République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7913
17. a) Projet de loi constitutionnelle modifiant la constitution de la République et canton de Genève (faculté donnée aux communes d'accorder le droit de vote aux étrangers) (A 2 00). ( )PL7913
M 1117-A
b) Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mme Fabienne Bugnon concernant le droit de vote et d'éligibilité des ressortissants étrangers au niveau communal. ( -) M1117

PL 7913

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit :

Art. 42 Droit de vote des étrangers (nouveau)

1 Les communes peuvent accorder l'exercice du droit de vote communal aux étrangers, âgés de 18 ans révolus, titulaires du permis d'établissement.

2 Par droit de vote, on entend le droit de voter, le droit d'élire et le droit de signer une initiative ou un référendum.

M 1117-A

La motion M 1117 (cf. annexe 1) pose la question de la participation des étrangers à la vie démocratique de nos communes: Genève doit-elle accorder le droit de vote et d'éligibilité aux ressortissants étrangers au niveau communal ? Cette question est importante. Au-delà des clivages politiques, naturels en démocratie, le Conseil d'Etat souhaite qu'elle soit traitée non seulement avec sérieux, mais qu'elle fasse si possible l'objet d'une démarche consensuelle des partis représentés dans votre Conseil. Le respect des étrangers qui habitent à Genève - auxquels notre canton doit tant - le commande.

C'est dans cet esprit que le présent rapport, successivement :

- rappelle les échecs essuyés sur cette question dans un passé récent (1) ;

- rappelle l'initiative prise par diverses communes de relancer le débat et la motion M 1117 votée par le Grand Conseil qui s'ensuivit (2) ;

- fait part des résultats de la consultation menée auprès des conseillers et magistrats communaux (3) ;

- présente un projet de loi constitutionnelle (4) ;

- recense un certain nombre de questions à résoudre (5) ;

- en dernier lieu, fait part de la position du Conseil d'Etat en la matière (6).

Les tentatives dans le passé

La question de l'octroi des droits politiques aux résidents étrangers a déjà fait, tant en Europe et en Suisse (cf. l'état de la question en annexe 2) qu'à Genève, l'objet d'un large débat politique et de nombreuses consultations populaires.

Dans le canton de Genève, les citoyens ont rejeté en votation populaire le 6 juin 1993, par 71,35 %, l'initiative "; Toutes citoyennes, tous citoyens ! ", qui proposait d'accorder aux étrangers, sans distinction de sexe, âgés de 18 ans révolus, l'exercice des droits politiques (vote et éligibilité sur le plan communal et cantonal), à condition qu'ils aient résidé en Suisse depuis dix ans. Le contreprojet du Grand Conseil qui se limitait à accorder aux étrangers le droit d'élire et d'être élus aux tribunaux de prud'hommes, a également été rejeté par le peuple à 55,4 %.

Une deuxième initiative populaire, dont l'objet était identique à celui de la première mais se limitait au seul droit de vote cantonal et communal, a été rejetée en votation populaire le 28 novembre 1993, par 71,3 % des votants.

Des communes relancent le débat

Tirant les leçons de ces échecs, les communes de Vernier (28 921 habitants au 31 décembre 1997) et Meyrin (19 788 habitants) ont adressé au Grand Conseil des résolutions lui demandant ";de faire des propositions de modifications de la législation et de la constitution cantonale, de sorte que les communes puissent accorder le droit de vote et d'éligibilité à leurs résidents étrangers domiciliés en Suisse depuis plus de 10 années".

Une commune ne pouvant saisir directement le Grand Conseil, si ce n'est par le biais d'une pétition, Mme Fabienne Bugnon, députée, a déposé la proposition de motion M 1117, qui ";invite le Conseil d'Etat à présenter au Grand Conseil un rapport quant à la suite qu'il entendait donner à ces deux initiatives".

Cette motion a été acceptée et transmise par le Grand Conseil au Conseil d'Etat le 25 avril 1997. Président du Département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales, M. Claude Haegi estima, au nom du Conseil d'Etat, que les conditions requises pour le dépôt d'un projet de loi dans ce sens ne lui semblaient pas réunies : d'une part, il releva que la volonté exprimée par deux communes seulement n'était pas suffisamment représentative du canton ; d'autre part, il rappela que le peuple s'était prononcé très nettement à deux reprises en 1993. Il jugeait donc prématuré de rouvrir le débat.

Depuis lors, il faut noter que les communes d'Onex (16 045 habitants), Plan-les-Ouates (5 772 habitants), Bardonnex (2 052 habitants) et Genève (174 653 habitants), Chancy (847 habitants), Versoix (10 128 habitants) et Carouge (16 613 habitants) ont également voté des résolutions identiques quant à leur demande. Au total, 9 communes représentant 274 919 habitants, soit le 68,5 % de la population du canton (400 860 au 31 décembre 1997), se sont donc prononcées dans le même sens.

Une consultation du service des votations et élections

Fort de ces appels et afin d'établir un rapport circonstancié au Grand Conseil lui permettant de juger de l'opportunité du dépôt d'un tel projet, le service des votations et élections, avec l'appui de l'Association des communes genevoises, a mis en oeuvre une procédure de consultation aussi large que possible afin d'évaluer si la question d'accorder des droits politiques communaux aux ressortissants étrangers était à nouveau d'actualité.

Le service des votations et élections a donc établi un document d'information sur l'état des droits politiques étrangers en Europe et en Suisse (cf. annexe 2) et un questionnaire (cf. annexe 3) permettant d'établir, en cas de réponse favorable, l'étendue des droits politiques susceptibles d'être accordés aux ressortissants étrangers ainsi que les conditions requises pour cette obtention.

Ces documents ont été adressés à :

- 841 conseillères et conseillers municipaux ;

- 137 conseillères et conseillers administratifs, maires, adjointes et adjoints ;

- 6 partis politiques représentés au Grand Conseil.

Cette consultation a rencontré un réel intérêt : 685 questionnaires ont été retournés sur les 984 expédiés, soit une participation de 70 %.

Appréciés de manière globale, les résultats de cette consultation sont favorables à l'octroi de droits politiques aux étrangères et aux étrangers.

  OUI NON

- délibératifs communaux : 359 224

- exécutifs communaux : 36 60

- partis politiques : 5 1

totaux: 400 285

Cependant, selon que les questionnaires proviennent des délibératifs communaux, des exécutifs ou des partis politiques, l'étendue des droits à accorder est divergente (cf. annexes 3a, 3b et 3c).

Il n'en demeure pas moins que la majorité des personnes consultées s'est déterminée pour accorder le droit de voter et d'élire sur le plan communal. En revanche, cette même majorité ne souhaite pas accorder aux ressortissants étrangers le droit de signer des référendums / initiatives au niveau communal, ni celui d'être élus au Conseil municipal ou à l'exécutif communal.

Cela étant, il faut remarquer que le résultat de la consultation a pu être influencé par la présentation du sondage qui a introduit une distinction entre :

- les droits passifs, comprenant : le droit de vote et le droit d'élire ;

- et les droits actifs, comprenant : le droit de signer des initiatives et des référendums ainsi que le droit d'être élu.

Il est probable que cette présentation en deux catégories active / passive a poussé nombre de personnes consultées à privilégier les droits passifs par rapport aux droits actifs sans réelle considération de leur définition, ni de la distinction traditionnelle faite en droit constitutionnel suisse.

Il faut en effet noter que tant cette présentation que le résultat de la consultation, qui aboutit à autoriser le droit de voter et d'élire et à rejeter le droit de signer une initiative ou un référendum et celui d'être élu, s'écartent de la doctrine suisse en matière de capacité civique.

En effet, selon Jean-François Aubert (cf. § 1073 de son Traité de droit constitutionnel suisse, Neuchâtel, 1967), la doctrine suisse fait traditionnellement la distinction entre :

- la capacité civique active, ou droit de vote, qui comprend le droit de voter et le droit d'élire et auquel est rattaché le droit de signature (pour une initiative, pour une demande de référendum et pour la présentation d'une liste de candidats à l'élection ou d'une prise de position) ;

- et la capacité civique passive, ou éligibilité, qui comprend le droit d'être élu.

En fonction de cette explication, le Conseil d'Etat estime que le résultat de la consultation écartant le droit de signature des droits à accorder aux étrangers en matière communale doit être nuancé : le bon sens commande d'éviter de compliquer inutilement le débat et de s'en tenir à la distinction traditionnelle en rattachant le droit de signature au droit de vote.

Un projet de loi constitutionnelle

Au vu des résultats de la consultation menée par le service des votations et élections, le Conseil d'Etat juge aujourd'hui opportun de rouvrir le débat en proposant, comme point de départ de la discussion, un projet de loi constitutionnelle.

S'il s'écarte quelque peu du voeu des communes - il ne retient pas le droit d'éligibilité -, ce projet est largement conforme au résultat de la consultation puisqu'il autoriserait les communes, s'il était accepté en votation populaire, à accorder le droit de vote (le droit de voter, le droit d'élire et le droit de signer) aux étrangers titulaires du permis d'établissement (permis C).

Des questions à résoudre

A la lumière des expériences réalisées en la matière dans d'autres cantons et dans d'autres pays (cf. annexe 2), les députés auront en effet à examiner la pertinence du projet proposé, tant en ce qui concerne l'étendue des droits à accorder que la durée de séjour requise pour l'obtention de ces droits. Des amendements lui seront apportés en fonction des réponses qu'ils apporteront notamment aux questions suivantes :

1. Droit de vote uniquement, comme à Neuchâtel, dans le Jura et en Appenzell Rhodes-Extérieures, ou droit de vote et d'éligibilité (Union européenne) ?

2. Délai unique de séjour (en Suisse ou dans le canton) ou concours de deux délais de séjour (en Suisse ou dans le canton et dans la commune) ?

3. Délai rattaché à l'obtention d'un permis C comme à Neuchâtel, ou délai sans lien avec l'obtention de ce permis comme dans le Jura et à Appenzell (AR) ? Délai de 5 ans, de 10 ans ou autre délai ?

4. Droit accordé ou refusé aux fonctionnaires internationaux ?

5. Droit accordé automatiquement lorsque les conditions sont remplies (Neuchâtel et Jura), ou sur demande de l'intéressé (AR) ?

6. Conditions précisées dans la constitution comme en Appenzell (AR), ou seulement dans la loi sur l'exercice des droits politiques comme à Neuchâtel et dans le Jura ?

Autant d'options qu'il appartient au Grand Conseil d'examiner attentivement et de trancher en fonction de leurs avantages et inconvénients respectifs, mais aussi de l'appréciation qu'il fera de leurs chances respectives de succès auprès du peuple.

Position du Conseil d'Etat

Sans avoir la réponse à toutes les questions, le Conseil d'Etat a un certain nombre de certitudes qu'il souhaite vous voir partager :

1. Si les étrangères et étrangers représentent une part importante de la population active de notre canton, ils contribuent ainsi, pour une part essentielle, à la prospérité commune. Notre intérêt, nul ne le conteste, est de favoriser leur intégration au plus vite. Faciliter encore la naturalisation participe naturellement de cet objectif ; accorder, sous condition de séjour, des droits politiques au niveau communal, également. Il s'agit là d'une tendance historique : en Suisse, les précurseurs auront été les cantons de Neuchâtel, du Jura et d'Appenzell Rhodes-Extérieures ; en Europe, l'Union européenne et avant elle la Suède, la Norvège, le Danemark, les Pays-Bas, l'Irlande, la Finlande, l'Islande, la Grande-Bretagne, le Portugal et l'Espagne ont montré la voie.

2. Si l'on veut réaliser une percée décisive à cet égard, le Conseil d'Etat est convaincu qu'il s'agit de bien mesurer sa cible, en se souvenant avec Rabelais que "; qui trop embrasse mal étreint " et en faisant preuve de modestie et de pragmatisme : il faut aujourd'hui se contenter de proposer à nos concitoyens d'accorder aux étrangers les droits politiques que Neuchâtel, le Jura et Appenzell (AR) ont déjà accordés, c'est-à-dire le seul droit de vote (voter, élire et signer) au niveau communal.

3. En ce qui concerne le délai de séjour, le Conseil d'Etat propose que ces droits soient accordés aux étrangers qui bénéficient d'un permis d'établissement (permis C) : cela signifie un délai de 5 ans de séjour en Suisse pour les ressortissants de pays avec lesquels la Suisse a des accords de réciprocité et un délai de 10 ans de séjour en Suisse pour les autres. Ces deux délais correspondent tant aux délais proposés par les partis qui ont répondu favorablement à la consultation qu'aux solutions retenues par les trois cantons précurseurs.

4. Saluant les diverses résolutions des communes, le Conseil d'Etat estime judicieux, à l'exemple de la solution retenue par Appenzell Rhodes-Extérieures, d'élargir la compétence des communes en leur donnant la faculté d'accorder aux étrangers l'exercice du droit de vote.

 C'est ainsi, en quelque sorte par analogie avec l'introduction progressive dans notre pays du droit de vote des femmes, que les communes pourraient, en toute autonomie, décider si, quand et comment elles souhaiteraient accorder aux étrangers la possibilité d'une participation plus active à la vie politique de leur lieu de résidence.

 Le Conseil d'Etat est d'avis que le projet de loi constitutionnelle définitif laisse aux communes la liberté de fixer un délai concurrent de séjour dans la commune : trois ans, davantage ou moins ? Le Conseil d'Etat juge qu'il revient aux communes d'en décider. Cette démarche s'inscrit en effet, aux yeux du Conseil d'Etat, dans le cadre d'une plus grande autonomie des communes et permettra - pour autant que le peuple l'approuve - une approche diversifiée, selon les situations locales, de l'intégration des étrangers habitants de notre canton.

5. Le Conseil d'Etat note que la condition du permis d'établissement a pour effet que le droit de vote ne sera pas accordé aux fonctionnaires internationaux : cette conséquence lui paraît raisonnable et légitime. Raisonnable, dans la mesure où il s'agit là d'étrangers qui n'ont en principe pas vocation à s'intégrer, puisqu'ils sont appelés par leurs fonctions à quitter notre pays ; légitime, parce que, dispensés de payer des impôts, ils n'ont pas à décider de l'usage de l'argent public.

6. Aux yeux du Conseil d'Etat, dans les communes qui en auront décidé ainsi, le droit de vote accordé à l'étranger sur le plan communal devra l'être automatiquement, et non sur demande de l'intéressé, à celui qui en remplit les conditions d'âge (18 ans) et de séjour (obtention du permis d'établissement et résidence dans la commune d'une durée à déterminer) et être considéré comme un pas de notre canton vers l'intégration de l'étranger à la vie de notre pays.

 Quelques années plus tard, le pas suivant pourra être accompli par l'étranger lui-même, s'il souhaite s'intégrer davantage à notre pays et participer pleinement à sa vie politique. A une époque où la double nationalité, largement admise, permet à l'étranger de considérer sa naturalisation comme un enrichissement et non comme un reniement de ses origines - comme c'était le cas lorsqu'il devait renoncer à sa nationalité première -, le Conseil d'Etat estime normal de demander à l'étranger de faire ce second pas. Encore doit-on toujours veiller à ce que la législation fédérale et cantonale sur la naturalisation ne constitue pas un obstacle rédhibitoire dans cette voie.

7. Enfin, le Conseil d'Etat considère l'octroi du droit de vote aux étrangers sur le plan communal comme un pas vers notre propre intégration à l'Union européenne. Rappelons que l'article 8b, chiffre 1, du Traité sur l'Union européenne prévoit que ";tout citoyen de l'Union résidant dans un Etat membre dont il n'est pas ressortissant a le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales dans l'Etat membre où il réside, dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat.". Le pas que le Grand Conseil pourrait proposer au peuple de franchir prochainement en votant un amendement à la constitution genevoise est un premier pas vers la compatibilité de notre canton à l'Europe, qui prévoit le droit de vote et d'éligibilité pour tous les citoyens de l'Union, la réciprocité étant dès lors garantie.

Au terme de ce rapport, le Conseil d'Etat souhaite que les partis représentés au Grand Conseil adoptent une position commune : cela lui paraît la condition du succès. Connaissant leur approche globalement pro-européenne, il est confiant que les partis y parviennent.

C'est dans cet esprit que le Conseil d'Etat soumet le présent projet de loi constitutionnelle à votre bienveillante attention et espère, Mesdames et Messieurs les députés, que vous lui ferez bon accueil.

ANNEXE I

Secrétariat du Grand Conseil

Proposition de Mme Fabienne Bugnon

Dépôt: 4 février 1997

Messagerie

M 1117

proposition de motion

concernant le droit de vote et d'éligibilité des ressortissants étrangers au niveau communal

LE GRAND CONSEIL,

considérant:

- la résolution de la commune de Vernier, du 18 juin 1996, visant à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux ressortissants étrangers, sur le plan communal;

- la résolution de la commune de Meyrin, du 14 janvier 1997, concernant le droit de vote et d'éligibilité des ressortissants étrangers au niveau communal,

invite le Conseil d'Etat

à présenter au Grand Conseil un rapport quant à la suite qu'il entend donner à ces deux initiatives.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames etMessieurs les députés,

Quelques mois après la commune de Vernier, la commune de Meyrin adresse à son tour à notre Grand Conseil une proposition de résolution visant à donner le droit de vote et d'éligibilité aux ressortissants étrangers résidant sur son territoire, pour autant que ceux-ci soient domiciliés en Suisse depuis au moins dix ans.

Cette résolution, comme la précédente d'ailleurs, a été transmise au Conseil d'Etat pour information et le Grand Conseil, à qui elle était pourtant adressée, ne peut qu'en prendre acte. Notre règlement est ainsi fait qu'une commune ne peut saisir directement le Grand Conseil, si ce n'est par le biais de la pétition.

Mon propos n'est pas de remettre en question cette procédure, qui fait l'objet d'un tout autre débat, celui de la séparation des différents pouvoirs politiques.

Toutefois, il est insatisfaisant d'imaginer que des résolutions émanant de communes sur un point aussi sensible que le droit de vote et d'éligibilité des étrangers ne puissent être soumises au Grand Conseil.

Dans la situation actuelle, à défaut d'un projet de loi présenté par le Conseil d'Etat, ce qui est peu probable dans l'immédiat, il reste au Grand Conseil la possibilité de demander un rapport au Conseil d'Etat sur la suite qu'il entend donner à ces deux initiatives. Ce qui permettrait de saisir la commission des droits politiques, et les députés pourraient, par la suite, envisager de déposer un projet de loi constitutionnel, qui seul permettrait de concrétiser les résolutions communales.

Le Conseil d'Etat pourrait faire de même, mais force est de constater que cela ne fait pas partie de ses priorités. La résolution de la commune de Vernier date en effet de plus de sept mois et il faut reconnaître que l'on n'en entend pas beaucoup parler. Saisissons-nous donc de l'opportunité de la deuxième demande, émanant cette fois-ci de la commune de Meyrin, qui risque bien d'être à son tour suivie par la commune d'Onex, pour intervenir auprès du Conseil d'Etat.

De plus, et il est essentiel de le relever et de le souligner, l'initiative de ces deux résolutions émane des parlements des jeunes des deux communes concernées. Ce qui démontre que les jeunes souhaitent intégrer les étrangers à la vie civique tout en respectant la volonté populaire, puisqu'ils se bornent à demander le droit de vote et d'éligibilité au niveau communal. On se souvient que les précédentes initiatives, refusées par le peuple, ";Toutes citoyennes, tous citoyens" et ";Vivre ensemble, voter ensemble" demandaient, pour l'une, le droit de vote et d'éligibilité sur le plan cantonal et communal et, pour l'autre, le droit de vote uniquement, mais également sur le plan cantonal et communal.

Par ailleurs, le débat doit aussi porter sur un élargissement des compétences communales et sur une plus grande autonomie des communes auxquels beaucoup d'entre nous sont attachés. L'invite l'explique expressément: ";Le conseil municipal demande au Grand Conseil du canton de Genève de faire les propositions de modifications de la législation et de la constitution cantonale de sorte que les communes puissent accorder le droit de vote et d'éligibilité au niveau communal à leurs résidents étrangers domiciliés en Suisse depuis plus de dix années."

Pourquoi, en effet, ne pas accorder cette liberté aux communes qui, par cette demande, reconnaissent l'engagement parfois très important consenti par des étrangers dans le fonctionnement des associations locales par exemple.

Mesdames et Messieurs les députés, certains d'entre nous se sont plaints à plusieurs reprises du manque d'enthousiasme de nos autorités fédérales lorsqu'elles sont saisies de résolutions émanant de notre canton. Il s'agit de ne pas appliquer la même règle aux communes.

C'est dans cet esprit et vu l'importance du sujet que je vous remercie donc de bien vouloir réserver un bon accueil à cette motion en l'adressant, par évidence, directement au Conseil d'Etat.

Annexe

p. 15

16

17

18

19

20

21

22

23

Préconsultation

Mme Fabienne Bugnon (Ve). J'aimerais remercier le Conseil d'Etat de nous soumettre ce projet de loi constitutionnelle en réponse à la motion que j'avais déposée. Cette motion relayait les résolutions des communes et surtout des parlements des jeunes qui demandaient que soit discuté le droit de vote des étrangers sur le plan communal. M. Haegi a été le premier magistrat à s'être saisi de ce dossier. Il a entrepris une vaste consultation tant auprès des différentes communes, des législatifs, des exécutifs, que des partis politiques. Les résultats de cette consultation sont positifs et encourageants.

Je ne m'attendais pas à ce que le Conseil d'Etat dépose un projet de loi constitutionnelle. Je pensais qu'il allait répondre à cette motion et que nous allions ensuite travailler en commission. Je suis contente de ce pas un peu plus rapide que prévu. Reste maintenant à discuter le contenu du projet de loi constitutionnelle. Reste à comprendre, par exemple, pourquoi le Conseil d'Etat renonce à l'éligibilité et prévoit uniquement le droit de vote. Reste à comprendre aussi pourquoi le Conseil d'Etat décide que le permis d'établissement est la référence et non pas la durée d'établissement.

Tout cela devra faire l'objet d'une réflexion et d'un travail approfondis en commission. Lorsque nous terminerons nos travaux - qui, je l'espère, feront l'objet d'un consensus - la plus grande tâche sera alors de convaincre la population. Ce pas que vous nous proposez par le biais de ce projet de loi est si petit qu'il doit absolument être accepté par le peuple, sinon ce serait, à l'égard des étrangers, une gifle qui serait vraiment inadmissible. Mesdames et Messieurs, je vous propose de renvoyer ce projet de loi en commission, où nous pourrons auditionner toutes les personnes concernées.

M. Albert Rodrik (S). Le groupe socialiste salue l'arrivée de ce projet. Il salue les efforts successifs des deux derniers chefs du département de l'intérieur pour que ce projet aboutisse. Bien entendu, le groupe socialiste enverra ce projet en commission. Nos félicitations s'arrêteront peut-être là, parce qu'après cette petite satisfaction ce projet n'est pas sans nous poser quelques problèmes. Du moins difficile au plus difficile, permettez-moi d'abord d'évoquer ce que notre collègue, Mme Bugnon, a déjà relevé, à savoir la référence à une donnée à géométrie variable comme le permis d'établissement. Je n'ai jamais réussi à l'avoir parce que je me suis naturalisé avant. Suivant votre pays d'origine, le permis d'établissement ne vous est pas délivré au même moment. Est-ce qu'une pareille inégalité de traitement est concevable ?

Le deuxième problème est déjà un peu plus ardu. Je n'en connais pas la réponse aujourd'hui. Je suis profondément respectueux de l'autonomie communale, mais est-il concevable que chaque arrêt de bus, chaque kilomètre parcouru nous conduise devant une espèce de peau de panthère où il y aurait ou pas des droits politiques pour les étrangers ? Va-t-on se retrouver avec des communes qui seraient une espèce de circonscription à étrangers ? Est-ce que les centimes additionnels varieraient aussi à partir du moment où les droits politiques seraient accordés aux étrangers ? Est-ce un paysage possible dans un canton aussi exigu, aussi unitaire que le nôtre ? Je n'ai pas la réponse et je ne veux pas me prononcer à l'avance.

Enfin, il y a ce qui se déglutit mal : la dissociation du droit de vote et d'éligibilité. C'est une conquête qui date de plus d'un siècle. Le droit de vote et d'éligibilité se dissocient dans des circonstances très précises, et je ne veux pas en déduire que ceux qui proposent cette solution veulent traiter les étrangers comme ceux pour qui, dans ce pays, on dissocie le droit de vote et d'éligibilité... Je n'en dirai pas plus; je laisse cette question en suspens. Sur cela aussi, nous devrons beaucoup travailler.

Nous avons essuyé beaucoup de défaites sur ce point qui nous tient beaucoup à coeur. (Commentaires.) Quelqu'un vient de dire qu'il y en a d'autres à l'horizon : bien entendu, si on les programme, on les aura ! Nous avons essuyé des défaites probablement parce que nous n'avons pas fait cette concession majeure de dire : on commence par la commune, on ne touche à rien d'autre. Il n'en reste pas moins que - comme l'a dit un membre de notre groupe lorsque nous en débattions - on ne sait pas bien si toutes les concessions que l'on veut faire dans ce domaine nous garantiront le succès.

Voilà, Mesdames et Messieurs, le groupe socialiste salue l'arrivée du projet. Il veut bien l'envoyer en commission, mais il ne cache pas qu'il lui pose plus de problèmes qu'il ne lui apporte de réponses. Je vous remercie.

M. John Dupraz (R). Le groupe radical salue avec intérêt le dépôt de ce projet de loi et considère que c'est une avancée significative dans la modernité de notre société. Je regrette que, déjà, ceux qui souhaitaient ce projet de loi émettent plus que des bémols, en disant : il faut aller plus loin, pourquoi rester au niveau de la commune, etc. S'ils ne l'ont pas dit en ces termes, cela était sous-entendu. Mesdames et Messieurs, si vous voulez que nous avancions dans un dossier aussi délicat et aussi sensible, il faut aller par petits pas. Je trouve que c'est un bon projet, car chaque commune décidera souverainement de ce qu'elle veut faire. Et avant que les communes ne se prononcent, il faudra que nous convainquions les électrices et les électeurs de ce canton d'inscrire cet article dans la constitution.

En ce qui concerne le groupe radical, nous sommes en faveur de cette disposition, parce qu'elle va tout à fait dans le sens d'un rapprochement avec l'Europe. Les Européens connaissent ce système où les étrangers peuvent s'exprimer au niveau communal. Je crois que l'on ne peut pas toujours se figer à des vieilles valeurs nationales et nationalistes : «Il n'y en a point comme nous, on est les meilleurs !». Il faut s'ouvrir et ce projet de loi va dans le sens d'une ouverture qui correspond tout à fait à l'esprit de Genève. Je me réjouis de pouvoir en discuter en commission.

M. Pierre Vanek (AdG). Un certain nombre de choses que je voulais dire ont déjà été évoquées par mes préopinants. Bien entendu, notre groupe est en faveur de l'extension des droits démocratiques aux étrangers résidents, à l'échelon communal et cantonal. Nous acceptons d'avancer sur ce point, de traiter la question de l'octroi du droit de vote et d'éligibilité à l'échelle communale pour les étrangers résidant depuis un certain temps dans notre canton. De ce point de vue là, comme l'a dit M. Rodrik, ce projet de loi est une bonne chose. Cela nous permettra de discuter évidemment de ces problèmes, mais les questions qui ont été posées par mes deux préopinants Vert et socialiste sont parfaitement fondées.

Je crois que nous avons eu une expérience grandeur nature s'agissant des petits pas, des concessions que demandait M. Dupraz. Nous avons fait un petit pas sous forme de dissociation du droit de vote et d'éligibilité, à travers deux initiatives. Les deux ont eu, à quelques dixièmes près, le même résultat. Donc, l'argument pragmatique consistant à dire : en supprimant l'éligibilité, on va permettre de faire passer ces dispositions, ne tient, je crois, pas la route et nous en avons fait l'expérience.

Effectivement, je pense que les droits de vote et d'éligibilité doivent être liés, sauf réels motifs d'exclusion du droit d'éligibilité. Nous en avons discuté dans cette enceinte à propos des employés du service public, des employés qui travaillent pour l'Etat et nous avons conclu qu'il ne pouvait y avoir de non-éligibilité ou d'incompatibilité à siéger - c'était à l'échelle cantonale, certes - que pour des motifs graves. Ici, je ne vois pas quels motifs justifieraient cette disposition. Lorsqu'on estime qu'une personne est capable de prendre la responsabilité civique, de déterminer pour une assemblée élue s'il faut plus de libéraux ou plus de représentants de l'Alliance de gauche ou du PS, d'examiner les programmes de ces partis, elle est également assez adulte et assez citoyenne pour être en mesure de siéger dans cette enceinte, sauf à considérer que le droit de vote n'est pas grand-chose. Or le droit de vote est un droit vraiment fondamental.

Sur la question du critère d'octroi, bien entendu nous n'allons pas octroyer ce droit démocratique aux étrangers de passage. Il faut des critères de résidence, mais de véritables critères de résidence et non un critère administratif qui ne lui est pas lié, comme le permis C, qui est octroyé en priorité aux ressortissants des pays avec lesquels nous avons des accords. C'est la personne concernée qui, par sa présence dans notre canton, son intégration à notre communauté, devrait avoir droit à cet exercice démocratique. Ce n'est pas la couleur de son passeport qui doit déterminer si elle peut élire et éventuellement être élue.

De même, le problème soulevé par M. Rodrik du patchwork qui découlerait de ce projet de loi, certaines communes accordant ce droit aux étrangers et d'autres pas, est un réel problème dont il faudra discuter. Là non plus, je ne suis pas convaincu que ce soit une concession forcément nécessaire.

Un autre problème, qui figure dans l'exposé des motifs, est la possibilité pour les différentes communes - et cela accroîtra les couleurs sur le patchwork - d'imposer des délais supplémentaires ad hoc, des délais communaux différents d'une commune à l'autre. Nous aurions donc une situation relativement complexe et il faudra réfléchir si cela en vaut vraiment la peine.

Quoi qu'il en soit, après ces observations liminaires, nous serons très heureux de travailler sur ce projet de loi constitutionnelle en commission, en espérant effectivement y revenir une nouvelle fois et davantage si besoin est. C'est en effet une question de principe qui doit être remise sur le métier, comme l'ont été le droit de vote des femmes ou l'exercice des droits démocratiques par les employés de l'Etat, qui du reste sera tranché une nouvelle fois le 29 novembre. Nous n'aurons de cesse qu'un certain nombre de questions soient effectivement réglées dans le sens d'une application la plus complète possible des droits démocratiques pour les habitants et les habitantes de ce canton

M. Michel Halpérin (L). Les commissaires libéraux à la commission des droits politiques examineront avec attention ce projet qui présente, comme tout premier intérêt, celui d'émaner du Conseil d'Etat. C'est la première fois, en effet, qu'une autorité gouvernementale formule ce genre de proposition et, à ce titre déjà, c'est un projet original. Il ouvre indiscutablement des portes et des fenêtres, en ce sens qu'il remet en question toute une série de principes plus ou moins philosophiques, de rattachements identitaires auxquels nous étions accoutumés depuis un siècle ou deux.

Personne n'est capable aujourd'hui de dire si le nationalisme - ou en tout cas le rattachement national - est un concept définitivement périmé. J'appartiens, comme la plupart d'entre vous, à une génération qui, au sein de l'Europe, ne croit plus beaucoup aux frontières et par conséquent plus beaucoup au passeport. Il n'empêche que chaque être humain a besoin de se reconnaître dans une collectivité. Jusqu'à nouvel ordre, nous n'avons pas encore franchi le pas qui nous sépare de la nationalité comme critère de rattachement et d'identification, à une autre identité qui pourrait peut-être advenir dans les prochaines décennies et qui serait l'identité européenne, soit une forme de supra-nationalité. Mais une supra-nationalité, c'est encore une nationalité, Mesdames et Messieurs les députés, les Américains des Etats-Unis le savent bien.

Si je fais cet effort de remise en perspective, c'est pour dire que nous ne pouvons pas, aujourd'hui, considérer que le débat sur la nationalité et sur les droits qui y sont naturellement attachés, notamment le droit de vote et le droit d'éligibilité, sont des débats révolus. Les choses sont un peu plus compliquées que cela et elles le sont suffisamment en tout cas pour que, il y a cinq ans seulement et à deux reprises, le souverain, à une majorité absolument indiscutable, ait montré que sa sensibilité n'avait pas rejoint celle de notre Conseil d'Etat d'aujourd'hui et d'une grande partie des bancs de ce Grand Conseil. Comme nous ne sommes ici que l'expression de la suprême délégation de la volonté du peuple, nous n'avons probablement pas les moyens de nous prononcer en ses lieu et place, et c'est d'ailleurs lui qui en dernier lieu tranchera. Il n'est pas utile, sur ce sujet-là, d'être intelligent tout seul ou trop tôt. Il faut l'être en harmonie et, si j'ose dire, en accompagnement avec la population.

Cela étant, il y a un point sur lequel je voudrais m'arrêter. Genève est indiscutablement la ville la plus internationale d'Europe. Les Genevois en sont fiers; ils ont envie de le rester et dans mon esprit, comme dans celui d'un grand nombre des députés du groupe libéral, il ne fait pas de doute que d'accueillir par une forme d'intégration politique plus poussée ces étrangers qui nous font l'amitié et l'honneur de leur présence dans nos murs, c'est un bon pas dans l'esprit de Genève. Encore faut-il ajouter que, sur ce sujet-là, nous ne pourrons pas conduire le débat tout seuls.

J'ai été étonné d'entendre, dans la bouche de M. Dupraz tout à l'heure, qu'il tient pour acquis que les étrangers qui vivent en Union européenne sont aujourd'hui des électeurs et des éligibles ! C'est aller un peu vite en besogne. Ce n'est pas le cas, à ma connaissance du moins, dans la plupart des pays d'Europe et je ne crois pas que nous rendions un grand service à la Suisse et à nos négociateurs en décidant d'abattre tout seuls, un à un, les murs qui séparent notre pays du reste de l'Europe, sans même avoir décidé d'adhérer à l'Europe. Je ne vois pas personnellement l'intérêt qu'il y aurait à décider que nous sommes Européens comme les Européens, sans être en Europe. Cela fait partie du tout et, par conséquent, j'attacherais pour ma part du prix à ce que, si nous décidions d'entrer en matière sur ce projet, nous le fassions dans des termes tels qu'ils laissent la porte ouverte à une analyse de la réciprocité.

Il va de soi, par exemple, que nous devrions offrir les plus larges possibilités politiques à des étrangers résidant dans nos murs, si des possibilités équivalentes existent pour nous ou sont possibles à négocier lorsque nous sommes étrangers dans leurs murs. Car cela revient alors à cet habituel échange de bons procédés qui a fait bien avancer les choses entre la Suisse et le reste du monde, comme entre tous les pays du monde entre eux d'ailleurs.

J'ajoute à ce propos une dernière remarque, en réponse à M. Rodrik, au sujet des permis d'établissement comme critère de rattachement ou comme critère d'appréciation de l'intégration. On peut en trouver de meilleurs, mais l'explication de ce que certains nationaux reçoivent le permis d'établissement plus vite que d'autres tient tout simplement, Monsieur Rodrik, vous le savez bien, à l'existence de traités d'établissement que notre pays a conclus avec des pays qui sont d'ailleurs nos proches, nos voisins, en quelque sorte ceux avec lesquels nous nous identifions le plus aisément. En raison de cette identification plus aisée, nous leur avons reconnu et ils nous ont reconnu des droits d'établissement particuliers. On peut ne pas s'arrêter à ce critère-là, mais c'est en tous les cas une manière d'analyser les choses qui est rationnelle et qui est plausible. J'espère que c'est dans cette rationalité-là que la commission de droits politiques, sans renoncer à son romantisme naturel, mais avec un certain sens des réalités, accomplira sa tâche.

M. Pierre-François Unger (PDC). Je tiens également à saluer l'ouverture du Conseil d'Etat qui, pour la première fois, du haut de son exécutif, propose lui-même un projet de loi constitutionnelle ouvrant la possibilité pour les étrangers - d'une certaine catégorie, il est vrai, Monsieur Rodrik - de s'exprimer par le vote dans notre canton. Ce projet, le parti démocrate-chrétien l'avait déjà soutenu il y a cinq ans, en alternative d'ailleurs aux deux initiatives qui nous étaient proposées, en partant d'un principe relativement simple : le peuple ne veut pas être bousculé dans cette affaire des nationalités et mon préopinant, M. Halpérin, en a rappelé quelques raisons.

En revanche, il est très vraisemblable que ce même peuple soit sensible à la possibilité pour des étrangers de s'exprimer au niveau des communes. En effet, l'insertion des étrangers est particulièrement manifeste au niveau communal, tant il est vrai que non seulement ils participent, mais qu'ils sont souvent les moteurs de la vie associative, de la vie sportive, d'une partie de la vie culturelle. Notre groupe soutiendra ce projet mais ne cherchera pas à l'étendre, car il ne nous paraît pas utile d'affronter, le cas échéant, un vote négatif qui retarderait de cinq ans à nouveau le premier pas que nous pourrions faire. Les uns et les autres, nous ne le trouvons pas complètement satisfaisant; j'ai cru comprendre que M. Vanek et M. Rodrik l'auraient préféré d'emblée plus ouvert. Quant à moi, je pense qu'il est convenable de passer par les communes, là où les étrangers montrent jour après jour leur attachement aux structures, au tissu associatif, au tissu social de notre pays.

En outre, et j'aimerais conclure par là, peut-être aurons-nous l'occasion, lorsque nous débattrons de ce projet en commission, de reparler de la facilité de naturalisation. La naturalisation est encore, en Suisse, soumise à d'innombrables obstacles parmi lesquels, il ne faut pas le nier, certains obstacles financiers. Il est totalement injustifié que quelqu'un se sentant parfaitement intégré en Suisse renonce à devenir Suisse pour des motifs financiers; nous devrions y réfléchir. De même, nous devrions réfléchir à la possibilité de naturalisations administratives, qui ne soient pas soumises à ces critères trop bien décrits dans les «Schweizermacher» et qui pourraient permettre aux secondes générations de s'intégrer dans notre pays, non pas par un droit de vote isolé, mais par l'accession à la nationalité.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Je commencerai mon intervention à l'endroit où la motionnaire, Mme Bugnon, a terminé la sienne : il ne faut pas que le projet de loi constitutionnelle qui sera finalement adopté par ce parlement équivaille à présenter à la population un texte risquant un échec. Chacun des membres du Conseil d'Etat est totalement déterminé à ce que ce projet de loi aboutisse en votation populaire. Tout à l'heure, alors même que nous commencions ce débat, le président du Conseil d'Etat, mon collègue Gérard Ramseyer, me disait avoir eu récemment des contacts avec des associations regroupant des étrangers qui disaient à quel point elles accueillaient favorablement cette proposition et entendaient la défendre.

Pour le surplus, vous l'avez constaté à la lecture de l'exposé des motifs, ce projet de loi pose un certain nombre de questions. A ces questions, le Conseil d'Etat a donné un certain nombre de réponses; il est tout à fait imaginable qu'en commission vous en donniez d'autres. Toutefois et avant même que les débats de commission commencent, je veux répondre à deux ou trois interrogations qui se sont exprimées.

Monsieur Rodrik, vous vous êtes posé la question de savoir s'il était sain d'avoir des droits politiques à géométrie variable en fonction de la commune dans laquelle on habite. Cette question est à vrai dire posée par la motion : elle propose que les communes qui le désirent puissent accorder des droits politiques aux étrangers résidant sur leur territoire. Il nous a semblé qu'il ne fallait pas s'écarter de la proposition faite dans la motion, cela à deux égards.

Il ne faut pas s'en écarter, tout d'abord parce que - je dois tout de même vous le rappeler - en 1993, c'est-à-dire il y a cinq ans, la population de ce canton a refusé à deux reprises, à 71%, d'entrer en matière sur des propositions visant à accorder, soit le droit de vote et d'éligibilité, soit le droit de vote, aux étrangers sur le plan cantonal. Nous n'aurions pas dû revenir aussi tôt avec une proposition traitant de cet objet. Si nous le faisons, c'est parce que nous y sommes incités par les communes du canton, à travers les démarches des parlements des jeunes qui ont été à l'origine de cette motion, et les différentes propositions, les diverses résolutions qui ont été défendues dans les communes du canton.

Il y a une seconde raison : tel que se présente ce projet de loi et telle que se présente la proposition de la motion, c'est en fin de compte une proposition qui vise dans un premier temps à élargir les droits des Suisses, à élargir les droits des communes, à permettre aux communes d'avoir une nouvelle faculté, celle qui consiste à pouvoir accorder des droits politiques.

Au fond, le débat sur le droit de vote des étrangers ne se fera pas au niveau de ce projet de loi constitutionnelle tel que nous vous le présentons, tel qu'il est demandé par la motion, il se fera commune après commune, lorsqu'elles discuteront de cette question.

Cela dit, je tiens à vous mettre en garde contre un danger de ce débat : je dois vous mettre en garde contre votre générosité. Je fais partie de ceux qui en 1993 étaient membres du comité d'initiative «Toutes citoyennes, tous citoyens». Je fais partie de ceux qui étaient de l'avis qu'il fallait aller résolument de l'avant dans la question des droits politiques et qu'il fallait poser d'emblée la question du droit de vote et du droit d'éligibilité, c'est-à-dire de l'entier des droits politiques, aussi bien sur le plan cantonal que sur le plan communal. Cette proposition a été très massivement rejetée par la population. Nous devons en tenir compte, si nous ne voulons pas nous voir infliger une gifle, pour reprendre le terme employé tout à l'heure par Mme Bugnon. Il faudra que nous soyons mesurés. Il faudra que nous soyons modérés. Il faudra que nous sachions que, s'il est aisé de se montrer généreux au moment d'un débat parlementaire, s'il est aisé de vouloir montrer qu'on est prêt à aller plus loin que les autres lorsqu'il s'agit de rédiger des amendements en commission, ce qui importe en fait, c'est d'arriver à rédiger le texte qui aura le plus de chances de succès dans une votation populaire, c'est d'arriver à rédiger le texte que nos concitoyennes et nos concitoyens seront prêts à faire leur. C'est dans cet esprit-là que je vous demanderai, Mesdames et Messieurs les députés, d'aborder les débats en commission.

M 1117-A

Le Grand Conseil prend acte de cet rapport.

PL 7913

Ce projet est renvoyé à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil.