République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 4 décembre 1998 à 17h
54e législature - 2e année - 2e session - 54e séance
IU 580
M. Carlo Lamprecht. Je réponds aux deux premières questions posées par M. Charles Beer : quel suivi le Conseil d'Etat a-t-il mis en place par rapport à cette compagnie ? A-t-il opéré tous les contrôles nécessaires ? Le Conseil d'Etat, en tant qu'actionnaire, a été tenu au courant de l'évolution de la société par les communications périodiques du président de son conseil d'administration. Il a d'ailleurs déjà eu l'occasion, à plusieurs reprises, de répondre à certaines interrogations notamment en commission de l'économie. Il faut préciser que le Conseil d'Etat n'a pas souhaité, s'agissant d'une compagnie privée, siéger au conseil d'administration de SWA. Une position identique a, par ailleurs, été adoptée par les autres collectivités publiques qui ont participé au capital de lancement de la compagnie.
Le département des finances, en qualité de gestionnaire du patrimoine financier de l'Etat, a été régulièrement représenté aux assemblées des actionnaires. Après l'envol de l'avion qui a eu lieu le 10 septembre dernier, les communiqués de SWA, soit à travers la presse, soit par les contacts qu'il nous a été donné d'avoir avec son président M. Rochat, ont toujours fait état de taux de remplissage selon les prévisions et aucune crainte quant à la recapitalisation de la société ne nous a été signalée.
C'est le 10 novembre seulement que la direction de SWA nous a fait part de sa situation réelle alors que les communiqués de presse émanant de cette société de même que les communiqués publiés les jours qui ont suivi ne laissaient apparaître aucune difficulté majeure, sinon un optimisme sans nuage. Face à la demande d'une aide financière de dépannage, nous avons tout d'abord exigé un état financier de la société. Cet état financier, sommaire dans un premier temps, a révélé une situation pratiquement sans issue à moins d'une recapitalisation immédiate de plusieurs dizaines de millions étalée sur quelques mois.
En connaissance des difficultés financières de SWA et du manque de liquidités, une délégation du Conseil d'Etat composée de Mmes Brunschwig Graf, Calmy-Rey et de moi-même a reçu le président du conseil d'administration. La délégation a fait très rapidement procéder par l'inspection cantonale des finances à un audit de SWA. Cet audit a révélé que, sans un important apport extérieur immédiat en capital, une aide quelconque aurait été à fonds perdus.
Question N° 3 : quelles garanties ont été demandées face à l'investissement et à la participation du Conseil d'Etat lorsque ce dernier a accordé un capital de cinq millions ? La décision du Conseil d'Etat de participer au capital-actions initial de SWA a été confortée par deux expertises externes. Après que le business plan de la société eut été jugé crédible par ceux qui eurent à l'analyser et notamment par la direction de l'aéroport international de Genève, une expertise fut demandée à la société Arthur Andersen. Les conclusions de cette première expertise s'orientaient vers la faisabilité du projet. Une expertise complémentaire à celle d'Arthur Andersen fut encore sollicitée. Elle fut confiée à M. Yan Carlsson, ancien président de la SAS, personnalité reconnue dans le monde de l'aviation, entouré de deux autres experts. Après analyse et moyennant un certain nombre de recommandations, la conclusion de ce rapport définissait le projet comme commercialement viable.
Il est bon de souligner que la contribution de l'Etat de Genève sous forme de capital à la création ou au développement d'une compagnie d'aviation n'est pas une première. Cela fut également le cas pour la CTA, issue de la faillite de la SATA ; pour Crossair notamment, lors du début de ses activités, et pour Swissair, vous le savez, puisque l'Etat détient toujours des actions.
Au point 4 : quelles leçons le Conseil d'Etat tire-t-il pour l'avenir des événements qui concernent SWA ? Je dois dire que le Conseil d'Etat regrette naturellement que la levée du capital complémentaire nécessaire à la poursuite des activités de SWA n'ait pas pu être réalisée. Il ne lui appartient pas pour autant, en tant qu'autorité politique, d'organiser des recherches de capitaux privés et d'engager qui que ce soit à le faire. Le fait d'avoir participé au capital de départ est un signe tangible de support au projet. Cet engagement aurait dû, bien sûr, être relayé ensuite par des investisseurs privés. Néanmoins SWA a fait une démonstration de son aptitude technique à exploiter un avion long-courrier de manière sûre et ponctuelle en offrant un service de bord dont la qualité a été reconnue par tous les passagers. Ce sont sans doute aujourd'hui - on peut le dire - des erreurs de management qui sont à l'origine des difficultés de la compagnie et de la perte de crédit auprès des investisseurs potentiels.
Quelles mesures ont été prises par la direction pour tenter de sauver la compagnie ? A-t-elle eu des contacts avec des investisseurs privés ? Quel suivi le Conseil d'Etat met en place pour les employés ? Dès la prise de connaissance publique de la situation qui pouvait amener SWA vers une issue fatale dont la presse a fait état, j'ai été sollicité par un certain nombre de personnes susceptibles d'investir selon des critères et des conditions à définir, afin de relancer des lignes long-courriers au départ de Genève.
En ma qualité de président du conseil d'administration, j'ai chargé M. Jean-Pierre Jobin, directeur général de l'aéroport, de recevoir les intéressés, d'analyser toutes les propositions et de me faire rapport immédiatement. Cette démarche s'est inscrite hors de la procédure concordataire engagée par SWA et avait pour objectif de rassembler les intérêts et, pourquoi pas, de repartir sur de nouvelles bases.
Concernant le personnel, la direction de l'aéroport a décidé de participer activement d'ores et déjà au placement du personnel de la SWA. La liste des compétences existant parmi le personnel a été communiquée par l'AIG aux cent cinquante instances et sociétés établies sur le site aéroportuaire qui occupent près de six mille personnes. Les compagnies Swissair et Crossair ont déjà déclaré leur intention d'engager du personnel technique navigant et commercial. Il va de soi que l'office cantonal de l'emploi va engager, comme dans de pareils cas, ses actions habituelles d'analyse de compétences et de tentatives de réinsertion sur le marché local de l'emploi.
Le Conseil d'Etat croit-il encore à l'open sky ? Des vols long-courriers au départ de Genève sont-ils encore possibles dans un avenir prévisible ? Mesdames et Messieurs les députés, les difficultés de SWA ne doivent pas être interprétées comme la fin des ambitions de l'aéroport à reconstruire le réseau de long-courriers dont la Suisse romande et la France voisine ont besoin, tant pour les organisations internationales que pour les multinationales, le commerce, l'industrie et le tourisme. Il est établi que, pour être rentable, une ligne long-courrier doit pouvoir être alimentée par trois marchés : celui de la région d'origine de la ligne, celui de l'extrémité de la ligne et celui des pays tiers. SWA a malheureusement négligé les marchés des Etats-Unis, en particulier ceux de la région de New York, ainsi que ceux des pays tiers. En revanche, son taux de remplissage local de 35% en moyenne après seulement deux mois et demi d'exploitation a été assuré par le marché régional. Si les trois marchés avaient été exploités avec la même efficacité au niveau de la promotion, la ligne aurait peut-être pu atteindre sa rentabilité dans un délai prévu, je le rappelle, non pas de deux mois et demi mais de douze mois.
De nombreux vols moyen et long-courriers intercontinentaux, opérés par Swissair, desservent toujours Genève sur New York, Tel-Aviv, Casablanca, Tunis, ou par des compagnies étrangères : Proche-Orient, Moyen-Orient, Afrique du Nord et les îles Maurice.
Il est établi que les marchés existent pour des vols non-stop vers un certain nombre d'autres destinations, à savoir : Montréal, Washington, Bangkok et Tokyo, dont la rentabilité pourrait être assurée en exploitant des moyen-porteurs.
La libéralisation du transport aérien suisse, souhaitée par tous les milieux, n'est intervenue que le 15 novembre dernier à l'occasion de l'entrée en vigueur de la révision de la loi fédérale sur l'aviation et de son ordonnance d'application. On est bien loin encore du concept d'open sky car, comme vous le savez, Swissair est encore au bénéfice d'un monopole de fait sur le réseau qu'elle exploite effectivement. La loi fédérale révisée permet cependant à d'autres compagnies suisses d'exploiter du trafic de ligne. En accordant les concessions de route, la Confédération doit dorénavant tenir compte des intérêts de tous les aéroports de la région et de toutes les régions du pays.
Cette interpellation urgente est close.