République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 22 janvier 1999 à 17h
54e législature - 2e année - 3e session - 3e séance
PL 7940-A
Il a fallu moins d'une séance à la Commission de la santé, réunie sous la présidence de M. le député Pierre-Pascal Visseur et en présence de M. Paul-Olivier Vallotton, pour voter ce projet de loi à l'unanimité. Ce jour-là, les commissaires n'ont fait ni politique, ni juridisme. Ils ont avant tout fait le choix d'articles de loi permettant de respecter au mieux la douleur et les convictions religieuses et culturelles de parents ayant perdu un enfant en cours de grossesse.
Exercice cependant difficile, vu les contraintes imposées par le législateur fédéral, et complexe vu l'interprétation possible d'un certain nombre d'articles.
Sans entrer trop avant dans les détails, on peut retenir les points suivants :
Le droit fédéral précise que la naissance d'un enfant mort-né après le sixième mois de grossesse est inscrite au registre des naissances, mais que cet enfant n'est pas inscrit au registre des décès.
Au plan cantonal, le règlement précise qu'aucun corps ne peut être inhumé ou incinéré avant la déclaration à l'office d'état civil, et que c'est sur présentation du certificat de décès que l'officier d'état civil délivre le permis d'inhumer ou l'autorisation d'incinérer.
En ce qui concerne les enfants mort-nés, le canton de Genève procède ainsi :
L'enfant mort-né de plus de 6 mois étant inscrit au registre des naissances, l'officier d'état civil peut délivrer un permis d'inhumer à la demande des parents. Pour les enfants mort-nés de moins de 6 mois, ils ne peuvent être ni inhumés ni incinérés même si les parents en font la demande. Les corps de ces enfants sont alors incinérés sous la responsabilité de l'établissement public ou privé concerné. A titre exceptionnel il a été parfois dérogé à cette pratique.
Si on peut estimer que Genève ne viole pas le droit fédéral en pratiquant de la sorte, par contre la base légale cantonale lui fait défaut, et c'est le but de ce projet de loi. Rappelons que la loi actuelle date de 1876 et son règlement d'application de 1956 !
Ce projet de loi comprend les principes suivants :
aucune autorisation d'inhumer ou d'incinérer un corps n'est octroyée avant la déclaration du décès à l'office de l'état civil. C'est ensuite l'officier de l'état civil qui délivre le permis d'inhumer ou le Département de justice et police en cas de transfert du corps à l'Institut universitaire de médecine légale (ci-après IUML) ou de décès survenu à l'étranger ; c'est l'IULM qui délivre l'autorisation d'incinérer ;
introduction d'une norme spécifique sur l'inhumation des enfants mort-nés de plus de 6 mois, et autorisation à la direction cantonale de l'état civil de délivrer à titre exceptionnel un permis d'inhumer pour un enfant mort-né de moins de 6 mois, en cas de raisons majeures, éthiques, religieuses ou culturelles. Un certificat de l'IUML, assimilé à un certificat de décès, doit alors être présenté. Afin de respecter le droit fédéral, aucune déclaration de décès et aucune inscription dans les registres de l'état civil n'ont alors lieu ;
autorisation au Conseil d'Etat d'édicter les dispositions réglementaires nécessaires à l'application de cette loi, délégation qui fait totalement défaut dans la loi actuelle.
Conclusion
Le coeur voudrait peut-être que l'on laisse en tout temps et en toutes circonstances le droit à des parents d'enfants mort-nés de disposer du corps de leur enfant afin de respecter leur douleur et qu'ils puissent faire le deuil de cet enfant. Cependant, le droit fédéral nous impose des limites que nous sommes tenus de respecter. Dès lors ce projet de loi, tout en fixant des règles strictes quant aux critères permettant d'inhumer un enfant mort-né (le critère de plus de 6 mois de gestation), laisse aussi la possibilité à l'autorité de délivrer des autorisations exceptionnelles.
Confiant dans les principes moraux et éthiques qui guideront l'autorité et dans le respect dont elle saura faire preuve face à des situations aussi pénibles et délicates que la perte d'un enfant, la Commission de la santé, à l'unanimité, vous propose d'accepter le présent projet de loi.
Premier débat
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(7940)
modifiant la loi sur les cimetières (K 1 65)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
La loi sur les cimetières, du 20 septembre 1876, est modifiée comme suit :
Art. 3A (nouveau)
Aucun corps ne peut être inhumé ou incinéré avant la déclaration du décès à l'office de l'état civil.
Art. 3B (nouveau)
1 Le permis d'inhumer est délivré :
2 L'autorisation d'incinérer est délivrée par l'institut universitaire de médecine légale.
Art. 3C (nouveau)
1 Sur demande, l'officier de l'état civil délivre le permis d'inhumer un enfant mort-né, de plus de six mois.
2 Exceptionnellement pour des raisons majeures compte tenu de l'ensemble des circonstances, l'autorité cantonale de surveillance de l'état civil peut délivrer, dans d'autres cas, un permis d'inhumer un enfant mort-né et sur présentation d'un certificat de l'institut universitaire de médecine légale ; aucune déclaration de décès et aucune inscription dans les registres de l'état civil n'ont lieu.
Art. 11 (nouveau)
Le Conseil d'Etat édicte les dispositions réglementaires nécessaires à l'exécution de la présente loi.
Article 2
Le Conseil d'Etat fixe la date d'entrée en vigueur de la présente loi.