République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 25 septembre 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 11e session - 38e séance
IU 540
M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. Les questions de M. Lescaze étaient au nombre de cinq. Elles portaient sur la situation de la compagnie Visana, le contrôle des comptes de Visana, la décision du Département fédéral de l'intérieur, sur la surveillance des caisses-maladie et sur ce qui attend ces prochains jours les 14 000 assurés genevois de la Visana.
En répondant au premier point sur la situation de la Visana, je rappelle tout d'abord à ce Grand Conseil que la Visana est en réalité le résultat de la fusion au 1er janvier 1996 de trois caisses : l'Evidenzia, la Caisse-maladie de Berne et la Grütli. La Grütli était une caisse bien connue à Genève où, pendant des années, elle a eu une politique sociale de recrutement d'assurés, ouvrant largement ses portes aux personnes âgées, notamment lors de l'introduction de la loi genevoise sur l'encouragement à l'assurance-maladie des personnes âgées. De ce fait, l'âge moyen des assurés de la Grütli était assez élevé. Cet effectif d'assurés, plutôt âgés, de la Grütli s'est retrouvé naturellement dans un effectif plutôt âgé de Visana à Genève après la fusion.
Le nombre d'assurés de Visana est de 14 118 personnes à Genève, ce qui représente le 3,6% de la population des assurés. L'âge moyen des assurés est de 47 ans. 45% de ces assurés ont plus de 60 ans. 2 650 sont des bénéficiaires de l'OCPA et, Mesdames et Messieurs, cela indique d'ailleurs le destin de l'honorable député qui est assuré à la Visana : quinze des assurés de la Visana sont centenaires !
Considérant que la structure d'âge de ces assurés était trop défavorable du point de vue des risques dans huit cantons, dont Genève, Visana a décidé de se retirer de ces huit cantons. J'arrive ainsi à la deuxième question de M. le député Lescaze : le contrôle des comptes de Visana pouvait-il laisser entrevoir pareille situation ? Pas vraiment ! Le contrôle des comptes effectué par l'OFAS en 1997 et sur le premier semestre 1998 a porté - comme il se doit s'agissant d'une affaire nationale - sur l'équilibre financier de la caisse sur l'ensemble de notre pays. Les comptes qui ont été présentés, y compris la situation après le premier semestre, montrait 30% de provisions et 20% de réserves alors que l'exigence légale impose un taux de 15%. Visana avait donc un taux de provisions à 30% et un taux de réserves à 20% nettement supérieur aux exigences légales.
Les comptes 1997 et la situation intermédiaire au premier semestre 1998 ne laissaient donc nullement prévoir une telle décision, qui est d'ailleurs étrange si l'on observe la stabilité de la prime mensuelle qui, en 1997, était de 339,70 F, en 1998 de 339,70 F et qui, en 1999, aurait dû passer à 900 F, ce qui évidemment laisse planer un certain mystère, soit sur la comptabilité, soit sur les prévisions.
J'arrive à la décision du Département fédéral de l'intérieur que vous critiquiez hier. Considérant que rien ne permettait, d'un point de vue juridique, dans la nouvelle législation fédérale, d'interdire à Visana de se limiter à une partie du territoire suisse, le Département fédéral de l'intérieur l'a autorisé à adopter un tel comportement mais a posé une condition à la compagnie Visana : 25 millions de francs de ses réserves légales, ce qui correspond aux réserves des 100 000 assurés abandonnés dans les huit cantons, seront transmis au fonds de compensation qui est chargé de les redistribuer aux assureurs qui auront repris les assurés de Visana selon un calcul proportionnel en fonction du nombre d'assurés et en fonction du taux imposé à l'assureur considéré sur le plan suisse.
Cela m'amène au problème plus général - c'était votre quatrième question - de la surveillance de l'assurance-maladie. C'est un sujet qui a occupé à plusieurs reprises ce Grand Conseil : avec la nouvelle loi fédérale, la surveillance cantonale des caisses-maladie, qui était assumée à Genève par le service de l'assurance-maladie, a disparu. Elle a été reprise par l'OFAS qui permet aux cantons, durant un après-midi, de se prononcer sur la véracité des primes qui sont annoncées pour l'exercice suivant. Cet exercice est un exercice alibi : la grande majorité des comptes présentés sont des comptes nationaux. Par voie de conséquence, il n'est pas possible de déterminer si la part genevoise est correcte ou incorrecte.
D'autre part, dans la grande majorité des cas, il n'est pas possible de déterminer quels sont les prestataires de soins, canton par canton, qui sont à l'origine de la dépense. C'est dire qu'un réel contrôle ne peut pas dans les faits être assuré, ni à la forme, dans le délai de quatre heures, ni sur le fond des comptes nationaux pour la plupart sans répartition par prestataire de soins pour une majorité d'entre eux.
Ce qu'il nous est permis de constater sur la base de l'expérience de Visana, c'est que si l'équilibre financier est examiné sur le plan national, alors la solidarité, elle, n'est pas imposée sur le plan national : Visana a pu se retirer de huit cantons ! On voit que la solidarité voulue par la LAMal entre les personnes jeunes et les personnes âgées, les personnes malades et les personnes bien portantes, n'est pas réalisée entre les différentes régions du pays alors que la comptabilité, les comptes et la situation financière sont appréciés non pas région par région mais sur le plan national.
Ces questions de surveillance, et je termine par là, ont beaucoup occupé le Grand Conseil à la fin de la précédente législature. Vous vous souvenez que le Grand Conseil, par un vote unanime, a adressé une initiative cantonale au Parlement fédéral, demandant que la législation fédérale sur l'assurance-maladie soit modifiée et que soit réintroduit le contrôle cantonal des caisses-maladie. Cette affaire, Monsieur le député, avance, mais elle avance à un train de sénateur : elle s'accélérera probablement à la veille de l'automne 1999 qui se caractérise par une échéance électorale. Le Conseil des Etats est entré en matière en septembre 1997. Le Conseil national est entré en matière en mars 1998. Actuellement l'initiative genevoise est examinée par les deux commissions, du National et des Etats, et on espère qu'elle obtiendra un vote favorable.
Que va-t-il se passer pour les 14 000 assurés de Visana ces prochaines semaines ? Ils vont recevoir une lettre de l'OFAS adressée personnellement à chacun d'eux, aux frais de Visana, par les soins du service de l'assurance-maladie du canton de Genève. Ils recevront la liste de tous les assureurs pratiquant à Genève, le montant des primes 1999 et une lettre type d'affiliation à une nouvelle caisse. Ils pourront choisir librement leur caisse ou - s'ils désirent une assistance dans les démarches - s'adresser au service de l'assurance-maladie pour réaliser cette affiliation. Le service de l'assurance-maladie veillera que la totalité de l'effectif des assurés genevois de Visana soit réalisé le 1er janvier 1999.
Cette interpellation urgente est close.