République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 17 décembre 1998 à 17h
54e législature - 2e année - 2e session - 56e séance
PL 7573-A
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Ce projet de loi a été déposé devant le Grand Conseil le 24 avril 1997. Ce dernier l'a renvoyé à la Commission fiscale. Celle-ci l'a remis à la Commission des affaires communales et régionales estimant préférable que le projet de loi 7573 soit traité par notre commission. Sous la présidence de M. Max Schneider, ladite commission y a consacré ses séances des 2, 9,16 et 23 septembre 1997. M. le président Claude Haegi, conseiller d'Etat en charge du Département de l'intérieur et des affaires régionales, M. Jean Suter, directeur des services financiers du Département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales, ont assisté régulièrement aux débats. M. Michel Baettig, directeur du service des affaires régionales du DIER, participait à la séance du 23 septembre.
La Commission des affaires communales et régionales a été saisie quasi simultanément de deux projets de loi, l'un modifiant la loi sur l'administration des communes (PL 7572) et dont l'étude a été suspendue en date du 10 juin dans l'attente de négociations entreprises par le chef du département pour la modification du règlement l'accompagnant ; l'autre que nous traitons aujourd'hui et qui a pour but, selon ses auteurs, d'abord, de "; réviser la disparité en matière d'impôts communaux et de la rendre plus équitable pour le citoyen habitant une commune au centime additionnel élevé ", puis "; de modifier l'art. 334, ce qui permettrait aux communes d'avoir accès aux déclarations fiscales de leurs communiers ".
Auditions
Le 2 septembre, M. Jean Suter. Il convient de résumer ici l'analyse de M. Suter. La péréquation financière entre les communes du canton de Genève fait référence à la capacité financière des communes du canton. L'impôt des personnes physiques est réparti entre la commune de domicile et la commune de travail du contribuable. Une telle répartition date de 1923. A l'époque, 75 % des impôts étaient attribués à la commune de travail du contribuable. Dès 1957, les ¾ des impôts revenaient toujours à la commune de travail pour autant que le rendement du centime additionnel de sa commune de domicile soit élevé. Cette part se réduirait à 50 % en cas de rendement moyen et à ¼ en cas de rendement faible. Ainsi, on constate un premier abandon des droits en faveur de la commune de domicile. Dès 1974, le versement à la commune de travail varie entre 20 % et 80 %, par tranche de 5 % ; dès ce moment, on a également tenu compte des charges des communes. A partir de 1984, une part privilégiée supplémentaire de 10 % a été mise en place pour les communes de domicile. Enfin, depuis 1988, la part privilégiée évolue par tranches de 1 %, et non plus de 5 %. Le calcul est fait chaque année, au moyen d'indices, conformément au règlement (RS : D 3 05.20). Pour le calcul de l'indice de la capacité financière d'une commune, on tient compte de 4 sous-indices :
a) le sous-indice du revenu par habitant ;
b) le sous-indice du revenu par rapport au nombre d'élèves des écoles de la commune ;
c) le sous-indice du revenu par rapport à l'importance du domaine public ;
d) le sous-indice du taux des centimes additionnels.
M. Suter conclut que la part des communes du domicile a augmenté, alors que celle des communes du lieu de travail a diminué. Aujourd'hui, la ville de Genève n'est plus la seule commune de travail, contrairement à la situation qui existait à l'origine. De nombreuses idées ont été émises pour ajouter d'autres indices à la détermination de la capacité financière des communes. A contrario, une autre idée consiste à ne plus retenir qu'un seul indice, soit celui du revenu par habitant. L'indice de la surface du domaine public fait ressortir le problème suivant : il compte à concurrence de 20 % dans la détermination de la capacité financière de la commune, alors que, dans la réalité, la plupart des communes y consacrent moins de 10 % de leurs ressources.
Le 9 septembre, MM. Pierre Hiltpold et Michel Hug, du groupe de travail traitant de la péréquation financière de l'Association des communes genevoises, confirment la prise de position de l'Association des communes genevoises au sujet de ce projet de loi qui avait été communiquée aux commissaires le 27 mai 1997. Elle est la suivante :
"; La proposition de contribution au fonds de péréquation intercommunale viole gravement le principe de l'autonomie communale. La péréquation actuellement en vigueur a un effet redistributif considérable, soit 25 millions sur les personnes morales et 112 millions sur les personnes physiques.
Pour ce qui est de l'examen des déclarations, les communes ont déjà sollicité du Département des finances qu'il leur transmette à l'avenir la liste nominative des contribuables assujettis sur leur territoire. Cette information apparaît suffisante pour le contrôle souhaité.
Les statistiques agrégées concernant les impôts des personnes physiques domiciliées ou travaillant sur le territoire de leur commune ont été remises à tous les exécutifs communaux.
Ces documents confidentiels leur permettent désormais de suivre l'évolution de leurs contribuables tout en garantissant le secret fiscal voulu par le peuple. "
Le 16 septembre, M. le conseiller d'Etat Claude Haegi. Le président du département rappelle que le canton de Genève a le privilège d'avoir des dispositions sur la péréquation et que cette péréquation fonctionne bien. La problématique de la péréquation est régulièrement évoquée au sein de l'Association des communes genevoises. Celle-ci a toutefois toujours pu émettre des propositions susceptibles d'aboutir à des solutions. Aujourd'hui 5 ou 6 communes pourraient être confrontées à des problèmes liés à la fiscalité. Il conviendra que l'ACG examine un éventuel réajustement des pourcentages. Force est de constater que les communes elles-mêmes ne souhaitent pas d'un dispositif tel que prévu par l'art. 334 du projet de loi. Ce serait mal connaître les communes que de prévoir que les administrations municipales pourraient être appelées à seconder le Département des finances dans l'examen des déclarations des contribuables domiciliés sur leur territoire et chargées de procéder à des enquêtes sur la situation de ceux-ci. M. Haegi rappelle que l'ACG constitue par ailleurs l'interlocuteur privilégié du Conseil d'Etat.
Conclusion et vote
La position très ferme de l'Association des communes genevoises, l'analyse technique et détaillée de M. Jean Suter (se référer notamment à son étude 1997 sur "; La péréquation financière entre les communes genevoises "), les déclarations du président du département Claude Haegi ainsi que les interventions et témoignages de commissaires responsables de communes ont permis aux commissaires de se déterminer en majorité contre l'entrée en matière de ce projet de loi. Ceux-ci souhaitent, Mesdames et Messieurs les députés, que vous adoptiez la même voie.
En date du 23 septembre 1997, par 8 voix contre (5 L, 1 R, 2 DC) et 3 abstentions (2 S, 1 Ve), l'entrée en matière du projet de loi 7573 a donc été refusée.
Courtoisie oblige, un rapport de minorité annoncé tardivement retiendra cependant ci-dessous votre attention.
PROJET DE LOI(7573)
modifiant la loi générale sur les contributions publiques (D 3 05)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, est modifiée comme suit :
Art. 294A Contribution au fonds (nouveau)
1 Le nombre des centimes additionnels des communes ayant fixé un nombre de centimes inférieur au taux moyen de 45 est augmenté de la moitié de la différence entre ce nombre et le taux moyen à titre de contribution au fonds de péréquation intercommunale.
2 Cette contribution sert au financement d'équipements communaux ou intercommunaux et d'activités culturelles, sportives ou touristiques intéressant l'ensemble du canton ou certaines communes.
Art. 334 Examen des déclarations (nouvelle teneur)
Les administrations municipales peuvent être appelées à seconder le département dans l'examen des déclarations des contribuables domiciliés sur leur territoire et chargées à cet effet de procéder à des enquêtes sur la situation de ceux-ci. Elles peuvent également demander à pouvoir examiner toutes déclarations de contribuables domiciliés sur leur territoire ou dont l'entreprise est située sur leur territoire et sont en droit de porter à la connaissance de l'administration fiscale toute anomalie qu'elles pourraient constater.
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Rapporteur: M. Pierre Meyll
Le rapport de minorité sera oral.
Premier débat
Le président. M. Brunschwig Graf remplace le rapporteur de majorité, Mme Vérène Nicollier... (Rires.) Oh, pardon ! Monsieur Graf, avez-vous quelque chose à dire ? (Les rires redoublent.) Je ne vais pas arriver à m'en sortir... Monsieur Brunschwig, avez-vous quelque chose à ajouter au rapport ?
M. Nicolas Brunschwig (L), rapporteur de majorité ad interim. Monsieur le président, je tiens à vous rappeler que je n'ai encore épousé ni M. ni Mme Graf... Mon nom est Brunschwig, tout simplement !
Le projet de loi qui nous occupe a été traité lors de la précédente législature par la commission des affaires régionales. Il se trouve qu'actuellement, au sein de la commission fiscale, nous traitons un projet de loi qui porte exactement sur le même sujet. Nous avons donc déjà eu plusieurs séances, soit en commission soit en sous-commission, pour réfléchir à la problématique évoquée par ce projet de loi.
C'est un sujet important, complexe, et la résolution des problèmes évoqués, qui sont pour certains réels, ne peut certainement pas se faire par le biais de la solution proposée par les auteurs de ce projet de loi.
Par contre, il est apparu à une large majorité de la commission fiscale - il s'agit même d'une unanimité - qu'il serait de bon ton d'envoyer une motion au Conseil d'Etat pour lui demander de mettre en place un groupe de réflexion sur ledit sujet.
Bien évidemment, une telle motion serait incompatible avec l'acceptation du projet de loi 7573 sur lequel nous devons nous prononcer aujourd'hui. J'ose espérer que les auteurs vont retirer ce projet de loi par rapport aux propositions qui existent actuellement à la commission fiscale. Nous siégerons encore mardi prochain pour mettre au point, je crois définitivement, la motion qui pourrait émaner de la commission fiscale dans son intégralité.
En quelques mots, il nous paraît effectivement important d'envisager une réflexion sur ce problème de la péréquation pour trouver un système en tout cas plus démocratique. Je vous rappelle que la plupart d'entre nous payons des impôts dans notre commune de domicile, mais aussi une bonne partie dans la commune où nous travaillons, alors que nous n'avons le droit de vote, bien évidemment, que dans notre commune de notre domicile. C'est un problème démocratique, et, à défaut de trouver une solution facile, nous devons au moins y réfléchir.
Il s'agit également de trouver un système plus incitatif que le nôtre. En effet, aucun critère de qualité de la gestion des communes n'entre en considération quant au système de péréquation. A nos yeux, il semble évident que le système ne doit permettre de percevoir une certaine somme, provenant d'autres communes ou du canton, que dans la mesure où des critères de gestion sont atteints.
Il faut sans doute également un système plus transparent, car le système actuel est extrêmement complexe. Nous avons un grand spécialiste dans l'administration en la personne de M. Suter. Pour lui c'est un sujet aisé, mais en fait c'est très compliqué - je vous l'assure - même pour des personnes tout à fait au courant dans ce domaine. Il y a une foule de clés, d'indices, de critères, dont certains d'ailleurs ne sont plus justifiés. Il faut donc revoir à la fois les critères et la transparence nécessaire.
Voilà en substance ce que l'on peut dire à ce stade sur ce projet de loi. Il nous paraît évident - mais je suis sûr que les auteurs vont avoir la sagesse de le retirer - que nous ne pourrons prendre en considération ce projet de loi, étant donné sa vision très simpliste de la manière dont il faut résoudre cet important problème.
M. Pierre Meyll (AdG), rapporteur de minorité. Ce projet de loi a en effet été présenté lors de la précédente législature, et il a été discuté dans le cadre de la commission régionale. Nous avions voté, en son temps, son renvoi en commission fiscale, plus ou moins pour les raisons évoquées par M. Brunschwig.
En matière de péréquation, nous réclamons depuis fort longtemps -depuis bientôt vingt ans, en ce qui concerne le parti du Travail - l'égalité de traitement pour les contribuables genevois. Le système doit être revu, corrigé, amélioré. Il me semble donc tout à fait logique que ce projet de loi soit renvoyé en commission fiscale, ou toute commission susceptible de résoudre le problème posé d'une manière beaucoup plus technique que nous n'avons pu le faire dans le cadre de la commission régionale.
On entend souvent dire qu'il faudrait payer ses impôts en fonction du lieu de travail ou du lieu de domicile. A mon avis, il faudrait que les contribuables genevois, dans leur ensemble, soient taxés équitablement, c'est-à-dire avec une égalité de traitement.
Il me semble donc qu'il convient de renvoyer ce projet de loi à la commission fiscale - il serait dommage de le retirer comme vous le suggérez - qui lui donnera le sort qu'elle jugera nécessaire. Les arguments proposés dans le projet de loi 7573 sont suffisamment valables pour qu'on les retienne. Il ne faut donc pas retirer ce projet, mais le renvoyer en commission fiscale, où il viendra s'ajouter à l'ensemble des demandes qui ont été faites et où il sera examiné dans des conditions nettement plus favorables qu'il ne l'a été jusqu'à présent.
Mme Janine Hagmann (L). J'ai bien écouté les deux rapporteurs, mais il me semble qu'ils n'ont pas traité entièrement ce sujet. En effet, ce projet de loi porte sur deux questions différentes :
- la contribution au fonds de péréquation intercommunale ;
- l'examen des déclarations fiscales.
La péréquation, qu'elle soit communale ou cantonale, est devenue un sujet tout à fait à la mode.
J'ai eu la chance de participer, en effectuant un remplacement, au travail de la commission fiscale qui s'y est plongée avec étonnement, car peu de députés se rendaient compte de la complexité de ce sujet. Jusqu'à maintenant, il a toujours été admis que les communes règlent entre elles les questions de péréquation, le Conseil d'Etat matérialisant dans un règlement la volonté manifestée par la grande majorité des communes. Cette collaboration fonctionne d'ailleurs bien, comme le démontre l'adaptation régulière des normes en matière de péréquation.
Mme Nicollier l'a dit dans son rapport : la péréquation actuellement en vigueur a un effet redistributif considérable. Vous l'avez dit, Monsieur Brunschwig, les contribuables domiciliés dans les communes les plus riches ne payent à leur commune de domicile des impôts, calculés au taux de celle-ci, que sur 20% du revenu de leur travail, les 80% restants étant prélevés au profit et au taux de leur commune d'activité. Mais le fonds de péréquation compense cela, puisqu'il est alimenté par une partie des droits sur les adjudications, sur les ventes et autres actes de biens immobiliers et qu'il a une mission redistributive en prenant en charge totalement ou partiellement les intérêts des emprunts contractés par les communes. Ce fonds a également pour but de financer, dans la mesure de ses ressources et après pondération, les charges que les communes sont appelées à supporter dans le cadre de leurs responsabilités. Dans le cadre d'actions d'intérêt général, il a ainsi été possible de financer la centrale d'alarme du SIS et une grande partie de la machinerie du Grand Théâtre.
Je sais que la Suisse a été pendant longtemps citée en exemple, à Bruxelles, pour affirmer qu'un espace économique unique n'empêche pas des fiscalités concurrentes. La péréquation cantonale va être modifiée - on l'a appris - il est donc fort probable que la péréquation communale suive le mouvement. Il faudra peut-être prévoir un nouvel indice des ressources et abandonner la répartition des revenus entre commune de domicile et commune de travail, mais ceci est une musique d'avenir qui demandera de longues discussions.
Il me semble que la demande contenue dans la première partie du projet de loi que vous défendez, Monsieur Meyll, a un côté totalement pervers. En effet, comment inciter à une gestion rigoureuse en uniformisant le centime des communes d'une façon linéaire, en l'augmentant, pour en prendre une partie et la mettre dans un fonds ? Et que fait-on, à ce moment-là, des communes qui sont tout à fait en dessous ? A mon avis, c'est une mauvaise réponse.
Il est inutile, je pense, d'étudier ce projet de loi en commission fiscale, puisque cette dernière s'est plongée, depuis plusieurs mois, sur la péréquation et que la motion qu'elle va finir de concrétiser la semaine prochaine répondra à toutes les questions qui se sont posées. Monsieur Meyll, le plus sage serait donc de retirer ce projet de loi. Si vous ne voulez pas le retirer, nous ne pourrons pas entrer en matière sur ce projet de loi, qui a - je le répète - un côté pervers.
J'aborde maintenant la deuxième partie de votre demande, soit l'examen des déclarations auquel on accède en partie, puisque les communes ont déjà sollicité le département des finances pour qu'il leur transmette la liste nominative des contribuables assujettis sur leur territoire. Par contre, cette information apparaît tout à fait suffisante aux maires pour le contrôle souhaité. Ces derniers se sont exprimés : ils ne désirent pas obtenir plus d'informations.
D'autre part, les autorités exécutives des communes ont reçu cette année - et l'année dernière déjà, il faut que je sois honnête - des statistiques concernant les impôts des personnes physiques domiciliées ou travaillant sur leur territoire, qui leur ont été remises à titre totalement confidentiel. Ces documents ne permettent pas de prévoir de façon tout à fait exacte un budget, mais ils permettent d'avoir une bonne photographie des communes. On s'aperçoit que certaines communes ont d'importantes rentrées fiscales reposant sur un petit nombre de contribuables. Je pense donc qu'il faut faire très attention en «mettant les pieds» dans la péréquation communale et qu'il faut d'abord attendre ce qui va se passer au niveau de la Confédération.
Mme Christine Sayegh (S). Je pense qu'il est effectivement opportun de renvoyer ce rapport à la commission fiscale.
Notre groupe soutiendra ce renvoi en commission fiscale, laquelle examine actuellement la question de la péréquation intercommunale et élabore une motion qui reprendra certains principes politiques que nous défendons, dans le cadre des travaux de l'administration fiscale sur la refonte de la péréquation fiscale, notamment la répartition des charges entre les communes et la répartition des compétences. Je pense donc que certains points de ce projet pourraient être repris dans cette motion. Ensuite, si les auteurs de ce projet de loi veulent le retirer, ils le feront au moins en toute connaissance de cause. Mais il me semble tout à fait prématuré de demander aux auteurs de le retirer déjà maintenant.
Nous soutenons donc le renvoi en commission de ce projet de loi.
M. Christian Grobet (AdG). Nous soutenons le renvoi de notre projet de loi en commission, car nous avons le sentiment qu'il a été fort mal compris par certains députés en commission et, encore maintenant, en séance plénière.
Tout d'abord, le rapport de majorité n'évoque même pas une des dispositions importantes de ce projet de loi, à savoir la possibilité pour les communes de procéder à l'examen des déclarations fiscales de leurs communiers, comme cela est possible dans maints cantons de notre pays.
J'avoue avoir été étonné par les propos de Mme Hagmann qui parle au nom des maires. Certaines communes, je le crois, désirent s'assurer - si ce ne sont pas les maires, ce sont les conseillers municipaux ou les citoyens - que les déclarations fiscales soient bien contrôlées. La tâche du département des finances dans ce domaine est difficile, mais, souvent, on peut détecter les fraudeurs par leur train de vie. Et c'est précisément dans les communes que l'on peut le mieux apprécier la situation des gens.
Cette disposition, Madame Hagmann, ne sert pas seulement à apprécier les recettes dont la commune pourrait bénéficier dans le cadre de son budget, mais aussi à participer à la lutte contre la fraude fiscale - et j'ose espérer que vous faites partie de celles et ceux qui considèrent qu'il faut lutter contre la fraude fiscale. C'est une tâche très importante qui doit être partagée entre le canton et les communes. Il y a, hélas, beaucoup de fraudes dans ce canton. Il faut donc que les autorités luttent contre ce fléau qui engendre de graves pertes pour les finances cantonales et qui génère une situation d'inégalité de traitement entre les contribuables, ce qui est profondément choquant pour la majorité des contribuables qui déclarent correctement leur revenu et leur fortune.
En ce qui concerne l'autre aspect, nous ne demandons pas à proprement parler une péréquation fiscale, mais que la disparité de l'impôt perçu dans les communes soit fortement atténuée. Nous considérons qu'il serait normal de payer le même impôt dans toutes les communes, dans un canton-ville comme le nôtre. Il est en effet profondément choquant que les contribuables d'Onex payent plus de 52 centimes additionnels et que ceux de certaines communes privilégiées, qui, en outre, ne supportent pas l'équipement du canton, n'en payent que 30 ou 35. Je crois d'ailleurs savoir que le canton de Vaud évoque la possibilité d'uniformiser les impôts communaux, ce qui serait parfaitement normal. La mesure que nous préconisons est modérée dans le sens où nous demandons que la moitié de la différence des centimes - dans les communes dont les centimes additionnels sont inférieurs à 45 centimes additionnels - serve à financer des services d'intérêt intercommunal, comme par exemple le service du feu, les activités culturelles comme le Grand Théâtre, etc. Tout en maintenant une différence au niveau des centimes additionnels, on maintiendra ainsi l'aiguillon d'une gestion des communes aussi économe que possible.
C'est la raison pour laquelle nous pensons que la commission fiscale est effectivement la mieux à même d'apprécier la portée exacte de notre projet de loi.
M. Nicolas Brunschwig (L), rapporteur de majorité ad interim. Je reprends la parole suite à certains propos de M. le député Grobet.
Il prétend que le rapport de majorité n'évoque pas le deuxième aspect, à savoir la transparence fiscale, ce qui est faux. En effet, à la page 3 du rapport de majorité rédigé par Mme Nicollier, notre ex-collègue, trois paragraphes concernent très spécifiquement ce sujet, avec, entre autres, les éléments repris et évoqués par Mme la députée Hagmann.
Il est vrai que M. Grobet n'a sans doute pas encore digéré le refus par le peuple de la transparence fiscale, mais c'est un fait. En démocratie, il faut pourtant respecter les votes de la population. Dès lors, il faut trouver un système - il semblerait que le département ait fait les efforts nécessaires dans ce sens - pour favoriser la budgétisation et la connaissance des recettes fiscales revenant à la commune tout en respectant la sphère privée, le principe de transparence fiscale, je le répète, ayant été refusé par le peuple il n'y a pas très longtemps.
Un deuxième point me semble très important. Si l'Alliance de gauche souhaite - c'est très exactement le sujet de l'autre projet de loi traité par la commission fiscale - une fiscalité communale identique pour toutes les communes, il ne se justifie plus d'avoir des communes, car la fiscalité est un élément essentiel, même si ce n'est pas le seul, de l'indépendance et de l'autonomie communale.
Certaines communes se plaignent maintenant des recettes fiscales moindres engrangées, même si leur refus de certains aménagements les ont conduites à ce type de situation. Par exemple, Onex avait refusé, il y a quelques années, une implantation universitaire qui aurait certainement permis une amélioration des recettes communales.
Voilà les principaux éléments sur le fond.
Je suis étonné par la proposition de Mme Sayegh de renvoyer ce projet de loi en commission fiscale, puisque nous allons sans doute terminer nos travaux - c'est du moins ce que j'ai cru comprendre - mardi prochain. Nous nous réunissions exprès, hors date habituelle, afin de clôturer ce sujet.
Or, renvoyer aujourd'hui ce projet à la commission fiscale, qui doit mettre une touche finale à la rédaction d'une motion qui aborde très exactement les problèmes évoqués dans ce projet de loi, me semble bien hypocrite de la part d'une députée aussi honnête que Mme Sayegh. D'autant qu'elle sait très bien que nous n'aurons pas les moyens, ni le temps, de traiter correctement ce projet de loi, alors que nous traitons ce sujet depuis plusieurs semaines, pour ne pas dire quelques mois, en commission et en sous-commission. A moins que ce ne soit une volonté délibérée de retarder nos travaux de quelques mois...
Pourtant, Mme la présidente nous a dit que nous aurions beaucoup de travail à la rentrée avec, entre autres, le projet de loi sur l'imposition des personnes physiques, sujet tout aussi important et dont les échéances sont plus courtes. Nous devons donc réserver du temps à ce sujet ainsi qu'à quelques initiatives fiscales, comme vous le savez. Pour ma part, je trouve donc que ce n'est pas une bonne solution de renvoyer ce projet de loi à la commission fiscale, sauf si c'est pour l'enterrer pendant quelques années.
Notre motion demande au Conseil d'Etat d'examiner cette problématique très complexe - les propos de M. Grobet prouvent d'ailleurs que la plupart des députés ne la connaissent pas bien. Des réflexions à ce sujet ont été menées à Berne et ont abouti à un pavé de cent cinquante pages - fort intéressant d'ailleurs, pour ceux qui se sont donné la peine de le parcourir - qui nous permettraient non seulement de ne pas perdre du temps à refaire le travail, mais encore de nous calquer sur des études et des analyses qui ont été faites avec l'aide d'universitaires, même si elles doivent être adaptées aux réalités de notre canton, et avec la participation des communes. En effet, il est clair, comme l'a dit Mme Hagmann, que ce système doit évoluer, mais on ne peut pas faire évoluer ce système sans une large adhésion des communes, et ce n'est pas par le biais de ce projet de loi que nous y arriverons.
Mme Christine Sayegh (S). Je ne vais pas épiloguer, mais tout de même ! Je ne sais pas si l'hypocrisie consiste à faire croire que nous avons tous très bien compris la péréquation communale ou si elle consiste à demander à renvoyer ce rapport en commission fiscale, Monsieur le député ! Mettez le mot hypocrisie entre guillemets. (L'oratrice est interpellée.) Vous le confirmez, alors l'hypocrisie est partout !
Je ne pense pas que renvoyer ce rapport à la commission fiscale retarderait les travaux, simplement parce qu'un aspect fiscal n'a pas été traité. Il est facile d'examiner ce point, lors de notre réunion de mardi prochain, en même temps que nous finirons de rédiger la motion. Ce n'est pas une affaire que d'intégrer ce point du projet de loi à notre discussion ! Nous verrons bien si les auteurs veulent ensuite le retirer. Je trouve tout à fait dommage de demander le retrait de ce projet ou de le voter de manière tout à fait prématurée. Nous ne sommes pas à une semaine près.
M. Bernard Clerc (AdG). Si nous demandons le renvoi de ce projet de loi à la commission fiscale, Monsieur Brunschwig, c'est justement que nous travaillons sur un projet de motion visant à refondre totalement un système de péréquation dont nous avons constaté les limites. Vous en reconnaissez vous-même le manque de transparence et la complexité, qui le rendent peu compréhensible par les citoyens. Vous savez aussi qu'une motion peut traîner des mois, voire des années, et il nous semble judicieux que ce projet de loi, renvoyé en commission fiscale, puisse y rester en attente, indépendamment du sort de la motion. Celle-ci, je pense, va être traitée rapidement, mais au cas où il n'y aurait pas d'avancée sur cette question, eh bien, nous aurions un outil à disposition pour aller de l'avant !
Mme Micheline Calmy-Rey. Je remercie l'Alliance de gauche d'avoir déposé ce projet de loi, parce qu'il fera avancer le débat. Le fait qu'il reste en commission fiscale peut être un élément d'impulsion pour la commission.
Plusieurs communes font aujourd'hui le constat que les mécanismes de péréquation financière intercommunale ne répondent plus à leurs attentes. Ils n'offrent en effet plus les marges de manoeuvre souhaitées pour répondre aux besoins des communes suburbaines. Tel est notamment le cas de la répartition des produits de l'impôt des personnes physiques entre la commune de domicile et la commune de travail.
A la marge du système existant, plusieurs ajustements ont été entrepris pour répondre tout particulièrement aux problèmes de certaines communes suburbaines, dites «communes pauvres». Ils ont notamment consisté à modifier le mode de répartition du fonds de péréquation financière intercommunale. Malgré les efforts consentis par la Ville de Genève et les communes riches, la situation est restée difficile pour certaines communes, et le cas d'Onex est bien connu.
D'autres tentatives ont été menées : modifications du poids relatif des sous-indices composant l'indice général de capacité financière. Mais elles n'ont pas abouti, car elles ne déployaient pas les effets espérés. Les causes des problèmes d'Onex, dans une moindre mesure de ceux de Lancy, de Vernier et de la Ville de Genève, sont endémiques, car ces communes concentrent sur leur territoire des personnes à revenus modestes, dont le profil exige la fourniture de prestations publiques importantes et onéreuses.
On notera également qu'en tant que centres urbains elles mettent à disposition des prestations publiques, en particulier une offre culturelle, dont le financement n'est de loin pas assuré par l'ensemble des bénéficiaires.
Enfin, elles n'ont que peu de perspectives de voir leur situation s'améliorer, car elles n'exercent pas une maîtrise complète de leur destin, notamment sur le plan de l'aménagement du territoire.
Les mécanismes actuels de péréquation ne s'attaquent pas aux causes elles-mêmes des problèmes des communes suburbaines. Dans la logique actuelle, on est forcé de trouver chaque année une nouvelle astuce pour faire face à l'urgence.
Le projet de loi qui nous est soumis ce soir propose de créer un nouveau fonds de péréquation qui vient s'ajouter à la péréquation financière sur les personnes physiques, sur les personnes morales et sur le fonds d'équipement communal.
Le mode de financement de ce nouveau fonds est le suivant : toute commune fixant un nombre de centimes inférieur au taux moyen de 45 verra son taux de centimes augmenté de la moitié de la différence entre son taux et le taux moyen. Les recettes fiscales générées par ces centimes supplémentaires serviront donc à l'alimenter. Ce projet crée aujourd'hui un dispositif supplémentaire à ceux existant déjà dans le cadre de la péréquation et complexifie encore le système.
Autre inconvénient : en modifiant leur taux de centimes, les communes concernées peuvent soustraire partiellement ou totalement leur attribution à ce nouveau fonds. A mon sens, il faut que nous sortions de cette logique de fuite en avant et que nous proposions un mécanisme qui puisse prendre en considération le fait que les communes urbaines et suburbaines ont une structure de charges bien différente de celle des communes rurales ; qu'elles mettent à disposition de la population de l'ensemble du canton, voire de la région, une palette de prestations dont le financement est aujourd'hui inéquitablement réparti ; enfin, que dans un espace aussi restreint il n'est pas concevable de connaître une disparité de richesses aussi importante.
Répondre simultanément à toutes ces questions exige une refonte fondamentale des mécanismes de péréquation entre les communes. Cela implique aussi de repenser les relations entre l'Etat et les communes, notamment la répartition des tâches entre les collectivités publiques genevoises.
Au vu de ce qui précède, il me semble que les grandes lignes de la réforme devraient s'appuyer sur deux piliers fondamentaux :
- un mécanisme de péréquation des ressources, dont les objectifs consisteraient à garantir un niveau de recettes fiscales en accord avec les besoins découlant de l'accomplissement des tâches communales ;
- un mécanisme de péréquation des charges avec compensation financière, dont l'objectif viserait à répartir plus équitablement le financement des prestations publiques en respectant le principe d'équivalence.
Avant de mettre en place ces mécanismes de péréquation, il est indispensable de réfléchir à la répartition des tâches entre l'Etat et les communes.
La commission fiscale étudie aujourd'hui l'aspect fiscal des choses et, en tout état de cause - je l'ai dit au début de mon intervention - je pense que le projet à l'étude aura un effet incitatif.
J'ajoute un mot s'agissant de la transparence et des impôts, évoqués par M. Grobet. Les communes ont déjà demandé au département des finances qu'il leur transmette, à l'avenir, la liste nominative des contribuables assujettis sur leur territoire. Selon l'Association des communes genevoises, cette information semble suffisante pour effectuer le contrôle souhaité par l'article prévu dans votre projet de loi. De plus, les statistiques agréées concernant les impôts des personnes physiques domiciliées ou travaillant sur le territoire de leur commune ont été remises à tous les exécutifs communaux. L'Association des communes genevoises indique que ces documents devraient désormais permettre aux communes de suivre l'évolution de leurs contribuables tout en garantissant le secret fiscal voulu par le peuple.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en présence d'une demande de renvoi de ce rapport à la commission fiscale. Je mets cette proposition aux voix.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
La proposition de renvoyer ce rapport à la commission fiscale est adoptée.