République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7835-A
16. Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Rémy Pagani, Jeannine de Haller, Christian Grobet et Christian Ferrazino modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (L 1 30). ( -) PL7835Rapport de majorité de M. Florian Barro (L), commission d'aménagement du canton
Mémorial 1998 : Projet, 2781. Renvoi en commission, 2786.
Rapport de majorité de M. Olivier Vaucher (L), commission d'aménagement du canton
Rapport de minorité de M. Rémy Pagani (AG), commission d'aménagement du canton

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

La Commission d'aménagement du canton a étudié le projet de loi 7835 lors de ses séances des 23 et 30 septembre + 7 octobre 1998, sous la présidence de Mme Fabienne Bugnon et en présence de M. L. Moutinot, chef du DAEL, M. G. Gainon, chef de la division de l'information du territoire et des procédures et de M. J.-Ch. Pauli, juriste du DAEL.

Présentation du projet

Les auteurs de ce projet de loi, tous membres de l'alliance de gauche, en voulant modifier l'article 15A de la Lalat, veulent spécifier les indications qui doivent figurer dans les plans de zones, en y faisant figurer, notamment, les taux d'utilisation du sol et les normes de zone.

Ils voudraient de plus, faire figurer dans ladite loi, la valeur maximale admissible pour des terrains situés hors des zones à bâtir qui pourraient bénéficier d'un déclassement dans une zone constructible.

De surcroît, seuls des terrains propriétés de l'Etat, de collectivités publiques, ou d'institutions sans but lucratif, pourraient bénéficier de telles mesures.

A ce jour, il faut savoir que le Grand Conseil approuve des plans de zones, et que le Conseil d'Etat approuve les plans localisés de quartier et de site. C'est dans les PLQ que les taux de densité figurent actuellement Dans les zones de développement, les taux d'utilisation du sol sont définis par le Conseil d'Etat.

Je vous laisse imaginer les difficultés et les complications que cela occasionnerait si le législatif venait à gérer ce problème !

Pour ce qui est de l'article 17A (nouveau) tel que préconisé par ce projet de loi, si sur le fond, il peut répondre à une bonne intention, en voulant favoriser l'installation d'habitations à bon marché, sur la forme, il institue des inégalités de traitement inacceptables.

En effet, il crée une inégalité de traitement entre l'Etat et les privés ! Dans des temps de crise financière telle que nous la vivons, nous devrions tout faire pour encourager le privé à réaliser de telles constructions. Le logement social n'étant pas l'apanage de l'Etat.

D'ailleurs cet article tel que rédigé n'est pas conforme à l'article 4 de la constitution fédérale.

D'autre part, s'il est certain que pour construire des HBM à des prix abordables à la location, il faille obtenir des terrains à des prix raisonnables, il n'est pas nécessaire d'en fixer le prix dans la loi.

Je rappellerai en passant que les solutions pour construire bon marché sont connues, et que c'est plutôt la volonté de réaliser ces économies qui manquent trop souvent.

Auditions et discussion de la commission

La Chambre genevoise immobilière d'emblée précise qu'en inscrivant les taux d'utilisation du sol dans la loi et en n'autorisant le déclassement en zone à bâtir que de parcelles propriété de l'Etat, le projet de loi entend priver les autorités cantonales et communales de la liberté de manoeuvre et du pouvoir d'appréciation dont elles doivent disposer pour répondre aux besoins.

De plus, elle pense que ce projet de loi viserait à figer l'aménagement du territoire. A ses yeux, tant la modification de l'article 15A que l'introduction d'un nouvel article 17A, paraissent inappropriés, créant des contraintes importantes injustifiées, tout en n'étant pas forcément le moyen pour atteindre le but souhaité.

La CGI analyse dans son courrier ci-annexé du 30.9.1998, très clairement sa contre-argumentation à ce projet de loi.

Pour ce qui est de la Chambre genevoise d'agriculture, elle s'exprime surtout sur le nouvel article 17A en mettant en évidence son incompatibilité flagrante avec le droit foncier rural qui s'applique aussi à l'Etat.

Elle précise de plus, que la fixation du prix du terrain dans la loi entraînerait, à Genève en particulier (vu l'immense endettement des exploitations agricoles), des conséquences désastreuses pour de nombreuses PME agricoles, terriblement endettées et dont la vente de terrains déclassés constitue souvent la seule issue de secours pour permettre aux exploitations saines dans leur structure, de repartir.

Ainsi donc, les deux entités auditionnées concluent au rejet de ce projet.

Il est apparu au cours des discussions que le département a toujours été opposé à ce que les taux d'utilisation du sol soient systématiquement fixés dans une loi qui ne puisse être modifiée que par le Grand Conseil. C'est en effet, un des éléments essentiels du PLQ ; il est indispensable que le département puisse conserver cette marge de manoeuvre dans l'examen de projets en zones de développement, car les taux sont son unique moyen de négociation.

Il est aussi relevé que, pour des raisons de constitutionnalité (garantie de la propriété, liberté du commerce et de l'industrie), le Grand Conseil ne peut pas inscrire le prix maximum autorisé du terrain dans la loi.

D'autre part, la commission considère que l'on ne peut réserver aux terrains de l'Etat la possibilité de faire l'objet d'un déclassement en zone à bâtir. Cela violerait le principe de l'égalité dans la loi consacré par l'article 4 de la Constitution fédérale. L'article 17A tel que présenté, est politiquement et juridiquement impossible.

Ainsi, Mesdames. et Messieurs les députés, pour les nombreuses raisons évoquées ci-dessus, la commission, à la majorité des présents, a refusé l'entrée en matière de ce projet de loi.

Projet de loi(7835)

modifiant la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (L 1 30)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève

décrète ce qui suit :

Article unique

La loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, est modifiée comme suit :

Art. 15A, al. 2 (nouvelle teneur)

2 L'avant-projet est mis au point par le département, en collaboration avec la commune et la commission d'urbanisme avant qu'il ne soit soumis, sur décision du Conseil d'Etat, à la procédure prévue à l'article 16. Il doit indiquer les normes des zones, les taux d'utilisation du sol et les degrés de sensibilité au bruit qui seront applicables.

Art. 17A (nouvelle teneur)

Afin de favoriser des constructions bon marchéet de prévenir des prises de bénéfice exagérés, les déclassements en zones à bâtir ou en zones sportives ou de loisirs de terrains situés hors des zones à bâtir doit porter, sous réserve de déclassements mineurs, sur des terrains propriété de l'Etat, de collectivités publiques ou d'institutions sans but lucratif dont le prix d'acquisition n'a pas dépassé 100 F le m2. La valeur des bâtiments ou installations situés sur ces terrains ne doit pas dépasser leur valeur de remplacement.

ANNEXE

p.5

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RAPPORT DE LA MINORITÉ

Dans un grand élan « d'efficacité » la majorité de circonstance de la Commission de l'aménagement, formée de 3 libéraux, 2 radicaux et 2 PdC, a balayé d'un revers de main ce qui aurait pu être une avancée importante pour les locataires et les habitants sur deux points essentiels :

une meilleure transparence concernant les critères établissant des plans de zone (taux d'utilisation du sol, les degrés de sensibilité au bruit)

et surtout un renforcement salutaire de la lutte de notre Parlement contre la spéculation foncière et la mise à disposition de terrain bon marché pour la construction de logements en cas de déclassement de terrains agricoles (rappelons que cette obligation de combat nous est imposée par la Constitution en son article 10A, al. 3, lettre a).

La majorité a même refusé d'entrer en matière sur la première partie de ce projet de loi, l'article 15A, al. 2 (nouvelle teneur) en le jetant aux oubliettes. On comprend mal ce rejet alors que l'inscription de ces deux normes dans les plans de zone nous semble aller de soi. En effet, il est normal que le plan de base en matière d'aménagement du territoire fixe les conditions essentielles applicables à un terrain constructible, à savoir et tout particulièrement, le taux de densité. De plus, il appartient au Grand Conseil de fixer le taux des plans de zone. Cela a d'ailleurs été le cas dans beaucoup de plans de zone adoptés ces 15 dernières années. Il s'agit ici de légaliser une pratique qui s'est imposée dans les faits.

Cette majorité n'a pas non plus voulu inscrire dans la loi la valeur maximale en francs qui devrait être admise pour un terrain situé hors des zones à bâtir et qui bénéficierait d'un déclassement dans une zone constructible. Lorsqu'on sait les difficultés engendrées par le prix du terrain à Genève et par la spéculation foncière dans la construction d'immeubles correspondant aux besoins prépondérants de la population (HBM ou HLM), on ne peut que déplorer pareille attitude. Si cette décision n'est pas modifiée en plénière, les demandeurs de logements ainsi que les locataires, actuels et futurs, ne sont pas prêts d'arrêter de payer des loyers surfaits !!!

En effet, il est évident qu'en cas de déclassement, la valeur d'un terrain agricole dont le m2 ne vaut aujourd'hui que 5 F s'aligne immédiatement sur celle d'une zone à bâtir, soit au minimum 400 ou 500 F/m2. Pour se rendre compte de cette explosion de prix, il n'est que de citer un exemple : le terrain agricole déclassé à Plan-les-Ouates pour une école et dont il semble que les propriétaires revendiquent un prix de 1700 F/m2. A quel prix se vendront les autres terrains agricoles déclassés dans le même secteur pour la construction de logements ?

En conséquence, il est indispensable de prendre des mesures efficaces pour lutter contre de telles spéculations foncières et, surtout, pour qu'en cas de déclassement les collectivités publiques, les institutions sans but lucratif ainsi que les fonds de prévoyance profitent de la valeur dérisoire des terrains agricoles pour abaisser le coût de construction des logements. Ce qui implique que ces terrains soient maîtrisés par les collectivités, par des institutions sans but lucratif ou des caisses de pensions.

A ce sujet les auteurs du projet de loi considéraient que les fonds de prévoyance étaient assimilables à des institutions sans but lucratif. Etant donné que, juridiquement, tel ne semble pas être le cas, la minorité complète le projet de loi de la manière suivante.

Art. 17A (nouveau)

... les collectivités publiques, d'institution sans but lucratif ou de fonds de prévoyance dont le prix…

De plus, la minorité propose de compléter le projet de loi en prévoyant que l'al. 2 de l'art 17A s'applique par analogie à des terrains agricoles déjà déclassés qui ont été affectés à une zone de développement et qui n'ont pas encore fait l'objet d'un arrêté du Conseil d'Etat leur appliquant les normes de la zone de développement dans laquelle ils sont situés. Ceci afin de prévenir des opérations spéculatives comme celles pressenties sur les terrains déclassés de Champ-Joli à Plan-les-Ouates.

Art. 17 A  (nouvelle teneur)

1 Afin…

2 l'art 17A al. 1 s'applique par analogie aux terrains agricoles déjà déclassés qui ont été affectés à une zone de développement et qui n'ont pas encore fait l'objet d'un arrêté du Conseil d'Etat leur appliquant les normes de la zone de développement dans laquelle ils sont situés.

Sur un autre plan, rappelons qu'il y a une dizaine d'années en arrière, le Grand Conseil avait considéré, lors d'un déclassement de terrain à Anières, que la valeur d'une surface agricole déclassée en zone à bâtir ne devait pas dépasser un montant situé entre 40 et 70 F le m2, valeur pouvant être portée, dans des cas très exceptionnels, à 100 F le m2. Lors de son audition, M. Ankers, représentant de la Chambre genevoise d'agriculture, a d'ailleurs reconnu que le prix du terrain agricole a passé ces dix dernières années de 15 à 4 F/m2. Ce qui, à l'évidence, laisse une marge certaine au propriétaire en cas de transaction foncière.

Ainsi la minorité de la Commission de l'aménagement (S, Ve, AdG) vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à entrer en matière sur ce projet de loi, à en débattre en plénière (puisque tel n'a pas pu être le cas en commission) et à le voter.

Premier débat

M. Florian Barro (L), rapporteur de majorité ad interim. Pour revenir sur le rapport de M. Vaucher, je rappelle les raisons qui ont poussé la majorité à refuser ce projet de loi - à 7 voix contre 7, si je me souviens bien.

Ces trois raisons sont les suivantes :

La première concerne le fait de fixer le taux d'utilisation du sol dans les projets de lois. Cela constitue, selon nous, un acte législatif abusif dans la mesure où, la plupart du temps, on se sert du taux d'utilisation du sol pour faire aboutir une négociation. Il nous paraît particulièrement regrettable de devoir l'imposer déjà au niveau du projet de déclassement, alors que, bien souvent, un plan localisé de quartier n'est pas encore en force au moment où nous déclassons les terrains.

La deuxième raison concerne le fait de donner la possibilité de déclasser uniquement les terrains qui appartiennent à des collectivités publiques. Il nous paraît particulièrement discriminatoire de distinguer deux types de propriétaires, ceux qui possèdent des terrains pouvant être déclassés et les autres. Cela pourrait bloquer la possibilité de construire. Il n'est pas sûr non plus que l'Etat ait pour mission spécifique de réaliser des logements. La majorité des logements sont construits par des privés, et si l'Etat devait construire lui-même des logements en zone agricole déclassée en zone constructible, il faudrait qu'il s'en donne les moyens.

Par ailleurs, la loi sur le droit foncier rural émet certaines restrictions quant aux possibilités d'acquisition des collectivités publiques. Et je ne suis pas sûr que ce projet de loi résiste à l'analyse de la compatibilité avec ladite loi. De plus, l'amendement proposé par M. Pagani dans son rapport, - amendement qui n'avait pas été proposé lors de la discussion générale en commission - offre la possibilité de mettre les fonds de prévoyance au bénéfice de cette loi en plus des collectivités. C'est de nouveau une inégalité de traitement entre les privés, les collectivités et les fonds de prévoyance. A toutes fins utiles, je rappelle que les fonds de prévoyance ont un but éminemment lucratif puisqu'ils doivent produire de l'argent pour servir les rentes des personnes assurées.

La troisième raison concerne le fait de fixer le prix du terrain dans la loi, alors que l'on sait que ce prix est déterminant pour l'économie d'un projet. Il est en effet particulièrement contraignant que le prix soit fixé dans la loi. Je pense notamment aux zones sportives qui pourraient, bien entendu, se négocier au-dessous du prix de 100 F. Il nous paraît donc dangereux de fixer un prix dans la loi, car cela limiterait la marge de manoeuvre du Conseil d'Etat dans certains cas de déclassement.

La majeure partie des déclassements de zone agricole en zone à bâtir qui ont été faits ces dernières années ont été classés en zone de développement, ce qui revient à dire que les prix du terrain sont d'une manière ou d'une autre contrôlés par l'Etat sans pour autant être maîtrisés.

Je vous invite donc à ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.

M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur de minorité. Notre débat en commission n'a malheureusement pas pu se poursuivre, puisque l'entrée en matière n'a pas été votée par une majorité de commissaires. Je ne reviendrai donc pas sur les problèmes qui viennent d'être soulevés par mon préopinant.

Je relève toutefois, pour la forme, que la construction de logements, HLM notamment, devient surréaliste et les prix incroyables. Notre canton connaît un véritable problème foncier. Les projets de lois que nous proposons ont pour but de lutter contre la spéculation foncière qui existe bel et bien même si d'aucuns la nient.

Tel était l'objectif du projet de loi 7835. En établissant le rapport de minorité, nous nous sommes aperçus qu'il fallait être un peu plus pointus dans la rédaction de ces articles de lois. Nous avons fait deux propositions d'amendement. Comme l'entrée en matière sur le projet n'a pas été votée en commission, et pour couper court à la discussion puisqu'il se fait tard, nous proposons le renvoi pur et simple du projet en commission.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce projet à la commission d'aménagement du canton est adoptée.