République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 22 octobre 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 12e session - 40e séance
IU 554
M. John Dupraz (R). Mon interpellation s'adresse au Conseil d'Etat et plus particulièrement à M. Cramer, chargé de l'agriculture, et M. Lamprecht, chargé des relations franco-genevoises.
Elle s'intitule «Paysans genevois, victimes d'une chasse aux sorcières dans la zone limitrophe française». La région franco-genevoise, c'est vingt-huit mille travailleurs frontaliers, quelques dizaines de millions d'impôts à la source reversés aux communes et à la région française, des paysans français bénéficiant du statut de la zone franche qui vendent à Genève, chaque jour, 60 000 kilos de lait et, chaque année, 1 150 000 kilos de raisin, 4 000 000 de kilos de fruits et légumes et plus de 28 000 tonnes de céréales. C'est aussi les agriculteurs genevois qui cultivent 1 800 hectares en France voisine.
Cette exploitation des terres est régie par la Convention sur les rapports de voisinage et la surveillance des forêts limitrophes conclue entre la France et la Suisse le 31 janvier 1938 déjà. L'article 2 de cette convention précise clairement que pour faciliter l'exploitation des biens-fonds, et là je cite, «situés dans l'une des zones frontalières cultivées par des propriétaires, usufruitiers ou fermiers habitant l'autre zone, sont affranchis de tous droits, taxes et autres charges imposées à l'occasion de l'importation des produits bruts provenant de ces biens-fonds».
Or, le 3 octobre 1998, des douaniers français ont arrêté, au-dessus du village de Soral, deux paysans transportant en toute régularité de la vendange, soit environ 480 kilos de Gamay provenant - écoutez bien - de quatre ares de vignes situés sur la commune de Viry. Prétextant que le propriétaire exploitant n'était pas au bénéfice d'une autorisation d'exploiter, il fut exigé une caution de 6 000 francs français, soit 1 500 francs suisses, pour abus de régime de biens-fonds, alors que les douanes suisses considèrent ces personnes en situation tout à fait régulière et que les douanes françaises qui, pour les impôts indirects, sont chargées de tenir des statistiques de récoltes, ont régulièrement enregistré la récolte et les kilos exportés par ces personnes au cours des années précédentes.
Ce n'est pas un cas unique mais seulement un exemple de l'acharnement administratif de la direction départementale de l'agriculture et des forêts qui dénonce systématiquement les paysans genevois aux douanes pour qu'elles les arrêtent sans que cette autorité avertisse, par exemple, le service de l'agriculture qui est son correspondant en Suisse et la Chambre genevoise d'agriculture, ce qui, dans une région économique interdépendante, relèverait de la courtoisie la plus élémentaire. C'est donc une véritable chasse aux sorcières qui a pour objectif de contester, voire de dénoncer et mettre en péril la Convention de 1938. Ces attaques réitérées contre les agriculteurs suisses ressemblent plus à des méthodes de gangsters et de racket qu'à des relations de bon voisinage. Ces faits portent un lourd préjudice à l'agriculture genevoise et, vu le contexte socio-économique largement à l'avantage de la France voisine, ils sont intolérables et insupportables.
Mes questions sont les suivantes :
Le Conseil d'Etat a-t-il connaissance de ces faits graves lésant les intérêts légitimes des agriculteurs genevois ?
En a-t-il délibéré en séance plénière ? Va-t-il le faire prochainement ?
Quelles mesures sont envisagées par le Conseil d'Etat pour faire respecter la Convention de 1938 ? Une intervention auprès du préfet de la Haute-Savoie, voire auprès du Ministère de l'agriculture, est-elle envisagée ?
Est-il prévu de mettre ce problème à l'ordre du jour d'une prochaine séance du Comité régional franco-genevois pour faire cesser ce harcèlement intolérable ?