République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 17 décembre 1998 à 17h
54e législature - 2e année - 2e session - 57e séance
IN 109-C
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
La commission ad hoc s'est réunie les 8, 15 et 29 mai, 12 et 19 juin, 3 juillet, 4, 11 et 18 septembre et le 16 octobre 1998 sous la présidence de Mme Elisabeth Reusse-Decrey (remplacée deux fois par la vice-présidente Mme Madeleine Bernasconi, et Mme Anne Briol en l'absence de celle-ci).
Les travaux n'ont été accompagnés par aucun conseiller d'Etat ni secrétaire de département du DAM ou DJPT.
Préambule
Suite au recours de droit public contre la décision du Grand Conseil de Genève prise le 27 juin 1997 de déclarer l'initiative irrecevable, le Tribunal fédéral en date du 12 février 1998 donne raison aux recourants.
Le 23 avril 1998, le Grand Conseil déclare l'initiative recevable et la commission ad hoc peut se mettre au travail pour se déterminer sur le fond de celle-ci dès le 8 mai 1998. Un nouveau recours est déposé le 3 juin 1998, cette fois par trois députés opposés à l'initiative et à la décision du 23 avril 1998. Nouvelles procédures entre les recourants, les initiants, la commission législative et le président du Grand Conseil M. René Koechlin. Pour conformité, le Grand Conseil annule la décision du 23 avril 1998 et une nouvelle décision du Grand Conseil en date du 29 juin 1998 déclare l'initiative recevable. Le recours des députés Balestra, Blanc et Ducommun devient sans objet et ils retirent leur recours. La commission ad hoc peut continuer ses travaux ! En date du 16 octobre 1998, la majorité de la commission vote favorablement sur le fond de l'initiative.
A Genève, une culture et une politique de paix, c'est nécessaire et c'est possible
C'est le 28 août 1996 que le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) a remis son initiative « Genève, République de paix » - ci-après GRP - à la Chancellerie d'Etat. Cette initiative est soutenue par : Femmes pour la Paix, l'Alliance de Gauche, les Jeunesses socialistes, les Verts, le Parti du Travail, solidaritéS, le Parti Socialiste genevois et les syndicats SIT et SIB. Elle a obtenu l'appui de 11 178 citoyennes et citoyens du canton.
Insérer un article pacifiste dans la constitution genevoise, tel est le but de cette initiative, et c'est par ce levier-là qu'elle veut, par des mesures cantonales concrètes, faire avancer et consolider un message d'ouverture, d'innovation et de courage pour renforcer l'idée que la prévention et la compréhension sociale des conflits doivent avant tout être de nature non-violente. Déléguer la solution aux militaires ne peut qu'aggraver les conflits !
Cette initiative doit aussi orienter les responsables politiques du canton pour répondre à la majorité des citoyennes et citoyens qui soutiennent (à une exception près) depuis des dizaines d'années chaque votation concernant les problèmes liés à l'armée et à la paix !
La solidarité, la justice sociale et le renoncement à la violence sont les objectifs auxquels le gouvernement genevois doit impérativement donner la priorité. L'initiative propose des mesures concrètes qui vont dans ce sens : un programme d'éducation à la paix dans le cadre de l'instruction publique ; la création d'un institut de recherche pour la paix ; l'accueil des plus démunis et des victimes de la violence ; enfin, le renoncement à la possibilité pour le canton d'appeler et d'engager les troupes de l'armée contre la population. Le canton développera des moyens civils et non violents pour résoudre les conflits internes. Il en va de même pour la protection des rencontres internationales.
Travaux de la commission
Il a fallu dix séances de commission et onze auditions pour conclure nos travaux ! Deux raisons majeures prolongèrent nos débats :
une partie de la commission entendait pratiquement que l'on reparte à zéro sur la recevabilité juridique de l'initiative 109, mais telle n'était pas la mission de la commission ;
un homme, seul, parfois accompagné de ses « lieutenant(e)s », le député Pierre Froidevaux, rapporteur de minorité, revint à la charge durant 9 séances pour imposer d'une manière ou d'une autre l'armée dans le contexte de cette initiative à caractère éminemment civil ! Chaque fois que nous parlions de culture de paix et d'autres approches non-violentes des conflits, M. Froidevaux ressortait de son chapeau le département militaire (juge et partie, quel paradoxe !).
Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai rappelé et je rappelle que cette initiative n'est pas abolitionniste. Elle comble bien un oubli important dans notre constitution, l'affirmation et l'encouragement nécessaires d'une culture et d'une dynamique politique pacifiste, afin que Genève devienne réellement cette « ville internationale de paix ».
A nouveau, les représentants de l'Entente ont accusé les initiants de vouloir abolir de fait l'armée à Genève par la petite porte, en arguant que l'initiative outrepassait les compétences cantonales et ne respectait pas la constitution fédérale. Ils étaient encouragés dans ce sens par le rapport du Conseil d'Etat qui a avancé des arguments plus que douteux pour invalider partiellement l'initiative tout en la dénaturant complètement et en détournant le sens donné par les initiants !
Le grand remous et le feuilleton faits autour de cette initiative viennent certainement du fait qu'elle a été lancée par le Groupe pour une Suisse sans Armée. Faut-il pour autant empêcher ces gens de réfléchir et de proposer une modification de la constitution par le biais d'une initiative cantonale pacifiste et civile ? Plus de 11 000 citoyennes et citoyens l'ont appuyée, et, pour rappel, les Verts, le Parti Socialiste, l'Alliance de Gauche (Parti du Travail, Indépendants et solidaritéS), les Jeunesses socialistes, Femmes pour la Paix, et les syndicats SIB et SIT la soutiennent.
Un autre groupe de citoyennes et citoyens aurait-il déposé cette initiative que l'Entente ne la prendrait pas en grippe de cette manière ! Car au cours des séances, souvent vives, chacun(e) a petit à petit admis la pertinence de « Genève, République de paix » sur bien des aspects. Force est pourtant de constater malgré tout le peu d'intérêt pour ce projet par le taux d'absentéisme de l'Entente sur cet objet et l'intérêt du député Michel Balestra, pourtant auteur d'un des deux recours contre l'initiative qu'on ne vit que deux fois !... (?)
Auditions
En date du 15 mai 1998, nous avons auditionné Maryelle Budry (Femmes pour la paix, Femmes en noir et GSsA), Sébastien L'haire (permanence pour le service civil et problèmes militaires, et GSsA) et Tobia Schnebli (GSsA). Les textes remis sont en annexe du présent rapport. Je ferai mien le texte de Tobia Schnebli que nous avons écrit ensemble et qui résume parfaitement les discussions que la commission a tenues durant ses séances. Vous pourrez donc le lire à la suite des auditions.
Le 28 mai, audition de Mme Martine Brunschwig Graf, présidente des affaires militaires. Durant une heure, la présidente nous a fait part de ses doutes, tant sur le plan de la marche à suivre pour la commission que sur la recevabilité de l'initiative qui, pour elle, est en porte-à-faux avec la solidarité confédérale. Mme Brunschwig Graf propose l'idée d'un contre-projet comprenant les aspects intéressants de l'initiative (recherche, création d'un institut pour la paix) et faisant intégrer l'armée dans son rôle spécifique pour Genève. Elle parle surtout du maintien de la paix, alors que l'initiative va plus loin dans le sens d'une véritable culture de la paix par la mise en place d'éléments importants à certains niveaux.
L'audition de M. Gérard Ramseyer n'éclairera malheureusement pas la lanterne des députés puisque le chef du Département de justice et police et des transports annonce d'emblée que son département n'est pas compétent pour parler du fond. Il n'est compétent que pour analyser la forme, et M. Ramseyer de repartir sur des considérants juridiques, de recours et de délai. La commission constate qu'entre les deux présidents, l'interprétation sur la suite des travaux ne sont pas les mêmes, malgré l'éclairage de M. Balland, secrétaire adjoint du DJPT.
19 juin : audition de M. Jean Freymond qui représente l'Etat de Genève dans le centre d'études stratégiques ; il est colonel et appartient à la commission militaire consultative. Il est venu en tant que représentant du Centre d'études pratiques de la négociation internationale. Ce centre existe depuis 20 ans et s'intéresse à la paix sur plusieurs fronts. Il a travaillé avec des Turcs et Kurdes, avec des gens du Kosovo, sur la formation à la diplomatie avec certains pays africains, avec la Corée du Nord, et a participé à une réunion sur les conflits du Moyen-Orient.
Mais il s'agit là d'une approche « légère », dit M. Freymond. Une maison pour la paix se fera tôt ou tard à Genève, dit-il, et la ville pourrait être un lieu rayonnant dans ce domaine. Mais à qui sera ouverte cette maison ? Tout en admettant que la prévention doit être fortement encouragée et qu'il y a un paradoxe dans le fait que ce soit le Département de la défense qui prenne l'initiative, M. Freymond accepte avec fatalisme la violence planétaire. Les exportations d'armes et le surarmement de la planète ne concernent pas son centre...
M. Freymond ne veut pas politiser le débat, car il divise. La paix doit rassembler autour d'un même combat, celui des valeurs de justice sociale et de retrouver la dignité des êtres et des communautés. Force est de constater que la recherche de la paix est un combat politique parce qu'il est un choix de société différent du discours officiel, qu'il soit au niveau international, national ou cantonal. « Si tu veux la paix, prépare la guerre » est encore un mot d'ordre accepté par la grande majorité des politicien(ne)s.
M. Freymond estime que l'initiative 109 a des choses importantes à apporter, mais que les points concernant l'armée sont dépassés, l'armée suisse étant en cours de restitution à un usage civil...
Puis audition de M. Marc Vuilleumier, éminent historien, qui ne parlera pas de l'initiative, mais des différents mouvements de paix que Genève a connus. Dès le début du XIXe siècle, J.-J. de Seillon a été le premier pacifiste genevois. De succès en échecs, la promotion de la paix divise toujours. Le Peace Bureau International est créé en 1891 à Milan. Il s'installe à Berne, puis à Genève où il existe toujours. La Croix Rouge internationale est fondée pendant la Première Guerre mondiale. L'allégement des souffrances ne fait pas la paix, mais avec la guerre, la Croix Rouge aura une valeur pacifiste aux yeux de l'opinion publique. L'Agence internationale des prisonniers de guerre joue un rôle important à Genève. Si durant l'entre-deux-guerres la Société des Nations a pour but le maintien de la paix, elle subit rapidement un échec dès 1920, parce qu'elle devient vite une sorte de club des vainqueurs de la Première Guerre mondiale. Les prémices de l'ONU étaient lancées. La Croix-Rouge et la SdN sont à l'origine de la conception de l'Esprit de Genève, et depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, Genève a acquis à nouveau une certaine célébrité grâce aux conférences internationales (sur la Corée, l'Indochine, l'Algérie par exemple) et à l'établissement d'organisations internationales. Genève, cité de paix.
M. Vuilleumier indique que beaucoup d'Etats ont prétendu mener une politique pacifiste. On évite certains engrenages menant à la guerre. Pourtant, tous les pays continuent d'entretenir une armée. Rien n'est fait à Genève pour comprendre la cause des conflits, à part quelques études individuelles.
Audition d'Andreas Gross (conseiller national et politologue), qui déclare que la chose qui lui paraît la plus importante est de séparer la paix et l'armée. Lui-même s'est engagé dans ce sens. Les deux axes principaux d'un travail pour la paix sont, d'une part, l'augmentation de la chance de vie pour tout le monde et, d'autre part, apprendre à vivre le conflit. Ce dernier, enfant de la liberté, n'est pas synonyme de violence. Ces deux axes sont liés par la violence en tant qu'influence sur la réduction des chances de vie. M. Gross ajoute que la tranquillité n'est pas liée à la paix... mais au cimetière. Concernant l'initiative, il y voit une invitation faite au canton d'encourager le processus de paix et de réfléchir à tout ce qu'il est possible de faire dans ce sens, sachant qu'il s'agit d'un processus sans limites. M. Gross précise que cette initiative ne devrait pas concerner l'armée, celle-ci étant une institution à part. Il estime qu'il serait intéressant de développer la théorie présente dans l'initiative pour montrer la potentialité de la pratique d'un tel concept. Développer ce concept toucherait à tous les domaines de la politique. Il s'agit donc d'une opportunité énorme pour le canton.
Il ajoute qu'il ne faut pas juger un projet par ses auteurs. Il s'agit d'un projet pacifiste et non antimilitariste. Même si l'armée constitue un obstacle, elle n'est pas concernée par le fond du problème. Le travail pour la paix est un processus sans fin. Un tel projet ferait progresser le canton et l'ensemble de la Confédération. Développer la paix est un effort permanent et devrait être le discours de tous les politiciens. Il s'agit de développer une approche visant un processus qui augmenterait les potentialités de la paix et qui réduirait la violence.
En tant qu'historien et politologue, il pense que l'initiative 109 est une chance énorme. Il faut élaborer une philosophie de maintien et de développement de la paix en établissant des critères.
Est-ce que les Chambres fédérales vont démolir l'initiative si elle est acceptée, demande un député ? M. Gross de répondre : « que ce qui heurte la loi pousse les cantons à changer ce droit. Mais l'initiative, en grande partie, ne heurte pas ce droit national, mais suit une ligne. » M. Gross se dit favorable à l'intégration de la démocratie directe au sein de l'Union Européenne. De même, il est favorable aux initiatives cantonales, le vrai changement étant le résultat d'efforts cantonaux, voire communaux (ex : vote des femmes, environnement, etc.). Ainsi, il faut envisager une politique plus préventive que répressive.
Audition de Mmes Marie-Hélène Domergue et Laurence Reichler, venues présenter l'Association suisse de communication non-violente (ASCNV). L'initiative 109 est un plus et va dans le sens du travail effectué. Celle-ci est le genre de projet dont elles et leurs collègues rêvent. Elles sont particulièrement intéressées par le programme d'éducation et de prévention des conflits. Cette jeune association enseigne par des séminaires tous publics. Une de ces dames est enseignante et travaille ce thème avec ses élèves, mais la demande est grande parmi les enseignants. Approche différente de la violence, meilleures relations entre élèves et professeurs. Mme Reichler a travaillé longtemps à l'étranger avec des jeunes requérants d'asile et les jeunes du pays d'accueil, ainsi qu'avec des organisations humanitaires confrontées à des problèmes de communication. Le travail de cette association est remarquable et demanderait un soutien actif, car la demande est forte. La communication non-violente reste peu développée en Suisse, au contraire de l'Autriche, par exemple.
Audition de M. Colin Archer, secrétaire du Bureau international de la paix (BIP), qui constate que l'on n'a pas vraiment su faire face aux défis du XXe siècle dans le domaine des conflits. Il y a eu une recrudescence durant ce siècle d'Etats échoués. Dans ce cadre, la culture de la paix ne cherche pas seulement à diminuer l'armement, mais à favoriser la notion de démocratie et à renforcer la position des sociétés civiles. Il s'agit d'instaurer une tradition de respect mutuel et de dialogue.
Concernant plus particulièrement Genève, M. Archer estime qu'en tant que ville diplomatique, elle pourrait être active dans de nombreux projets internationaux, notamment au niveau institutionnel. Elle pourrait prendre une place de leadership dans l'éducation à la paix. Cette éducation pourrait se faire par le biais de l'école et des médias. Cette conception d'éducation à la paix serait beaucoup plus fructueuse que celle, traditionnelle, de repli militaire.
Abordant la question de la reconversion de l'industrie militaire, il reconnaît qu'il y a évidemment un risque de chômage lié à cette reconversion. Il rappelle que des études ont été faites à ce propos au BIT et note qu'il y a actuellement un ralentissement des efforts dans ce domaine. Il faudrait donc revoir la stratégie, sachant que plus de 750 milliards de dollars sont consacrés chaque année à des fins destructives, ce qui est aberrant. Ainsi, dans cette nouvelle stratégie, la Suisse pourrait jouer un rôle important.
Au niveau municipal, M. Archer rappelle qu'il existe plusieurs réseaux établis entre les villes, dont celui des villes messagères de paix. Lors de la conférence, elles seront toutes regroupées pour se concerter et débattre de leur rôle dans la promotion de la paix. Le BIP a demandé à la Ville de Genève de participer. M. Archer ajoute qu'à La Haye on fêtera le 100e anniversaire de la première conférence sur la paix, organisée à l'époque par le tsar de Russie. Revenant sur le rôle des municipalités, M. Archer conclut en disant qu'il y a énormément de possibilités pour une ville qui s'affiche de mettre en avant une vision non militaire de la sécurité.
A la question de savoir qui de l'armée ou de la société civile doit être le moteur de la réflexion sur une culture de paix, M. Archer répond que c'est à la société civile de prendre ce rôle, en utilisant la force de la population elle-même. Le problème des forces armées est que leur problématique est réduite à une problématique militaire. Or les défis de la société contemporaine ne peuvent être envisagés par le biais d'une solution militaire. Par exemple, le problème du Kosovo n'est pas d'ordre militaire. Ainsi les défis actuels s'inscrivent dans le cadre d'une force économique s'opposant à la fragilité des sociétés. Concernant le chômage, est-ce que l'armée a des projets dans ce domaine ? Ainsi, il s'agit d'abord de défis politiques. Maintenant, ce n'est pas uniquement la société civile qui doit être le moteur de la réflexion, car elle est encore trop faible. Il y a donc nécessité d'un partenariat avec les domaines de la recherche, de l'enseignement et de la justice, notamment pour la promotion d'une voie non militaire.
M. Archer indique que l'UNESCO a déclaré l'an 2000 année internationale de la culture de la paix. Il y a là une opportunité de mettre en avant des projets allant dans ce sens, entre autres au niveau des médias, de l'enseignement et de l'édition. On recherche surtout une participation des jeunes puisqu'ils appartiennent à une génération qui n'a pas connu la guerre. Il s'agit de créer quelque chose de nouveau qui impliquerait tous les domaines de la société. D'où l'importance du partenariat.
M. Archer estime que dans l'initiative, il n'y a rien qui puisse poser problème. Les points soulevés sont tout à fait pertinents. Pour lui, la réduction des dépenses militaires est indispensable. Quant à l'idée de l'Institut de la paix, c'est un projet qui traîne depuis de longues années. Le point peut être le plus important de l'initiative est celui touchant à l'enseignement. Il est absolument essentiel que Genève s'affiche comme étant à l'avant-garde de l'éducation à la paix. M. Archer soulève ensuite la question de l'accueil des victimes de violence, aspect qui est souvent négligé, et celle du service civil, qui pourrait être un moyen de favoriser les ressources humaines des ONG. M. Archer note que parfois des décisions politiques ne sont pas soutenues financièrement. Dans ce cas, il serait tragique si dans le cadre de ce projet on laissait tomber l'investissement financier.
Les auditions furent de qualité et il n'est pas possible dans ce rapport d'en écrire davantage. Je me réserve pour la plénière, afin de compléter si besoin est.
Pour conclure cette partie, vous aurez remarqué combien la grande majorité de ces auditions soutiennent le bien-fondé de l'initiative 109 et combien ces personnes espèrent d'une manière ou d'une autre voir cette culture de paix devenir une réelle démarche encouragée à Genève.
Deux événements encore :
Un contre-projet a bien été proposé par M. Froidevaux. La majorité de la commission a refusé celui-ci en « préconsultation ». Le député Béné a d'ailleurs annoncé son retrait à la dernière séance du Grand Conseil en date du 3 décembre 1998.
Ce contre-projet était une réduction massive de l'initiative 109, vidée de sa substance, où il était plus question de politique de sécurité que de paix et où l'armée reprenait sa place face à ce projet citoyen. Le contre-projet se substituait également au canton, aux communes, à leurs administrations et aux institutions publiques.
Un nouveau recours de droit public a été déposé par un citoyen contre la décision du Grand Conseil de la République et canton de Genève du 26 juin 1998, publiée dans la FAO du 4 juillet 1998, déclarant recevable l'initiative 109. Ce recours a été déposé le 4 septembre de cette année. Il n'a pas eu d'effet suspensif pour la suite de nos travaux. Me Lachat, mandaté par le Grand Conseil, et auditionné par notre commission, nous a affirmé qu'il n'y avait pas d'obstacle à ce que la commission poursuive ses tâches.
Arguments en faveur du soutien sur le fond de l'initiative
La construction de la paix : actualité d'une démarche
Le mot « paix », qui se trouve dans le titre du nouvel article constitutionnel proposé par cette initiative (« Politique de paix »), mérite une brève clarification préliminaire. Par paix, nous n'entendons pas l'absence de conflits, ou l'empêchement de leur dénouement, mais plutôt des processus de gestion des conflits par des moyens non-violents.
La paix, la recherche de solutions non-violentes des conflits, est certainement un domaine qui a de l'avenir. Le fossé grandissant entre parties « riches » et « pauvres » de la planète, l'augmentation des inégalités sociales à l'intérieur de notre société, sont autant de facteurs qui favorisent la multiplication et l'aiguisement des conflits.
Depuis la fin de la guerre froide, on peut constater que la nécessité de mettre en oeuvre des politiques de prévention des conflits avec des moyens non-militaires commence à être de plus en plus reconnue, du moins au niveau des discours et des intentions. C'est le cas au niveau international, par exemple avec l'adoption de l'« Agenda pour la paix » par l'Assemblée générale de l'ONU en 1992, ou encore avec le « Programme pour une culture de la paix » de l'UNESCO. Toutefois, ces programmes se heurtent encore largement à la prédominance des intérêts particuliers des Etats ainsi que de leur politique de puissance. L'énorme disproportion entre les moyens consacrés aux budgets militaires et ceux alloués aux instruments civils de prévention des conflits en dit long sur la réelle volonté de poursuivre une politique de paix avec des moyens pacifiques.
Dans ces conditions, il est plus que compréhensible que les organisations internationales actives dans la prévention des conflits, ou dans le traitement de leurs conséquences, font de plus en plus appel, pour la « construction de la paix », à la collaboration d'acteurs et intervenants non étatiques (les ONG, les collectivités locales).
La situation en Suisse
La disproportion entre moyens militaires et civils mentionnée plus haut vaut aussi pour la Suisse. Dans notre pays aussi, c'est encore presque exclusivement la Confédération, avec ses institutions (armée, diplomatie, relations internationales) qui est chargé de la réalisation de cette politique.
Bien qu'une réorientation de la politique de sécurité semble s'amorcer en Suisse, force est de constater que c'est encore et surtout avec les moyens militaires (le développement et l'entretien de la force militaire et policière) qu'elle est pratiquée. La réorientation de cette politique envisagée par différentes commissions d'études - officielles, comme celle présidée par l'ancien ambassadeur Edouard Brunner ou privées, comme celle présidée par l'ancien conseiller aux Etats Otto Schoch - se dirige vers une intégration de l'armée et de la politique de sécurité suisses dans l'OTAN. Malgré des formules alléchantes, telles le « Partenariat pour la paix », il faut bien admettre que l'OTAN reste une alliance militaire, dont l'action concrète répond surtout aux intérêts stratégiques de la première puissance militaire et économique de la planète (les Etats-Unis d'Amérique).
« Genève, République de paix »
Face à cette évolution, qui risque de faire de Genève une base de l'OTAN (ne fût-ce qu'au niveau « diplomatique » et/ou dans la formation de cadres spécialisés « ès interventions militaires pour la paix »), nous pensons qu'il est important de promouvoir une autre conception de la paix et de la résolution des conflits. De par son rôle international (siège européen de l'ONU), son passé (lieu de fondation de la première organisation pacifiste sur le continent européen, berceau de la Croix-Rouge, siège de la Société des Nations et de la Conférence pour le désarmement, ...) et sa richesse actuelle en mouvements et organisations non gouvernementales actives pour la paix, le désarmement, le respect des droits humains et le soutien à une multitude de populations opprimées, Genève possède déjà un terreau extrêmement fertile dans le domaine de la paix et de la prévention des conflits violents. Les désastres humanitaires, les guerres, mais aussi les violences quotidiennes de cette fin de siècle sont autant de preuves des manquements si ce n'est de la faillite des politiques de sécurité officielles. Il nous semble que les énergies, les expériences, les intelligences présentes à Genève sont à même de développer et d'innover dans ce domaine.
Commentaire aux différents points de l'initiative
Principes
L'initiative « Genève, République de paix » n'est pas un simple « manifeste » anti-armée. Elle ne vise pas non plus à expulser l'armée suisse du canton. Les prérogatives en matière de politique militaire et de diplomatie restent confédérales. « Genève, République de paix » permettrait cependant de développer des approches tout à fait complémentaires, novatrices et originales par rapport à la politique de sécurité nationale. Avec l'introduction de ce nouveau titre dans la constitution, nous voulons donner une base constitutionnelle au développement par le canton, avec les moyens et les compétences qui lui sont propres, d'une politique de construction de la paix basée sur une conception solidaire de la paix, à réaliser avec des moyens non militaires. Cette politique devrait se construire « par le bas », donc avec (et non pas « pour » ou « au nom de ») la population et les acteurs de la société civile, que ce soit au niveau local, ou au niveau international.
Dans ses principes, l'article constitutionnel prévoit le « développement d'une véritable culture de la paix ». Une brève explication de ce concept s'impose.
Le besoin d'approches civiles pour la prévention des conflits et pour la construction de la paix n'est pas un postulat formulé uniquement par le GSsA ou par d'autres mouvements pacifistes : en novembre 1997, l'Assemblée générale de l'ONU a proclamé l'an 2000 « Année Internationale pour une culture de la Paix ». Voici les buts principaux définis dans le « Programme pour une culture de la Paix » de l'UNESCO :
« promouvoir le respect des droits de l'homme, la tolérance et les principes démocratiques ;
encourager le dialogue entre les cultures et le pluralisme culturel ;
lutter contre toute forme de discrimination ;
rejeter la violence ;
reconstruire les infrastructures sociales et politiques qui soutiennent la paix et le développement durable ;
prévenir l'escalade des conflits violents ;
faciliter l'instauration d'un dialogue constructif dans les phases de tension précédant ou résultant d'un conflit.»
UNESCO, Bulletin Culture de la Paix, n. 2, avril 1997, Paris.
Moyens
Trop souvent, les beaux principes restent lettre morte dans leur application concrète. C'est pourquoi, la deuxième partie de l'article constitutionnel contient une série de moyens qui permettent au canton de réaliser concrètement quelques aspects de la politique de paix envisagée dans les « principes » fixés au début. La subdivision en trois parties (les alinéas 2, 3 et 4) de la partie consacrée aux « moyens » reflète des différences importantes quant à la nature des tâches attribuées au canton et à la manière de poursuivre leur réalisation.
Alinéa 2 : démarches politiques
On trouve ici des objectifs que l'on pourrait qualifier de « démarche politique » à suivre par le canton à tous les niveaux (local et global), comme le « soutien » aux démarches visant le désarmement, la solidarité entre les peuples, le respect des droits humains et des femmes. On comprend d'autant plus mal le reproche de non-conformité au droit fédéral de ce point (l'intervention auprès des institutions nationales et internationales compétentes dans le sens du soutien à toute démarche visant le désarmement global, la coopération, etc. (cf. alinéa 2) formulée dans le rapport du Conseil d'Etat et repris par la minorité de la commission législative du Grand Conseil, que dans ce même rapport le Conseil d'Etat soutient que « depuis de très nombreuses années, la paix, le désarmement, les questions de sécurité et l'ensemble des instruments susceptibles de résoudre les conflits sont au coeur des activités de beaucoup d'institutions genevoises, internationales, nationales ou cantonales, universitaires et non universitaires que souvent le canton ou la ville soutiennent. » (Rapport du Conseil d'Etat sur l'initiative 109A, du 18 déc. 1996, p. 28.)
La réduction des dépenses militaires, la restitution à des usages civils des terrains militaires et la conversion civile des activités (économiques ou institutionnelles) liées au domaine militaire sont des objectifs politiques pour lesquels la marge de manoeuvre cantonale est très limitée. C'est la raison du choix du mot « encourager » au début des points a), b) et c) de cet alinéa 2. Cependant le canton devrait prendre position en faveur de ces objectifs, à chaque fois que l'occasion se présente, que ce soit lors d'une consultation par les autorités fédérales au sujet de la politique de sécurité ou de la renégociation d'un contrat de bail avec les autorités militaires.
Alinéa 3 : mesures concrètes
Cette partie de l'initiative contient des objectifs qui s'inscrivent directement dans la prévention des conflits violents et du développement d'une culture de la paix, avec des mesures concrètement réalisables par les autorités cantonales. Les points a) (encouragement à la recherche pour la paix et soutien des actions de la société civile pour la solution non-violente des conflits) et b) (Institut de recherches pour la paix) permettraient aux organisations et associations déjà actives dans la société civile de recevoir un appui politique et matériel dans leurs activités. Par exemple, les acteurs non institutionnels proposant des solutions non-violentes aux conflits dans leurs régions pourraient trouver à Genève des occasions de rencontre et une tribune dont ils ne disposent que très difficilement, sinon jamais, ailleurs.
L'éducation à la paix est un élément essentiel de tout projet de « promotion » de la culture de la paix (al. 3, point c). Le développement des phénomènes de violence auprès des jeunes rappelle l'intérêt de cette proposition au niveau local également (voir à ce propos le texte annexe de Mme Marielle Budry).
L'accueil des victimes de la violence (point d), est lui aussi un moyen de limiter la portée et les effets de la violence ; sans parler de la nécessité d'entretenir et de réactualiser dans la pratique le principe de « Genève cité de refuge ».
Dans plusieurs pays européens, où le service civil a été introduit depuis longtemps, ce sont souvent des communautés locales (communes, villes, régions) qui s'occupent de la promotion de cette alternative au service militaire (point e). Les bénéficiaires en sont non seulement les jeunes, qui ont ainsi plus de possibilités de s'engager dans d'autres tâches plutôt que dans l'apprentissage des « vertus » et des compétences guerrières, mais aussi les collectivités publiques elles-mêmes qui peuvent ainsi améliorer leur offre de services à la communauté dans toute sorte de domaines. En Suisse, les lacunes à combler à ce niveau sont évidentes (voir à ce propos le texte annexe de Sébastien L'haire).
Toujours à l'alinéa 3, l'initiative postule le renoncement à toute manifestation de promotion militaire, (point f). En demandant au canton de développer une culture de paix, l'initiative ne pouvait accepter que l'on puisse d'une manière quelconque promouvoir le contraire.
Dans le cadre des obligations confédérales, le canton doit organiser des journées d'information aux futures recrues, garder une administration militaire et s'occuper de l'arsenal. Ce sont des obligations qui incombent aux cantons, et l'initiative ne peut pas y toucher. En revanche, les défilés militaires, ainsi que toute manifestation publique de promotion des activités militaires dépassant le cadre strict des obligations confédérales ne pourraient plus se faire avec le soutien de la part du canton. Les démonstrations musclées de force sont d'un autre temps.
Alinéa 4 : « Plus jamais ça ».
Ici sont contenues des dispositions concernant la mise en oeuvre de moyens non militaires pour garantir la sécurité de la population à l'intérieur du canton et le renoncement à faire appel à l'armée.
Le besoin de sécurité concerne des domaines (par exemple la sécurité sociale ou environnementale) qui dépassent très largement les menaces causées par les agissements d'individus ou de groupes armés. Mais même face à ces dernières, les réponses militaires constituent plutôt une partie du problème que de la solution. Faut-il rappeler que l'Algérie, Israël ou l'Irlande du Nord sont parmi les pays les plus militarisés au monde ? La sécurité n'est pas un défi militaire mais politique. La répression militaire n'éliminera jamais les causes de la violence, de l'insécurité et des troubles.
Le canton renoncerait à sa faculté d'appeler à la troupe pour assurer le maintien de l'ordre intérieur (point b). Consulté en 1996 à propos des nouvelles ordonnances sur le recours à la troupe, le gouvernement cantonal avait déjà fait état de son opposition à faire usage de cette faculté. « Une armée de milice n'est pas un moyen adéquat pour assurer l'ordre public » avait déclaré J.-P. Maitre (Journal de Genève 30.1.97). « Plus jamais ça » ? Il est effectivement très difficile de trouver quelqu'un à Genève qui n'approuve pas l'admonestation inscrite sur le monument du massacre de 1932. Pourtant, on constate que le recours à la troupe continue à être envisagé par les responsables militaires et de l'administration civile pour des conflits d'ordre civil et de nature non-violente, qui n'ont rien à voir avec une situation de guerre civile. C'était le cas avec le scénario de l'exercice du bataillon genevois de fusiliers territoriaux 121 du 7 juin 1996 (une manifestation de chômeurs devant l'Hôtel des finances) ou encore avec la menace du recours à la troupe proféré par le chef de la police genevoise lors d'une rencontre (25 août 1998) avec les responsables du syndicat des policiers qui évoquaient la possibilité d'une grève de la police.
L'introduction de ces dispositions dans la constitution mettrait un terme aux tentations de certains responsables de recourir à la force militaire et les obligerait à parcourir la voie des solutions politiques et civiles pour la résolution des conflits.
Le dernier point (c) de l'alinéa 4 concerne la garantie de la sécurité des conférences internationales par des moyens non militaires. Aux considérations exposées pour les points précédents on peut en ajouter d'autres, d'ordre pratique et d'ordre « symbolique ». D'abord, il n'est pas du tout établi que le déploiement de l'armée ait été nécessaire pour la tenue des rares conférences internationales pour lesquelles on a fait appel à l'armée à Genève. Tout le monde s'accorde sur le fait que la garantie de la sécurité de ces conférences incombe à la police, puisqu'elle seule est entraînée de manière professionnelle à la protection rapprochée et à la lutte anti-terroriste. Quand ils étaient présents, les miliciens de l'armée suisse ont effectué des tâches de caractère subsidiaire (circulation routière, surveillance de bâtiments). La mise en oeuvre de moyens civils ne devrait donc pas poser de problèmes insurmontables, comme l'affirme le Conseil d'Etat dans son rapport. En revanche, l'aspect symbolique de la présence des troupes semble nettement plus important. Quand les soldats sont présents lors de conférences pour la paix, cela permet aux tenants de l'approche militaire de la sécurité de réaffirmer le rôle indispensable de l'armée pour l'aboutissement des processus de paix. A l'inverse, nous croyons que si Genève se donnait les moyens pour offrir un cadre le plus démilitarisé possible aux rencontres internationales pour la paix, le désarmement, les droits humains ou la coopération internationale qui s'y déroulent, cela ne pourrait que favoriser la réalisation de ces objectifs.
Enfin, pour situer la portée réelle des dispositions contenues dans l'alinéa 4, il convient de rappeler que la faculté de la Confédération (Conseil fédéral, assemblée fédérale) de faire appel à la troupe pour effectuer un service d'ordre dans le canton de Genève demeure inchangée.
Conclusion
A la fin de la dixième séance de cette commission ad hoc, le 16 octobre 1998, les commissaires acceptent l'initiative 109 par 7 OUI (1 Ve, 3 S, 3 AdG) contre 5 NON (3 L, 2 R).
L'initiative ne sera pas soumise en votation populaire avant la décision du Tribunal fédéral. En attendant une réponse positive du Tribunal fédéral, j'encourage les députées et députés à voter en faveur d'un projet d'avenir en soutenant l'initiative cantonale « Genève, République de paix ». Pour du sang neuf, votez l'initiative 109.
« La civilisation de notre époque, que l'on pouvait croire destinée à convier les hommes à la fraternité, s'affirme au contraire chaque jour davantage en leur fournissant les moyens de s'anéantir les uns les autres plus aisément, plus sûrement, plus commodément. Il semble, en vérité, que, désormais, le progrès moderne consiste surtout dans la recherche et la découverte des meilleurs engins de destruction. (...) » Henri Dunant, dans « L'avenir sanglant, 1859 ».
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RAPPORT DE LA MINORITÉ
Introduction
La commission ad hoc a consacré 10 séances à l'étude de l'initiative populaire 109 intitulée « Genève, République de paix ! ». Et pourtant, il n'y a pas eu de vrai débat sur le fond. La querelle s'est surtout cantonnée à des aspects de procédure sans qu'ils soient, pour autant, élucidés. L'Alternative semble tant craindre l'issue des débats qu'elle en a imposé la clôture avant de connaître la réponse du Tribunal fédéral, sous prétexte de contrer le pouvoir judiciaire par une démonstration politique en obtenant un vote favorable du Grand Conseil. Ils veulent ainsi éviter d'avoir à justifier les termes d'une initiative idéologique dont le but réel n'est que de légaliser la désobéissance civique prônée de façon monomaniaque par la section genevoise du GSsA.
Pourtant, des citoyens se sont donnés la peine de relancer aujourd'hui le débat de la politique de paix en signant cette initiative. Lors de son audition, le comité du Groupe pour une Suisse sans Armée a même rapporté à quel point la récolte des signatures fut difficile. Si tous nos citoyens adhèrent très vraisemblablement à une politique de paix plus active de la part de notre canton, tous ne sont pas en accord avec les méthodes et moyens du GSsA. Il y avait donc lieu d'élargir la discussion afin d'assurer d'abord la paix de nos débats avant de vouloir exiger que les autres se donnent la paix.
Il est très dommageable que les excellentes idées véhiculées dans cette initiative n'aient pas bénéficié d'une meilleure mise en valeur, comme nous le recommandait d'ailleurs le conseiller national Andreas Gross, membre du GSsA, lors de son audition. En effet, au cours de cette dernière décennie, les équilibres politiques ont été chamboulés par la disparition de la politique dite des « deux blocs ». Les droits de la personne et les moyens pour les garantir se coordonnent maintenant de plus en plus à un niveau supranational, notamment pour l'ensemble des pays occidentaux. Les droits de l'homme sont discutés dans les grandes organisations internationales qu'abrite notamment Genève. Certains de nos concitoyens, en guerre avec notre législation, ont pu obtenir que leur bon droit soit reconnu à la Cour européenne des Droits de l'Homme. Les droits de la personne sont ainsi en perpétuelle évolution. Les respecter, c'est garantir la Paix, qui n'est jamais et ne sera jamais acquise.
Malgré cette évolution, il arrive encore que des droits reconnus soient remis en cause par des citoyens qui vont jusqu'à refuser la compétence des instances internationales. Lorsque ces conflits politiques quittent l'arène des parlements pour descendre dans la rue, il peut arriver que, parfois et par malheur, ils dégénèrent en conflits sanglants.
Contenir cette violence est un acte de solidarité qui ne peut plus se satisfaire des frontières politiques, cela nécessite l'engagement des moyens les plus divers qui, tous, doivent mener à une véritable culture de la Paix.
Aussi, la minorité vous recommande un contre-projet qui tienne mieux compte de tous les composants qui conduisent à un état de Paix.
Présentation de l'initiative
Une initiative purement antimilitariste
Cette initiative se résume à deux types de mesures. Celles qui seront appliquées et celles qui ne manifestent qu'une intention. L'interdiction de notre armée de milice sur le sol cantonal est la seule représentante de la première catégorie. Cette interdiction est donc la seule certitude en cas d'approbation de cette initiative par le souverain, à condition, bien évidemment, que le Tribunal fédéral et au demeurant les Chambres fédérales puissent considérer ce texte comme constitutionnel en lui accordant leur garantie. Toutes les autres mesures ne sont que des intentions, sans que la majorité n'ait même indiqué comment mettre en place ce programme. Bien que la majorité s'y refuse, le débat doit être porté sur les véritables enjeux politiques de l'initiative, à savoir quel soutien politique notre canton doit-il donner à nos autorités fédérales quant au rôle de notre armée ?
En dehors du refus de notre armée, la minorité soutient les idées contenues dans le reste de l'initiative. Le rapporteur de minorité ne va donc pas les développer. Tout au plus regrette-t-il de ne pouvoir en faire la critique, la majorité ne s'étant pas donnée la peine d'indiquer les moyens qu'elle entendait mettre en place pour les faire appliquer.
La cause des conflits selon les initiants : la présence de l'armée
En commission, le comité d'initiative, comme le conseiller national Andreas Gross, ont attribué l'origine des conflits armés directement à la présence de l'armée elle-même. Ils ont estimé que si l'humanité tout entière voulait bien se dessaisir de tous ses moyens pour se faire la guerre, la Paix serait définitivement assurée. Pour eux, la présence d'une force militaire dans un Etat retient l'expression des droits démocratiques, ne laissant aux citoyens que la possibilité de s'exprimer de manière violente lorsque ceux-ci sont par trop malmenés par le pouvoir politique en place. Si les Etats refusaient de recourir à toute force coercitive, les citoyens régleraient leurs différends entre eux bien avant que leur situation ne soit devenue exagérément conflictuelle, les Etats n'ayant plus eux-mêmes les moyens d'imposer à leurs citoyens une volonté autre que celle librement acceptée. Bien que cette philosophie n'ait pas de repères historiques dans notre République, ils estiment que Genève, ville internationale, siège de si nombreuses organisations développant des programmes de paix sur une échelle universelle, se doit d'avoir un tel article constitutionnel afin de montrer cet exemple au monde entier.
Le rôle de l'armée suisse dans les conflits : cette armée n'en a jamais été la cause
Les initiants reconnaissent que l'armée suisse n'a jamais été la cause d'un conflit intérieur ou extérieur. Cette initiative n'est donc pas le reflet d'une faute ou d'une erreur des autorités du canton vis-à-vis de l'Histoire.
Mais pour asseoir leur postulat initial, les initiants ont tenté de faire référence à l'Histoire, mais surtout à celle qui n'est pas encore écrite tant elle est controversée. Lorsque la minorité a demandé des faits incontestables, l'Alternative n'a autorisé que l'audition de M. Marc Vuilleumier. Bien que nous ne puissions reconnaître en lui la qualité d'expert neutre, lui-même n'a pas pu faire une seule référence historique qui puisse entériner l'hypothèse de base des initiants, pourtant clef de voûte de leur action politique.
Au contraire, M. Andreas Gross s'est dit, quant à lui, tout à fait favorable à notre système de milice, comme à son financement. A deux reprises, il s'est proposé de participer à l'élaboration d'un contre-projet qui puisse mieux prendre en compte la volonté pacifiste des initiants avec les impératifs d'une politique de sécurité sur le plan national et transnational. Cette ouverture, soutenue immédiatement par l'Entente, a été rejetée brutalement et sans ménagement par les commissaires membres du comité d'initiative qui tenaient à rester figés sur leur texte constitutionnel en refusant systématiquement ce débat.
Ainsi, si la majorité n'a pu faire la démonstration que l'armée était la cause des conflits, elle a montré, par son intransigeance, que la disparition du débat démocratique l'était malheureusement bien quant à lui.
Cette initiative est défavorable à l'image de Genève, la ville internationale où se discute la paix
En l'absence d'une référence politique antérieure, on aurait pu cependant saluer la démarche originale contenue dans l'initiative pour notre République. L'initiative aurait créé une sorte de « laboratoire politique ». Il faudrait tenter l'expérience, dira la majorité plurielle ! Or, cette démarche n'est qu'une insoutenable aventure.
Pour le conseiller fédéral Adolf Ogi, l'initiative pourrait au contraire placer Genève dans une situation si délicate qu'elle ne serait plus à même de garantir son rôle de ville internationale promouvant la paix. En effet, les belligérants ont besoin d'un endroit sécurisé pour se rencontrer. Cet impératif de sécurité nécessite l'ensemble de nos moyens, y compris ceux de l'armée.
Lors de la dernière conférence majeure en date, celle de l'OMC, le pouvoir politique a dû mobiliser de forts contingents de policiers et de gardes- frontières extracantonaux pour assurer la sécurité de nos concitoyens. Le recours à l'armée a été limité à la logistique, excepté ceux dévolus à la sécurité de l'espace aérien.
Le remplacement de ces moyens par une structure civile est totalement illusoire. D'une part, l'Alternative critique régulièrement notre police cantonale et aurait tendance à plutôt lui enlever des moyens qu'à lui en donner et d'autre part l'état de nos finances rend un tel projet tout simplement utopique.
La situation de Genève sur le plan intérieur est déjà des plus difficiles. Or, l'Alternative cherche maintenant à nuire en plus à l'image de la Genève internationale. En ne pouvant donner l'assurance d'une sécurité optimale aux pays en conflit qui viendraient chez nous parler de paix, nous risquerions la disparition de ces conférences au profit de villes déjà en vive concurrence comme Bonn ou Vienne.
Une politique de paix plus active grâce à un contre-projet
Le rapporteur de minorité vous propose de soutenir le projet de loi 7909, contre-projet à l'initiative 109. La nécessité de ce nouvel article constitutionnel ainsi rédigé figure dans l'exposé des motifs. Il entend encore souligner l'importance de ce texte qui complète l'initiative 109 en y intégrant la politique de sécurité et un engagement humanitaire plus actif. Cet engagement de Genève permettrait d'améliorer encore son image sur le plan international.
Aux yeux du monde, la Suisse - et particulièrement Genève - est le berceau du droit international. Les Conventions de Genève ont scellé le rôle de la Croix-Rouge comme organisme éminemment neutre dans les conflits. Genève a été ensuite reconnue en étant choisie pour abriter le siège de la SDN, prémice d'une aura extraordinaire qui a offert et qui continue d'offrir à Genève une renommée planétaire.
Nous avons beaucoup reçu, nous devons aujourd'hui beaucoup donner.
Un nouvel engagement de Genève sur le plan international nécessite de débattre de notre neutralité, figée depuis 1815. Le contre-projet est cette chance. La neutralité suisse est notre neutralité, elle est ce que nous en faisons, ce que nous la croyons être ; elle est à notre image, à l'image de notre place aujourd'hui dans le monde, elle est si helvétique que bien peu la comprennent encore au-delà des frontières.
Aussi, le rapporteur de minorité vous recommande de soutenir le projet de loi 7909 qui indique aux autorités fédérales notre soutien à la formation des bérets bleus et jaunes. Ceux-ci deviendront aussi nos ambassadeurs de paix et exprimeront notre solidarité et notre volonté d'aplanir les différends à l'origine de tant de souffrance.
ANNEXE
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit :
Art. 160D (nouveau)
1 Dans la limite du droit fédéral, le canton développe et applique une politique de sécurité fondée sur la mise en oeuvre de moyens pacifiques, aptes à résoudre tout conflit au niveau local et international. Il encourage activement la recherche et la promotion de mesures de prévention des conflits à travers le développement d'une véritable culture de paix. Cette politique est réalisée en collaboration avec les autorités fédérales .
2 Dans ce but, le canton soutient toute démarche visant à la prévention de la guerre, la coopération et la solidarité entre les peuples et le respect des droits de la personne. A de telles fins, il peut soutenir ou créer des institutions de droit public ou privé, ou encore s'y associer. De plus, le canton encourage la mise à disposition des installations et des équipements de l'armée pour des mesures de promotion de la paix internationale.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Selon l'article premier de la loi fédérale sur l'armée et l'administration militaire (LAAM), du 3 février 1995, l'armée contribue à la prévention de la guerre et de ce fait au maintien de la paix.
Dans le cadre de sa mission, elle doit en outre :
1. soutenir les autorités civiles lorsque leurs moyens ne suffisent plus pour faire face aux menaces graves contre la sécurité intérieure ;
2. soutenir les autorités civiles lorsque leurs moyens ne suffisent plus pour maîtriser d'autres situations extraordinaires, en particulier en cas de catastrophes dans le pays et à l'étranger ;
3. contribuer aux mesures de maintien de la paix dans le contexte international.
Aujourd'hui, des troupes de sauvetage sont instruites sur la place d'armes de Genève. Il est question de leur transfert à Wangen an der Aare. Genève deviendrait alors la place d'armes des bérets jaunes et des bérets bleus. A ces derniers seraient confiés la tâche essentielle de la promotion de la paix sur le plan international.
Le Conseil d'Etat a agi et continue d'agir pour la promotion de la paix. Il est par exemple membre fondateur de la Fondation du « Centre de politique de sécurité » ainsi que de celle du « Centre international de déminage humanitaire - Genève ».
Lors de l'analyse du rapport Brunner, le Conseil d'Etat a soutenu la recommandation de former des militaires volontaires tant suisses qu'étrangers dans le domaine du déminage et autres techniques de destruction d'armes. Cette prise de position renforce l'image de Genève qui entend être, en Suisse et dans le monde, à l'avant-garde des efforts allant dans ce sens. En décidant de la formation des bérets jaunes et bleus à Genève, la Confédération lui reconnaît, elle aussi, ce rôle fondamental passé, présent et futur.
L'initiative « Genève, République de paix » veut, de manière contraignante, orienter l'action des responsables politiques dans une vision antimilitariste. Or, vouloir gêner à quelque niveau que se soit, les capacités de notre armée à assurer son rôle, nuit à sa tâche fondamentale du maintien de la paix. Indéniablement, l'armée suisse fait partie de nos institutions oeuvrant pour la paix.
Les initiants relèvent l'image d'une armée militariste. Ce concept n'est en accord ni avec l'Histoire de notre pays, ni avec une armée de milice qui se confond avec notre patrimoine démocratique. Aussi, devient-il légitime aujourd'hui d'inscrire un nouvel article constitutionnel qui rappelle aussi aux corps de troupes genevois les missions qu'entend donner la Confédération à l'armée en général.
Nous souhaitons que notre Conseil réserve un bon accueil à ce présent projet de loi constitutionnelle qui ordonne la poursuite et le développement d'une culture de paix, afin qu'elle se fasse dans les tâches fondamentales de l'Etat comme par exemple la période de scolarité obligatoire ou à travers des organismes tant publics que privés oeuvrant dans ce même sens. Ses buts sont ainsi en harmonie avec les autorités fédérales, gage de paix intérieure.
Débat
M. Luc Gilly (AdG), rapporteur de majorité. Je rappelle que nous traitons de l'initiative «Genève, République de paix» et que nous allons discuter et voter sur le fond et non sur la forme, c'est-à-dire sur le contenu de l'initiative et non sur sa partie juridique puisque, pour le moment, ce point a été réglé et qu'un recours est déposé devant le Tribunal fédéral dont nous n'avons toujours pas reçu la réponse.
La commission ad hoc a donc décidé de conclure ses travaux sur cette initiative en attendant la réponse du Tribunal fédéral et en attendant, je l'espère, de pouvoir la soumettre à la population genevoise le plus rapidement possible.
S'agissant des travaux de la commission, il faut dire que nous avons eu dix séances de commission et onze auditions, ce qui était un peu fastidieux.
Lorsque nous parlons de paix, je ne comprends pas le désintérêt que j'ai pu constater de la part de l'Entente. Je dois le rappeler - même si j'entends derrière moi des oh ! et des ah ! - car la présence de l'Entente dans cette commission n'a pas été à la hauteur du débat que nous aurions pu avoir au sujet de cette initiative. L'objet en cause et la recherche de la paix sont suffisamment importants et délicats pour espérer avoir un peu plus d'attention.
Et lorsque j'entends des oh ! et des ah !, je dis simplement à M. Froidevaux qui est devant moi qu'un jour nous étions seuls en commission à essayer de sauver la mise. Comme je l'ai dit dans mon rapport, je rappelle aussi que M. Balestra - qui avait déposé un recours retiré par la suite - est venu deux fois à cette commission ! Il y a donc une certaine légèreté de la part de l'Entente que j'aimerais comprendre.
Il me semble difficile d'admettre... (Commentaires.) John, tu me laisses parler, s'il te plaît !
Le président. Vous avez terminé, Monsieur le rapporteur ?
M. Luc Gilly, rapporteur de majorité. Non, j'aimerais simplement qu'on se taise ! Je rappelle que cette initiative a pour but d'inscrire dans notre constitution genevoise un article sur la recherche de la paix et une véritable culture de paix qui me semblent plus que jamais nécessaires. Chacun est d'accord sur ce point ; c'est simplement le contenu de l'initiative qui dérange beaucoup de gens. Si c'est le GSsA qui l'a lancée, ce n'est pas une raison pour la maltraiter !
J'ai dit aussi dans mon rapport que, si un autre groupe avait lancé cette initiative, elle aurait eu beaucoup moins de mal à passer et à être entendue. D'autre part, je ne pense pas que ce soit une maladie d'être pacifiste et antimilitariste car, si c'est une maladie, dans ce cas plus de la moitié des Genevois sont malades du pacifisme et de l'antimilitarisme.
Le Grand Conseil va donc attendre la décision du Tribunal fédéral. J'aimerais maintenant qu'on puisse lancer les débats, mais avant de conclure ma première intervention, je rappellerai, Monsieur le président, que M. Froidevaux et certains de ses collègues avaient proposé un contre-projet. Ce contre-projet a été retiré lors de la dernière séance du Grand Conseil le 3 décembre 1998. Par conséquent, je ne comprends pas que ce contre-projet et surtout le développement des arguments de la part du rapporteur de minorité figurent encore dans notre rapport.
M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur de minorité. Pour clore cet aspect formel de la présence d'un contre-projet dans le rapport de minorité : nous avons décidé de retirer le contre-projet à l'initiative 109 associé à ce rapport de minorité lors de la dernière séance du Grand Conseil pour éviter un double débat, afin d'être absolument formel et ne faire qu'un débat sur l'initiative 109 pour faciliter les travaux parlementaires.
Quant au débat sur le fond à propos de cette initiative, M. Luc Gilly est le porte-parole d'une très belle utopie ! Il est très important que nombreux soient ceux qui puissent partager avec lui le même idéal. Personnellement, je n'aurais pas souhaité onze mille signatures mais quatre cent mille, soit tous les habitants de Genève, étrangers y compris. J'aurais alors été heureux de partager avec vous ce soir l'euphorie d'un tel rêve porteur d'espoir à terme, à très long terme, car en fait même si tous les habitants de Genève, moi-même y compris, avaient signé votre initiative, j'aurais tout de même mis un non dans l'urne au vote final. Pour pouvoir rejoindre votre idéal durablement, j'aurais en effet eu besoin aussi et surtout de l'engagement des habitants de la planète entière.
Or, près de la moitié du monde est engagée de manière plus ou moins constante dans un processus guerrier. Que valent donc onze mille intentions de paix démilitarisée contre trois milliards de personnes qui imposent leur paix par leurs guerres. Par exemple, cette nuit même et en ce moment, de nouvelles souffrances sont venues s'ajouter à bien d'autres. La paix mondiale est discutée constamment dans des organisations internationales bien plus puissantes que notre République. Ces organisations ont des buts sans doute sincères et pourtant, même elles, se laissent aller à des actes qui échappent à l'entendement.
Que ferait donc Genève avec cet nouvel article constitutionnel qui interdit toute présence militaire sur son sol ? Bien évidemment, son rôle de ville internationale lui serait retiré, car elle serait parfaitement incapable d'assurer la sécurité des grandes conférences. Les moyens civils ont un coût que plus personne ne veut assumer ; ni le canton, ni la Berne fédérale. Par exemple, les factures de l'OMC ne seraient pas payées !
A croire les initiants, nous devrions nous replier sur nous-mêmes et laisser les autres se battre pour la paix. C'est un bien drôle de signe en cette période de l'Escalade. En fait, la majorité agit comme si elle ne supportait plus les contraintes. Tuons le malade, cela évitera de devoir le soigner ! Tuons l'armée, cela fera disparaître la guerre !
Si tout cela était si simple, il y a bien longtemps que le niveau des souffrances humaines aurait été abaissé ; pourtant il n'a pas été nécessaire d'engager l'armée pour assister à des massacres en Algérie, au Rwanda ou en Irlande du Nord. Il n'est pas nécessaire d'être Russe pour être incapable de lutter contre le crime organisé, être Genevois suffit aussi maintenant !
Notre future présidente de la Confédération disait récemment : «La perfection est inhumaine.» Ce constat, je suis bien obligé de le faire mien ! Mais il y a un avantage à ne pas être parfait : nous devenons alors perfectibles. L'imperfection impose la recherche du mieux qui nous éclaire chaque jour dans notre compréhension de la condition humaine. Cet effort de compréhension nous montre nécessairement que nous ne sommes pas faits que de bien ; nous avons aussi à composer avec du moins bon. C'est pour cela que nous ne pouvons suivre vos utopies, Monsieur Gilly !
Mme Anne Briol (Ve). Il est tout de même un peu cocasse de lire sous la plume du rapporteur de minorité que la commission n'a pas su débattre sur le fond de l'initiative 109. C'est en effet le rapporteur de minorité lui-même qui n'a pas cessé de remettre sur le tapis des questions de procédure au cours des débats de la commission et il ne peut donc s'en prendre qu'à lui-même.
Je rappellerai aussi, comme l'a fait M. Gilly, qu'au début des travaux la droite ne semblait pas vouloir participer à un débat puisque le rapporteur de minorité s'est même vu devoir représenter la droite à lui tout seul au cours d'une séance.
Mais venons-en au débat sur le fond puisque c'est ce qui nous intéresse ce soir. L'initiative Genève, République de paix permettrait à Genève de faire preuve d'innovation en développant une véritable culture de paix indépendante de l'armée. Ceci par des moyens divers allant de l'incitation à la réduction des dépenses militaires jusqu'au développement d'un programme d'éducation à la paix dans le cadre de l'instruction publique.
De par son rôle international et sa richesse en mouvements et organisations non gouvernementales actifs dans les domaines du respect des droits de l'homme et de la paix, Genève se doit de développer la recherche de solutions non violentes aux conflits. Les Verts jugent que les moyens proposés par l'initiative sont cohérents et crédibles. Elle propose en effet des démarches politiques, tel qu'on peut le voir à l'alinéa 2, demandant de soutenir toute démarche visant le désarmement, la coopération et le respect des droits de l'homme ; et des actions concrètes, tel qu'on peut le voir à l'alinéa 3, demandant un développement d'un programme d'éducation à la paix ou l'accueil des victimes de la violence. Ne soyons pas frileux et développons à Genève une politique de paix d'avenir.
M. Régis de Battista (S). Je tiens tout d'abord à remercier le rapporteur de majorité pour son rapport qui a été long et difficile. Pour cette première intervention, je ne rentrerai pas dans le contenu de l'initiative. Par contre, je tiens à souligner son importance pour notre canton ouvert à la paix, au dialogue et au monde international.
Nous avons la chance de pouvoir nous prononcer sur cette question dans un contexte de politique mondiale difficile qui demande à des gouvernements de trouver d'autres réponses que l'habituel refrain : préparons la paix en préparant la guerre ! C'est dans ce sens que je vais féliciter les acteurs de l'Appel de La Haye pour la paix 1999, qui demande à la société civile d'organiser une conférence mondiale sur la paix en mai 1999. L'initiative 109 va dans le même sens et montre concrètement comment Genève doit travailler pour la paix.
Concernant le rapport de minorité, il ne faut pas être dupe : c'est une simple récupération politique ! J'en veux pour preuve le retrait du projet de loi 7909 modifiant la constitution de la République et canton de Genève. Ce dernier n'était qu'un copier-coller dans lequel l'armée est proposée comme un acteur de promotion de la paix, ce qui n'a jamais été le cas. Durant le débat en commission, il a été clairement démontré que l'armée ne peut être l'acteur ou le moteur de la promotion de la paix. C'est plutôt le rôle de la société civile à travers les associations et les ONG. Par ailleurs, l'armée ne peut pas être juge et partie.
Nous savons tous que l'armée, même ceux qui la défendent, est en perte de vitesse et qu'elle se cherche d'autres objectifs afin de faire passer ses dépenses. Nous savons qu'elle a été contrainte de changer et que cette mutation n'est qu'un simple traitement cosmétique.
Pour revenir au rapport de minorité sur l'IN 109, je ne peux accepter les propos «monomaniaques» de M. Froidevaux, qui utilise ce terme pour qualifier la section genevoise du GSsA. Comme l'ont dit mes prédécesseurs, il n'est pas étonnant qu'il tienne ces propos car, plus d'une fois, il était seul en commission et s'est plaint d'être le seul moteur de l'Entente dans cette affaire. Il est également surprenant de lire que nos débats n'ont pas été démocratiques, alors que nous avons auditionné des acteurs importants de Genève et spécialement à sa demande. C'est là une chose à souligner ! L'Alternative a voté l'arrêt des auditions afin que le peuple puisse enfin se prononcer.
Pour terminer, je tiens à souligner que cette initiative a peut-être des articles qui interpellent le Conseil national mais c'est le but que recherchent les initiants et c'est aussi le but que mes collègues députés de l'Alternative ont, je crois, bien compris. La promotion de la paix dans une démocratie est un débat national mais ce n'est surtout pas un débat qui doit être étouffé en commission par des députés. C'est pourquoi, au nom de mon groupe, je vous demande d'accepter le rapport de majorité afin que le peuple puisse se prononcer après la décision du Tribunal fédéral.
M. Michel Balestra (L). Mesdames et Messieurs, vous savez que l'initiative que vous proposez de voter aujourd'hui n'est pas conforme au droit supérieur. Il n'est pas dans mes habitudes de perdre du temps sur un texte que nous n'avons pas le droit de soumettre au suffrage populaire en l'état. Les réserves que vous avez exprimées en parlant de la réponse du Tribunal fédéral sont la preuve que vous êtes tout à fait conscients de cet état de fait.
Monsieur le rapporteur de minorité, je comprends que ma présence vous ait manqué en commission, mais à mon sujet l'adjectif «léger» est inapproprié, bien que chaque matin, sur ma balance, croyez-moi, j'en rêve ! (Rires.)
Je comprends les soucis exprimés par M. Froidevaux mais qu'il se rassure, la Suisse est une confédération d'Etats et les règles en matière de défense et de politique étrangère sont de compétence fédérale ! Dans ce débat, le Grand Conseil se discrédite puisqu'il propose de soumettre au vote populaire un texte mensonger car non conforme au droit supérieur.
Tous les députés qui, comme moi par ma politique de la chaise vide en commission, refusent cette mascarade doivent aujourd'hui refuser cette initiative illégale. S'il est vrai que notre Grand Conseil est le législateur par délégation de la suprême autorité du peuple, il est le législateur au niveau cantonal. Il ne saurait en aucun cas se substituer au législateur fédéral qui est le peuple de la Suisse entière avec la majorité des cantons et la majorité populaire. Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, je n'ai pas participé aux séances de commission. Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, je refuserai le texte de l'initiative et voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, j'approuverai le rapport de minorité !
Mme Marie-Thérèse Engelberts (PDC). Notre groupe fait sien le principe de l'initiative cantonale en ce qui concerne l'encouragement actif de la recherche et de la promotion des mesures de prévention des conflits à travers le développement d'une véritable culture de paix.
Nos divergences avec le rapport de majorité se situent dans l'amalgame des moyens proposés. Nous estimons important de renforcer toutes les mesures déjà prises d'ailleurs, en grande partie, dans l'enseignement, de l'école primaire à l'école secondaire, mais également - et il y a certainement là un certain vide - dans les écoles professionnelles et à l'université, pour assurer le développement de l'enfant, de l'adolescent et des jeunes adultes dans un esprit de tolérance, de respect de la différence et de non-violence.
Mettons également toute notre énergie à renforcer les mesures économiques, sociales et éducatives qui permettraient d'assurer véritablement la bienveillance de chacun à l'égard des autres. Nous ne pouvons croire que les initiants ont eu pour unique objectif le développement de cet esprit de tolérance au vu de l'ensemble des moyens proposés. Nous y voyons en fait une manière détournée de vider l'initiative de son sens premier et c'est probablement la raison d'un certain découragement à participer au débat.
Nous rejetons cette manoeuvre et de ce fait nous rejetterons l'initiative, et nous restons dans l'attente de la décision du Tribunal fédéral.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). En tant que présidente de la commission ad hoc qui a mené ces travaux, je dirai quelques mots à l'intention de M. Balestra, car j'estime important de répéter ici ce qu'a décidé la commission.
Monsieur Balestra, vous venez de dire que vous avez choisi de mener la politique de la chaise vide. C'est votre choix, mais il ne faut pas ensuite venir dire des sottises devant ce Grand Conseil.
La première sottise a été d'affirmer avec une certitude quasi totale que cette initiative n'était pas conforme au droit fédéral. Vous n'en savez rien ! Ce sujet est pendant devant le Tribunal fédéral, qui nous donnera une réponse et, à ce moment-là seulement, vous pourrez dire : «On avait bien raison» ou encore : «On a eu tort».
La deuxième sottise a été de dire que nous allions nous moquer du suffrage populaire, soumettre au vote une initiative dont nous ne sommes pas sûrs du contenu. Vous faites erreur, Monsieur Balestra, car il a été décidé à l'unanimité de la commission - et c'est peut-être la seule fois où nous avons pris une décision unanime - que cette initiative ne serait pas soumise au peuple avant la décision du Tribunal fédéral.
M. Pierre Vanek (AdG). Je reviendrai sur la question du poids de M. l'honorable député Michel Balestra. Malgré ce que lui dit sa balance tous les matins, je crois qu'il est effectivement un peu léger dans cette histoire. Il est léger, il l'a admis lui-même, pour avoir pesé moins que le poids d'une plume sur les travaux de la commission, puisque apparemment il n'y était pas. Il est léger aussi, comme l'a relevé ma préopinante, Mme Reusse-Decrey, en s'instaurant tout à coup juge fédéral et en se permettant de déclarer que cette initiative est irrecevable au regard du droit supérieur. (L'orateur est interpellé.) Absolument, c'était le sens de mes propos. Je signale que la dernière fois que nous avons ferraillé dans cette enceinte sur la recevabilité de l'initiative, dans un mouvement d'humeur, votre ex-majorité a déclaré l'initiative globalement irrecevable. Cette décision a été cassée par le Tribunal fédéral et cela démontre que vous n'êtes en tout cas pas infaillible en la matière ou que vous vous laissez guider par des considérations politiques qui sont étrangères au droit.
Je pourrais ouvrir à nouveau le débat sur la recevabilité, évoquer, si on l'ose encore, le préavis d'un certain avocat très sourcilleux quant à la manière dont on parle de lui ici. Je ne le ferai pas, parce que ce débat a effectivement déjà eu lieu et que j'ai eu l'occasion de m'exprimer longuement sur cette question de la recevabilité... (Commentaires.) Mais écoute, Lombard, et tu sauras de quoi on parle et tu parleras à ton tour !
Sur le fond, Mesdames et Messieurs les députés, ce qu'a dit ici le rapporteur de majorité..., de minorité, excusez-moi, c'est l'habitude ! Les habitudes se perdent difficilement ! (Rires et exclamations.) Quoi qu'il en soit, de quelque côté de la table que vous soyez, Monsieur Froidevaux, vous avez dit des bêtises insondables. D'une part, vous nous déclarez qu'il aurait fallu que quatre cent mille habitants de ce canton, dont les étrangers, les bébés et Dieu sait qui, signent cette initiative, ainsi que vous-même. Pour obtenir ce résultat - peut être pas quatre cent mille, mais trente ou cinquante mille signatures, ce qui aurait été bien - il aurait fallu signer cette initiative le moment venu ! Maintenant, c'est un peu tard.
Ce sont donc des déclarations légères et qui ne veulent rien dire. Vous dites ensuite : «Je déposerai tout de même un non dans l'urne» et vous faites tout un développement consistant à dire que, sur cette planète, des milliards de personnes sont engagées dans des processus guerriers et qu'il faudrait donc que toute la population de la planète, comme les quatre cent mille Genevois, signe cette initiative.
Mesdames et Messieurs, avec de tels raisonnements, M. Froidevaux peut nous démontrer qu'il y a - et nous le savons tous - des centaines de millions, voire des milliards de personnes sur cette planète qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, qu'il y a des centaines de milliers d'enfants qui meurent de faim dans le monde et que, par conséquent, il faut appliquer ce genre de politique aussi à Genève !
Effectivement, en matière de prestations sociales, certains s'évertuent à nous le rappeler : nous sommes au-dessus de la moyenne helvétique. Et en matière d'engagement en faveur de la paix, nous devrions être fiers d'aller au-delà de la moyenne non pas nationale mais planétaire que M. Froidevaux nous a donnée comme référence.
Vous avez par ailleurs fait allusion à des régions en conflit, comme l'Irlande du Nord, pour expliquer qu'il n'est pas possible d'appuyer cette initiative hic et nunc à Genève. Pensez-vous sérieusement qu'il soit judicieux que l'armée républicaine irlandaise renonce à désarmer, que le gouvernement britannique renonce à retirer ses troupes ? Je ne citerai que cet exemple à l'encontre de la position un peu débile que vous avez affichée dans ce Grand Conseil ce soir. Non, Monsieur Froidevaux, en Irlande du Nord, après des dizaines d'années, voire des centaines d'années de conflit dans cette île, dues à la colonisation britannique, un processus de paix qui peut servir la démocratie est maintenant engagé. On ne peut pas faire moins à Genève et c'est ce que je souhaite en appuyant cette initiative.
M. René Koechlin (L). D'abord, je déplore que le texte de l'initiative ne figure pas dans le rapport...
Le président. Monsieur le député, il a été déposé sur vos places pour pallier ce manque que nous avons aussi constaté et regretté.
M. René Koechlin. Cela m'a échappé, Monsieur le président !
Mesdames et Messieurs, je pense qu'il faut se battre pour la paix. (Brouhaha.) Il faut construire la paix. A cet égard et en ce qui me concerne, je soutiens tout ce qui construit la paix, mais à condition que cette construction soit fondée sur un terrain solide, un terrain qui tienne compte des réalités.
Il n'y a rien qui affaiblisse autant une construction que l'utopie, que de nager dans l'utopie, dans le rêve ; et le risque d'inconstitutionnalité en est une forme. Ainsi, si je partage totalement les objectifs que poursuivent les initiants, à savoir de construire la paix, j'ai des doutes quant aux moyens de les atteindre tels qu'ils sont proposés par l'initiative. Ils posent en effet une équation qui pourrait se formuler ainsi : construire la paix en détruisant l'armée. C'est ce que préconisent les initiants.
Excusez-moi de vous le rappeler une fois encore : c'est pour avoir vécu, enfant, la guerre de près - quelque chose qui m'a énormément marqué, même si cela fait rire Mme Reusse-Decrey, une chose qui m'a si profondément marqué, Mesdames et Messieurs, que je crois pouvoir prétendre être un champion de la construction de la paix. Car il n'y a rien de plus tragique, de plus horrible, de plus inhumain que la guerre. Surtout quand cette guerre vous prend aux tripes jusque chez vous, que la violence est là, à votre porte, aveugle, et que personne ne peut s'y opposer. C'est ce qu'il y a de plus terrible ; et c'est ça, la guerre !
C'est contre cette guerre, violente, qu'il faut s'élever et tout faire pour construire ce que l'on appelle la paix. Et toute initiative qui va dans ce sens doit être soutenue sans réserve. Mais si l'on veut que cette initiative aboutisse, il faut qu'elle propose des moyens réalistes, vraiment efficaces et non pas des trucs de pacotille qui consistent simplement à défendre une politique antimilitariste à propos de laquelle on peut avoir de sérieux doutes. Que l'on propose des choses qui servent réellement la paix ; alors je me battrai pour ce genre d'initiative et je la soutiendrai ; mais il faudra qu'elle préconise d'autres moyens que ceux qui nous sont suggérés ce soir ! (Applaudissements.)
M. Jean-François Courvoisier (S). Lorsque M. Froidevaux prétend que cette «initiative idéologique a pour seul but de légaliser la désobéissance civique prônée de manière monomaniaque par la section genevoise du GSsA», ces accusations sont sans fondement. M. Froidevaux nous fait un procès d'intention, car le but du GSsA n'est pas de pousser à la désobéissance mais d'offrir une alternative à ceux qui refusent d'apprendre à tuer !
Si aujourd'hui nous tenons à cette initiative, c'est que c'est la seule manière pour notre canton de contribuer à une paix juste, contrairement au Partenariat pour la paix de l'OTAN qui veut imposer la paix des plus forts sans aucun égard pour les plus défavorisés de la planète. Lorsque M. Ogi, chef du DMF, est venu présenter à Genève ce que représentait l'adhésion de la Suisse au Partenariat pour la paix de l'OTAN, nous étions seulement deux députés à assister à sa conférence. Ce Partenariat de la paix nous permet une collaboration à la carte avec l'OTAN sans être jamais obligés d'intervenir contre notre gré, mais le fait d'être partenaire nous interdit d'être adversaires.
La Suisse s'est également engagée à autoriser le survol de son territoire lors d'opérations de l'OTAN destinées au maintien de la paix armée américaine. Cette adhésion signifie que notre pays s'est aligné sur la plus grande puissance économique et militaire du monde. A la suite de la disparition de l'Union soviétique, les peuples les plus défavorisés se sentent orphelins et les Etats-Unis ont beau jeu d'imposer leur dictature économique à toute la planète. Les partisans de notre adhésion au Partenariat de la paix de l'OTAN ressemblent beaucoup à ceux qui, en 1940, désiraient que la Suisse adhère à l'ordre nouveau de l'Allemagne nazie, qui semblait à l'époque la seule grande puissance européenne.
Voilà la paix que préconise le Conseil fédéral ! Heureusement, notre canton n'a que 4 kilomètres de frontière avec la Suisse, ce qui nous donne le droit d'avoir une manière un peu différente de servir la paix que celle du président Clinton, qui frappe l'Irak pour suspendre son procès en destitution.
Aujourd'hui notre soutien massif à cette initiative sera un message symbolique de la Genève internationale à tous ceux qui souffrent des guerres et permettra à notre République d'oeuvrer utilement pour une paix qui ne consistera pas à réduire en esclavage ceux qui sont moins riches et moins bien armés.
Je terminerai par une pensée que l'écrivain français Paul Reboud a écrite à l'issue de la guerre de 14-18 : «Soyons, sans espoir de récompense, ces hommes de bonne volonté dont les efforts successifs édifieront peu à peu la paix dans le monde.» Je citerai également le catholique français Georges Bernanos : «Les dangers du monde moderne ne viennent pas des révoltés mais des soumis.» Je vous remercie.
M. Luc Gilly (AdG), rapporteur de majorité. Je répondrai tout d'abord à M. Froidevaux, à M. Koechlin ensuite et je rappellerai les principes généraux de cette initiative pour ceux qui n'ont encore rien compris.
Monsieur Froidevaux, j'aimerais vous dire que la réflexion qui a animé le GSsA lors de l'élaboration de cette initiative était la suivante : depuis plus de vingt ans, Genève a fait montre d'une certaine orientation vers le pacifisme à l'occasion de tous les votes qui lui ont été soumis au niveau fédéral.
Puis nous avons eu les événements du défilé militaire en 1995 et à la suite de ceux-ci, nous avons décidé de discuter sérieusement de l'opportunité de proposer quelque chose au niveau cantonal. Aussi, lorsque vous dites que cette initiative - somme toute modeste, Monsieur Froidevaux, mais porteuse d'espoir en tout cas - ne va pas révolutionner ni sauver la planète, je vous réponds qu'elle est cantonale et vous le savez ! Alors, arrêtez de nous parler de sauver la planète avec une initiative bout de bois, comme vous la qualifiez de nouveau. C'était la première chose que je voulais vous dire.
Quant au délire des quatre cent mille signatures, Monsieur Froidevaux, allez récolter des signatures pour des initiatives ou des référendums et on verra comment cela se passe pour vous ! Je vous rappelle d'ailleurs que c'est pendant l'été que nous avons dû récolter ces signatures. Bref, le problème n'est pas là, car l'initiative a abouti au niveau des signatures.
Quant à M. Koechlin, s'il est tellement persuadé de faire des efforts pour la paix, qu'il lance lui-même une initiative telle qu'il la conçoit. Je rappelle que l'initiative «Genève, République de paix» n'est pas une initiative abolitionniste ! Comment faut-il vous le dire, pour la trente-cinquième fois, Mesdames et Messieurs les députés ?
Nous avons trouvé des moyens réalistes pour cette initiative, Monsieur Koechlin, et je vais vous les rappeler. Je me réjouis que nous continuions à nager dans l'utopie parce que, sans utopie, nous pouvons tous de suite rentrer à la maison sans en débattre...
Le président. La parole est à M. Froidevaux, rapporteur de minorité.
M. Luc Gilly, rapporteur de majorité. Je n'ai pas terminé mon intervention, Monsieur le président.
Le président. Il me semblait que vous aviez fini, Monsieur Gilly. Il y avait des pauses dans votre intervention... A vous !
M. Luc Gilly, rapporteur de majorité. M. Froidevaux me laisse la parole et je le remercie. Je voulais rappeler en quelques mots les enjeux de cette initiative. Il s'agit tout d'abord d'une réflexion en direction de la paix. Et la paix, personne ne le contestera et ne peut le contester, est un processus. C'est une recherche permanente qui n'a pas de fin et en tout cas pas de solution dans les aboutissants de l'initiative. C'est un début à quelque chose, c'est une démarche, c'est un souhait, c'est une volonté et c'est un choix politique, mais il est évident qu'elle ne solutionnera pas tous les problèmes genevois.
Genève est évidemment un terrain fertile pour parler de ces problèmes et de ce souhait, pour instaurer d'une façon un peu plus claire, à travers notre constitution, ces principes dans la loi. Nous avons énoncé des principes généraux et des principes civils et, à ce sujet, les travaux de la commission ont été difficiles à délimiter : en effet, chaque fois que nous parlions civil, c'était le mot armée qui sortait en face et M. Froidevaux a systématiquement refusé de comprendre que l'initiative était un projet civil : c-i-v-i-l, Monsieur Froidevaux !
Il serait peut-être temps de donner à la société civile quelques moyens aussi de débattre avec la base. A ce propos, j'aimerais lire les principes de l'UNESCO qui a défini un programme pour la paix pour l'an 2000. Quelques principes sont clairs et vont exactement dans ce sens - et nous ne les connaissions pas au moment où nous avons lancé cette initiative. Ces principes sont les suivants :
- promouvoir le respect des droits de l'homme, la tolérance et les principes démocratiques,
- encourager le dialogue entre les cultures et le pluralisme culturel,
- lutter contre toute forme de discrimination,
- rejeter la violence,
- reconstruire des infrastructures sociales et politiques qui soutiennent la paix et le développement durable, et enfin les deux derniers, Monsieur Froidevaux, ne vous impatientez pas :
- prévenir l'escalade des conflits violents,
- faciliter l'instauration d'un dialogue constructif dans les phases de tension précédant ou résultant d'un conflit.
Tout cela, Monsieur Froidevaux, Mesdames et Messieurs les députés, s'applique à la société civile, peut et doit s'adapter à un canton si nous en avons le courage politique.
Compte tenu de ces principes, généraux, je le conçois, nous avons dans cette initiative énoncé quelques moyens d'y parvenir. Ces moyens ne sont, somme toute, pas compliqués. A l'alinéa 2, il y a une démarche dans laquelle le canton et les autorités politiques devront évidemment s'investir, mais je ne pense pas que cela soit très contraignant. Vous avez sous les yeux cet alinéa 2 : il s'agit là des moyens que le canton se donnera.
Par contre, les mesures concrètes qui seraient destinées au civil pourraient commencer tout de suite pour avoir, à long terme, des effets intéressants et importants. C'est le débat sur l'approche et la résolution des conflits de façon non violente. C'est l'institut de recherche pour la paix qui devrait être créé au plus vite à Genève et qui devrait être ouvert à tout le monde et pas seulement aux spécialistes. C'est l'éducation à la paix dans les écoles - il est vrai qu'il se passe déjà pas mal de choses dans les écoles - par un programme qui devrait être mis en place de façon beaucoup plus concrète, beaucoup plus formelle et beaucoup plus suivie, tant aux niveaux primaire et secondaire que dans les centres d'apprentissage, et en tout cas encouragé à l'université.
Il y a également un chapitre sur la promotion du service civil. Les pistes ne manquent pas pour concrétiser un service civil encore plus actif dans le canton. Il y a déjà simplement l'information à donner, à ne pas confondre avec la publicité comme je l'entends toujours dire. Vouloir déjà simplement informer les citoyens qu'ils ont le droit de faire un service civil, ce serait le minimum. Cela se trouve aussi dans notre initiative. Autre point : le renoncement aux défilés militaires ou à toute promotion de la vie militaire à Genève pour les raisons que vous connaissez bien.
Au quatrième et dernier alinéa, nous demandons que la sécurité à Genève soit assurée par des moyens civils. Nous avons déjà suffisamment discuté de ce point, mais nous pourrons y revenir si ce n'est pas clair.
Il y a encore le renoncement à la troupe pour le service d'ordre intérieur en cas de troubles graves ou moins graves à Genève. Par rapport à cet article tellement contesté, je rappelle que le Conseil d'Etat - par la voix de M. Vodoz - lorsqu'il a été consulté sur les mesures qu'entendait prendre l'armée face aux violences possibles et à la répression des manifestations, avait été très négatif quant au recours à la troupe pour régler ce genre de problèmes. Je ne vous rappellerai pas les événements de 1932.
Il y a enfin le problème de la sécurité des conférences internationales avec des moyens non militaires. Il s'agit de quelque chose de réalisable, qui pose effectivement des problèmes mais qui doit être discuté. Il est vrai, Monsieur Froidevaux, que le problème financier existe, mais il n'est pas en contradiction avec les tâches que le canton et la Confédération doivent assumer par rapport aux conférences internationales. On peut en discuter et on devra de toute façon discuter des moyens concrets de réaliser cette initiative le jour où elle sera acceptée. J'en reste là pour le moment et je passe la parole à M. Froidevaux.
Le président. Si vous permettez, Monsieur Gilly, c'est moi qui lui passerai la parole, et je vous prierai dorénavant de rester dans les délais du temps de parole réglementaire.
M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur de minorité. J'aimerais rassurer M. Gilly quant au soutien de la minorité sur le projet civil qui encadre l'initiative 109.
Effectivement, si cette initiative n'était pas précisément abolitionniste, nous ne devrions pas aujourd'hui la contrecarrer et nous la soutiendrions avec vous. Or, vous faites de ce projet civil un projet antimilitariste et nous ne pouvons que nous y opposer.
Lorsque je dis que j'aurais souhaité que plus de personnes aient signé l'initiative, ce n'est pas l'aspect légaliste qui me préoccupe. J'aurais simplement aimé que le rêve qui se dégage de la pensée de M. Gilly et des initiants soit partagé par le plus grand nombre et, si possible, par la terre entière. Or, la nature humaine est composée de tant de particularités que nous ne pouvons malheureusement pas avoir la même utopie que vous. Nous devons constater qu'il y a du bien et du moins bien, ce qui fait qu'il existe des situations de crise pouvant aller jusqu'à la guerre, tout aussi imprévisibles que non souhaitables.
Nous n'aimons pas non plus devoir juger nos concitoyens, ni les faire emprisonner, et pourtant nous devons prendre des mesures de ce type afin d'assumer des dérapages. L'armée, elle aussi, permet de prévenir certains dérapages et nous ne pouvons que soutenir l'idée d'un maintien de la paix sécurisé.
J'aimerais revenir sur certaines critiques qui m'ont été faites. Mme Anne Briol m'a reproché un certain légalisme parce que j'avais signalé que le travail fait en commission n'était pas conforme. Effectivement, après avoir lu l'avis de droit du Tribunal fédéral, je signalais que le travail parlementaire n'était pas exécuté correctement. Il a d'ailleurs fallu attendre le mois de juin pour que le Grand Conseil fasse effectivement son travail. Mes interventions au sein de la commission ad hoc étaient donc parfaitement justifiées.
M. de Battista a affirmé, durant les travaux en commission, que l'armée ne pouvait être le promoteur de la paix et que cela avait été clairement démontré. J'aime bien cette phrase et j'aurais aimé la voir démontrée, mais je n'ai pas rencontré la moindre personne ni le moindre argument historique pouvant me permettre de penser que l'armée est à l'origine des guerres.
Quant aux auditions, j'ai eu beaucoup de peine à les obtenir. Nous étions évidemment dans un cadre qui dépassait le cadre cantonal et, pour parler de paix, il fallait s'entourer de spécialistes fédéraux mais aussi internationaux. Je n'ai pu obtenir de la commission qu'on s'adresse au HCR ou à d'autres organisations. Vous avez pu proposer, comme historien, M. Marc Vuilleumier ; M. Jean-Jacques Langendorf, lui, n'a pas pu venir.
Vous n'avez pas laissé la possibilité à la minorité d'obtenir des auditions autres que celle d'Andreas Gross, qui s'est heureusement révélé être un politicien de très haut niveau. Il a su parfaitement cadrer cette initiative et je rappelle qu'il a émis les plus grands doutes quant à sa faisabilité. Il a à deux reprises souhaité que la commission planche sur un contre-projet. Nous avions nous-mêmes soutenu son idée d'examiner avec lui ce contre-projet à l'initiative pour être plus conforme tant à l'aspiration du peuple genevois qu'aux objectifs d'une paix sécurisée, cette paix que je vous propose ce soir par le biais du contre-projet à l'initiative 109.
M. Michel Balestra (L). Excusez-moi d'intervenir à nouveau, mais pris et repris à partie, il me faut bien répondre.
Sachez tout d'abord, Monsieur Vanek, que le Tribunal fédéral n'a pas cassé le vote du Grand Conseil : il lui a demandé de le motiver puisqu'une partie disait que cette initiative était totalement recevable et une autre qu'elle était partiellement irrecevable ; le Grand Conseil l'a votée totalement irrecevable, raison pour laquelle le Tribunal fédéral lui a demandé de motiver cette position et c'était la moindre des choses !
Contrairement à ce que Mme Reusse-Decrey a affirmé, je vous rappelle - puisque je suivais vos merveilleux travaux par l'intermédiaire des procès-verbaux - que lors de la dernière séance de la commission sur l'initiative 109 à laquelle j'ai participé, je vous ai proposé de ne pas voter ce texte tant que le Tribunal fédéral ne s'était pas prononcé. C'est d'ailleurs le conseil que vous a aussi donné Me Lachat, l'avocat que vous avez mandaté pour défendre la position du Grand Conseil dans cette affaire devant le Tribunal fédéral, et vous n'avez pas voulu l'écouter !
Madame Reusse, votre unanimité à voter un texte sous réserve de son annulation totale ou partielle par le Tribunal fédéral est ridicule ! En effet, Mesdames et Messieurs, je vous le demande : quel texte soumettez-vous à notre parlement ? Vous ne le savez pas puisqu'il ne figure même pas dans votre rapport de majorité ! Sur quel texte proposez-vous que nous votions ? Sur un texte à venir, sur un texte à juger, sur un texte à censurer ou sur un texte écrit ?
Quelle farce ! Je n'ai jamais vu ce Grand Conseil se livrer à une pareille pantalonnade sur un sujet aussi important car en effet, Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est plus Genève, ville de l'ONU, Genève, ville d'Henry Dunant, Genève, ville du désarmement par les conférences comme celles de Reagan ou Gorbatchev, mais Genève, ville des Gilly, Vanek, Pagani et consorts qui confondent le législatif avec un cirque.
Mesdames et Messieurs, vous avez juré par votre serment de servir votre Etat et l'Etat fédéral dans le respect des institutions ! Si aujourd'hui vous me trouvez un peu léger par le nombre de mes présences pour traiter ce dossier, aujourd'hui je vous juge comme étant un peu légers face à votre devoir. Vous êtes légers face à votre fonction, vous êtes légers face à votre serment ! (Applaudissements.)
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Je répondrai aux envolées lyriques de M. Koechlin par une autre envolée lyrique. Il dit qu'il n'aime pas les utopies et notamment celle qui sous-tend l'initiative «Genève, République de paix». Ce sont pourtant les utopies qui font avancer le monde. Il se réfère à des principes de Realpolitik qui vont dans le sens de la paix et si un de ces principes est : Si vis pacem para bellum, il est évident que nous ne pouvons pas y adhérer et que l'initiative «Genève, République de paix» va précisément à l'encontre de ce principe.
M. René Koechlin (L). Contrairement aux allégations du rapporteur de majorité, ayant été pris à partie quant à mon interprétation d'un texte que je ne citais que de mémoire pour l'avoir lu il y a un certain nombre de lustres, j'ai repris connaissance de ce texte et tiens, avant d'y faire allusion de façon plus détaillée, à faire observer que ce débat n'a rien de manichéen.
Ne nous trompons pas sur nos intentions ! Nous sommes tous des partisans de la paix, mais nous divergeons simplement sur les moyens. C'est si vrai que quand je lis le principe énoncé dans l'initiative, j'y adhère totalement. Et je constate qu'il s'agit aussi d'un principe défendu et observé par notre pays depuis des années.
Cela dit, la Suisse a connu des moments autrement plus difficiles que ceux que nous traversons aujourd'hui.
Mais parlons des moyens. Sous chiffre 2, le texte de l'initiative énonce sous lettres a, b et c toutes les mesures visant, en fin de compte, à supprimer l'armée et qui sont tout simplement antimilitaristes. Là, nous divergeons. Nous ne voyons réellement pas l'utilité de ce genre de mesures dans la défense de la paix. Il existe des moyens beaucoup plus efficaces d'atteindre cet objectif que celui qui se borne à supprimer l'armée sous quelque forme que ce soit, surtout notre armée, notre brave armée suisse qui n'a rien d'agressif et qui n'est en tout cas pas une armée qui promeut la guerre dans le monde !
Si nous pouvions amender le texte, je supprimerais les lettres a, b et c du chiffre 2 : «moyens» de l'initiative. Par exemple, sous chiffre 4 au lieu de : «Le canton met en oeuvre et développe des moyens non militaires pour garantir la sécurité de la population» (pourquoi non militaires ?), je dirais : «...développe des moyens notamment civils» mais des moyens surtout efficaces, car c'est ce qui importe ! Or, cela vous ne le dites pas, parce que vous voulez que ce ne soit pas militaire, un point c'est tout. Que ce soit efficace ou non, cela vous est égal !
C'est pourquoi votre initiative est ridicule. Personnellement, je préfère quelque chose d'efficace. J'aurais donc écrit : «des moyens notamment civils et aussi efficaces que possible».
A la lettre b), vous dites : «il renonce à l'engagement des troupes de l'armée pour assurer le service d'ordre». C'est à nouveau ridicule et là aussi, je supprimerais la phrase. Enfin, à la lettre c, je terminerais en disant : «...pour garantir la sécurité des conférences internationales par les moyens les plus adéquats» et de nouveau, nous pourrions ajouter : «les plus efficaces». Mais non, vous, vous dites frileusement : «par des moyens non militaires», simplement pour affirmer une doctrine à travers une initiative dont les objectifs sont louables et que je vise aussi, mais dont les moyens sont absurdes.
Vos moyens sont absurdes, Mesdames et Messieurs, et c'est la raison pour laquelle je ne peux adhérer à votre initiative.
M. Jean-François Courvoisier (S). Puisque nous parlons de la sécurité des conférences internationales, je voudrais dire que l'armée n'est pas du tout un moyen efficace. Je ne pense pas que les conférenciers vont être attaqués par des avions à réaction ou des tanks. Lors d'une conférence à Vienne, il y a quelques années, douze conférenciers ont été victimes d'attentats avec de minuscules colis piégés. Pour assurer la sécurité, il nous faudrait donc avoir des chiens policiers, des détectives mais en tout cas pas une armée qui sera absolument inutile si ce n'est pour impressionner les gens !
J'étais moi-même à Saint-Michel, la veille du dernier attentat dans le métro. Il y avait trois cents soldats armés et casqués devant la station de métro et cela n'a pas empêché le métro de sauter le lendemain !
M. Régis de Battista (S). Ce débat montre bien ce qui s'est passé en commission. A mon sens, le problème est très simple et nos collègues de l'Entente doivent admettre que l'organisation militaire ne peut être l'acteur de la promotion de la paix. Les temps ont changé et l'acteur actuel c'est tout simplement la société civile. L'armée n'a pas le monopole de la paix. Ce sont des gens qui l'ont, des gens qui veulent organiser un débat démocratique en Suisse et certains de nos collègues députés de l'Entente n'arrivent pas et ne peuvent pas le comprendre. Ils n'arrivent tout simplement pas à le digérer ; c'est quelque chose de viscéral !
Je pense également que certains députés mélangent beaucoup leurs prises de position personnelles avec la prise en considération de l'initiative. En effet, si vous lisez le début de cette initiative, à l'article 160D (nouveau), une phrase explique très clairement que cette initiative est lancée dans les limites du droit fédéral. Il incombe au Tribunal fédéral, au Conseil national, ou aux autorités supérieures, comme on les appelle, de définir les principes. C'est avec elles que nous voulons un débat et il ne faut pas avoir peur de ce débat. Si nous décidons selon la loi de changer les choses, les autorités les changeront mais ce n'est pas forcément à vous de tout supprimer.
Cette initiative a été traitée d'antimilitariste. Cela est faux ! L'initiative du Groupe pour une Suisse sans armée pour abolir l'armée, oui ! Cette initiative «Genève, République de paix» ne veut pas abolir l'armée mais travaille pour la paix ; nous voulons en être les acteurs et c'est une place que vous ne voulez pas nous laisser.
Pour moi, la paix est une acceptation des différences et c'est ce que vous n'arrivez pas à admettre. Nous n'avons pas forcément le même point de vue. Vous dites que nous sommes bons et bien gentils, voire naïfs, mais vous devez admettre que nous avons une autre conception de la paix et nous laisser notre place en nous donnant, à nous aussi, les moyens de construire la paix.
Ce n'est pas uniquement à vous qu'il revient de dépenser des milliards pour faire une armée car cette paix que vous nous préparez n'est pas le remède génial pour supprimer les guerres. La paix nécessite d'autres moyens et d'autres acteurs et c'est ce que vous devez comprendre.
Je m'adresse à M. Froidevaux concernant la question de savoir qui est le moteur. M. Colin Archer, secrétaire du Bureau international de la Paix (BIP) à Genève, a été très clair dans son audition. Il a expliqué qu'il incombait à la société civile d'organiser ce débat. Vous devez l'admettre car ce n'est pas moi qui l'invente, ce sont des spécialistes et, à cet égard, je vous invite à vous rendre en mai prochain à La Haye pour y suivre cette conférence sur l'abolition des guerres, intitulée conférence pour la paix.
Au sujet de la remarque de M. Froidevaux concernant l'interview de M. Gross, il nous faut de nouveau être très clairs. M. Gross a expliqué qu'il était intéressé à travailler avec vous, ce que vous ne nous laissez pas faire. C'est dans le même sens que M. Gross participe à de nombreuses commissions, avec des militaires, pour trouver des solutions et surtout faire comprendre la notion de paix. Concernant le HCR et les auditions qui n'ont pu avoir lieu, ce que vous dites n'est pas vrai ; nous avons eu toute une série d'auditions à la demande expresse de M. Froidevaux et de lui seul comme nous l'avons déjà dit et redit. Certaines auditions dont celle du HCR n'ont pas pu se faire uniquement parce que leurs représentants ne sont pas venus. (Remarque.) Oui, pardon, il s'agit du CICR.
Si vous me le permettez, je voudrais faire un parallèle et rappeler la lutte qu'il a fallu mener en Suisse pour inscrire l'objection de conscience dans notre constitution. Je voudrais rappeler la réflexion qu'il a fallu mener dans ce pays et à Genève pour que l'on comprenne qu'il fallait arrêter d'emprisonner les jeunes de 19 à 21 ans. Il y a parmi nous dans cette salle des collègues officiers qui ont été des juges de tribunal.
Je veux dire par là qu'une véritable promotion de la paix devrait permettre de les entendre et malheureusement nous nous sommes battus pendant vingt ans pour y parvenir. Nous sommes des acteurs de cette paix, c'est nous qui l'avons faite et il a fallu se battre contre vous pour l'obtenir.
Pour conclure, je dirai que le projet de loi 7909 est ridicule. Vous ne proposez strictement rien ! Quand on parle de solutions, on se limite à encourager le canton à mettre à disposition de l'armée des installations et des équipements. Tout cela pour quoi ? Pour nous refiler cette histoire des casques bleus, des casques jaunes et des casques verts. Simplement, cette pilule avec les capitaux que vous voulez nous faire avaler, nous n'en voulons pas ! (Brouhaha.)
Le président. Je salue la présence de notre ancienne collègue Claire Chalut à la tribune du public. (Applaudissements.)
M. Pierre Vanek (AdG). Je ferai une petite remarque préliminaire à l'intention de M. Koechlin que j'ai écouté avec attention.
Monsieur Koechlin, vos propos m'ont un peu surpris. Vous nous avez dit : d'accord avec tous les principes et les belles idées mais pas d'accord avec les moyens de les mettre en oeuvre. Il est évident qu'avec les belles idées et les grands principes dans cette enceinte nous serons forcément d'accord pour voter des résolutions en faveur de la paix, de la liberté et de la justice sociale.
Malheureusement, il nous faut mettre en oeuvre les idées et c'est pour cela que nous sommes assis sur des bancs opposés dans cette salle et que nous débattons régulièrement d'options différentes.
Vous avez taillé aux ciseaux dans cette initiative et à la fin de votre intervention, vous avez insisté en disant : il aurait fallu écrire que le canton met en oeuvre et développe non pas «des moyens non militaires» mais «des moyens notamment civils». Monsieur Koechlin, Mesdames et Messieurs, vous savez bien que l'initiative a pour objet de transformer un tant soit peu la réalité. Fort heureusement, notre République n'est pas un régime post coup d'Etat militaire et nous mettons d'ores et déjà en oeuvre des moyens notamment civils pour assurer la sécurité de la population, ce dont je me félicite. Aussi, voter une initiative qui dirait : «Il faut faire en la matière notamment du civil» équivaudrait à la pantalonnade qu'évoquait tout à l'heure Michel Balestra.
Cela me permet d'assurer la transition car, sans mettre en cause en aucune manière M. Balestra et lui donner l'occasion de réintervenir, je ferai observer à cette assemblée qu'il nous a fait beaucoup d'honneur. Il a en effet commencé par évoquer Genève, ville d'Henry Dunant, pour finir par Genève, ville de Pagani, de Vanek et de Gilly - peut-être pas dans cet ordre. Merci, Monsieur Balestra, de cet hommage mais, au-delà de cette remarque que je prends comme un compliment, vous avez laissé entendre et même plus que laisser entendre : vous avez déclaré qu'en votant cette initiative les députés que vous avez, vous, Monsieur Balestra, mis en cause, dérogeaient au serment qu'ils ont prêté dans cette salle au début de la législature.
Ce serment dit que nous jurons, ou promettons en l'occurrence, solennellement de prendre pour seul guide dans l'exercice de nos fonctions les intérêts de la République selon les lumières de nos consciences. Mesdames et Messieurs, c'est ce que nous faisons en intervenant dans ce débat... (Exclamations et brouhaha.). Effectivement, en mon âme et conscience - et je pense parler pour mes collègues - je crois qu'il est dans l'intérêt de cette République, à laquelle je suis attaché, de progresser de manière concrète vers la démilitarisation, car c'est une nécessité pour cette planète, comme l'évoquait tout à l'heure le rapporteur de minorité - qui s'est évaporé et il y a là aussi un peu de légèreté !
J'ajouterai que ce serment nous demande de ne jamais perdre de vue que nos attributions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple. Mesdames et Messieurs, le peuple auquel se réfère ce serment est le peuple qui dans ce canton a voté, à une majorité réduite, je vous l'accorde, mais à une majorité néanmoins - et c'est cela la règle de la démocratie - pour l'abolition de l'armée suisse. (Brouhaha.)
Or, nous préconisons des mesures en vue d'encourager la réduction des dépenses militaires, d'encourager la restitution à des usages civils des terrains affectés à l'armée dans le canton, en intervenant auprès de la Confédération. Certes, il ne s'agit pas de demander à la police de M. Ramseyer d'aller évacuer l'armée comme il évacue les squatters, mais de le demander à la Confédération et d'encourager la conversion civile des activités économiques, financières et institutionnelles en relation avec le domaine militaire.
La modération de cette initiative est extrême - et c'est le seul aspect extrême de cette initiative - mais sérieusement, Monsieur Balestra, dire que des députés dérogent à leur serment en la défendant, c'est cela la pantalonnade que vous évoquiez. J'allais employer un gros mot mais je me suis retenu, sachez-m'en gré ! (Commentaires et applaudissements.)
Le président. Il y a encore trois orateurs inscrits. Le Bureau vous propose de clore la liste des orateurs pour ce premier débat qui dure depuis plus d'une heure. Je crois que l'essentiel a été dit par tous les groupes. S'il n'y a pas d'opposition, nous ferons ainsi.
(Commentaires et brouhaha.)
M. Luc Gilly (AdG), rapporteur de majorité. Si vous voulez continuer le débat à ma place, allez-y ! Monsieur Annen, c'est moi qui parle, vous prendrez la parole après, s'il vous plaît ! (Brouhaha.)
Une voix. Vas-y, Luc !
M. Luc Gilly, rapporteur de majorité. J'aimerais tout d'abord m'excuser pour avoir effectivement oublié de remettre le texte de l'initiative dans mon rapport, mais la plupart d'entre vous l'ont et le connaissaient déjà. Il est sur votre bureau, Monsieur Balestra ? J'ai aussi ce texte sous les yeux et je n'ai toujours pas vu où cette initiative parlait de repousser l'armée suisse hors du canton de Genève. (Commentaires.) Nous n'avons donc pas le même texte.
En commission, nous avons tous été impressionnés par Andreas Gross, au grand étonnement de l'Entente, qui n'a pas arrêté de féliciter Gross, le vrai politologue, le type qui a tout compris... Or, ce que M. Gross a dit, nous l'avons dit, je l'ai dit quinze fois. Simplement, je ne m'appelle pas M. Gross, je m'appelle M. Gilly et n'ai peut-être pas la même persuasion qu'un député qui siège à Berne, n'est-ce pas ?
Pour contredire tout ce que j'ai entendu sur M. Gross, j'ai pris la peine de souligner plusieurs choses. Au sujet de cette initiative, M. Gross a dit d'entrée qu'il fallait tout de suite séparer la paix de l'armée, que la paix est un processus sans limites, que cette initiative ne doit pas concerner l'armée, celle-ci étant une institution à part. Il a aussi dit que cette initiative était une opportunité énorme pour le canton.
A la deuxième page - je ne vous ferai pas l'injure de tout vous lire - il a dit que, si l'armée constituait un obstacle dans le cadre de cette initiative, elle ne devait pas être un obstacle sur le fond du problème que soulève l'initiative.
Il a également dit que la paix était un effort permanent et devrait être le devoir de tous les politiciens, qu'il s'agit de développer une approche visant un processus qui augmenterait les potentialités de la paix et qui réduirait la violence. Par ailleurs, la promotion de la paix n'est pas équivalente au maintien de la paix et c'est toujours là que le bât blesse entre les positions de M. Froidevaux et les miennes !
Je répète que M. Gross a aussi répondu à M. Froidevaux que l'initiative était une chance énorme mais qu'il fallait élaborer une philosophie de maintien ou de développement de la paix en établissant des critères. C'est de cela que nous discuterons quand il s'agira de mettre sérieusement les choses en place lors du vote et de l'acceptation de cette initiative.
Il a encore affirmé que la liberté et la paix étaient inséparables et, avant de retourner à Zurich, il a conclu en disant qu'il était favorable aux initiatives cantonales, les vrais changements étant le résultat d'efforts cantonaux, voire communaux, exemple : le vote des femmes, l'environnement... Il faut envisager une politique plus préventive que répressive. Tout cela dans le sens, s'agissant de cette initiative, d'une plus grande démocratie pour notre canton et pour accorder une plus large place à la société civile dans le canton.
Par conséquent, Monsieur Froidevaux, je ne sais pas qui peut prétendre s'approprier les phrases de Gross. Il a été extrêmement clair et si vous relisez mon premier rapport de l'an dernier et le rapport de ce soir, les choses sont dites de la même façon et de manière encore bien plus explicite puisque j'ai eu le temps de les développer. Donc, soit nous n'avons pas les mêmes yeux, soit nous n'avons pas les mêmes oreilles, en lisant les textes et en entendant nos arguments.
Mme Micheline Spoerri (L). Je dirai aux membres de cette commission que leurs leçons de morale permanentes commencent à nous énerver. Nous venons en commission quand nous le voulons et il n'appartient pas aux gens d'en face de nous dire quand nous devons venir ou pas. (Commentaires.)
Permettez-moi de terminer, s'il vous plaît, Monsieur ! Vous continuez et vous vous obstinez dans des leçons de morale permanentes. Occupez-vous de vos groupes respectifs et laissez les autres vivre comme ils l'entendent ! (Brouhaha et commentaires.)
En ce qui concerne la procédure, Mme Briol s'étonnait que nous y soyons attachés, mais le traitement d'une initiative parlementaire n'est déjà pas simple et nous avons en plus débuté nos travaux dans une espèce de brouillard complet. Je me souviens - même si je n'ai effectivement pas été présente à toutes les séances - d'avoir réclamé que l'on auditionne au moins le Conseil d'Etat pour essayer d'avoir une petite boussole dans cette affaire.
Bien que le fond soit beaucoup plus important que la forme, dans le cas particulier si vous voulez que votre initiative aboutisse, vous devez être, Mesdames et Messieurs les initiants, les premiers à respecter les procédures. Cela concerne la forme.
Sur le fond, Monsieur le rapporteur, vous êtes antimilitariste, antimilitariste, antimilitariste ! C'est votre conviction et elle est respectable, mais permettez-nous de vous dire que M. Andreas Gross a apporté à cette discussion une dimension, une finesse d'analyse et de réflexion exceptionnelles que ni vous ni M. le député de Battista n'ont été capables de susciter dans cette commission. Par conséquent, ne nous faites pas des scènes de jalousie vis-à-vis de M. Andreas Gross ! Admettez qu'il a à la fois entendu vos arguments, puisqu'il y a adhéré au début de la démarche, et su nous dire à quel point nous devions être beaucoup plus ouverts dans la réflexion sur la paix.
Nous partageons son point de vue, en tout cas sur le fond, et je crois que l'Entente a été très sensible à cette audition qui nous a un peu ébranlés, il faut le dire. Je vais m'arrêter là car je pense qu'on a déjà assez parlé ce soir.
M. John Dupraz (R). Il y a des choses qu'on ne peut tout de même pas laisser passer. Après les propos de M. de Battista et de M. Vanek, je constate que ce sont plus des bestiaux politiques que des députés humains, animés par un instinct grégaire et primaire d'antimilitaristes.
Je croyais savoir que le parti socialiste était un parti démocratique respectueux des institutions. Je constate que M. de Battista est un mouton noir égaré... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) et qu'il n'a aucun respect pour les institutions.
Il y a dans cette initiative des choses piquantes. On dit au chiffre 4 : «Le canton met en oeuvre et développe des moyens non militaires pour garantir la sécurité de la population» et «il encourage la prise en charge de toutes les tâches concernant la sécurité dans le canton par des organismes civils». Or, vous êtes tous contre la protection civile aussi ! Que voulez-vous en fait ? Vous êtes simplement des esprits primaires, antimilitaristes et rien d'autre. Quant au serment... (Commentaires.) Oh, pour ce qui est de cet espèce d'affreux bonhomme, là-bas, Pagani, voilà vingt-cinq ans qu'il sème la pagaille dans la République et il veut nous faire la morale ! Mais au Moyen Age, on t'aurait déjà transpercé de piques et mis dans le feu ! (Rires.) A-t-on besoin de citoyens qui sont des destructeurs permanents des institutions, de nos propriétés et de notre République ? (Protestations.)
Pour en revenir au serment que vous évoquiez, Monsieur Vanek, vous êtes un peu court dans vos lectures - mais il est vrai que vous avez la vue courte comme votre esprit et vos idées - car le serment dit aussi : «d'observer tous les devoirs qu'impose notre union à la Confédération suisse et de maintenir l'honneur, l'indépendance et la prospérité de la patrie». De cela, vous vous en moquez éperdument ! Ce qui vous importe, c'est la pagaille, la chienlit pour pouvoir jouir de la pagaille. Vous vous en nourrissez et c'est la seule chose qui vous intéresse. Vous êtes contre tout.
En fait, le véritable débat que vous proposez dans votre initiative, c'est l'appartenance de Genève à la Suisse. Il y a des règles et il y a des institutions et si vous voulez une Genève sans armée, vous devez d'abord demander la sécession. Après seulement, nous pourrons commencer à discuter, mais je pense que là vous ne serez pas nombreux.
Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Le monde est pour le moins paradoxal. Avant d'en venir au texte de l'initiative et à l'enjeu de ce soir, j'aimerais rappeler quelques événements auxquels j'ai assisté et qui datent du début de la précédente législature.
J'ai vécu un moment paradoxal le jour où je me suis retrouvée dans une manifestation à caractère culturel avec des gens de vos partis, pour la plupart plutôt opposés à l'armée. Il se trouvait que ce soir-là nous apprenions que l'ONU intervenait pour protéger enfin Sarajevo. C'était quelque chose de souhaité par tous et le soulagement des personnes présentes, alors que nous étions dans une exposition qui nous montrait les désastres de Sarajevo, se passait de commentaire.
Ce soir-là, nous avons eu l'honnêteté de ne pas utiliser cette discussion ni dans un sens ni dans l'autre, mais de reconnaître que nous étions les uns et les autres vraiment soulagés de savoir qu'il se passait quelque chose en faveur du maintien de la paix à Sarajevo.
Si je vous parle de cela aujourd'hui, c'est simplement pour vous rappeler que ce grand manichéisme qui consiste à mettre la paix d'un côté et l'armée de l'autre n'a pas de sens. Dès lors que cela se passe en dehors de nos frontières, dès lors que la promotion de la paix se passe à l'extérieur de nos frontières, tous ceux qui ce soir ont tenu les discours qu'ils ont tenus à l'égard de l'armée tiennent des discours de nature différente.
Je vous demande donc, dans ce débat et dans vos décisions, de réconcilier ce qui vous soulage lorsque les événements se passent à l'extérieur avec les options que vous prenez à l'intérieur de ce pays.
Tant dans l'initiative que dans le contre-projet qui vous a été proposé par certains membres de la commission, il est question de politique de sécurité. Mesdames et Messieurs les députés, il faut être honnête et reconnaître que la politique de sécurité est faite de différents éléments. Elle n'est pas faite que des voeux pieux d'un canton, fût-il le canton de Genève, fût-il dans le domaine de la promotion de la paix mentionnée dans l'initiative.
Comme on l'a rappelé, nous avons des responsabilités communes et confédérales. Je ne vous cache pas que je regrette infiniment qu'à l'heure où la définition des nouvelles missions de l'armée s'attache à donner à Genève, dans le domaine qui vous est cher - la promotion de la paix - et dans des domaines un peu caricaturés par certains - les bérets jaunes et les bérets bleus - mais qui ont une relation tout à fait précise avec Sarajevo et d'autres endroits de la planète, vous choisissiez précisément ce moment pour en faire un conflit. Vous nous présentez Genève comme une ville qui définit sa propre politique alors qu'elle a la grande chance de l'insérer dans un concept avec sa spécificité liée à son expérience internationale, à sa véritable culture de la paix, à ses institutions universitaires ou non qui aujourd'hui déjà traitent de ces problèmes.
C'est la raison pour laquelle je regrette infiniment que vous n'ayez pas jugé bon de vous réunir derrière un contre-projet qui n'allait en rien contre vos convictions ni contre ce que vous prônez mais qui permettait juste de réconcilier les choses et d'avancer.
Il y a dans ce pays, Mesdames et Messieurs, une armée. Elle a notamment pour mission la promotion de la paix. Les cantons ont pour mission d'exécuter certaines de ces tâches. Dans ce contexte, comme l'a rappelé un député, soit Genève s'extrait de ces missions confédérales soit elle admet d'intégrer tout cela dans une mission qui lui permet d'être le chef de file dans un domaine qui lui est naturel. Pour pouvoir le faire, il faut éviter ce débat stérile auquel l'initiative donne lieu en demandant à Genève de s'extraire peu à peu de toute mission qui aurait une relation avec l'institution que représente l'armée dans ce pays.
Encore une fois, avant ce vote, il est regrettable que vous n'ayez pas le courage, à un moment donné, d'admettre que ce débat n'a pas lieu d'être, que vous êtes dans une institution dans laquelle nous sommes insérés et que nous sommes tous, dans ce parlement, favorables à la promotion de la paix, favorables aux institutions qui en font la démarche et favorables aussi à une politique de sécurité.
Lorsque vous prétendez qu'un canton, tout seul dans son coin, peut mener une politique de sécurité, alors que la Suisse est incapable de pouvoir la mener seule et qu'elle sait d'ores et déjà qu'elle doit s'insérer dans un contexte international, je regrette, mais en tant que responsable de département qui suis censée se préoccuper de ces éléments, qui ai assumé au sein de la Confédération et pour le compte du pays, l'année dernière, une charge qui consistait à faire un exercice pour la sécurité civile autant que militaire, je ne peux pas adhérer à votre démarche. Je ne peux pas la défendre et je ne peux pas la représenter.
J'ai été auditionnée au début des débats. Depuis, je n'ai jamais eu l'occasion de vous dire quoi que ce soit d'autre sur ce sujet. Je n'ai jamais été convoquée depuis pour vous expliquer ce qui était discuté au niveau fédéral ni quels étaient les enjeux.
Vous avez aujourd'hui une chance car ce contre-projet ne va à l'encontre d'aucune de vos opinions, mais vous commettez une faute si vous votez l'initiative car vous donnez un mauvais signal. En effet, quoi que vous pensiez, il y aura toujours une armée dans ce pays et il y aura toujours un rôle pour Genève ; simplement, vous m'affaiblirez grandement, lorsque je devrai ensuite, en votre nom et au nom de ce canton, négocier les missions pour la paix qui devraient être dévolues à Genève.
Réfléchissez avant ce vote, parce que je regretterai infiniment que vous ne me donniez pas les moyens de défendre ce à quoi nous croyons tous ! (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs, nous allons nous prononcer sur les conclusions de la majorité de la commission qui propose d'approuver cette initiative par 7 voix contre 5 et qui précise, en conclusion de son rapport, qu'elle ne sera pas soumise en votation populaire avant la décision du Tribunal fédéral. Conformément à l'article 121 de notre règlement, vous êtes appelés à vous prononcer sur la prise en considération de cette initiative.
Les conclusions de la majorité de la commission ad hoc (acceptation de l'initiative) sont mises aux voix.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
L'adjoint du sautier compte les suffrages.
L'initiative est acceptée par 47 oui.
M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur de minorité. Je prends acte de la décision du Grand Conseil, mais la proposition qui est faite dans le rapport de minorité devrait aussi être soumise au vote.
Le président. Monsieur Froidevaux, je l'aurais soumise au vote si les conclusions de la majorité avaient été refusées. Cette initiative ayant été acceptée, elle me semble assez incompatible avec l'autre proposition et, par conséquent, nous ne pouvons pas voter deux propositions qui se contredisent.
Le Grand Conseil a fait son choix. Il appartient à chacun maintenant de prendre ses responsabilités. Nous passons au point suivant de l'ordre du jour.
5. Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève (D 1 05). ( -)
A la demande du Conseil d'Etat, vous trouverez ci-joint le projet de loi 7899 extrait du budget 1999. Pour le rapport (majorité/minorité), veuillez vous référer au rapport sur le budget 1999 (PL 7895-A à PL 7908-A).
Annexe Lettre de M. Hensler
Premier débat