République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 3 décembre 1998 à 17h
54e législature - 2e année - 2e session - 53e séance
R 382
EXPOSÉ DES MOTIFS
Ainsi que vous le savez, une initiative populaire pour l'adhésion de la Suisse à l'ONU a été lancée en date du 8 septembre 1998.
Cette nouvelle occasion pour notre pays d'adhérer à l'ONU mérite une attention et un engagement concret tout particulier afin que la Suisse fasse entendre sa voix officiellement à cette instance internationale.
Nous vous rappelons que lors de la votation populaire de 1986, le peuple suisse a malheureusement refusé l'adhésion. Ce refus a principalement été motivé par la crainte pour la Suisse de perdre sa neutralité.
La neutralité n'est pas un obstacle à l'adhésion de la Suisse. Plusieurs pays neutres appartiennent aux Nations Unies et leur neutralité est reconnue par l'ONU.
L'argent versé chaque année par la Suisse au titre de subventions aux organisations spécialisées de l'ONU, s'élève à 430 millions. Et la Suisse, n'ayant qu'un rôle d'observateur à l'assemblée générale, est exclue des votes ! Et les vraies discussions qu'elle peut avoir pour le moment, ne se font que dans les couloirs !
Depuis la chute du mur de Berlin en 1989 et à l'aube du XXIe siècle, la Suisse se voit confrontée à des problèmes multiformes et totalement nouveaux qui concernent aussi bien l'intérieur du pays que ses relations avec son voisinage et qui nécessitent des solutions nouvelles, mises en oeuvre par l'assemblée des nations.
La Suisse ne peut plus considérer qu'elle est une île au milieu de l'océan. Qu'on le veuille ou non, notre histoire fait partie de l'histoire du monde.
Les pourparlers pour l'entrée de la Suisse dans la Communauté européenne n'ont pas encore abouti. Il n'a pas là motif à ne pas entrer en matière sur l'adhésion de la Suisse à l'ONU et relancer le débat autour de l'initiative.
La recherche de l'adhésion de la Suisse à l'ONU n'empêche nullement la poursuite de nos démarche pour celle à l'Union européenne. C'est justement parce que les problèmes sont multiformes que les solutions sont diverses. Si les deux tentatives découlent de la même volonté de sortir la Suisse de son isolement et de participer pleinement à la vie du monde, les buts des deux organisations sont fort différents sans être contradictoires.
Ne craignons pas d'élargir notre horizon, osons le pari de la participation, et apportons à l'ONU notre propre expérience de la démocratie et de la médiation, nos capacités de dialogue, notre souci de la préservation des ressources naturelles.
Compte tenu de ce qui précède, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à faire bon accueil à cette résolution.
Débat
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Le 8 septembre dernier, une initiative populaire a été lancée pour l'adhésion de la Suisse à l'ONU...
Le président. Madame Schenk-Gottret, je me permets de vous interrompre. Je prie l'assemblée de bien vouloir faire le silence pour que nous puissions continuer nos travaux. Monsieur Dupraz, cela s'adresse aussi à vous ! Messieurs Restellini et Velasco, vous pouvez régler vos différends à l'extérieur de la salle. Je vous remercie d'être attentifs aux orateurs.
Mme Françoise Schenk-Gottret. Je laisse à mon collègue Dupraz les considérations sur le fait que la Suisse verse aujourd'hui aux organisations spécialisées de l'ONU dont elle fait déjà partie des subventions de l'ordre de 430 millions de francs et que son adhésion formelle à l'ONU elle-même ne coûterait guère plus cher. De même, en ce qui concerne le parallélisme avec les démarches pour l'adhésion de la Suisse à l'Union européenne.
Le président. Madame Schenk-Gottret, excusez-moi de vous interrompre encore une fois ! C'est parfaitement inaudible si tout le monde parle. Je vous prie vraiment de faire le silence et d'écouter l'orateur. On ne peut pas travailler dans ces conditions !
Mme Françoise Schenk-Gottret. L'ONU n'est pas parfaite, loin de là. Mais elle joue un rôle indispensable notamment dans le cadre du maintien de la paix, de l'encouragement au règlement pacifique des conflits, de la promotion de la démocratie et de la préservation des ressources naturelles dans le cadre du développement durable.
Genève est une ville internationale de longue tradition, puisqu'elle a hébergé la Société des Nations en 1918. Elle accueille les organisations internationales, aidée en cela par la Confédération et plusieurs de ses départements et tout particulièrement par celui des affaires étrangères. Les outils qu'elle a à sa disposition, principalement la FIPOI, doivent lui permettre de maintenir, voire d'élargir cet accueil et de garder son ouverture sur le monde
C'est pourquoi il est à nos yeux indispensable que le Conseil d'Etat mette tout en oeuvre pour soutenir cet objectif de l'adhésion de la Suisse à l'ONU, tant auprès de la Confédération aux niveaux législatif et exécutif qu'au niveau de la population à l'échelle nationale, romande et genevoise. Il est impératif qu'il exprime son soutien au comité d'initiative de l'adhésion de la Suisse à l'ONU. Il faut qu'il y ait débat public et votation. Nous ne sommes plus en 1990 et les problèmes multiformes qui se posent à l'échelle internationale interpellent la Suisse dans son isolement. Elle doit, à travers l'ONU, même imparfaite, participer à la recherche de solutions à ces problèmes et à celui qui n'est pas des moindres : la problématique Nord-Sud.
Le président. Je constate que la résolution a été signée par un grand nombre de députés, mais qu'elle conclut par la demande de faire bon accueil à cette «motion».
Tout d'abord, il s'agit d'une résolution ! Ensuite, on aimerait savoir, en plus d'y faire bon accueil, à qui il convient d'adresser cette résolution. J'imagine que c'est au Conseil d'Etat.
M. Olivier Vaucher (L). Il s'agit en effet d'adresser cette résolution au Conseil d'Etat.
Mise aux voix, cette résolution est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat.
Elle est ainsi conçue :
Résolution(382)
sur l'adhésion de la Suisse à l'ONU
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
- le rôle, loin d'être parfait mais indispensable, de l'ONU dans le chaos international que nous connaissons ;
- le fait que l'ONU est la seule tribune internationale ouverte à pratiquement toutes les nations ;
- que ses buts sont le maintien de la paix et l'encouragement au règlement pacifique des conflits, le rapprochement des peuples, la consolidation du respect des droits humains et des libertés fondamentales, la reconnaissance du rôle de la femme dans la société, la promotion de la démocratie, les progrès sociaux et culturels, la préservation des ressources naturelles dans le cadre du développement durable ;
- le rôle trop effacé d'observateur de la Suisse à l'ONU, qui ne correspond plus au contexte d'engagement politique actuel ;
- la présence officielle de la Suisse, son rôle et son engagement dans les organisations internationales spécialisées de l'ONU (OMS, OIT , HCR, UNESCO , OMPI , OMM, FAO, UNICEF, etc.) ;
- la situation de Genève, ville internationale qui a accueilli la Société des Nations (SDN) en 1918, puis le siège européen des Nations Unies en 1945 ;
- le rôle fondamental des organisations non-gouvernementales qui gravitent nécessairement autour de l'ONU ;
- l'occasion de relancer un nouveau débat public à l'échelle nationale sur la nécessité de l'adhésion ;
- le lancement récent d'une initiative pour l'adhésion de la Suisse à l'ONU ;
invite le Conseil d'Etat
- à apporter sans restriction son soutien à l'objectif de l'adhésion de la Suisse à l'ONU, aussi bien auprès des Chambres fédérales que du Conseil fédéral ;
- à exprimer publiquement son soutien au comité d'initiative de l'adhésion de la Suisse à l'ONU ;
- à un engagement politique actif auprès des populations genevoise, romande et nationale.