République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1257
5. Suite du débat sur la proposition de motion de Mmes et MM. Barbara Polla, Alain-Dominique Mauris, Michel Balestra, Jacques Béné, Jean-Pierre Gardiol, Janine Hagmann, Armand Lombard et Pierre Ducrest pour l'amélioration de la situation des familles et la transparence des emplois de proximité. ( ) M1257
Mémorial 1999 : Développée, 55.

Suite du débat

Le président. Nous reprenons nos travaux où nous les avons laissés. Monsieur Ecuyer, vous avez la parole.

M. René Ecuyer (AdG). Nous sommes favorables au renvoi en commission fiscale de la motion qui nous est soumise ce soir.

Cette motion comporte deux aspects. Pour nous, l'aspect le plus important et le plus concret est la déduction fiscale. En effet, le problème du travail au noir doit être traité globalement, car il est grave et générateur d'injustices, d'arbitraire, d'intolérance. Et je ne pense pas que cette motion pourra régler ce problème. Par contre, la déduction des frais de garde des enfants a déjà été évoquée il y a des années devant ce Grand Conseil, et j'avoue que je suis assez content que le sujet soit à nouveau d'actualité.

Je vous propose donc que nous en discutions en commission. Il me semble tout à fait juste que les parents qui ont des enfants à charge et qui sont contraints d'aller travailler puissent être aidés, car il s'agit souvent de personnes seules. C'est donc une bonne chose, et nous accueillons cette motion favorablement, en tout cas son aspect fiscal.

M. Pierre-François Unger (PDC). Notre groupe accueille évidemment très favorablement cette motion d'autant que, même si elle est discrète à cet égard dans l'exposé des motifs, elle reprend les grandes lignes de deux motions déposées, il y a deux et trois ans respectivement, par les démocrates-chrétiens.

Comme l'a exprimé M. Ecuyer, l'aspect fiscal mérite d'être examiné pour lui-même, non seulement pour les enfants mais pour les personnes âgées. Du reste, vous vous souviendrez peut-être que l'une de nos motions abordait le problème de la garde d'un aïeul impotent à la maison. Et nous sommes toujours dans l'attente d'une réponse du Conseil d'Etat à ce sujet.

S'agissant du travail au noir - vous avez raison, Monsieur Ecuyer - il faut prendre le problème dans son ensemble. Néanmoins, nous savons quand même qu'un certain nombre des emplois domestiques - c'est vrai que ces emplois ne recouvrent pas du tout l'ensemble du travail au noir - sont extrêmement propices à l'exploitation des personnes, qui travaillent dans des conditions parfois extrêmement dures et pour un salaire invraisemblablement bas. Pour la dignité de ces personnes, nous devons véritablement essayer d'obtenir plus de transparence dans ces emplois de proximité. Ces emplois de proximité doivent recouvrir d'ailleurs la plupart des emplois domestiques, de manière que les employés soient payés convenablement et qu'un contrat type soit élaboré pour que les vacances, les absences, les assurances sociales - assurances maladie, assurances accident, AVS, etc. - soient prises en considération. Bien entendu, cela implique un retour fiscal. Celui-ci devra être évalué pour que les déductions fiscales n'aboutissent pas uniquement à aggraver le «trou» mais qu'elles soient proportionnelles aux gains fiscaux que l'on peut escompter de la déclaration de ces emplois.

Notre groupe se félicite que les libéraux, deux ans après, nous aient suivis dans notre démarche !

Mme Fabienne Bugnon (Ve). Le titre de cette motion est intéressant.

En effet, il est louable de vouloir s'occuper de la situation des familles dans un canton et dans un pays où fort peu de mesures sont prises au niveau de la politique familiale.

Le placement des enfants, la reconnaissance des modes de garde des petits enfants et, par là, des soutiens aux familles sont des sujets intéressants. Mme de Tassigny a évoqué tout à l'heure des travaux qui sont actuellement pendants devant le Conseil national et qui, je le pense, prennent une bonne direction.

Par contre, les solutions préconisées par cette motion ne sont malheureusement pas bonnes. En effet, la première invite est tout à fait discriminatoire. Que signifie : déduire fiscalement les frais de garde pour les enfants «pour autant que ceux-ci soient nécessaires à l'acquisition d'un revenu professionnel» ? Qu'est-ce que l'acquisition d'un revenu professionnel ? Est-ce l'acquisition d'un second revenu pour compléter celui du conjoint dont le salaire est trop modeste, trop médiocre, pour faire vivre une famille ou est-ce un deuxième revenu pour quelqu'un dont le conjoint gagne déjà 10 000 F et qui souhaite en gagner 20 000 ? Ce sujet est beaucoup trop vaste et donne lieu à de multiples interprétations.

De plus, cette invite exclut toutes les femmes qui souhaiteraient, par exemple, reprendre ou poursuivre leurs études. Mais il y a beaucoup d'autres exemples - c'est la personne de terrain qui vous parle - de familles qui doivent confier leur enfant à un moment ou à un autre, pour des raisons diverses, et qui ont besoin d'aide pour cela et ne doivent en aucun cas être discriminées.

Je suis assez surprise que cette proposition de déduction fiscale vienne d'un parti qui, par ailleurs, réclame une diminution drastique des impôts par voie d'initiative et qui veut mettre un frein aux dépenses par voie de résolution. Je dois dire que nous avons beaucoup de peine à nous y retrouver... Cette motion manque un peu de sérieux !

Puisque tout le monde s'accorde à vouloir la renvoyer en commission, nous ne nous y opposerons pas. Mais, pour notre groupe, le libellé de cette motion n'est pas acceptable. Nous acceptons le renvoi de cette motion en commission, mais, d'ores et déjà, le groupe des Verts indique qu'il ne la soutiendra pas.

Mme Micheline Calmy-Rey. La déduction des frais de garde des enfants est une revendication ancienne de l'Association des familles monoparentales, aussi bien au niveau suisse qu'au niveau genevois. Il est vrai que les familles monoparentales qui ont des enfants et qui doivent travailler ont des difficultés financières. Elles comptent parmi les plus démunies du canton.

Sous cet angle, je pense que cette motion doit être prise au sérieux. Il faut l'étudier en commission avec toutes les réticences qui se sont exprimées - j'ajoute les miennes à celles qui ont été formulées - sur le libellé du texte et sur le fond.

J'ajouterai encore que le système des déductions fiscales sur le revenu brut ne me paraît pas forcément le meilleur dans la mesure où ce système d'arrosage favorise les hauts revenus. Ce n'est donc pas un système social du tout.

Dans la mesure où la commission fiscale va être amenée à traiter de la révision de la loi sur l'imposition des personnes physiques et, donc, du système de déductions, nous aurons l'occasion de traiter cette motion en commission fiscale.

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission fiscale.