République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 25 septembre 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 11e session - 39e séance
IN 111-B
1.
Arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initiative, publié dans la Feuille d'avis officielle le
16 février 1998
2.
Débat de préconsultation sur la base du rapport du Conseil d'Etat au sujet de la validité et de la prise en considération de l'initiative, au plus tard le
16 mai 1998
3.
Décision du Grand Conseil au sujet de la validité de l'initiative sur la base du rapport de la commission législative, au plus tard le
16 novembre 1998
4.
Sur la base du rapport de la commission désignée à cette fin, décision du Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative et sur l'opposition éventuelle d'un contreprojet, au plus tard le
16 août 1999
5.
En cas d'opposition d'un contreprojet, adoption par le Grand Conseil du contreprojet, au plus tard le
16 août 2000
La Commission législative de notre Grand Conseil s'est réunie en date du 19 juin 1998 sous la présidence de son président M. Bernard Lescaze, député, afin d'examiner la validité de l'initiative 111 déposée par le parti libéral genevois intitulée "; Réduisons les impôts ". M. P. Sansonetti, directeur des affaires fiscales au Département des finances et M. E. Balland, secrétaire adjoint au DJPT, ont assisté aux travaux avec compétence et bienveillance. Qu'ils en soient ici remerciés.
La validité d'une initiative populaire repose sur l'examen de deux axes fondamentaux : la recevabilité formelle (unité de la matière, unité de la forme, unité du genre) et la recevabilité matérielle (conformité au droit supérieur, exécutabilité).
S'agissant de la recevabilité formelle, la commission n'a pas constaté de difficultés particulières. L'unité de la matière est respectée, puisque le peuple n'aurait aucune difficulté à répondre par "; oui " ou "; non " à la question unique qui lui est posée, à savoir une diminution de l'imposition directe sur le revenu des personnes physiques, à l'exception des centimes additionnels communaux. L'unité de la forme est également parfaitement respectée : l'initiative est clairement formulée, sous forme d'un projet de loi. L'unité du genre est enfin, elle aussi, sans ambiguïté : le projet de loi soumis au peuple a une forme législative pure, sans mélange avec une norme constitutionnelle.
S'agissant de la recevabilité matérielle, la commission a admis la conformité au droit supérieur de l'initiative 111. Il en a été de même pour l'évaluation de son exécutabilité.
Le présent rapport pourrait donc s'interrompre ici. En effet, c'est à l'unanimité des membres présents que la recevabilité de l'initiative 111 a été votée (2 AdG, 2 S, 2 L, 1 R, 1 DC).
Permettez toutefois au rapporteur de livrer quelques-unes des réflexions qui ont été évoquées durant les travaux de la commission.
La première, très factuelle, est issue de la lecture même du texte de l'initiative, et a été soulignée dans le rapport du Conseil d'Etat concernant la validité de l'initiative 111. Cette initiative prévoit dans son article 2, alinéa 1 une première diminution de l'impôt dès le 1er janvier 1999, alors même que les délais de traitement de l'initiative par le Grand Conseil amènent au 16 août 1999 pour qu'il se prononce sur la prise en considération de l'initiative 111, et au 16 août 2000 si le Parlement entend lui opposer un contre-projet. Ceci sans compter le délai supplémentaire pour que l'initiative, son contre-projet, voire les deux, ne soient soumis au souverain. Il suffirait donc que le Grand Conseil ne conduise pas ses travaux avec suffisamment de la diligence qu'impose cette initiative dans les délais qu'elle prévoit (le peuple devrait pouvoir se prononcer avant le 1er janvier 1999 pour qu'elle soit exécutable telle qu'elle est rédigée) pour qu'elle devienne inexécutable non pas dans son esprit, mais dans sa lettre.
La seconde discussion qui a eu lieu a concerné la conformité au droit supérieur, et indirectement l'unité du genre. Notre Constitution prévoit que toute dépense nouvelle supérieure à 60 000 F décidée à l'initiative du Grand Conseil soit assortie d'une proposition de couverture financière. Cette sage norme constitutionnelle avait été prévue au sortir de la crise des années 30, à une époque où, comme aujourd'hui, l'Etat avait frôlé la faillite. Le quidam non juriste pourrait en déduire, selon des principes de logique élémentaire, que le renoncement à une recette impliquerait évidemment de préciser à quelle dépense, ou à quelle prestation l'on entend renoncer. Ce raisonnement est probablement trop simple. Le droit en général n'est (malheureusement ?) pas basé prioritairement sur des principes de logique, pas plus qu'il n'est basé sur des principes de symétrie (les questions posées par l'initiative qui nous est soumise sont un bon exemple !).
Cette dissertation ne constituerait en réalité qu'une suite de fadaises s'il ne s'agissait que d'une dissertation. Malheureusement, pour rester dans le sujet traité par cette initiative, nous devons reconnaître nos insuffisances. Comment en effet réclamer la logique et la symétrie du droit quand notre Grand Conseil a aussi régulièrement bafoué la Constitution en matière de dépenses nouvelles pour lesquelles une couverture financière aurait dû être prévue? Le peuple avait adopté une norme, le Grand Conseil s'y est soustrait. S'y serait-il astreint que la recevabilité de la présente initiative aurait peut-être pu être mise en cause. Mais, s'il s'y était astreint, la présente initiative aurait-elle seulement eu des raisons de naître? Le prix de l'insouciance est lourd.
L'initiative 111 pose actuellement d'évidents et graves problèmes quant à sa prise en considération, à l'heure où la dette de Genève avoisine les 10 milliards de francs et que le déficit budgétaire annuel dépasse plusieurs centaines de millions de francs. Les partis politiques la rejetteront donc probablement très majoritairement, tout comme ils avaient rejeté le projet de loi 7498 dont elle est issue. L'analyse des scrutins populaires de ces dernières années lui donne cependant des chances non négligeables d'aboutir devant le souverain. Elle a ainsi le grand mérite de mettre en évidence indirectement l'indiscipline et la légèreté dont nous avons fait preuve par le passé à l'égard du respect dû au bien commun que représente notre Constitution et aux normes sages qu'elle nous impose. La paix des sages peut, aux dires même d'un initiant, être trouvée avec le retrait de cette initiative; mais sous condition préalable qu'une réforme sérieuse de l'Etat soit entreprise, qu'un moratoire sur les dépenses soit adopté et que l'Alliance de gauche retrouve le chemin de la table des négociations pour sortir de l'impasse budgétaire actuelle.
La paix des sages peut être trouvée, nous a-t-on dit. Le rapporteur est convaincu qu'elle doit être trouvée. Transcender nos discordes pour au moins s'asseoir autour d'une même table, négocier en sachant que tous nous devrons consentir des sacrifices qui nous paraissaient jusqu'alors impossibles, agir ensemble pour éviter la faillite de l'Etat, tel est bien le minimum que le peuple peut attendre de nous dans les circonstances actuelles. Nos divergences sont grandes, mais c'est bien parce qu'elles sont grandes et que nous pouvons librement les exprimer que nous pouvons nourrir une certaine fierté à l'égard de notre démocratie. Cette démocratie-là, et la fierté qu'elle nous inspire, tout ceci nous impose de réussir à sortir Genève du gouffre dans lequel elle glisse sans que nous ne soyons à ce jour parvenus à unir nos efforts pour éviter sa probable chute.
Naïf, peut-être, utopiste, sûrement ! Et si on essayait quand même ?
Initiative populaireRéduisons les impôts
Les citoyens soussignés, électeurs et électrices dans le canton de Genève, en vertu des articles 64 et 65B de la Constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, et des articles 86 à 93 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, proposent le projet de loi suivant :
Projet de loirelatif à la diminution de l'impôt sur le revenu des personnes physiques
LE GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Art. 1 Principe
L'impôt direct sur le revenu des personnes physiques, à l'exception des centimes additionnels communaux, est diminué de 12 %.
Art. 2 Taux
1 Cette diminution prend effet, pour une première tranche de 5 % de l'impôt, dès le 1er janvier 1999.
2 Pour une deuxième tranche de 4 %, dès l'exercice budgétaire suivant celui où les comptes de l'Etat se soldent par un déficit, après amortissement, inférieur à 3 % du compte de fonctionnement, mais au plus tard dès le 1er janvier 2003.
3 Pour une troisième tranche de 3 %, dès l'exercice budgétaire suivant celui où les comptes de l'Etat se soldent, après amortissements, par un résultat équilibré, mais au plus tard dès le 1er janvier 2005.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Pour rétablir nos finances et stimuler la reprise économique, réduisons les impôts !
Réduire les impôts quand les caisses sont vides ?
Il n'y a là ni inconscience, ni démagogie, mais un enjeu fondamental :
- Si Genève, par ses impôts exagérés, continue de chasser les contribuables qui paient le plus d'impôts, nous ne pourrons jamais rétablir nos finances publiques. Il ne restera plus, alors, qu'à tailler dangereusement dans les dépenses...
- Les Genevois paient trop d'impôts. Avec un revenu de 100 000 francs, un couple genevois ayant deux enfants paie 20,7 % d'impôt de plus que dans le canton de Vaud, 65,7 % d'impôt de plus qu'à Zurich et... 150 % de plus qu'à Zoug.
- Cette pression fiscale croissante n'épargne pas la classe moyenne. Avec un revenu de 80 000 francs, un couple genevois avec deux enfants paie 12 % de plus qu'à Lausanne et 61 % de plus qu'à Zurich.
- Tout en travaillant à Genève, plus de 15 000 contribuables ont déjà déplacé leur domicile dans le canton de Vaud, ou ailleurs. Pour Genève, la perte d'impôts correspondante se monte à quelque 400 millions de francs par année. Soit exactement le montant de notre déficit.
- Il est urgent de stopper cette hémorragie fiscale. D'autant que nos 1800 contribuables les plus importants, à eux seuls, paient quelque 375 millions d'impôts. Face au risque de nouveaux départs, il n'y a qu'une solution : baisser enfin nos impôts. Et, progressivement, d'ici à 2005, les aligner sur ceux des Vaudois.
- Si l'on veut garantir les prestations sociales et les engagements du canton, il faut attirer - et non pas chasser - les contribuables les plus intéressants. 200 "; gros " contribuables supplémentaires nous rapporteraient autant de recettes fiscales que les 82 000 contribuables de la catégorie la moins imposée.
- Les impôts, c'est comme le prix du téléphone. Pendant des années, les PTT ont juré qu'une baisse des tarifs téléphoniques internationaux les plongerait dans des déficits dramatiques. Mais, aujourd'hui, ayant enfin baissé leurs prix, les PTT encaissent des recettes bien plus importantes qu'avant. Osons faire comme les PTT.
- De plus, une baisse d'impôts stimule la reprise économique. Tous les exemples étrangers le confirment. De l'Irlande à la Nouvelle-Zélande, les pays qui ont baissé leurs impôts se sont assuré relance économique et baisse du chômage. Au contraire, en haussant encore leurs impôts, la France et l'Allemagne ne font qu'aggraver crise et chômage.
- Genève, qui a les impôts les plus lourds, est l'un des cantons les plus durement touchés par le chômage. Inversement, Zoug, dont les impôts sont le tiers des nôtres, ne connaît ni chômage, ni déficits publics.
- Plus l'impôt augmente, plus les recettes diminuent. Au contraire, une baisse d'impôts redonne les moyens et l'envie de consommer, relance l'économie, crée des emplois et, ainsi, assure des recettes fiscales supplémentaires.
- Raisonnable, la baisse d'impôts proposée (5 % dès 1999, puis 4 % d'ici 2003 et 3 % d'ici 2005) n'est pas "; un cadeau pour les riches ". Elle profitera à tous.
Conclusion évidente : pour assurer l'avenir de Genève, développer les recettes fiscales, sauvegarder les budgets publics, restaurer la confiance, stimuler la relance et favoriser l'emploi, réduisons les impôts !
Dans l'intérêt de l'ensemble de la communauté genevoise.
Mises aux voix, les conclusions de la commission législative (recevabilité formelle et matérielle de l'initiative 111) sont adoptées.
Cette initiative est renvoyée à la commission fiscale.