossier.
C'est un argument facile mais totalement erroné. En effet, nombreuses sont les situations parfaitement conformes au droit en vigueur mais totalement inacceptables d'un point de vue politique. Je prendrai un simple exemple, qui risque de nous occuper également tout à l'heure, à savoir celui des sociétés de portage dont on a parlé dans le cadre de l'enquête sur la BCG.
Les sociétés de portage - M. Béné ne me contredira pas - sont certainement conformes au droit en vigueur. Par contre, vu le rôle néfaste qu'elles jouent notamment sur l'augmentation, voire l'explosion des loyers pour les locataires, elle sont éminemment condamnables d'un point de vue politique.
Ce simple exemple vous montre qu'il n'y a pas lieu de faire intervenir la notion de séparation des pouvoirs entre une mission d'enquête, bien précise, qui serait confiée à ce parlement et celles qui seraient confiées à des tribunaux et qui vont dans un sens totalement différent.
Il est urgent de donner les moyens aux commissions d'enquête parlementaires de pouvoir faire leur travail - quand nous décidons au sein de ce parlement de leur en confier - ce qui, vous en conviendrez, n'est pas le cas aujourd'hui.
Ce projet est renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.
La séance est levée à 19 h.