République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 3 décembre 1998 à 17h
54e législature - 2e année - 2e session - 53e séance
PL 7726-A et objet(s) lié(s)
Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse de majorité. Le rapport qui vous est soumis concerne deux projets : un projet présenté par le Conseil d'Etat et un projet présenté par le groupe des Verts.
Le projet présenté par le groupe des Verts visait à supprimer l'ultime phase de recours en matière d'entraide pénale, c'est-à-dire l'audience de plaidoirie. Je m'empresse d'ajouter que cela ne concerne que l'entraide pénale internationale.
L'expérience a montré que dans presque tous les cas les plaidoiries n'ajoutaient rien aux arguments développés par écrit. Par contre, l'audience en plaidoirie retarde le traitement des dossiers et les juges de la Chambre d'accusation passent d'innombrables heures à écouter ce qu'ils sont capables de lire.
De son côté, le projet de loi du Conseil d'Etat est beaucoup plus complet et vise à apporter des modifications à la loi, raison pour laquelle nous avons décidé de les traiter ensemble et qu'ils donneraient lieu à un seul et même rapport.
Je dirai quelques mots sur le rapport de minorité de notre collègue Michel Halpérin. M. Halpérin parle d'atteinte aux droits de la défense. Ce n'est nullement une atteinte aux droits de la défense, auxquels les Verts restent très attachés. L'objectif du projet de loi que nous avions présenté avait pour but de mettre fin à des mesures dilatoires dans des domaines de grande criminalité, de blanchiment, de corruption, domaines où toutes les mesures dilatoires doivent être combattues.
Lors de ses travaux, la commission judiciaire a entendu aussi bien des juges que des avocats. Les juristes progressistes se sont déclarés favorables à la suppression de cette ultime plaidoirie. Les représentants de l'Ordre des avocats, moins enthousiastes, n'en ont pas pour autant considéré qu'il s'agissait d'une atteinte aux droits de la défense. Les avocats membres de la commission judiciaire ne se sont pas non plus estimés lésés puisqu'à l'exception du rapporteur de minorité ils ont tous voté le présent rapport.
D'autant, Mesdames et Messieurs les députés, qu'un amendement à notre proposition a autorisé les procédures écrites. Le rapporteur de minorité le reconnaît lui-même mais il ne peut s'empêcher ensuite d'invectiver en six points et de placer les Verts sur le banc des accusés avec comme étiquette : l'atteinte aux droits de la défense ! Ces attaques sont plus que mensongères ; elles sont à la limite du diffamatoire et ne reflètent que l'avis d'un député qui a de la peine à accepter les opinions des autres, de ceux qui lui font face, et qui utilise pour ce faire des arguments totalement fallacieux.
Pour toutes ces raisons mais surtout parce que nous souhaitons tous que l'entraide judiciaire internationale soit efficace, je vous remercie de voter le rapport tel qu'il ressort des travaux de la commission.
M. Michel Halpérin (L), rapporteur de minorité. Mme Bugnon ne pouvait pas mieux faire que ce qu'elle vient de faire pour vous démontrer la pertinence du rapport de minorité.
Elle vous explique en substance que, par principe, les Verts sont favorables aux droits de la défense et elle vous explique ensuite que, parce que le député qui lui fait face est, selon elle, autoritaire, intolérant et ne supporte pas les opinions des autres, il n'y a qu'une solution : le faire taire !
C'est précisément pour cela que le rapport de minorité a été conçu. Il a été conçu parce que les droits de la défense ne sont pas une pétition de principe mais une conquête. C'est une conquête de plusieurs siècles pour permettre aux gens que l'on met en accusation de se défendre. Ce n'est pas une conquête modeste. C'est une conquête qui se traduit par le triomphe de la libre parole.
Or, voilà qu'on nous explique que quand il s'agit d'étrangers, qui sont pris ici par définition, puisqu'ils sont étrangers, à l'extérieur de leur territoire naturel, par des juges dont ils ne savent rien, sur des questions qu'ils n'ont pas facilement la possibilité de maîtriser, il faudrait qu'on raccourcisse la procédure pour aller plus vite. Et tenez-vous bien, Mesdames et Messieurs les députés, pour aller plus vite et gagner vingt ou trente jours sur des procédure qui durent des mois, parfois des années, tout simplement parce que les juges n'ont pas toujours le temps de rendre des décisions au rythme où l'on voudrait qu'ils les rendent.
Pour pallier les insuffisances du fonctionnement de la justice, on dit que les avocats sont trop bavards et qu'il faut les faire taire. Or, les régimes dans lesquels on a voulu faire taire les avocats n'ont jamais été des régimes démocratiques ou tolérants.
Par conséquent, même si les Verts d'une manière générale - et c'est ce que j'ai exprimé dans mon rapport - ont fait la démonstration qu'ils étaient attachés aux droits de la défense, cette fois-ci ils ont choisi un autre cheval pour démontrer qu'ils étaient plus soucieux de politique que de principes. En effet, la politique criminelle est une politique comme une autre, qui a ses modes et ses moments comme les autres et face à laquelle il faut rester complètement intransigeant si l'on veut être cohérent. C'est au nom de la cohérence que je vous invite à soutenir le rapport de la minorité.
Mme Christine Sayegh (S). Mesdames et Messieurs les députés, vous aurez compris que le but de cette loi est d'accélérer la procédure en matière d'entraide internationale. Si la plupart des mesures qui ont été proposées dans le projet de loi du Conseil d'Etat ont été acceptées, la question qui a divisé les commissaires est celle de supprimer la plaidoirie après le dernier échange d'écritures.
Le procureur général déplore, de manière générale également, la lenteur de notre procédure en matière d'entraide pénale internationale. Il admet également que la plaidoirie prolonge la procédure, d'un mois il est vrai, mais la prolonge tout de même.
Nous devons rappeler que Genève est le seul canton qui prévoit une plaidoirie en matière d'entraide. A ce stade du recours, la plaidoirie n'est plus justifiée, elle est souvent inutile, elle ne fait que répéter ce qui a été écrit, voire l'affiner et sa suppression ne limite pas les droits de la défense. En effet, si cette procédure était inconstitutionnelle, dès lors tous les autres cantons seraient dans l'inconstitutionnalité. Les droits de la défense ne sont pas diminués par cette suppression de la plaidoirie à la fin de la procédure de recours car les normes fédérales et notamment la Convention européenne des droits de l'homme ne sont pas éludées.
Il ne s'agit donc pas de limiter les droits de la défense. Il s'agit de gagner en efficacité et, le cas échéant, de substituer la plaidoirie par une observation écrite. En l'espèce, c'est plutôt la frustration personnelle du plaideur que les intérêts de son client qui sont en jeu et je vous invite à voter le rapport de majorité.
M. Chaïm Nissim (Ve). Je prends la parole sur ce sujet parce que j'étais l'un des auteurs du projet de loi des Verts que M. Halpérin accuse ce soir d'être peu attachés aux droits de la défense.
Monsieur Halpérin, je suis attaché aux droits de la défense. Depuis quinze ans que je lis les journaux - tout simplement en tant que politicien et non pas en tant qu'avocat - je constate que les juges se plaignent régulièrement des lenteurs des procédures judiciaires en matière d'entraide internationale. M. Bertossa a encore écrit un livre il y a deux ans pour en parler avec d'autres juges.
C'est un ouvrage qui m'avait beaucoup ému. M. Bertossa disait qu'effectivement la Suisse était un des pays les plus lents en matière d'entraide internationale. Il parlait dans son livre de procédures qui durent jusqu'à quatre ans parce qu'il y a des avocats comme vous, Monsieur Halpérin, qui se débrouillent très bien pour utiliser toutes les ficelles du droit, pour retarder la transmission des informations entre des juges étrangers qui les demandent et des étrangers accusés en Suisse.
C'est une affaire qui m'a beaucoup ému et c'est la raison pour laquelle je m'étais personnellement adressé à M. Bertossa pour savoir ce que l'on pouvait faire pour gagner un peu de temps et c'est effectivement lui qui est en grande partie l'auteur de ce projet de loi qui est aujourd'hui le projet de loi des Verts.
Monsieur Halpérin, je ne trouve pas très équilibré que vous soyez ici, vous, en tant qu'avocat qui forcément, par profession, par métier, êtes là pour profiter de toutes les mesures dilatoires possibles puisque c'est pour cela que vos clients vous paient, alors qu'en face de vous il n'y a pas de juge puisque la séparation des pouvoirs empêche M. Bertossa d'être en face de vous. C'est Fabienne Bugnon qui est en face de vous !
Je remercie ma collègue Fabienne d'avoir pris ce rôle difficile et je trouve que la vraie question - et ma collègue Christine Sayegh a raison - est politique. Elle n'est pas juridique, elle n'est pas de vouloir fermer la gueule aux avocats, Monsieur Halpérin. Il s'agit en fait de gagner du temps parce qu'il y a des juges qui doivent s'entraider au niveau international. C'est ce temps que nous avons cherché à gagner même si ce n'est que vingt jours, c'est un petit gain de temps que nous pouvons obtenir sans enfreindre le droit international comme vient de le dire Christine Sayegh, et notre devoir est de gagner ces vingt jours !
M. Bénédict Fontanet (PDC). C'est typiquement un projet de loi dans lequel on se donne bonne conscience à très bon marché. Monsieur Nissim, peu de gens dans cette salle ont eu l'occasion de pratiquer l'entraide internationale.
Personnellement, je l'ai pratiquée pour le compte d'Etats comme pour le compte de particuliers et je trouve qu'il est dommage de sacrifier ce qui est une tradition genevoise, française et latine - mais ce n'est pas l'argument le plus important qui milite contre cette proposition - qui est celle de la plaidoirie et de l'expression orale dans le domaine judiciaire. Il est très dommage de se dire que finalement cela se perd à Genève où, de plus en plus, les procédures sont écrites. Une partie du travail de l'avocat est de savoir s'exprimer, de savoir parler en public et les affaires pénales sont des affaires qui se plaident.
Cela dit, vouloir gagner vingt ou trente jours dans une procédure, c'est de la rigolade ! Moi j'ai des affaires d'entraide, des affaires pénales à la Chambre d'accusation dans lesquelles on attend des décisions de magistrats de la Chambre pendant six, huit ou dix mois ! Et vous venez nous expliquer que c'est fantastique que de fermer la gueule aux avocats - parce que c'est de cela qu'il s'agit - en gagnant vingt à trente jours ! Qu'est-ce par rapport à quelqu'un qui pourrait avoir envie de faire valoir ses droits, qu'est-ce par rapport à un avocat qui peut s'exprimer et par rapport à une tierce partie ?
En effet, dans les procédures d'entraide, contrairement à ce que vous pensez, il n'y a pas toujours que des gens qui sont directement concernés par des actes d'instruction de magistrats étrangers ; il peut y avoir aussi des tierces parties qui n'ont rien à voir avec ces procédures et sur lesquelles on transmet des informations à des gens qui sont à l'étranger. Je trouve détestable que pour gagner vingt ou trente jours on veille empêcher de plaider. Certes, on s'exprimera par écrit mais c'est un pis-aller.
Ce qu'il y a de plus détestable et qui me dérange le plus, c'est le sous-entendu ! Cette proposition signifie en fait qu'il y a de bons et de mauvais criminels. Les mauvais criminels, c'est la mode aujourd'hui, ce sont les criminels en col blanc, ces horribles avocats d'affaires, ces banquiers véreux, ces politiciens corrompus. Champ-Dollon est effectivement très bien fréquenté et c'est aussi la volonté d'un certain nombre de nos magistrats de vouloir mettre de l'ordre sur un plan international.
Il va de soi que s'attaquer à M. Pinochet ou s'attaquer à la Mafia russe, c'est quand même beaucoup plus rigolo que de bien vouloir défendre la petite vieille qui se fait arracher son sac à main dans les Rues-Basses, alors que cela devrait être une des missions principales de l'Etat que de garantir la sécurité des gens qui sont ici. N'est-ce pas ?
Je suis très à l'aise parce que je ne plaide quasiment jamais au pénal et je m'occupe peu de ce type de dossiers. J'ai aussi représenté de nombreux Etats étrangers et je suis donc tout à fait à l'aise. Je n'ai donc pas d'intérêt, Monsieur Nissim, à intervenir dans ce sens. Mais en l'occurrence, je trouve paradoxal qu'on veuille aujourd'hui faire les choses sur un plan international. On veut mettre de l'ordre dans les autres pays ? Qu'on se contente d'abord de mettre de l'ordre en Suisse et à Genève où il y a déjà suffisamment à faire !
Il est vrai, Mesdames et Messieurs, que mettre de l'ordre au plan international et s'attaquer aux grands de ce monde est beaucoup plus excitant - cela peut vous valoir votre photo dans «Paris Match» ou dans «VSD» - tandis qu'en défendant la mémé qui se fait arracher son sac vous avez tout juste droit à une petite rubrique dans les chiens écrasés !
Aujourd'hui, c'est à la mode, ça plaît. On se fait des notables comme à un moment donné on pouvait se faire des communistes - parce qu'on trouvait que c'était très bien avant la guerre - et comme on pouvait se faire des Juifs. On désigne à la vindicte publique un certain nombre de gens qui sont de mauvais criminels. Et comme ils ont de l'argent - mon Dieu, comme c'est horrible ! - et qu'ils utilisent des avocats pour se défendre et un certain nombre de moyens de défense, on vient nous expliquer qu'il faut supprimer les droits de la défense.
Il y a par ailleurs les bons criminels, à savoir ceux qui commettent des délits parce qu'ils sont les victimes de cette société épouvantable qui nous corrompt et nous pourrit. Pour ceux-ci, on ne conteste pas qu'ils puissent avoir les mêmes droits de la défense.
Personnellement, je place tout le monde sur le même plan : le riche et le pauvre. Chacun a le droit d'être défendu, chacun a le droit... (Commentaires.)
Le président. Monsieur Nissim, on est au parlement ici ! Monsieur Fontanet, continuez !
M. Bénédict Fontanet. Monsieur le président, je dirai à M. Nissim que, sur un plan personnel, 10% des gens dont je m'occupe ne payent pas mes services et je trouve cela très bien. Nous avons comme avocats un rôle social à remplir et nous le faisons. Contrairement à ce que nombre d'entre vous croient, nous ne pensons qu'au pognon ! Cela pour dire qu'il n'y a pas de gradation dans les droits de la défense. Ce sont des droits démocratiques qui ont été acquis par une lutte constante d'un certain nombre d'avocats, qui ont payé cela de leur liberté, et d'un certain nombre de magistrats aussi. Ils sont aussi la consécration d'une véritable démocratie.
Vouloir attenter aux droits de la défense, ne serait-ce que de manière relativement légère comme cela ressort de ce projet, c'est possible, mais au nom de l'efficacité on peut aussi supprimer tous les droits de la défense ! Il va de soi que, s'il n'y a pas d'avocat ni de plaideur, c'est beaucoup plus simple et beaucoup plus rapide !
Mesdames et Messieurs, ce projet est un mauvais projet ! Nous avons été battus en commission, certes, mais n'oubliez pas que les droits de la défense sont le fruit d'une longue conquête qui a duré des siècles. Des hommes sont morts pour que d'autres puissent se défendre convenablement devant les tribunaux. L'Inquisition n'est pas aussi ancienne dans le temps que d'aucuns d'entre vous veulent bien l'imaginer. Par voie de conséquence, je vous inviterai à voter les conclusions qui sont celles de l'excellent rapport de minorité.
M. Christian Ferrazino (AdG). J'avais l'impression en entendant M. Fontanet qu'il nous parlait de l'Espagne à l'époque de l'Inquisition. A croire, Monsieur Fontanet, que vous n'avez soit pas eu le temps de suivre les travaux de cette commission, soit pas eu le temps de lire le rapport de majorité ni même le rapport de minorité ! Vous parlez beaucoup des avocats, Monsieur Fontanet, mais il s'agit plutôt des justiciables en l'occurrence dans ce projet de loi. Même pour les requérants, le dommage n'est pas bien grand ! Effectivement, il n'est pas bien grand et la seule question qui se pose est de savoir si on entend freiner le travail du pouvoir judiciaire en matière d'entraide pénale ou, au contraire, lui laisser la possibilité de fonctionner, et cela sans qu'il y ait atteinte aux droits de la défense puisque - et vous ne l'avez pas dit, Monsieur Fontanet - il s'agit de procédures de recours et que le recours se fait par définition par écrit.
Vous avez aussi omis de dire une chose qui est tout de même importante : c'est que la jurisprudence interdit de développer oralement en plaidant des griefs qui n'ont pas été développés par écrit à l'appui du mémoire de recours. Par conséquent, quand vous additionnez ces deux éléments, vous constatez que la plaidoirie orale a un intérêt plus que relatif, c'est-à-dire n'en a pas beaucoup.
En l'occurrence, j'aurais pu suivre les arguments de M. Halpérin s'il n'y avait pas eu la possibilité pour le recourant de se déterminer sur la base des observations soit du juge d'instruction, soit du ministère public, car on aurait alors pu dire effectivement que le recourant n'aurait pas eu la possibilité d'être entendu sur des arguments qu'on lui évoque après qu'il a déposé son recours. Mais je pense que c'est tout l'intérêt de ce projet : on arrive à faire en sorte de réduire, très peu en l'occurrence, la durée de cette procédure. Les travaux et les auditions que vous avez conduits en commission judiciaire vous ont montré que parfois grâce à un mois ou un mois et demi de gain on arrive précisément à faire en sorte qu'un dossier ne soit pas atteint par la prescription.
Ne serait-ce que pour cela, je crois nécessaire de pouvoir se donner ces moyens. D'autant que nous avons la garantie absolue que les droits de la défense sont totalement respectés puisqu'il y a - vous l'avez un peu oublié, Monsieur Fontanet - la possibilité de se déterminer par écrit dans les dix jours, suite aux observations éventuelles que le ministère public ou le juge d'instruction pourraient formuler à la suite du recours. Il n'est donc pas étonnant que les autres avocats de la commission judiciaire aient suivi ce rapport de majorité. Il n'est pas non plus étonnant que l'Association des juristes progressistes l'ait également soutenu et que - comme l'a rappelé Mme Bugnon - l'Ordre des avocats n'ait pas eu d'objection majeure à soutenir ce projet de loi.
Par conséquent, je crois qu'on fait beaucoup de bruit sur bien peu de choses et il serait erroné de laisser croire, comme a tenté de le faire M. Fontanet et avant lui, dans une autre mesure, M. Halpérin, que Genève - qui avec ce projet de loi s'alignerait, comme l'a dit Mme Sayegh, sur tous les autres cantons suisses - aurait commencé à bâillonner les avocats. Ce n'est nullement le cas et nous pouvons voter ce projet de loi, sachant que - encore une fois, Monsieur Halpérin - nous sommes tout autant que vous attachés aux droits de la défense, et j'espère que vous êtes tout autant que nous attaché au bon fonctionnement de l'appareil judiciaire.
M. Michel Halpérin (L), rapporteur de minorité. Depuis la nuit des temps, l'exercice des droits de la défense est une entrave à l'action judiciaire. Toute parole qui se lève contre le pouvoir, y compris judiciaire, est une parole qui dérange. Par conséquent, toute parole que l'on veut faire taire est une atteinte aux droits de la défense.
Cela dit, comme l'a rappelé M. Ferrazino, il s'agit en l'occurrence d'une atteinte mineure et c'est pourquoi le rapport de minorité est un rapport de principe et non pas un rapport destiné à permettre aux gens de s'exprimer une fois de plus de vive voix.
Les seuls arguments qui ont été développés à l'appui de cette réduction des droits sont les arguments que M. Nissim a rappelés tout à l'heure. Il a lu le livre du procureur général et il l'a rencontré. Il a estimé que le procureur général manquait dans cette enceinte et il s'en est fait le porte-parole pour demander que l'on facilite la tâche à la justice.
Je rappelle à ceux qui l'auraient oublié que le procureur général, quelle que soit sa sainteté personnelle, est un protagoniste du procès pénal; il est une partie au même titre que l'avocat et, par conséquent, la partie Parquet a eu son avocat, en la personne de M. Nissim, et maintenant je suis l'avocat des avocats, comme d'habitude.
Je dis simplement que les griefs dirigés par la justice, notamment genevoise, contre le déroulement de l'entraide tenaient au fait que la procédure d'entraide internationale était extrêmement longue parce qu'il y avait une double procédure de recours, soit au début de la procédure d'entraide et à la fin. C'est de cela que se plaignaient généralement le procureur général et les magistrats mécontents.
Cette procédure a été modifiée il y a un an par les Chambres fédérales qui ont supprimé la première série de recours et il n'en reste plus qu'une à la fin. Or, maintenant on veut encore abréger les délais sur cette dernière série de recours alors que, comme je l'ai expliqué dans mon rapport de minorité, le Tribunal fédéral a dû sévèrement tancer la Chambre d'accusation parce qu'elle avait mis huit mois à rendre une décision, après plaidoirie et non pas avant. Par conséquent, qu'on ne jette pas la balle dans le camp où elle ne devrait pas aller.
J'ajoute encore que ce gain de dix, vingt ou trente jours que l'on prétend faire n'est pas un gain qui remédierait à une honte pour notre canton quant à la célérité de ses institutions en matière d'entraide.
Je crois que c'était dans le cadre de ce projet de loi que le procureur général auditionné, en répondant à une question d'un commissaire, a expliqué que nous fonctionnons plutôt bien, plutôt mieux que les autres, et que dans certains pays notamment, y compris des pays parfaitement civilisés, on n'obtient jamais l'entraide ou seulement après des années.
Nous n'avons donc pas à nous gratter les ulcères avec un tesson de bouteille sous prétexte que nous sommes très mauvais; nous sommes plutôt meilleurs que les autres et nous avons bien amélioré les choses. Etait-il nécessaire de porter par surcroît ou par surabondance atteinte aux droits des recourants ? Mon impression était que non ! J'aurais beaucoup souhaité qu'elle soit partagée par ce Conseil.
M. Pierre-François Unger (PDC). Je vais vous dire pourquoi, contrairement à mon collègue Fontanet, je voterai ce projet. Que ne nous sommes-nous pas plaints les uns et les autres de la lenteur de la justice dans bien des domaines et pas uniquement en matière d'entraide pénale internationale !
Il faut dire que le projet initial était mauvais, Monsieur Nissim. Il était mauvais car M. Bertossa, dans son audition, a d'ailleurs reconnu qu'il lui convenait si bien que plus personne n'avait le droit de parler. Or, cela nous ne le voulions pas. Les droits de la défense étaient réellement amputés d'une part extrêmement importante par le projet initial.
J'ai donc oeuvré, devant le risque que le projet ne passe tel qu'il avait été conçu par le ministère public, pour qu'il y ait au moins un respect de la Convention européenne des droits de l'homme. Je n'ai pas été le seul mais je crois avoir assez vigoureusement fait valoir la nécessité pour la défense d'avoir pour le moins la possibilité de répondre à des observations, qu'elle n'aurait même pas connues dans la version initiale du projet de loi, de procureurs ou de juges ayant examiné le recours. A cet égard, nous avons obtenu satisfaction - par écrit, il est vrai et j'en conviens Monsieur le rapporteur de minorité, nous avons supprimé la plaidoirie - et le fait que ce point fondamental soit respecté, à savoir que la défense puisse s'exprimer en dernier sur les remarques d'un juge examinant le recours, fût-ce par écrit, suffit pour que cette petite amélioration dans la rapidité de la procédure emporte notre conviction pour voter ce projet.
M. Christian Grobet (AdG). Comme mon collègue Ferrazino l'a dit tout à l'heure, j'avoue, Monsieur le rapporteur de minorité, qu'en tant qu'avocat je suis choqué que vous vous auto-proclamiez l'avocat des avocats !
Effectivement, à mon avis, vous défendez un point de vue corporatiste en tenant de tels propos. Ce n'est pas l'affaire des avocats mais c'est la question des plaideurs qui est en cause. Et en ce qui concerne le procureur général, ce n'est pas l'avocat de la partie adverse. Il est là, vous le savez bien, pour représenter la société.
Cela étant dit, Monsieur Nissim, je crois que certains dans cette enceinte sont assez grands pour défendre également l'intérêt général sans qu'il ne soit nécessaire que le procureur soit présent. A cet égard, ce qui me frappe dans les propos de M. Halpérin et de M. Fontanet, c'est qu'ils n'ont pas dit que ce projet de loi représente une très notable amélioration des droits de la défense !
Il ne s'agit pas du tout, comme on essaie de le faire croire, d'une diminution des droits de la défense ! Pourquoi ? Eh bien, il a été rappelé tout à l'heure qu'on se trouve dans le cadre d'une procédure de recours écrite où en fait la plaidoirie ne joue pas un rôle très important, et une procédure écrite qui va vraisemblablement, si on a affaire à un recours, aller jusqu'au Tribunal fédéral.
Or, verba volens, tout ce qui se dit en plaidoirie, l'autorité supérieure de recours du Tribunal fédéral n'en aura absolument pas connaissance. Par contre, la possibilité pour la défense de déposer ce qu'il faut considérer quasiment comme un second mémoire constitue un énorme avantage et se justifie entièrement pour les raisons qui ont été expliquées tout à l'heure par M. Unger. Il est vrai que le recourant peut tout d'un coup prendre connaissance d'observations avec des éléments nouveaux. Je trouve logique que le recourant puisse y répondre, mais j'attire votre attention sur le fait que le Parquet ne pourra pas, quant à lui, répondre aux observations du recourant, c'est-à-dire au second mémoire, parce qu'on n'a pas voulu continuer le jeu des échanges d'écritures d'une manière interminable.
On oublie de dire que cette procédure de recours n'est qu'un intermède d'une procédure qui, en général, va jusqu'au Tribunal fédéral. S'il est vrai que la procédure d'entraide judiciaire s'est heureusement améliorée en Suisse, elle reste toutefois très longue, notamment en raison de la possibilité de recours au Tribunal fédéral. Or, le fait de gagner un mois ou plus dans certaines circonstances n'est pas négligeable, comme on le voit aujourd'hui dans l'affaire Sasea où, à force de tirer une procédure en longueur, certains accusés bénéficieront finalement de la prescription.
Il me paraît fondamental que lorsque cette procédure est menée jusqu'au Tribunal fédéral le recourant ait l'avantage que ce qu'il a dit aujourd'hui verbalement soit porté par écrit à la connaissance du Tribunal fédéral. Si personnellement j'avais le choix - et aujourd'hui déjà vous avez la possibilité devant certaines juridictions de déposer des conclusions cinq jours avant l'audience, notamment devant la Chambre des baux et loyers - en tant qu'avocat je préférerais de loin pouvoir déposer une écriture qu'aller plaider devant des juges qui n'écoutent pas toujours avec l'attention voulue et qui surtout, quand il s'agit de rendre leur arrêt trois mois plus tard, ne se souviennent pas forcément de ce qui a été plaidé. La note écrite est donc un avantage déterminant et c'est pour cela que personnellement, en tant que défenseur plaidant devant les tribunaux, je remercie la commission d'avoir trouvé une solution qui renforce les droits de la défense, contrairement à ce qui est plaidé sur les bancs d'en face !
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Article 1 (souligné)
Mis aux voix, l'article 25 est adopté, de même que les articles 29, 31 et 32.
Art. 33 (nouvelle teneur)
M. Michel Halpérin (L), rapporteur de minorité. Je propose un amendement qui consiste à supprimer l'alinéa 2 de l'article 33. Je n'ai plus besoin de vous expliquer pourquoi pour l'avoir abondamment fait ce soir.
Le président. Je mets aux voix la proposition d'amendement de M. Halpérin qui consiste à supprimer l'alinéa 2 de l'article 33.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mis aux voix, l'article 33 est adopté, de même que les articles 34, 34 A, 34 B et 43.
Art. 45, al. 2 et 3 (nouvelle teneur) et al. 4 (nouveau)
M. Michel Halpérin (L), rapporteur de minorité. Pour des raisons que je n'expliquerai pas non plus, je propose de supprimer l'alinéa 2 de l'article 45.
Le président. Je mets donc aux voix l'amendement proposé par M. Halpérin, qui consiste à supprimer l'alinéa 2 de l'article 45.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Mis aux voix, l'article 45 est adopté, de même que les articles 46 et 48.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté.
Mis aux voix, l'article 2 (souligné) est adopté.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi (7726)
modifiant la loi d'application du code pénal et d'autres lois fédéralesen matière pénale (E 4 10)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article 1
La loi d'application du code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale, du 14 mars 1975, est modifiée comme suit :
Art. 25 Loi applicable (nouvelle teneur)
Les autorités genevoises appliquent les dispositions cantonales relatives à la procédure pénale, sauf disposition contraire de la loi fédérale imposant des règles de droit fédéral ou l'application du droit étranger (art. 9, 65, 65A et 80B, E, I, K, L, M, EIMP).
Art. 29, al. 2, et note marginale Procès-verbal d'extradition simplifiée (nouvelle teneur)
2 Il est compétent pour dresser le procès-verbal d'extradition simplifiée (art. 54, al. 1, EIMP). Dans ce cas, le juge d'instruction informe préalablement la personne poursuivie des conditions d'extradition simplifiée, ainsi que de ses droits de recours, d'obtenir l'assistance judiciaire et de se faire assister d'un mandataire
Art. 31 Compétences (nouvelle teneur)
1 Le juge d'instruction est compétent en particulier pour :
a) recevoir la demande d'entraide (art. 29, al. 2, 77 et 78 EIMP) ;
b) procéder à l'examen préliminaire de la demande d'entraide et rendre la décision d'entrée en matière (art. 80 et 80A EIMP) ;
c) statuer sur l'application du droit étranger, la participation à la procédure de personnes qui y participent à l'étranger et la consultation du dossier (art. 65, 65A et 80B EIMP) ;
d) pourvoir à la désignation d'un avocat d'office à la personne poursuivie (art. 21, al. 1, EIMP) ;
e) procéder à l'exécution simplifiée (art. 80C EIMP) ;
f) exécuter les actes d'entraide, à l'exception de la notification de documents (art. 63, al. 1 et 2, et 80A, al. 2, EIMP).
2 Lorsqu'une perquisition, un ordre de production, la saisie d'objets ou documents concernant le domaine secret sont contestés, le juge d'instruction place l'objet ou le document en lieu sûr et en interdit l'accès. La Chambre d'accusation statue à bref délai sur l'admissibilité de ces mesures (art. 9 EIMP).
3 Le chef de la police et les officiers de police sont compétents pour assurer les relations directes de police à police (art. 75A EIMP).
Art. 32, al. 1 et note marginale Clôture de la procédure (nouvelle teneur)
1 Après exécution de la demande d'entraide, le juge d'instruction rend une décision motivée sur l'octroi et l'étendue de l'entraide (art. 80D EIMP).
Art. 33 Recours (nouvelle teneur)
1 Les décisions du juge d'instruction sont motivées et comportent l'indication du délai, de la forme et de la voie de recours (art. 22, 80E et 80K EIMP). Le recours est formé devant la Chambre d'accusation, qui statue comme autorité cantonale de dernière instance (art. 23, 80F EIMP).
2 Sauf disposition contraire de la loi fédérale, le recours est instruit et jugé conformément aux articles 192 à 194A et 196 du code de procédure pénale, sans plaidoiries. Si des observations ont été présentées en application de l'article 194, copie en est transmise au recourant qui dispose d'un délai de 10 jours, dès réception, pour répondre par écrit.
3 La décision de clôture ou toute autre décision autorisant, soit la transmission à l'étranger de renseignements concernant le domaine secret, soit le transfert d'objets ou de valeurs, n'est exécutoire qu'à l'échéance du délai de recours ; ce recours a un effet suspensif (art. 80L, al. 1, EIMP).
4 Lorsque le recours est rejeté, le recourant peut être condamné aux frais de l'Etat. S'il n'est pas domicilié en Suisse ou si son domicile est inconnu, le recourant peut être tenu, à peine d'irrecevabilité, de fournir des sûretés en garantie des frais judiciaires présumés.
Art. 34 Qualité pour recourir (nouvelle teneur)
Ont qualité pour recourir :
a) l'office fédéral de la police (art. 80H, lettre a, EIMP) ;
b) quiconque est personnellement et directement touché par une mesure d'entraide et justifie d'un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (art. 80H, lettre b, EIMP).
Art. 34A Notification de documents (nouveau)
Le procureur général est l'autorité compétente pour procéder à la notification de documents (art. 63, al. 2, lettre a, EIMP).
Art. 34B Transmission spontanée (nouveau)
Le procureur général et le juge d'instruction sont compétents pour procéder à la transmission spontanée de moyens de preuve et d'informations (art. 67A EIMP).
Art. 43, al. 1 Autorité d'exécution (nouvelle teneur)
1 Le juge d'instruction traite la demande, procède aux opérations nécessaires et transmet le dossier à l'office fédéral (art. 13 et 15A LTEJUS).
Art. 45, al. 2 et 3 (nouvelle teneur) et alinéa 4 (nouveau)
2 Les décisions du juge d'instruction sont immédiatement exécutoires. Le recours n'a pas d'effet suspensif, sauf si l'ayant droit rend vraisemblable que la décision lui cause un préjudice immédiat et irréparable ou si la décision ordonne la transmission à l'étranger de renseignements qui concernent le domaine secret ou le transfert d'objets ou de valeurs (art. 19A LTEJUS).
3 Sauf disposition contraire de la loi fédérale, le recours est instruit et jugé conformément aux articles 192 à 194A et 196 du code de procédure pénale, sans plaidoiries. Si des observations ont été présentées en application de l'article 194, copie en est transmise au recourant qui dispose d'un délai de 10 jours, dès réception, pour répondre par écrit.
4 Lorsque le recours est rejeté, le recourant peut être condamné aux frais de l'Etat. S'il n'est pas domicilié en Suisse ou si son domicile est inconnu, le recourant peut être tenu, à peine d'irrecevabilité, de fournir des sûretés en garantie des frais judiciaires présumés.
Art. 46 Qualité pour recourir (nouvelle teneur)
Ont qualité pour recourir :
a) l'office fédéral de la police ;
b) quiconque est personnellement et directement touché par une mesure d'entraide et justifie d'un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.
Art. 48 (abrogé)
Article 2
La chancellerie d'Etat est habilitée à remplacer l'abréviation LEEU par LTEJUS dans la loi d'application du code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale, du 14 mars 1975.
PL 7593
Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse de majorité. Comme je l'avais dit, j'annonce le retrait du projet de loi 7593.
Le Grand Conseil prend acte du retrait du projet de loi 7593.
La séance est levée à 23 h 15.