République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 25 février 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 4e session - 5e séance
IU 627
M. Luc Gilly (AdG). Mon interpellation s'adresse au Conseil d'Etat in corpore, mais en particulier à vous Monsieur Gérard Ramseyer et à Mme Madame Brunschwig Graf - la dame du DAM - qui est responsable du département des affaires militaires.
Je veux parler, évidemment, du recours à l'armée pour le maintien de l'ordre public. En introduction, je voudrais dire ce qui suit :
C'est avec stupéfaction que j'ai appris que le Conseil d'Etat genevois - qui n'est plus monocolore - envisage le recours à la troupe pour le maintien de l'ordre à l'occasion de manifestations à Genève. Cela d'autant plus qu'il y a tout juste deux ans - j'en parlerai après - le gouvernement s'était clairement opposé à ce genre de mesures. Je vous en ferai la lecture. Quinze ans de répression militaire n'ont pas apporté de solution au problème de la minorité kurde en Turquie. Envisager aujourd'hui le recours à l'armée pour répondre à ce problème en Suisse témoigne d'un manque évident de sensibilité politique. L'approche privilégiant le dialogue et la concertation adoptée en Suisse suite à de récentes occupations d'ambassades et de partis politiques par des manifestants kurdes a abouti à des résultats bien plus positifs et pacifistes, qu'en Allemagne, par exemple, où la répression et la criminalisation immédiates des mouvements de minorités kurdes ont conduit à une escalade de réactions violentes avec mort d'hommes.
Sur le recours même à l'armée, j'aimerais vous dire encore ceci :
Au lieu de diminuer les problèmes liés aux manifestations, l'aide apportée par les militaires risque de contribuer à une escalade de la violence ouvrant la voie aux pires dérapages. La simple présence de l'armée peut attiser les tensions, et des situations de violence telles que Genève en a connues en 1995, lors du défilé militaire, en 1998, lors de la manifestation contre l'OMC, pourraient se reproduire.
Je partage l'avis du gouvernement qui s'exprimait, le 29 janvier 1997, par l'entremise de M. Jean-Philippe Maitre, président, et du chancelier Robert Hensler, au sujet de la consultation sur le recours de la troupe pour le maintien de l'ordre public.
Le Conseil d'Etat, dans ce point de presse, disait ceci : «En dépit de l'ancrage de la notion de service d'ordre dans la nouvelle loi fédérale sur l'armée et l'administration militaire, le Conseil d'Etat persiste à croire qu'une armée de milice ne lui paraît pas être, quel que soit son degré d'instruction, un instrument adéquat pour contribuer dans son propre pays au maintien, voire au rétablissement d'un ordre public compromis.»
L'initiative «Genève, République de paix» prône, entre autres, la mise en oeuvre de moyens non militaires et le renoncement à recourir à l'armée pour garantir la sécurité de la population dans le canton. Genève et la Confédération doivent donc cesser de vouloir recourir à tout bout de champ à l'armée pour lui donner une nouvelle raison d'exister. Dans le domaine de la protection de la population, comme dans l'aide en cas de catastrophe et de l'asile, les moyens civils existent et ils sont moins chers et plus appropriés que l'armée.
Voici mes questions :
- Le Conseil d'Etat va-t-il vraiment faire des démarches sérieuses pour engager un bataillon de l'armée à Genève ?
- Le Conseil d'Etat a-t-il calculé les dangers encourus que représente l'armée contre la population à Genève ?
- Le Conseil d'Etat veut-il entériner cette déclaration du 29 janvier 1997 par rapport à l'intervention de la troupe contre les civils ?
- Le Conseil d'Etat va-t-il essayer d'instaurer un dialogue constructif avec la communauté kurde de Genève ? Va-t-il proposer au Conseil fédéral la tenue d'une conférence internationale sur le problème turco-kurde - ou kurdo-turc, c'est comme vous voulez - à Genève ?
Le président. Si nous n'avons oublié personne, nous sommes arrivés au terme des interpellations urgentes. Il y sera répondu à la séance de demain à 17 h. Nous passons donc au point suivant de l'ordre du jour, soit au point 17, le point 16 étant renvoyé à la commission des finances.