République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 5 novembre 1998 à 17h
54e législature - 2e année - 1re session - 46e séance
PL 7785-A
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
En novembre 1997, le Conseil d'Etat demandait au Parlement cantonal d'approuver une subvention de 6 250 000 francs au CERN pour la réalisation des travaux de génie civil liés au nouvel accélérateur de particules LHC.
Etudiée par la Commission des travaux au cours de plusieurs séances, cette demande a fait l'objet de l'opposition de la majorité des commissaires, tant qu'une réponse écrite positive n'avait pas été donnée par la direction du CERN à la proposition de résolution 357 sur les mesures indépendantes de radioactivité.
Cette résolution, déposée en février 1998, invitait la direction du CERN à accepter un débat public contradictoire sur le LHC et à mandater un organisme de contrôle indépendant, la CRII-RAD, sur le site même.
Les représentants du DAEL ont confirmé les termes du projet de loi et souligné l'importance politique et économique de cette contribution, sachant que la Confédération avait déjà donné son aval à un crédit de 18 millions de francs et qu'à titre d'exemple, les Etats-Unis contribuaient à ce projet par 750 millions de francs, pour un coût total de 2,5 milliards.
Ils ont rappelé l'importance du CERN qui emploie 3 000 collaborateurs et qui dépense dans les cantons de Vaud et de Genève 100 millions de francs par an, sans compter les retombées fiscales et indirectes de 16 millions de francs de salaire versés pour le seul canton de Genève.
Pour certains des opposants, le CERN n'est pas en mesure de donner des garanties suffisantes en matière de radioprotection.
Alors que certains députés affirmaient que des collaborateurs du CERN auraient été contaminés au cours des dernières années, d'autres proches des milieux médicaux réfutaient ces accusations.
A la suite de cette résolution, la direction du CERN a invité l'ensemble des députés à visiter le site du futur LHC et a pu répondre directement à leurs nombreuses questions.
Plus formellement, la direction du CERN a répondu en date du 9 juin 1998 au Président du Grand Conseil, l'assurant de son souci d'informer le public et les élus sur l'avenir de cette organisation par la mise sur pied d'un débat.
D'autre part, dans ce même courrier, la direction du CERN a réaffirmé qu'elle respectait scrupuleusement la législation suisse en matière de radioprotection.
Finalement, elle ne s'opposait pas à des mesures supplémentaires de la radioactivité autour du site du CERN, pour autant que celles-ci soient demandées par les autorités fédérales, pas plus qu'au principe d'une renégociation éventuelle de l'accord entre la Confédération et le CERN quant aux mesures sur le site même.
Satisfaite de cette réaction positive de la direction du CERN, la Commission des travaux a accepté ce projet de loi par 7 voix ( 2 L, 2 DC, 2 S et 1 R) contre 1 abstention (AdG) et vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'en faire de même.
ANNEXE
Proposition présentée par les députés :MM. Chaïm Nissim, Pierre Vanek et René Longet
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
considérant :
- La résolution 348, votée par notre Conseil lors de sa séance de septembre 97, qui invitait le Conseil d'Etat :
- "; à intervenir auprès de l'autorité fédérale compétente afin qu'une information claire et accessible soit fournie à intervalles réguliers à la population du canton de Genève et de la région à propos des activités du CERN, leur nature et leurs implications, notamment en ce qui concerne tous les problèmes de mesures relatifs à la radioprotection, en priant la dite autorité de s'informer auprès de sources variées, d'obédiences diverses. "
- Le fait que la CRII-RAD est une source d'information incontournable dans ce domaine si l'ont veut garantir tant le pluralisme que la rigueur scientifique des sources d'information à laquelle nos concitoyen-ne-s ont droit.
- La lettre du CERN, du 16 décembre 1997, adressée au Président du Grand Conseil, M. René Koechlin, qui entrait en matière sur l'organisation d'un débat public contradictoire sur les interrogations suscitées à Genève par les activités du CERN et sur l'intervention d'une instance de contrôle supplémentaire et indépendante en matière de radioactivité sur le site même du CERN, ceci comme préambule à une "; exhortation " à voter un déclassement de terrains nécessaire au projet LHC. Exhortation qui a été entendue puisque le déclassement a été voté par notre Conseil.
- Le fait que notre Conseil, outre le vote du déclassement précité serait appelé à contribuer au financement du LHC par une subvention cantonale d'un montant de 6.25 millions de francs qui représente un effort important de notre collectivité.
invite la direction du CERN
- à accepter de participer à un débat public contradictoire qui porte à la fois sur les finalités et les risques de cette entreprise.
- à accepter de mandater directement la CRII-RAD pour qu'elle intervienne sur le site du CERN comme instance de contrôle indépendante et supplémentaire en matière de radioprotection
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames etMessieurs les députés,
Nous avons reçu un courrier de la direction du CERN, à la veille du vote sur un déclassement de terrain nécessaire à la réalisation du LHC, nous invitant instamment à ne pas retarder cette décision. Notre Conseil a accepté ce déclassement et une commission de notre parlement est, en outre, saisie d'un projet de loi de subventionnement de ce nouvel accélérateur pour un montant de 6,25 millions de francs.
Ce courrier adressé à notre Conseil par l'entremise de son président, doit être pris au sérieux et notre parlement se doit bien entendu d'y apporter une réponse. Cette réponse doit être conforme à l'esprit de la résolution que nous avions votée en septembre, après de longs débats, et qui se fonde sur le droit pour nos concitoyens à une information claire, accessible et pluraliste, sur les activités du CERN (actuelles et futures), sur les risques (ou l'absence de risques) qui y sont liés, ceci tant pour les travailleurs que pour la population et pour notre environnement, et bien entendu enfin sur les finalités de l'entreprise elle-même, à laquelle on nous propose de contribuer financièrement par une subvention cantonale d'un montant considérable.
Nous vous proposons donc d'adopter la présente résolution à l'adresse de la direction du CERN, comme réponse au courrier de celle-ci.
Le courrier de la direction du CERN comportait deux volets :
L'un concernant l'organisation d'un débat "; contradictoire et public " sur les enjeux liés à son activité et à l'extension de celle-ci. L'ouverture manifestée par la direction du CERN sur cette question a sans aucun doute été déterminante dans l'acceptation du déclassement qui nous était demandé.
La première invite de notre résolution vise à ce qu'un tel débat puisse avoir lieu … et être le lieu ou se manifestent un certain nombre de préoccupations, voire d'inquiétudes, tant sur les finalités de l'activité du CERN, que sur des risques éventuels qui y seraient liés. En effet, nous pensons que considérer telle ou telle question comme étant tabou, ne saurait que renforcer les réserves ou les craintes qui peuvent se manifester, à tort ou à raison, quant à l'activité de n'importe quelle entreprise humaine.
Or, dans le cadre des contacts informels, initiés et poursuivis par l'un des auteurs de ce projet de résolution, le CERN manifeste une attitude qui déroge à l'esprit d'ouverture et de transparence souhaitable. Dans un courrier de M. Maurice Jacob adressé à notre collègue Chaïm Nissim on peut lire en effet ce qui suit :
"; S'il est possible de poser toutes les questions que l'on veut à la suite d'un exposé sur la finalité du CERN, et même des questions légitimes sur les risques que présente cette recherche, il n'est pas possible d'inclure explicitement les risques dans le même débat, sur le même pied avec des exposés préliminaires spécialisés. Les publics sont a priori différents, mais surtout la question ";risques" a déjà été largement couverte à Meyrin en mai dernier. (…) Les gens comprendraient mal qu'on revienne maintenant sur les risques quelques mois plus tard seulement, comme si quelque chose d'important avait été oublié, ce qui n'est certainement pas le cas." (c'est nous qui soulignons)
Le propos de notre première invite est simplement de dire que nous invitons le CERN à "; inclure explicitement " toutes les questions qui se posent, et qui ont été posée dans l'enceinte même de ce parlement. A notre avis "; les gens comprendraient mal " …que le CERN considère qu'il y a des questions tabou, qui sont pour lui réglées une fois pour toutes et qui n'auraient pas leur place dans un débat public, par essence contradictoire et organisé comme tel.
Le deuxième volet du courrier du CERN portait sur la question de l'"; intervention d'une instance de contrôle supplémentaire " concernant les questions liées à la radioprotection..
Dans son courrier la direction du CERN se déclare prête à collaborer avec les autorités genevoises concernant des mesures "; aux abords du site du CERN ", mais indique que, pour ce qui est du site même, si nous voulions de telles mesures il faudrait passer d'abord par la délégation suisse au Conseil du CERN et recueillir l'approbation des Etats membres…
La voie "; institutionnelle " que trace la direction du CERN sur cette question représente sans doute le parcours nécessaire si nous voulions imposer au CERN un organe de contrôle institutionnel supplémentaire. Mais tel n'a, à ce jour, pas été notre propos. Nous proposons simplement que le CERN lui-même joue la transparence en permettant à la CRII-RAD de mener à bien une étude sur le site dans le cadre d'une politique d'information et de transparence à la hauteur de sa réputation internationale.
L'esprit de cette invite est celui manifesté par M. Horst Wenninger directeur de la recherche au CERN quand il déclarait à la Tribune de Genève (v. l'édition du 25.4.96) :
"; Nous sommes disposés à mandater des experts indépendants, en accord avec nos autorités de surveillance. Pourquoi pas la CRII-RAD si ces autorités n'y voient pas d'inconvénients "
Par cette démarche, le mandat du CERN lui-même, on permettrait un contrôle indépendant qui soit dans l'esprit de notre résolution précédante demandant le recours pour l'information à des "; sources d'obédiences diverses ". Et par le geste consistant à accepter, voire en l'occurrence à solliciter une telle intervention, le CERN lui-même ferait un pas très significatif vers l'établissement ou le renforcement de rapports de confiance entre cette institution et la population, des deux côtés de la frontière franco-suisse, qui l'accueille sur son territoire.
Au bénéfice des ces explications, nous vous prions donc, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter les deux invites de la présente résolution.
RAPPORT DE LA MINORITÉ
N'importe quelle institution subventionnée doit accepter de répondre aux questions du subventionneur concernant ses finalités, et les risques de pollution radioactive qu'elle risque (ou ne risque pas) d'occasionner aux populations environnantes et à ses propres travailleurs.
Le CERN ne saurait faire exception. Ni son statut juridique particulier, ni son prestige d'organisation internationale vouée à la recherche pure ne saurait lui conférer un droit à ne pas répondre aux questions. Au contraire, le CERN comme organisme scientifique est bien placé pour savoir que les progrès se font souvent suite à des questions, à des pas de côté par rapport aux certitudes établies, et que l'attitude scientifique est d'autant plus fertile qu'elle permet aux questions, même à priori choquantes d'être posées, et, pour certaines d'entre elles, de recevoir une réponse, définitive ou provisoire.
Notre Conseil souhaite depuis l'acceptation de la résolution 348 (rapport de Mme Torracinta-Pache, accepté en juin 97, à la fin de la dernière législature) dialoguer avec le CERN sur une expertise extérieure, sur ses implications avec le militaire, et sur ses finalités. Notre Conseil a encore renforcé ces demandes légitimes en acceptant en avril 98 la résolution 357, sur l'information et la transparence au CERN.
Ces exigences bien naturelles de transparence devaient se concrétiser entre autres par un débat, ouvert, paritaire et contradictoire, et le CERN semblait accepter ce débat.
Mais dès que les premiers contacts concrets furent établis entre des membres de la direction du CERN et le soussigné, les difficultés apparurent : Le débat, qui, à nos yeux, devait être public, paritaire et contradictoire, devenait à entendre les délégués du CERN un exposé, avec uniquement des membres du CERN à la table, et les opposants noyés dans le public en face. De même, certaines questions (les questions radiologiques) devaient à un certain moment être évacuées du débat, même si par la suite nos interlocuteurs ont admis qu'aucune question ne pouvait être décemment évacuée.
Face à cette peur panique du CERN devant la remise en questions, la seule pression qui reste dans nos mains est le présent crédit de subventionnement, de 6.2 millions. Les choses se sont passées de façon semblable lors du vote, en décembre 97, du déclassement : 2 jours avant le débat notre président recevait une lettre encourageante du CERN, dans laquelle celui-ci acceptait le débat. Mais le déclassement une fois voté, le CERN revenait sur ses promesses, n'acceptant plus de discuter des problèmes radiologiques au cours du débat.
Quelques-unes des questions, auxquelles le CERN refuse de répondre dans un débat public et contradictoire :
1. Le CERN est-il au-dessus des lois françaises et suisses ? Que signifie le "; statut d'extraterritorialité " dont il est souvent fait mention ? Que signifie, exactement, l'extrait ci-dessous, tiré du nouveau statut de personnel, daté du 1er Juillet 98 ?
"; Un membre du personnel ne peut s'exprimer sur le fonctionnement ou les activités de l'Organisation, à la demande d'une autorité administrative ou judiciaire, sans avoir reçu l'autorisation expresse et préalable du directeur général… "
NB : La question ci-dessus avait déjà été posée, brièvement, par le député Claude Blanc lors d'une invitation au CERN il y a 6 mois. Elle mérite d'être développée.
2. Quels sont les rapports, les échanges d'informations, les collaborations, entre le CERN et les laboratoires militaires ? A ce sujet, le rapporteur tient à la disposition du public 2 lettres, l'une est une déclaration du Pr Rubbia, parlant explicitement d'aventures scientifiques communes avec Los Alamos (bombe H américaine), et Trispal (bombe H française). L'autre émane de l'US Air Force et parle de transports d'antimatière. Le rapporteur possède ces 2 lettres depuis 2 ans, mais le débat n'ayant jamais eu lieu il n'a jamais pu les montrer, pour en obtenir confirmation ou infirmation. De plus, sur le même sujet, une correspondance entre la députée Erica Deuber et Christopher Llewlyn Smith, semble montrer que le CERN ne veut ni ne peut renoncer à certaines formes de collaborations, mutuellement profitables, avec certains laboratoires militaires.
3. Questions sur la santé publique à long terme :
Le LHC, contrairement au LEP, est un accélérateur de hadrons. Or lors de collisions à haute énergie de hadrons, des gerbes de leptons à très haute énergie (muons) sont générés et peuvent aisément traverser des centaines de mètres de matière sans être arrêtés. Le LHC perdra beaucoup de ces gerbes de leptons à haute énergie qui iront se perdre dans les maisons du canton de Genève. Quels effets auront-elles sur la santé de la population ?
D'autre part, les milliers de faisceaux d'hadrons et d'ions lourds (plomb) qui seront la base des expériences du CERN seront envoyés dans deux absorbeurs de stockage. Par leur masse considérable et la profondeur de leur enfouissement, ces absorbeurs ne pourront jamais être retirés du sous-sol. Or nous n'avons pas connaissance d'études prospectives sur les transmutations possibles du carbone, de l'aluminium et du fer [composants des absorbeurs] soumis pendant vingt ans à des faisceaux de protons ou d'ions lourds à très haute énergie, ni sur l'état radioactif de ces absorbeurs à la fin du LHC. Ceci pourrait également avoir des effets sur la santé publique.
4. Quelles garanties le Gouvernement de Genève peut-il avoir sur les conditions sociales appliquées aux personnes travaillant pour le CERN, en contrepartie de la subvention de 6,2 millions de francs ?
5. Dans quelle mesure la mise au concours et la passation des marchés de génie civil réservés aux entreprises suisses ont-elles été effectuées dans le respect de la législation cantonale actuellement en vigueur ?
6. Pourquoi le CERN a-t-il refusé un audit indépendant de la radioactivité de son site ? De quoi a-t-il peur ? N'est-il pas capable de se confronter scientifiquement à d'autres scientifiques qui ont des opinions divergentes ? Aurait-il quelque chose à cacher, lui, un institut international de recherche pure ?
7. L'Allondon est-il pollué par le CERN ?
Le tunnel de 27 kilomètres creusé par le CERN n'est pas étanche. Des volumes considérables d'eau issus de la grande faille d'où sort la rivière, l'Allondon, pénètrent dans le tunnel. Ils sont pompés et rejetés dans cette rivière à la hauteur du site n° 3 du CERN. Quel type de pollution charrient ces eaux ? Le CERN va-t-il faire réaliser les travaux d'étanchéité du tunnel, travaux dont il a déjà fait faire les études ?
8. Quels sont les moyens techniques prévus pour le démantèlement du LHC?
En effet, dans 25 ans, selon le CERN, le LHC sera mis hors service. Les exemples de démantèlement de centrales nucléaires, avec, comme modèle du genre Super-Phénix à Creys-Malville montrent à l'envi que les problèmes techniques de ces opérations sont complexes et présentent des dangers graves. Où sont les études du CERN sur ce point ? Que compte-t-il faire des déchets actuellement enfouis dans ses tunnels ?
9. Et enfin, Last but not least, la question qui intéresse le plus le rapporteur :
A quoi sert le CERN ? Quel est l'intérêt de ses recherches ? La curiosité scientifique est utile et légitime, elle est en quelque sorte la justification de la présence de l'Homme sur terre. On peut en effet penser que le fait que la pyramide de l'évolution des espèces va dans le sens de la création d'espèces de plus en plus intelligentes nous indique le "; sens " de la Création : Apprendre. Cette idée "; progressive " de la science ne doit toutefois pas nous empêcher de nous poser la question de l'utilité de telle ou telle recherche fondamentale, dans le cosmos des recherches possibles : Pourquoi celles-là ?
(NB : La liste des questions ci-dessus n'est pas exhaustive. Elles ont été posées par les personnes suivantes : Lucille Hanouz, syndicaliste CFDT, Bertrand Girod de L'Ain, Yves de Préville, physicien, Peul Bonny, Philippe de Rougemont, Greenpeace, et d'autres qui tiennent à garder leur anonymat.)
Les questions ci-dessus ne devraient pas être évoquées dans un rapport de minorité sur une subvention. Elles devraient être posées en public, au cours d'un débat public et contradictoire, et les réponses qu'elles susciteront pourront naturellement en amener d'autres, plus précises peut-être et plus pertinentes. L'essentiel aujourd'hui pour les députés est la question suivante : Devant le refus du CERN de débattre des questions ci-dessus en public, de manière contradictoire, le Grand Conseil peut - il voter une subvention au CERN ?
Le rapporteur de la minorité estime que non. Cependant, ne voulant pas non plus voter "; non " ce qui signifierait un acte de méfiance à priori par rapport au CERN, le rapporteur propose de repousser le débat jusqu'à l'organisation formelle du débat et au choix de la date, de la forme et des orateurs.
Le Grand Conseil étant maître de son ordre du jour, le rapporteur de la minorité proposera au Grand Conseil d'attendre l'organisation formelle du débat public et contradictoire avant de voter le présent crédit de subventionnement.
Plusieurs députés, de tous les partis, ont longuement hésité lors des débats précédents sur cette question. L'aura du CERN, prestigieuse institution internationale vouée à la recherche pure, les emplois procurés, sont des facteurs qui ont pesé lourd dans la balance, plus lourd que les questions de principe posées ci-dessus.
La minorité de la commission estime néanmoins qu'il est urgent d'attendre. Le CERN se sent mis en accusation par nos questions, ce que nous pouvons comprendre. Mais la meilleure façon de promouvoir la transparence n'est-elle pas d'accepter de parler ? En public ? Avec des opposants ?
Premier débat
M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. Deux ou trois mois se sont écoulés depuis la rédaction de ce rapport et les choses ont passablement changé depuis. Au début de cette année, c'est-à-dire le 2 février 1998, dans la résolution 357, le Grand Conseil demandait la tenue d'un débat public contradictoire sur les finalités et les risques du CERN et qu'un mandat soit donné à la CRII-RAD ou à un institut indépendant pour étudier les éventuels risques radiologiques résultant de l'activité du CERN.
Une de ces demandes a depuis été acceptée par le CERN à l'initiative du rédacteur en chef de la «Tribune de Genève», Marco Cattaneo, qui s'est entremis dans cette dispute. Je tiens à le remercier. Grâce à lui, un débat a pu enfin avoir lieu même s'il était très fortement biaisé et je dirai presque scandaleusement mené. Le débat a tout de même eu lieu et c'est une bonne chose car une partie des questions que nous nous posions ont du moins pu être posées à défaut d'obtenir des réponses. Je crois que de la confrontation naît toujours un peu de lumière et un peu de lumière est née au cours de ce débat même s'il était insatisfaisant pour les opposants. Il n'en reste pas moins que c'était un débat et cela doit être salué.
Je viens de vous dire qu'une des deux demandes de notre résolution 357 a été satisfaite. Il reste à se poser la question d'une expertise indépendante, d'une commission, d'un audit extérieur qui aurait à juger ou à s'occuper en collaboration avec le CERN, avec la population genevoise et avec les députés, de toutes les questions qui restent pendantes et que je cite dans mon rapport :
- A quoi sert le CERN ?
- Que va-t-on y chercher ?
- Quelle science veut-on faire ?
- Dans quoi voulons-nous investir ?
- Y a-t-il des risques et lesquels ? Pour les travailleurs ? Pour les populations avoisinantes ?
Toutes ces questions méritent d'être posées et il doit y avoir un lieu pour les poser parce que c'est cela la science. La science, c'est de faire de la recherche mais aussi de critiquer, de réfléchir, de se poser un certain nombre de questions sur où nous allons dans la recherche.
C'est la raison pour laquelle nous posons ces questions depuis deux ans. Malheureusement, nous avons souvent été traités d'anti-scientifiques stériles, de superstitieux, de rétrogrades, ce que nous ne sommes pas pour la plupart d'entre nous... (Commentaires.) Même s'il y en a forcément parmi nous, comme il y en a toujours dans tous les camps. On trouve partout des gens qui veulent bloquer, condamner, ne pas réfléchir, ne pas poser de questions. Pour en revenir à l'essentiel, nous avons donc déposé une proposition d'amendement - au départ nous étions quatre signataires, merci à mon collègue Vanek d'avoir persisté - que je demanderai à un huissier de transmettre au président.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous lis brièvement cet amendement. Il propose, à la fin de l'article 1 du projet de loi, la phrase suivante : «Sur cette somme, 250 000 francs seront consacrés à un audit indépendant des risques relatifs au fonctionnement du CERN et à une information compréhensible et vulgarisée à la population.»
Nous tenons beaucoup à cette vieille revendication, soit à la fois un audit et une information sur tous les problèmes pouvant résulter du CERN. Nous pensons que le moment est venu de la présenter. Pourquoi maintenant ? Parce que, depuis deux ans que nous demandons gentiment les choses, nous avons pu constater que le CERN est une institution internationale, lourde, riche qui n'est pas facile à infléchir.
Nous sommes un tout petit canton dans un pays, la Suisse, qui est encore un plus petit canton dans un grand continent, l'Europe, et nous avons donc très peu d'influence sur cette grande institution internationale. Par conséquent, nous pensons que le seul moyen d'exercer cette influence est le vote de ce crédit de subventionnement.
La dernière fois que nous avons eu l'occasion d'exercer des pressions, cela a déjà été salutaire. Je vous rappelle qu'il y a environ dix-huit mois nous avons voté le déclassement d'un terrain à Meyrin pour construire un des puits du LHC. Or, à cette occasion, le CERN avait fait quelques timides démarches dans notre direction en acceptant le débat dans un premier temps - et en le refusant ensuite, une fois ce déclassement voté.
Je crois donc que ce n'est pas un crime de lèse-majesté que de proposer qu'une toute petite partie de cet argent soit enfin consacrée à une réflexion que nous trouvons salutaire et utile.
M. Pierre Vanek (AdG). Nous avons déjà longuement débattu cet objet dans cette enceinte et je serai relativement bref. Mes conclusions rejoignent celles du rapporteur de minorité et j'aimerais faire quelques observations à M. Visseur et à l'assemblée concernant le rapport de majorité et ce qui s'est passé depuis sa présentation.
Ce rapport dit que le CERN acceptait la mise sur pied d'un débat. Or, ce n'est pas tout à fait exact. Le CERN avait effectivement prévu d'organiser, non pas un débat public et contradictoire, mais un colloque à l'université où ces gens - que je respecte par ailleurs - auraient, du point de vue de l'institution, prêché la bonne parole aux Genevois. C'est un peu la démarche qui a été faite en invitant les députés à se rendre au CERN, mais ce n'est pas la mise sur pied d'un débat équilibré, contradictoire, avec des experts d'obédiences diverses, pour se référer aux termes d'une résolution précédente.
C'est effectivement sous la pression de M. Cattaneo, rédacteur en chef de la «Tribune de Genève», que le débat qui s'est tenu a pu être organisé, mais dans des conditions extrêmement discutables. De notre côté, nous demandions la tenue de ce débat depuis environ deux ans et il fallait tout d'un coup être capable en deux semaines d'aligner les gens pour y participer. La CRII-RAD a souvent été mentionnée par rapport à ce dossier et nous avions prévu et demandé à Mme Michèle Rivasi, ancienne présidente de la CRII-RAD et élue à l'Assemblée nationale française, de participer à ce débat puisqu'elle avait piloté la première enquête que nous avions commanditée sur la situation au CERN. On nous a répondu qu'il n'était pas question de repousser ce débat et qu'il devait avoir lieu dans les dix jours. Or, vu ses engagements, Mme Rivasi n'a pas pu se libérer.
Ce débat a donc été organisé dans des conditions particulières. Le CERN était prêt, puisqu'il est sur place, mais on ne nous a pas donné les moyens de le faire dans de bonnes conditions. Il faudrait, à partir de la cassette vidéo existante, prendre les éléments de ce débat et les communiquer à la commission qui doit se prononcer sur cette question, pour qu'elle en discute et fasse le point. Il faudrait en effet que ce débat ne soit pas un simple moment ponctuel mais qu'il se prolonge par la réflexion de l'ensemble de ce Grand Conseil et en particulier de la commission des travaux. C'est là un premier point.
J'aimerais en venir à un deuxième point, à savoir la question qui nous tient vraiment à coeur, l'audit indépendant sur la radioprotection au CERN. Je relève, et c'est un peu paradoxal, que dans tous les autres domaines on nous parle d'audit indépendant extérieur et qu'on ne se contente pas du tout des appréciations qui sont livrées par les organismes d'auto-contrôle de l'Etat. Or, en l'occurrence, cela devient tout à coup hérétique de penser que l'on pourrait demander à des personnes extérieures de procéder à une telle vérification, qui permettrait effectivement d'entendre des avis contradictoires de personnes qui ne sont pas directement impliquées. Il est évident que les autorités suisses et françaises de contrôle sont directement impliquées. Elles ont la responsabilité de cette sécurité et, en leur demandant de faire plus ou de revenir sur ce dossier, on leur demande d'évaluer leur propre travail de manière critique.
Le CERN n'est donc pas entré en matière sur cette invite votée par une majorité du Grand Conseil dans la résolution 357 qui demandait au CERN d'ouvrir ses portes à un audit indépendant. L'institution a renvoyé la balle à Berne en disant qu'il fallait examiner cela, alors que nous ne demandions pas des mécanismes officiels et légaux de contrôle supplémentaire mais simplement l'acceptation d'un contrôle extérieur, ce que le CERN pouvait tout à fait accepter.
Sur la question des experts et notamment des experts suisses - car je ne me permettrai pas de critiquer les Français quoiqu'il y aurait bien à dire - j'aimerais juste citer un extrait d'un article que j'ai retrouvé en me préparant à ce débat. Cet article est tiré de la revue «Ingénieurs et architectes suisses» N° 20, du 19 septembre 1990. Je vais vous lire une citation et je vous dirai ensuite de qui elle émane : «Pour arriver à une pollution radioactive de la planète qui soit vraiment sérieuse, il faudrait que la radioactivité artificielle puisse au moins concurrencer la radioactivité naturelle et pour cela il faudrait produire au moins un Tchernobyl par mois pendant plusieurs années et on se situerait encore en deça de la pollution traditionnelle actuelle de notre biosphère.» Vous avouerez que cette prise de position est très surprenante. Je tiens le texte à la disposition des députés. Ce texte est signé par M. Serge Prêtre, physicien diplômé de l'EPFZ, Division radioprotection, Division principale de la sécurité des installations nucléaires, 5303 Würenlingen.
Vous avez là un petit échantillon du type de prise de position de nos experts officiels suisses. Pour ne pas employer un terme diffamatoire, je dirai qu'on peut raisonnablement mettre en doute - c'est une hypothèse - la santé mentale de ce monsieur... (Protestations.) ...et en tout cas sa crédibilité en matière de radioprotection. Nous sommes chapeautés par des experts qui disent qu'un Tchernobyl par mois, ce n'est pas encore très grave ! C'est ce qui est écrit dans ce document et je me propose d'en fournir une copie à l'ensemble de cette assemblée.
Je pourrais aussi vous lire un article paru dans la «SonntagsZeitung» du 6 septembre 1998, sur l'implication de M. Serge Prêtre dans les manoeuvres glauques qui ont eu lieu en matière de contrôle concernant l'augmentation de puissance de la centrale nucléaire de Leibstadt, où il était à la fois juge et partie de la demande d'autorisation. La «SonntagsZeitung» précitée fait très exactement le procès de ces démarches glauques et de ces liaisons dangereuses entre contrôleurs et contrôlés. Elle explique aussi la composition des hautes sphères de la Division principale de la sécurité nucléaire où tous les hiérarques de cet organisme sont membres de l'Association suisse pour l'énergie nucléaire.
Cela ne signifie nullement que le CERN soit assimilable à une centrale nucléaire mais, lorsqu'on nous renvoie simplement aux experts fédéraux en la matière, cela n'est pas satisfaisant pour nous... (Commentaires.). Personnellement, je ne suis nullement un expert en la matière - même si je le suis peut-être un tout petit plus que M. Vaucher ! - mais il est évident pour nous qu'il est parfaitement légitime de demander un contrôle extérieur et, en ce sens, je pense que la proposition d'amendement que M. Nissim a sorti de son chapeau est excellente. En effet, elle ne bloque pas le vote de ce crédit auquel, apparemment, une majorité de cette assemblée est attachée. Il s'agit simplement de le réduire de 250 000 francs, soit, sur 6 millions de francs, de 4 %. Pour le contrôle et pour la sécurité, je voterai ce 4% des deux mains et je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, d'en faire de même.
M. Pierre-Pascal Visseur (R), rapporteur de majorité. Pour répondre à M. Vanek qui a mis en cause les termes du rapport de majorité, je lui dirai que je n'ai fait que reprendre mot pour mot la réponse de la direction du CERN à propos de la mise sur pied d'un débat, je cite, «afin d'informer le public et les élus sur l'avenir de cette organisation». Il n'a pas été question d'un débat général et contradictoire sur tout ce qui s'y faisait. Je ne pense d'ailleurs pas que le CERN ait la volonté, ni l'obligation, d'ouvrir ses expériences et de montrer tout ce qui se fait dans cette organisation multinationale, située en partie seulement sur le territoire suisse, à toute personne qui le demanderait.
Cela dit, on nous demande aujourd'hui un geste par rapport au projet global. Comme vous le savez, le projet global porte sur un montant de 2,5 milliards. Les Etats-Unis y ont participé pour 750 millions de francs sans rechigner. M. Vanek l'a dit lui-même, le CERN n'est pas assimilable à une centrale nucléaire. Nous avons des amis et des voisins qui travaillent au CERN et qui peuvent dire et confirmer que ce qui se fait au CERN n'a strictement rien à voir avec la production d'énergie nucléaire qui, dans certains cas, a prouvé être dangereuse. Nous sommes dans un cadre complètement différent, avec un projet unique au monde qu'on nous fait l'honneur, une fois de plus, d'apporter à Genève pour son renom, mais aussi pour son économie, pour ses travailleurs, par les emplois qu'il crée - je ne rappellerai pas les chiffres que j'ai cités dans mon rapport, certes bref mais qui dit ce qu'il a à dire.
Je trouve particulièrement déplacé que cette opposition vienne de la partie de cet hémicycle qui non seulement prétend défendre les emplois pour une Genève économiquement forte, mais qui veut surtout lutter contre le chômage pour qu'elle reste la Genève qu'elle a été depuis de nombreuses années, celle que privilégient les organisations internationales et que le Centre européen de recherche nucléaire souhaiterait continuer à privilégier. En l'occurrence, je pense que si nous ne donnons pas ce signe clair de notre approbation - qui est une goutte d'eau dans ce nouveau projet du LHC - ces organisations nous abandonneront tôt ou tard et, petit à petit, ces expériences iront se faire à Silicon Valley ou ailleurs.
M. René Longet (S). Nous avions dit préalablement que, pour le groupe socialiste, le vote de ce crédit dépendait de la tenue d'un débat et de la résolution d'un certain nombre de questions. Un certain nombre de députés, dont moi-même, ont pu assister très directement à ce débat et nous avons pu voir ce qui s'y est dit.
Je ne veux pas prendre à témoin les collègues qui y ont assisté et qui ont suivi l'échange qui a eu lieu à ce moment-là, mais il s'agissait, cela a déjà été rappelé, d'un débat assez singulier à tous les égards. Tout d'abord parce qu'il était unique; ensuite parce qu'il n'a été organisé ni par le Grand Conseil ni par le CERN, mais par un journal, à savoir la «Tribune de Genève», et que, formellement, on avait d'un côté le Grand Conseil qui défendait sa résolution et de l'autre le CERN qui donnait des explications. Enfin, il était singulier dans la mesure où il y avait bien parité autour de la table mais, dans la salle, les opinions étaient largement faites. Or, quand on s'attend à débattre sur la science avec des scientifiques, on s'attend à ce qu'on en parle en termes conformes à la logique scientifique, c'est-à-dire que lorsqu'on formule une question, on reçoit une réponse non pas en termes d'actes de foi mais en termes d'hypothèses ou de scénarios, ou en tout cas d'entrée en matière.
A ce stade, ce sont un peu deux mondes qui se heurtent et je dirai que, pour moi, ce débat n'était que partiellement satisfaisant. C'était un début. Nous avions dit d'emblée que le but de ce débat était d'ouvrir une nouvelle façon d'entrer en relation pour le CERN et la communauté régionale genevoise et française. C'est peut-être cela que l'on doit maintenant regarder. Cette première étape étant franchie, partiellement satisfaisante, il faut voir ce qu'on peut en faire.
Sur le fond, nous avons pris acte du fait que le CERN refusait de voir un contrôle indépendant des services officiels de la Suisse s'approcher de ses installations et prendre des mesures. Le CERN nous a renvoyés à la Confédération. Je ne veux pas commenter cela mais simplement le souligner. Je ne suis pas sûr que ce soit juridiquement et politiquement le dernier mot du CERN, mais c'était l'état du débat. Nous pouvons certainement continuer à poser cette question mais nous savons maintenant quelle est la réponse. Et cette réponse n'est pas satisfaisante.
La signification de ce qui se passe dans cette institution constitue un second point, peut-être plus important que tous les contrôles que nous pourrons proposer et tous les débats que nous pourrons avoir sur la sécurité. C'est pour moi la question fondamentale. Il ne s'agit pas seulement de savoir si le CERN est exempt de nuisances, mais de savoir si ce qui s'y fait est conforme aux objectifs de notre époque et des années à venir concernant l'effort de recherche.
Nous savons tous que l'argent ne peut être investi deux fois et que les contribuables européens investissent 1 milliard de francs suisses dans cet outil qui occupe plus de 2500 personnes. Dans ce débat, la question la plus essentielle et la plus importante n'est pas genevoise mais européenne : quel est le rapport coût-bénéfice de cet investissement ? J'entends ici bénéfice non pas au sens financier mais au sens global. Si on demande aujourd'hui à la recherche et aux chercheurs de se mobiliser pour des perspectives de développement durable, le CERN a le devoir de se questionner et d'être questionné à cet égard. Est-ce que ce qui se fait au CERN correspond à des objectifs prioritaires aujourd'hui ? Est-ce qu'il y a un retour global sur l'investissement ?
C'est là la vraie question et je dois dire que la réponse du CERN a été une fin de non-recevoir encore plus formelle que pour les questions de sécurité. Mais là encore, nous avons dit que le débat devait continuer et c'est le sens de notre discussion d'aujourd'hui. Je crois que le fait d'avoir rédigé un rapport de minorité a été décisif à cet égard, parce qu'il faut évidemment toute une batterie d'incitations pour qu'une institution comme le CERN accepte de dialoguer avec une institution comme la nôtre. Il faut un certain nombre de questions et le rapport de minorité était une forte motivation en raison des questions qu'il posait.
Pour conclure, je dirai qu'il nous faut d'autres débats. Il faut un lien plus direct, plus normal et plus régulier entre le CERN et la communauté régionale. Cela va au-delà des disputes sur les crédits, au-delà des opérations portes ouvertes. Il s'agit au fond de rendre compte et de dialoguer - j'allais dire d'égal à égal entre scientifiques et politiques, c'est un peu ça - d'égal à égal entre guillemets, parce que nous sommes évidemment inégaux mais néanmoins sur un même pied.
Nous pouvons donc apporter notre appui à ce crédit à la condition que ce débat qui a eu lieu au mois d'octobre soit au début d'un nouveau rapport entre le CERN et son environnement dans tous les sens du terme. L'amendement qui est proposé peut nous aider à aller dans cette direction.
Mme Madeleine Bernasconi (R). Dans le domaine scientifique, je suis totalement béotienne. J'ai participé à cette séance du 19 octobre et je trouve un peu regrettable de remettre en cause et de retarder encore notre participation à ce LHC. Je pense qu'à un moment donné il faut quand même avoir le courage d'aller de l'avant.
D'un côté, nous sommes tous fiers d'avoir le CERN à Genève. Ce n'est pas la moindre des choses d'avoir ainsi un rapport avec l'Europe, d'y être rattachés par le Centre européen de recherche nucléaire. Nous sommes aussi toujours très fiers de pouvoir fêter les différents Prix Nobel décernés sur notre site à Genève. Parmi les derniers, je rappellerai MM. Rubia et Charpak qui sont tout de même des personnages extraordinaires dans le domaine de la recherche.
Il me semblait que le CERN était un centre de recherche fondamentale, donc de recherche pure, et je crois que cette évolution est nécessaire. De plus, vous avez abordé en commission l'extraordinaire apport économique de cette institution. Les normes de sécurité doivent naturellement être respectées et je sais que cela se fait très bien au niveau du CERN. Il nous faudra peut-être travailler encore un peu plus pour demander une plus grande ouverture et une plus grande transparence. Mais cela ne doit pas retarder l'octroi du montant demandé, que nous devons voter aujourd'hui afin de montrer notre volonté au CERN et aux gens qui s'engagent aussi bien au niveau de Genève que de la Confédération.
Mesdames et Messieurs, il nous faut à un moment donné prendre une décision; en la renvoyant constamment, on n'avancera pas et on ne fera pas grand-chose en attendant.
M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. Je voudrais en deux mots répondre à ma préopinante, Mme Bernasconi. Notre amendement ne propose pas de retarder ni de remettre en cause quoi que ce soit. Nous voulons voter aujourd'hui même et consacrer 250 000 francs à l'information. Sur un budget global de 2,5 milliards, je n'ose pas vous dire à quel point c'est une goutte d'eau dans la mer. 250 000 francs sur 6,25 millions représentent 4%. Sur 2,5 milliards, c'est donc une goutte d'eau.
Nous voudrions simplement qu'une toute petite partie des crédits que nous allons allouer soit mise dans une cagnotte, non pas pour le plaisir de renvoyer le projet, mais pour se poser un certain nombre de questions sur les finalités, sur l'éthique, sur l'utilité du CERN, sur des mesures de radioprotection. Je crois que ces questions importantes sont tout à l'honneur du CERN et ne visent pas du tout à le remettre en question.
Deux mots encore pour prolonger le discours de mon collègue Vanek. On a parlé tout à l'heure des experts suisses dont le CERN prétend qu'ils sont compétents et dont nous prétendons qu'ils ne le sont pas. Vous savez que le CERN est soumis à une double surveillance en matière de radioprotection. Les experts français, soit le CIPRI, sont ceux-là mêmes qui ont nié pendant dix ans l'existence du nuage de Tchernobyl. Si vous voulez que ces «experts», entre guillemets, assurent la radioprotection à Genève, je crois que vous vous faites des illusions !
Cela dit, nous ne voulons rien remettre en cause ni rien renvoyer. Nous voulons travailler ensemble positivement. Nous voudrions simplement aussi avoir un tout petit espace pour poser certaines questions.
Mme Marianne Grobet-Wellner (S). Nous sommes effectivement favorables à l'amendement qui consiste à consacrer 250 000 francs à l'information de la population.
Les socialistes tiennent toutefois à dire que ceci ne doit pas être interprété comme un signe de méfiance à l'égard du CERN, mais uniquement comme un souci de venir à la rencontre d'une inquiétude réelle d'une partie de la population.
M. Armand Lombard (L). Ce projet, qui nous intéresse, et le sens que prend la discussion nous paraissent suffisamment importants pour en dire quelques mots. Il me semble évidemment que l'idée de discuter, de comprendre un débat compliqué et des découvertes technologiques qui souvent nous dépassent, est excellente et d'une grande utilité pour une population qui se trouve autour d'une énorme usine de recherche dont il est satisfaisant de savoir ce qu'elle fait et à quoi elle mène.
Cela étant, dire qu'il s'agit d'un débat d'égal à égal me paraît inexact. En effet, quand une autorité législative, qui fait partie du pouvoir politique de ladite cité, en vient à intimer l'ordre à une entreprise de participer à un débat, je trouve cela totalement excessif et mal emmanché. Un débat public ou privé, autour d'une tasse de thé ou devant une grande audience, peu importe, ne peut pas être imposé par un Etat; cela me semble tout à fait déraisonnable.
Un débat a lieu parce que les gens ont envie de discuter et si les gens ne veulent pas discuter, c'est généralement parce que l'attaque a été trop violente, trop brutale, avec les mains dans les poches, la grande gueule et le pull par-dessus le col de la chemise... C'est à mon avis ce qui vexe les gens quand ils doivent discuter. On aime pouvoir discuter d'égal à égal et je crois, Monsieur Nissim, que l'on annule l'égal à égal en demandant un blanc seing ou une autorisation au pouvoir politique. Je dirai : bravo pour l'idée d'une discussion, mais pas sur un ordre de ce Grand Conseil.
Concernant le mandat, je ferai la même remarque et la même réflexion. Depuis quand et selon quels pouvoirs un législatif, qui est législateur par définition et, en second lieu, contrôleur de l'exécutif, comment ce législateur-contrôleur peut-il ordonner à une entreprise sise sur son territoire de mandater tel et tel sous-traitant pour faire un travail ? Cela est hors de question. Je ne suis pas juriste et, comme vous le savez, je hais les débats d'avocats et de juristes mais quelque chose me paraît là non conforme.
Quant aux 250 000 francs que vous proposez, Monsieur Nissim, pour un débat, c'est bien sûr une bonne idée. Mais je n'aime pas l'argument qui consiste à dire : il faudrait un peu d'information sur ces 6 millions, il faudrait un peu d'information sur le CERN. Combien de gens dans cette République aimeraient avoir deux ou trois petit sous du Grand Conseil pour pouvoir faire de l'information? Chacun d'entre nous porte un projet pour lequel il aimerait bien quelques sous de l'Etat, afin de pouvoir financer l'information. Car l'information, c'est de la publicité et la publicité, c'est être connu et reconnu. En l'occurrence, je considère comme illégitime, s'agissant d'un investissement pour une recherche, d'en soutirer une partie pour faire de la promotion, intelligente certes, mais de la promotion.
Cela vient mal à propos et je suppose que le biais - mais vous me direz évidemment que c'est un truc à n'avoir plus un sou - ou le courage serait de demander une subvention au Grand Conseil pour faire de l'information au sujet du CERN, au lieu de venir nous la dérober sur un crédit d'investissement.
M. Jean-Claude Vaudroz (PDC). Je suis tout à fait d'accord avec la conclusion de M. Lombard.
Ces 250 000 francs pris sur un projet de génie civil de 6 250 000 francs sont un montant totalement aléatoire et extrêmement discutable en effet. Je crois, Monsieur Nissim, que si vous aviez effectivement du courage, vous feriez simplement une demande de subvention, par une motion ou par un projet de loi séparé, qui permettrait d'apporter au CERN les montants nécessaires à votre fameux audit externe.
Je peux simplement constater que l'audit est déjà externe au CERN et que ce dernier a déjà très largement répondu à l'ensemble des questions que M. Nissim se pose. Je crois plutôt que M. Nissim ne veut pas entendre les réponses du CERN. On a pu le constater dans les discussions qui ont eu lieu sur place et nous ne pouvons que le regretter.
J'aimerais rappeler qu'on ne peut pas s'amuser, jouer continuellement à retarder de tels projets et, sur ce point, Mme Bernasconi a tout à fait raison. C'est une chance extraordinaire pour Genève d'avoir le CERN et ce projet LHC. Il faut véritablement se mettre cela dans la tête une fois pour toutes. Tous les pays du monde souhaiteraient qu'un tel projet puisse se faire sur leur propre territoire. Le CERN a d'ailleurs démontré qu'en termes de radioactivité, en particulier, ses émanations étaient très nettement inférieures à la seule émanation naturelle de notre canton. Il est donc totalement scandaleux d'entendre encore de tels propos !
Pour ma part, je vous rappellerai que ce projet a des retombées fabuleuses pour Genève, pour son développement, pour sa technopole, qu'il a des répercussions fabuleuses pour nos universités - qu'il s'agisse du département de physique de l'université de Genève ou de l'EPFL - et des retombées exceptionnelles pour nos industries qui en ont besoin. Vous prônez à longueur de jours, de semaines, de mois et d'années qu'il faut soutenir l'emploi, soutenir nos PMI et, à la première occasion, vous tentez de sabrer tout ce qui est proposé pour faire avancer un certain nombre de projets.
Le projet de loi 7785-A est un projet de génie civil et il n'y a aucune raison de le diminuer d'un montant de 250 000 francs pour financer un audit externe. Faites un projet de loi ou une motion, demandez une subvention complémentaire !
Mme Barbara Polla (L). Nous sommes convaincus comme beaucoup d'entre vous, et cette conviction n'a pas changé au cours des années, que nous avons une grande chance d'avoir le CERN à Genève. Comme M. Vaudroz vient de le dire, c'est une grande chance pour nos universités et pour Genève tout entière. Le rayonnement intellectuel qui émane du CERN ainsi que les aspects économiques, universitaires et technologiques de sa présence représentent une très grande chance pour Genève.
Une partie de ce Grand Conseil a demandé spécifiquement au CERN - dans une sorte de négociation qui me paraissait personnellement extrêmement déplaisante - d'ouvrir un débat. Le fait d'ouvrir un débat est certainement une excellente idée, mais cette demande a été formellement adressée au CERN : ouvrez le débat et à ce moment-là nous considérerons la subvention !
Le CERN a répondu à cette demande formelle et ce débat a été organisé dans les meilleurs délais. C'était un débat public et si M. Longet regrette aujourd'hui qu'il semblait y avoir dans la salle une majorité d'une certaine opinion, je rappelle qu'il s'agissait d'un débat public, donc ouvert à tous. J'imagine par conséquent que l'opinion prépondérante était représentée par les gens qui s'y trouvaient, soit la population en général. Les participants y vont si cela les intéresse et il ne tenait qu'à vous de faire en sorte qu'il en soit autrement. Mais, visiblement, la capacité de mobilisation dans la population opposée n'existait pas et je pense que ce débat public était réellement représentatif de l'attitude globale de Genève à l'égard du CERN.
Concernant les commentaires de M. Longet sur le journal qui a organisé ce débat, j'aimerais pour ma part remercier la «Tribune de Genève». Je pense en effet que c'était un défi, qu'il n'était pas facile d'organiser ce débat et que cela a été fait de la manière la plus équitable entre les différents représentants présents.
Pour organiser ce débat, le CERN n'a demandé d'argent à personne. Il n'est pas venu nous dire - en réponse à la demande formelle qui lui avait été faite : «Si vous voulez les 6 millions, il faut que vous organisiez un débat» - il n'est pas venu nous dire : «Si vous voulez un débat, il faut nous donner 250 000 francs parce qu'on a besoin d'argent pour faire de l'information et de la communication.» Je crois donc qu'il y a une réelle volonté, qui n'est pas seulement la nôtre et celle de la population mais qui est aussi celle du CERN, d'interagir avec les gens de ce canton dans le cadre d'une information. A la fin de la soirée, le CERN a réitéré sa proposition de participer à une information continue. Ce débat a effectivement marqué un début que le CERN souhaite lui-même poursuivre mais il ne nous a rien demandé pour sa communication qu'il fait de toute façon.
Je crois donc que la demande d'amendement qui nous est proposée n'a aucun sens. On n'a pas besoin de donner de l'argent à quelqu'un pour faire quelque chose qu'il fait sans nous en demander !
Autre chose maintenant : à quoi sert le CERN ? Est-ce que c'est bien ? C'est donc un centre européen de recherche nucléaire. Cela sert essentiellement à faire de la recherche et, comme je le disais ce matin par rapport à la médecine et aux priorités en termes de soins aux patients, il y a des limites à ce que le politique doit faire et nous autres, députés, n'avons pas à dire le type de recherche qu'il y a à faire au CERN ni à la juger. De même, nous n'avons pas à dire quelles sont les maladies à soigner en priorité par rapport à d'autres. Il faut laisser cela aux personnes réellement compétentes en la matière.
Je parlerai aussi des experts auxquels on revient toujours. M. Nissim critique les experts français, mais même le nom de l'organisme en question a changé. Vous savez, Monsieur Nissim, les choses changent et les gens changent. L'actuel Office de la protection contre les radiations ionisantes (OPRI) en France n'est pas ce qu'il était il y a dix ans. Je pense que la qualité du type de radioprotection que la France organise sur son propre territoire a peu à nous envier et que nous avons par contre passablement de choses à en apprendre. Même si je connais effectivement bien le système de radioprotection français, je ne vais pas entrer dans plus de détails au sujet des experts français mais parler davantage des experts fédéraux.
Le soir du débat sur le CERN, quelqu'un a dit : «Mais enfin, si vraiment, Mesdames et Messieurs, vous estimez que l'Office fédéral de la santé publique et plus particulièrement le service fédéral de radioprotection est incapable, il faut le dire et prendre les mesures qui s'imposent.» Or, prendre les mesures qui s'imposent ne signifie pas engager un autre organisme et laisser des incapables en place. Nous estimons quant à nous que l'Office fédéral de la radioprotection fait un excellent travail.
Je pense que, là aussi, nous pourrions probablement faire quelque chose de plus, comme cela a été fait dans le cas du CERN, demander une information continue au niveau fédéral. Pour notre part, nous faisons une confiance absolue à l'Office fédéral de la santé publique quant à sa capacité d'organiser les contrôles concernant le CERN et nous le soutenons entièrement dans ce domaine. Si ce n'est pas le cas pour certains d'entre vous, je pense que vous devriez suivre ce que cette personne a dit le soir du débat, plutôt que de proposer des alternatives.
M. Olivier Vaucher (L). J'espère que M. Vanek arrivera à patienter encore quelques instants avant sa seconde intervention...
Monsieur le président, permettez-moi de vous faire part de mon très grand étonnement de voir l'acharnement de certains à l'égard d'une institution dont la réputation mondiale n'est plus à faire. Je me dis : mais de quoi nous mêlons-nous, nous petits parlementaires genevois, face à des savants de ce niveau ? Pouvons-nous nous permettre de venir parler, comme l'ont dit certains des préopinants, d'égal à égal ? Restons à notre niveau et, comme on dit vulgairement, ne pétons pas plus haut que le bout de notre nez !
On parle ici d'un crédit de 6,25 millions sur un budget global de plus de 2,5 milliards. Comme beaucoup de préopinants l'ont déjà dit, croyez-vous vraiment, Mesdames et Messieurs les députés, que face à ce chiffre et face aux retombées de cette institution pour Genève, nous puissions encore nous permettre de venir ergoter et nous amuser à juger le CERN ? Car, contrairement à ce que dit M. Nissim, certains préopinants remettent en question l'utilité, se posent la question de savoir si la mission du CERN est toujours d'actualité. Oui, M. Longet l'a dit clairement dans son intervention et c'est ce qui me déçoit le plus. Je crois que nous devons rester à notre niveau sans vouloir aller plus loin.
Je constate par ailleurs, Monsieur le président, que nous avons été invités à un débat d'une très grande qualité. Et une fois de plus, qui était absent à ce débat ? Ce sont des gens comme M. Vanek. Monsieur Vanek, on vous donne la possibilité de venir poser des questions à une institution particulièrement intéressante. Pourquoi ne venez-vous pas à ces débats ? Je pense qu'en tant que président de la commission de l'énergie votre premier rôle est d'être présent à des débats de cette qualité. Il est facile de faire des critiques et de rentrer dans le cadre, mais il faut aussi être présent au moment voulu.
M. Pierre Vanek (AdG). Je suis étonné que M. Vaucher s'intéresse à moi et cela me fait toujours plaisir. Il me pose la question : pourquoi n'étiez-vous pas là ce soir-là ? Effectivement, j'ai beaucoup regretté de ne pas y être. Mais malheureusement, et vous pouvez vérifier la concordance des dates, ce soir-là j'étais occupé à déposer le recours de l'Alliance de gauche concernant notre présence dans la brochure sur la votation du 20 décembre... (Exclamations et brouhaha.)
Je comprends que, face à la question du CERN, des petites broutilles comme la votation constitutionnelle du 20 décembre et le fait de savoir si les droits démocratiques sont respectés ou non dans ce canton peuvent ne pas être considérés comme importants par certains ! Malheureusement, je n'ai pas, pour le moment, acquis la capacité d'être à deux endroits à la fois... (Brouhaha.)
Le président. Un peu de silence, Mesdames et Messieurs ! Monsieur Vanek, si vous parliez avec moins de décibels, peut-être que les députés feraient moins de bruit.
Une voix. Il est radioactif, ce mec ! (Rires.)
M. Pierre Vanek. Je vais me faire tout «murmurant» pour que certains puissent continuer à faire la sieste et qu'il y ait moins de bruit...
Une voix. Un peu plus haut, on ne t'entend pas !
M. Michel Balestra. C'est vrai que le discours est faible !
M. Pierre Vanek. J'ai répondu au premier point. Ensuite, M. Vaucher a parlé d'acharnement contre le CERN. De nouveau, nous ne sommes pas contre le CERN, nous demandons que le CERN exerce ses activités dans des conditions qui soient effectivement dignes, Monsieur Vaucher, de l'ampleur de ce budget de 2,5 milliards que vous avez évoqué et de l'ampleur du savoir des gens qui travaillent au CERN.
Cela dit, Monsieur Vaucher, ma réponse à votre intervention est une petite parenthèse. Si j'avais demandé la parole, c'était pour répondre à ce qu'a dit tout à l'heure Mme Polla. Madame Polla, vous dites faire une confiance absolue à l'Office fédéral de la radioprotection et aux experts suisses. Madame Polla, c'est un conseil : il ne faut jamais faire une confiance absolue à personne... (Commentaires et rires.) L'être humain est faillible et les experts fédéraux comme les autres. Cet épithète d'absolu quant à la confiance dénote un parti pris qui, à mon avis, n'a pas sa place dans ce débat.
Madame Polla, vous nous dites que, si l'Office fédéral n'est pas ce qu'il devrait être, il suffit de le changer. J'admire votre confiance absolue dans le service public et les institutions étatiques. Mais concrètement, s'il y a une raison de douter, il faut prendre quelques appuis extérieurs, notamment ceux - je m'excuse de me répéter - de la CRII-RAD, qui est un organisme qui a fonctionné...
Une voix. Qui est neutre !
M. Pierre Vanek. C'est un organisme qui est très indépendant ! (Commentaires.)
Le président. Monsieur Vaucher, un peu de silence, s'il vous plaît. Monsieur le député, poursuivez en vous adressant à l'assemblée et, lorsque vous parlez de quelqu'un, veuillez utiliser la troisième personne du singulier !
M. Pierre Vanek. Tout à fait, merci ! En l'occurrence, je ne parlais pas de quelqu'un mais d'une institution: la CRII-RAD est effectivement indépendante. On peut ne pas être d'accord avec ses conclusions. Notre proposition n'est pas de remplacer la surveillance officielle par celle de la CRII-RAD et de prendre pour parole d'évangile ce qu'elle écrit. Il s'agit plutôt d'avoir deux avis, comme nous l'écrivions dans une résolution précédente : «informer la population en consultant des sources d'obédiences diverses». C'est ce que nous devons faire avant de juger, et nous jugerons, Monsieur Vaucher, malgré le fait que nous sommes une petite République de rien du tout. Nous avons des responsabilités que nous assumons en la matière.
Mme Polla, elle - troisième personne du singulier, Monsieur le président !
Le président. Très bien !
M. Pierre Vanek. Merci ! Mme Polla nous dit que le débat public était représentatif de la population. Non, Madame Polla, tout de même ! Nous savons bien que le CERN représente beaucoup d'emplois à Genève, vous nous l'avez assez dit, et qu'il mobilise ses troupes pour un débat de ce genre. Evidemment, cette institution a pu le faire plus facilement que s'il s'était agi d'informer véritablement l'ensemble de la population, les gens potentiellement intéressés et de préparer un débat dans des délais raisonnables. C'est ce que nous, nous voulions - on avait attendu deux ans, on pouvait donc attendre deux mois de plus - et nous aurions probablement eu une salle un peu plus équilibrée.
Quand Mme Polla nous dit que le CERN n'a pas demandé d'argent pour ses relations publiques, je rétorque que nous lui versons effectivement de l'argent et qu'il fait ses relations publiques avec de l'argent public, y compris le nôtre !
Pour conclure, nous demandons simplement que ce projet - que nous accepterons s'il est amendé - soit voté à hauteur de 6 millions. Je crois que chacun est conscient que le fait de verser 6 ou 6,25 millions, par rapport à l'immense budget devant lequel M. Vaucher est admiratif, ne représente pas une différence déterminante. Par contre, ce vote permettrait de réserver 250 000 francs à l'étude indépendante que nous avons demandée dans notre résolution 357 et aurait le mérite de la cohérence, s'agissant de la position du Grand Conseil sur cette question.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Ce projet de loi avait été voté en commission par tous les députés présents moins une abstention. En tant que rapporteur de minorité, M. Nissim nous a dit et a écrit dans son rapport qu'il ne voulait pas voter non à ce projet mais qu'il attendait l'organisation d'un débat.
Ce débat a eu lieu, non sans peine il est vrai, et je suis d'accord avec M. le député Longet pour considérer qu'il ne s'agit là que d'un premier pas et non pas d'un dernier débat. Monsieur Nissim, vous ne pouvez pas, après avoir écrit dans votre rapport de minorité que la condition de votre vote était un débat, après me l'avoir répété quand je vous disais que, si le débat avait lieu, vous trouveriez une autre raison de ne pas voter, vous ne pouvez pas me donner raison aujourd'hui en inventant une nouvelle condition !
Votre proposition d'amendement ne me paraît pas acceptable. Non pas sur le fond car, sur le fond, je suis tout à fait d'accord que l'on puisse réclamer davantage de transparence et de débat et, le cas échéant, davantage d'indépendance dans les contrôles. Sur le fond, je peux parfaitement vous rejoindre. Par contre, amputer une subvention dans ce but et à ce moment-ci est véritablement contreproductif par rapport à l'effort principal visé par ce projet, qui est d'assurer les relations entre Genève et le CERN en participant à la construction du LHC.
Plus concrètement, avec cet amendement, que proposez-vous, Monsieur Nissim ? Vous proposez 250 000 francs pour un audit indépendant sur les risques relatifs au fonctionnement du CERN. J'imagine que, pour ce faire, il faut l'accord du CERN. Or, cet accord ne dépend évidemment pas d'une négociation entre l'Etat de Genève et le CERN. Cela passe par les organes que vous connaissez et, en l'occurrence, votre demande serait plus opportune au niveau fédéral - puisque la Confédération participe au CERN - qu'au niveau d'un parlement cantonal.
A titre de comparaison, je vous donnerai un exemple : si une commune insatisfaite du fonctionnement du DAEL vote un crédit pour faire un audit de la police des constructions, il ne va rien se passer du tout, parce que je ne laisserai pas faire un tel audit par une collectivité publique autre que la nôtre ! (Applaudissements.) Cela signifie, Monsieur Nissim, que votre amendement fera peut-être faire des économies à l'Etat de Genève, ce qui n'est pas mauvais, mais il ne permettra en aucun cas d'atteindre le but visé, soit l'audit.
Vous assignez à cet amendement un deuxième but, à savoir l'information. Je suis tout à fait acquis à l'information et je souhaiterais, personnellement - et je crois que le Conseil d'Etat est d'accord sur ce point - que nous disposions davantage de moyens pour informer. Par contre, je vois mal pourquoi tout à coup, s'agissant du CERN, on disposerait de montants considérables alors que, pour l'information toute simple et régulière de nos concitoyens, nous n'avons que des moyens limités ou quasi inexistants. De surcroît, à qui appartient-il de payer l'information ? Est-ce qu'il appartient au récipiendaire, à savoir le contribuable genevois, de payer pour être informé ? N'appartiendrait-il pas plutôt à l'institution en cause, soit le CERN, de payer l'information nécessaire ?
Vous savez que l'organisation du débat que vous avez souhaité n'a pas été facile et que je suis intervenu à diverses reprises pour qu'il ait lieu. Je puis vous assurer, Monsieur Nissim, que dans ce cadre vos efforts portent leurs fruits et que votre rapport de minorité a l'effet de stimulation que vous souhaitez auprès du CERN.
Par contre, votre amendement va trop loin. Il a l'effet inverse, soit un effet négatif de blocage, et je vous invite par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter le projet tel qu'issu des travaux de la commission et à refuser l'amendement proposé. (Applaudissements.)
M. Chaïm Nissim (Ve), rapporteur de minorité. Effectivement, Monsieur Moutinot, vous avez fait des efforts, que je tiens à saluer, pour essayer d'aplanir un peu le terrain entre nous et le CERN. Je sais que vous avez fait plusieurs téléphones et pas mal de démarches et je vous en remercie.
Vous prétendez dans votre discours que vous êtes d'accord avec notre idée fondamentale selon laquelle il faudrait un peu plus de transparence, un audit indépendant, une meilleure information plus accessible à la population et plus lisible. Certes, l'information existe aujourd'hui, mais il s'agit de gros ouvrages techniques et scientifiques de 500 pages, en anglais, qu'aucun citoyen genevois ne peut lire.
Vous dites que nos demandes sont compréhensibles et que vous les comprenez. D'ailleurs, même M. Lombard les comprenait... (M. Lombard mime un débile mental. Rires.) Beaucoup de gens peuvent les comprendre... Mais vous nous dites aussi qu'il ne s'agit pas d'une demande que nous pouvons faire dans ces formes, qu'il serait préférable de passer par Berne. Monsieur Moutinot, vous savez très bien que le débat sur cette question est éminemment piégé. Le débat est impossible. Il n'y a pas de formes légales juridiquement accessibles pour poser les questions que nous voulons poser. Le CERN a mis des verrous de tous les côtés. C'est bien parce que nous sommes dans une situation impossible - et ce n'est pas la seule dont nous ayons hérité dans cette République - que nous proposons cette façon de faire. Nous savons parfaitement que ce n'est pas la façon idoine ni la façon autorisée mais nous n'avons pas d'autres moyens !
Nous avons eu le même problème il y a dix-huit mois, lorsque nous avons voté le déclassement du site à Meyrin. Juste deux jours avant de voter ce déclassement, M. Koechlin recevait la lettre que nous réclamions avec insistance depuis deux ans. Oui, deux jours avant le déclassement, le président du Grand Conseil recevait enfin cette lettre qui ouvrait quelques portes à propos de ce débat !
C'est vous dire que nous sommes malheureusement dans la situation d'un tout petit nain qui dit la vérité. Le CERN est dans la situation d'un immense géant qui ne nous voit même pas tant nous sommes petits et, en même temps, il ne veut pas nous écouter. Nous avons donc trouvé ce moyen-là.
Contrairement à ce que vous venez de nous dire, Monsieur Moutinot, le Grand Conseil va accepter cet amendement. Vous n'avez peut-être pas entendu la déclaration de votre collègue Marianne Grobet, mais elle nous a dit tout à l'heure que le groupe socialiste allait accepter cet amendement. Le Grand Conseil va donc accepter cet amendement, je l'espère. Et cela ne va rien remettre en question, cela ne va pas aller trop loin, cela va simplement permettre de poser un certain nombre de questions, d'avoir un audit indépendant et c'est précisément ce que nous demandons!
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Art. 1
Le président. Nous sommes donc en présence d'un amendement de M. Nissim. J'aurais voulu, Monsieur le député, que vous précisiez une question de français. Vous dites : «consacré à un audit indépendant des risques...». Ne voulez-vous pas dire plutôt : «un audit indépendant à propos des risques...» ?
M. Chaïm Nissim, rapporteur de minorité. Tout à fait !
Le président. Je mets aux voix l'amendement de M. Nissim consistant à ajouter à la fin de l'article 1 :
«... Sur cette somme, 250 000 francs seront consacrés à un audit indépendant à propos des risques relatifs au fonctionnement du CERN, et à une information compréhensible et vulgarisée à la population.»
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
La proposition d'amendement recueille 42 oui et 42 non.
Le président. Il m'appartient de trancher : je refuse cet amendement.
Cet amendement est rejeté.
Mis aux voix, l'article 1 est adopté.
Mis aux voix, les articles 2 à 5 sont adoptés.
Troisième débat
Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
Loi(7785)
ouvrant un crédit au titre de subvention cantonale d'investissementà l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN)destinée à réaliser des travaux de génie civil liés au nouvel accélérateur de particules appelé Grand Collisionneur de Hadrons (Large Hadron Collider LHC)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Art. 1 Crédit d'investissement
Un crédit global de 6 250 000 F est ouvert au Conseil d'Etat au titre de subvention cantonale d'investissement pour la participation aux travaux de génie civil liés au nouvel accélérateur de particules appelé Grand Collisionneur de Hadrons (Large Hadron Collider LHC) du CERN situé sur les territoires des communes de Prévessin-Moëns (France) et de Meyrin (Suisse).
Art. 2 Budget d'investissement
1 Ce crédit est réparti en tranches annuelles et a été inscrit au budget d'investissement en 1997 et 1998 sous la rubrique 55.02.00.501.41 et le sera dès 1999 sous la rubrique 55.02.00.564.41.
2 Il sera comptabilisé dès 1997 sous la rubrique 55.02.00.564.41.
Art. 3 Financement et couverture des charges financières
Le financement de ce crédit est assuré par le recours à l'emprunt, dans les limites du cadre directeur fixant à environ 250 millions de francs le maximum des investissements annuels, dont les charges financières en intérêts et amortissements sont à couvrir par l'impôt.
Art. 4 Amortissement
L'amortissement de l'investissement est calculé chaque année sur sa valeur résiduelle et est porté au compte de fonctionnement.
Art. 5 Loi sur la gestion administrative et financièrede l'Etat de Genève
La présente loi est soumise aux dispositions de la loi générale sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Dans ce brouhaha, nous n'avons pas entendu une seule de vos paroles, ce qui fait qu'on ne sait pas de quel projet de loi il y a eu adoption. (Exclamations et brouhaha.)
Le président. Après une heure de débat sur un projet de loi ? Il faut croire que vous n'êtes pas très attentive, Madame la députée !
Mme Françoise Schenk-Gottret. Je trouve que, formellement, il aurait pu y avoir un peu plus de respect quant à ce que vous disiez, Monsieur le président, et qu'on sache précisément pourquoi on levait la main. Et quasiment personne n'a levé la main !
Le président. Bien, Madame, je prends acte de votre remarque.