République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1225
Proposition de motion de Mme et MM. Régis de Battista, René Longet, Luc Gilly, Christian Ferrazino, David Hiler et Caroline Dallèves-Romaneschi concernant la PC au repos. ( )M1225

EXPOSÉ DES MOTIFS

Depuis sa création en 1959, la PC a fait couler beaucoup d'encre et d'argent.

En effet, depuis sa mise en place en pleine guerre froide où le monde s'attendait à une guerre nucléaire, elle n'a finalement jamais été utilisée concrètement.

C'est ce qui lui a valu une première cure d'amaigrissement en 1991 avec une coupure de son budget de moitié et une réduction de ses effectifs d'un tiers.

Confrontée depuis quelques années à la réalité des besoins, elle doit de nouveau faire face à sa problématique d'origine d' "; être ou de ne pas être ". Elle doit même accepter que d'autres structures pourraient prendre en charge ses tâches, les faire mieux et à moindre coût.

Malgré ses derniers soubresauts, vivement critiquée par différents corps de métiers civils, il ne lui a pas été possible de trouver une réelle utilité. Les cantons, les uns après les autres se rangent devant cette évidence.

Actuellement et spécialement en période de crise financière, Genève et la Suisse ont sûrement besoin d'une coordination non militaire de toutes les structures de prévention de catastrophe prenant la relève de la PC.

Pour tous ces motifs, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un bon accueil à cette motion et de la renvoyer au Conseil d'Etat.

Débat

M. Régis de Battista (S). Cette motion vous est présentée afin de faire des économies en arrêtant de gaspiller inutilement les deniers publics.

Comme vous l'avez lu dans le texte de la motion, nous ne sommes pas les seuls. En effet, le canton du Jura a décrété un moratoire pour tous les investissements en matière de protection civile (PC) et le Conseil fédéral a réduit son coût de manière importante.

Cette motion demande clairement au Conseil d'Etat d'assumer ses responsabilités et de revoir entièrement ce service sans avoir peur de le supprimer, si nécessaire. Nous saluons avec intérêt la mise en place de la sécurité civile de Genève et nous attendons impatiemment le rapport du Conseil d'Etat sur cette question. Par contre, dans l'idée de cette mutation, je demanderai au Conseil d'Etat de faire attention à l'esprit militaire qui risque de persister au sein de ce nouvel organisme. En effet, la PC a été un lieu de retraite pour d'anciens officiers et ne doit pas continuer à servir d'alibi pour l'armée.

Si elle veut exister et réellement réussir sa mutation, la sécurité civile de Genève doit tenir compte de tous les acteurs voulant y participer. C'est pourquoi elle ne peut plus être obligatoire, ni hyper-hiérarchisée, ni fermée, ni militarisée.

Pour terminer, il serait important de définir clairement à quoi elle sert et ce de manière très précise. Je vous prie donc de voter cette motion et de la renvoyer directement au Conseil d'Etat, afin d'accélérer ce processus de mutation nécessaire.

Mme Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve). En signant cette motion, les Verts ne font que suivre une ligne très logique. En effet, si vous vous en souvenez, ils ont déposé une motion en Ville de Genève, il y a deux ans, pour demander la suppression de la protection civile. Cette motion était évidemment provocatrice sur la forme mais non sans fondement.

On nous dit toujours que le problème de la PC se situe au niveau fédéral. C'est de là qu'on nous oblige à en avoir une. Or, il est des cas où la politique des cantons peut infléchir celle de la Confédération. A notre avis, la protection civile est un cas où les cantons doivent non pas désobéir à la Confédération mais du moins donner l'impulsion pour une nouvelle politique. C'est le cas lorsque les ordres confédéraux sont particulièrement contraires à l'éthique et au bon sens. Ces conditions sont remplies en l'espèce.

Nous avons trouvé que la PC menait une politique particulièrement contraire au bon sens. Premièrement, parce qu'elle ne fait pas ce qu'elle aurait pu et dû faire : le secours en cas de catastrophe civile, soit le secours concret à des populations en détresse. Nous l'avons remarqué à l'occasion de son échec lamentable lors de la catastrophe de Schweizerhalle. Il est vrai qu'elle s'occupe maintenant d'aider les réfugiés et c'est une bonne chose !

Deuxièmement, parce qu'elle est entraînée et programmée à faire ce qui ne sert à rien, c'est-à-dire à lutter contre les effets de la guerre atomique et des catastrophes nucléaires. Chacun ici connaît assez les conséquences dramatiques qu'aurait une catastrophe nucléaire pour se rendre compte du fait que la fermeture de Creys-Malville, par exemple, a fait bien plus pour notre sécurité que tous les soi-disant abris que nous avons dans le canton.

Contraire au bon sens, enfin, parce que son organisation de type militaire, comme l'a dit M. de Battista, consistait à dépenser beaucoup d'argent pour des cours censés faire d'honnêtes citoyens, qui n'étaient pas des Rambo, des experts en sauvetage et en reconstruction qui en l'espace de trois jours par an deviendraient plus compétents que les associations de samaritains ou de pompiers.

A Genève, il y a peu, la PC se livrait encore à une propagande éhontée, payée par les deniers du contribuable, comme si elle était une entreprise commerciale cherchant à happer le client. Comble de l'horreur, à mon avis, l'effort de mobilisation totale de la population s'est même porté de plus en plus sur les femmes. Pour les partisans de la défense totale volontiers paternalistes et militaristes, la femme toute pétrie d'abnégation et de sensibilité humanitaire serait pour ainsi dire prédestinée aux tâches de la protection civile. Nous constatons heureusement que cette campagne n'a eu que peu d'effets.

C'est pourquoi l'évolution récente nous satisfait, ce qui n'a rien pour nous surprendre vu la personne qui en est à l'origine. La réunion de la protection civile, de l'Inspection du feu et du Service hélicoptère serait un bon début pour mettre fin au gaspillage et au non-sens qui prévalait jusqu'ici.

Les Verts se réjouissent donc de la nouvelle orientation donnée à ce service et encouragent vivement le Conseil d'Etat à poursuivre dans ce sens.

M. Luc Gilly (AdG). Je remercie mes prédécesseurs d'avoir donné autant de détails. Je me bornerai personnellement à faire un petit exposé politique sur la protection civile, car il est vraiment nécessaire de la dépoussiérer et au plus vite !

Tout comme moi, vous aurez sans doute lu il y a quelques semaines dans la ";Feuille d'avis officielle" du 4 novembre et un peu après dans la Julie, dans la ";Tribune de Genève", qu'une nouvelle politique en matière de sécurité civile se préparait à Genève. Cette nouvelle direction remet largement en cause la protection civile, qui date de l'âge des casernes et ce malgré le gel initié par M. Claude Haegi.

Partout en Suisse et même enfin au Palais fédéral, la protection civile est sujette à discussion pour redéfinir son rôle face à son inefficacité chronique, sa lourdeur administrative et le nombre incroyablement élevé de citoyens qui y sont engagés, et pour remettre en cause son coût et son luxe exorbitant depuis des lustres.

Il est grand temps, Mesdames et Messieurs, de moderniser et de réduire cet appareil d'Etat à tous les niveaux. Sa conception désuète, d'un autre âge, mérite un vrai lifting puisque les Rouges ne bombarderont décidément pas la Suisse, ni ses montagnes, ni ses banques, ni ses Swatchs ! Cette idéologie a prévalu politiquement jusqu'à aujourd'hui. Elle a convaincu la grande majorité des habitantes et habitants de ce pays qu'il fallait, à coups de milliards, pouvoir se cacher sous terre en attendant des temps meilleurs. Cette idéologie et cette conception toute militaire ont permis d'enrôler de manière obligatoire les citoyens suisses, les citoyens mâles, renforçant du même coup un contrôle supplémentaire sur le rôle du citoyen-soldat que nous sommes censés être.

Pour avoir dit ceci il y a une vingtaine d'années et l'avoir critiquée et refusée, j'ai pris un mois de prison ! Il est vrai que Me Ferrazzino n'était encore pas si brillant à l'époque ! (Commentaires.) J'exagère, bon ! Un mois, le salaud ! J'aurais dû prendre Robert Cramer, c'est vrai !

Je disais donc que cette idéologie a réussi pendant plus de quarante ans à enfoncer dans le cerveau des habitants de ce pays que cette menace permanente méritait, en plus des milliers d'abris construits, de faire de monstrueuses réserves fédérales de toute sorte : nourriture en tout genre, céréales, carburant, etc., tout comme les réserves que la ménagère doit faire et gérer avec le plus grand sérieux helvétique.

D'ailleurs, M. Couchepin veut commencer à réduire sérieusement ce gaspillage et son collège Kaspar Villiger a, de son côté, proposé de réduire le gâteau financier qui a toujours été largement octroyé à la protection civile.

Je terminerai cette intervention en vous demandant de renvoyer cette motion 1225 : ";La protection civile au repos" directement au Conseil d'Etat, en attendant que M. Robert Cramer nous expose au plus vite son projet et sa vision d'une nouvelle sécurité civile.

Dégraissée radicalement en nombre et en hiérarchie, composée d'hommes et de femmes préparés, volontaires, mais surtout capables d'être réellement utiles et efficaces, cette nouvelle sécurité civile, débarrassée de son passé mythique et coûteux, encombrant, pourra peut-être bientôt voir le jour.

M. Olivier Vaucher (L). Notre groupe soutiendra certainement cette motion mais, compte tenu de certaines interventions des préopinants et pour avoir pratiqué la protection civile pendant plus de vingt-trois ans, j'aimerais corriger un certain nombre d'erreurs ou d'affirmations totalement erronées.

En effet, l'idéologie de la protection civile n'est pas seulement de se cacher sous terre, comme l'a dit notre collègue Gilly. J'ai fait suffisamment d'exercices pour dire que sa mission n'est pas seulement de protéger les civils contre les méfaits d'une guerre atomique, mais aussi d'assurer la protection, et d'apporter l'aide nécessaire à la population, suite aux catastrophes naturelles et civiles. Nous sommes d'ailleurs parfaitement entraînés dans ce sens puisque nous avons régulièrement des exercices dans ce domaine. J'aimerais donner acte à la protection civile de ses bons aspects et du bon travail réalisé dans certains de ses cours.

Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire qu'il y a beaucoup d'économies à faire. On peut certainement apprendre en beaucoup moins de temps ce qu'on nous enseigne dans ces cours interminablement longs. C'est pour cela, je le répète, que notre groupe soutiendra cette motion, mais je voulais relever certains aspects positifs de la protection civile concernant la protection du citoyen.

Mme Madeleine Bernasconi (R). Notre groupe soutiendra aussi cette proposition de motion et son renvoi au Conseil d'Etat.

Comme mon prédécesseur, je tiens tout de même à souligner que, si le fonctionnement de la protection civile comportait des aspects très lourds, depuis 1992 un travail a été fait à Genève. Nous étions bien en avance par rapport aux différents cantons suisses pour alléger ce travail et le rendre plus proche de la population, c'est-à-dire être actifs et efficaces en cas de catastrophe naturelle ou de catastrophes inhérentes à notre mode de vie.

Je voudrais simplement vous rappeler qu'il n'y a pas seulement eu des exercices fictifs mais des exercices sur le terrain. Je vous rappelle les catastrophes naturelles en Valais, où certains groupes de protection civile du canton de Genève sont allés aider à réparer les dégâts causés par les inondations.

Il convient désormais de repenser les choses et d'aller plus loin que les mesures amorcées en 1992 et 1993 qui nous ont ouvert le chemin et c'est pourquoi notre groupe soutiendra cette motion et son renvoi au Conseil d'Etat.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Je tiens tout d'abord à remercier les auteurs de cette proposition de motion et ceux qui la soutiennent.

Pour le Conseil d'Etat, les diverses invites de cette proposition de motion constituent un encouragement à continuer la restructuration en cours de la protection civile qui, progressivement, est en train de se transformer en un véritable service de sécurité civile.

Monsieur Gilly, la protection civile militarisée et hiérarchique où l'on s'ennuyait dans les cours, pour reprendre l'expression de M. Vaucher, est d'ores et déjà au repos. Nous le devons à des travaux qui ont commencé - Mme Bernasconi l'a rappelé - en 1993 déjà, et c'est M. Haegi qui a eu le mérite de lancer cette restructuration.

Aujourd'hui, la protection civile s'oriente très résolument vers les interventions lors de catastrophes, notamment civiles. C'est ainsi qu'au cours de l'année écoulée elle a été engagée à deux reprises pour des événements importants qui ont frappé notre canton. Il s'est agi tout d'abord de la tragédie du vol Swissair 111 où ce sont, pour l'essentiel, des spécialistes de la protection civile, des spécialistes en matière d'assistance psychologique qui ont été engagés pour venir en aide aux proches des victimes de cette catastrophe. Or, ce travail d'accompagnement n'est pas terminé et ces spécialistes, ces psychologues et ces psychiatres sont toujours à l'oeuvre et entourent les familles affectées par ce drame.

Plus récemment, la protection civile, aussi bien cantonale que celle de la Ville de Genève, a dû être à nouveau engagée pour faire face à l'afflux des demandeurs d'asile. La Ville de Genève s'occupe actuellement d'héberger les prérequérants en matière d'asile, en concertation étroite avec toutes les associations d'entraide. Quant à la protection civile cantonale, elle prend en charge une partie des requérants d'asile inscrits mais qui ne peuvent être hébergés dans le cadre des structures existantes. C'est dire que la protection civile militarisée à laquelle se réfère la motion est au repos et, aujourd'hui, c'est réellement la sécurité civile qui est à l'oeuvre.

Je répondrais volontiers immédiatement aux différentes invites de votre motion. Vous verriez qu'elles sont déjà pour la plupart largement réalisées. Il me semble cependant préférable d'accepter cette proposition de motion au nom du Conseil d'Etat et de vous présenter rapidement un rapport qui, non seulement répondra aux quatre points que vous évoquez, mais qui surtout vous dira comment nous entendons faire pour avoir à l'avenir, à Genève, un service plus apte à répondre aux situations d'urgence. Un service qui réunisse les compétences en personnes et en moyens des différentes collectivités publiques, c'est-à-dire des communes, de la Ville et du canton, ainsi que les compétences des services du feu et des pompiers aussi bien que les compétences actuelles de la protection civile. Enfin, un service qui sera non seulement plus efficace et mieux à même de répondre aux besoins de la population mais aussi, nous l'espérons, nettement moins coûteux pour la collectivité, puisque nous escomptons, d'ici un an ou deux, réaliser des économies d'environ 20% sur ce poste. Pour toutes les collectivités publiques cantonales, cela représente un montant de l'ordre de 60 millions. J'insiste sur ce point car ce n'est pas seulement l'Etat qui sera concerné. Pour nos collectivités publiques, il s'agit d'une économie de l'ordre de 12 millions. C'est aussi cela, la restructuration de la protection civile dans le sens d'une véritable sécurité civile cantonale.

Mise aux voix, cette motion est adoptée.

Elle est ainsi conçue :

Motion(1225)concernant la PC au repos

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant que :

- malgré la réforme de la PC en 1995, le débat est à nouveau lancé pour l'intégrer à d'autres corps professionnels, réduire son activité, voire complètement la supprimer ;

- le canton du Jura en 1996 a décrété un moratoire sur tous les investissements en matière de PC jusqu'en 1999 ;

- la protection civile a été créée pour des motifs qui ne sont plus d'actualité et qu'actuellement elle est de moins en moins active ;

- elle a coûté en 30 ans plus de 5 milliards ; et en période de crise financière, il est urgent de faire des économies ;

- au budget de la République du canton de Genève pour l'année 1998, la PC représente une charge de Fr. 9 889 080.- ;

- les tâches de protection des populations doivent être assurées d'une façon plus effective ;

invite le Conseil d'Etat

à poursuivre la restructuration de la PC, en envisageant de :

1. transférer les tâches dévolues à la PC à d'autres organisations ;

2. répartir le personnel et le matériel en fonction des besoins, en direction de structures publiques et associatives ;

3. veiller à ce qu'en cas de catastrophe l'ensemble des structures concernées soient efficacement coordonnées ;

4. décréter un moratoire sur les investissements en matière de PC d'une durée de 10 ans.