République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 24 septembre 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 11e session - 36e séance
PL 7885
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Article unique
La loi sur l'imposition à la source des personnes physiques et morales, du 23 septembre 1994, est modifiée comme suit :
Art. 1, al. 4 (nouveau)
4 Les contribuables qui acquittent l'impôt sur le revenu dans le canton, selon le barème ordinaire fixé par la loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887, peuvent demander à être soumis à la présente loi. Elle leur est applicable pour une période de 4 ans. Au terme de cette dernière, ils auront la possibilité de renoncer à l'imposition à la source pour autant qu'ils le déclarent expressément avant la fin de la période.
EXPOSÉ DES MOTIFS
L'idée d'imposer à la source tous les salariés est une idée novatrice qui mérite d'être étudiée et développée. Elle représente un but à atteindre eu égard aux avantages qui la caractérise :
- un procédé d'imposition simple, débarrassant ainsi le contribuable du souci de compléter sa déclaration dont la complexité effraie et déplaît ;
- une voie résolument moderne, déjà suivie par plusieurs pays et souhaitée par une majorité de contribuables. A ce propos le sondage effectué en 1997 par la Commission externe d'évaluation des politiques publiques (CEEPP) recensait 54 % de contribuables favorables à une imposition à la source contre 36 % défavorables ou plutôt défavorables ;
- des rentrées plus sûres et plus régulières permettant à l'Etat de réduire le montant de ses créances ouvertes.
Il faut préciser en outre que l'infrastructure de taxation et de perception existe autant chez un grand nombre de débiteurs de prestations imposables (employeurs, assureurs, etc.) qu'à l'Etat de Genève, puisque le canton connaît de longues années de pratique et d'encaissement d'un tel impôt.
Reste, cependant, que pour être applicable, l'imposition à la source se doit de concerner à la fois l'impôt cantonal et l'impôt fédéral direct. L'impôt à la source sur le revenu, tel que pratiqué à Genève en application de la loi sur l'imposition à la source des personnes physiques et morales, combine les impôts cantonaux et communaux et l'impôt fédéral direct et est largement déterminé par la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID) et la loi sur l'impôt fédéral direct (LIFD).
L'administration fiscale fédérale a par conséquent été l'objet d'une première approche quant au principe et sa réaction a été positive. A d'ailleurs été relevée la tendance à une généralisation de la perception de l'impôt sur le revenu à la source à l'étranger, puis en Suisse et notamment dans le canton de Saint-Gall.
Différents problèmes ne peuvent cependant être ignorés quant à la mise en application de cette possibilité.
En effet, l'imposition à la source est un cas d'application du système postnumerando ; l'introduire alors que l'imposition selon le régime ordinaire intervient en vertu du système praenumerando pose un problème d'égalité de traitement majeur en raison de la disparité des périodes de calcul (et donc des assiettes fiscales déterminantes) pour une même période fiscale selon que l'on ait opté ou non pour l'imposition à la source volontaire.
Ce raisonnement s'applique également en matière d'impôts cantonaux et communaux, Genève connaissant aussi le système praenumerando (annuel, alors que l'IFD est basé sur une moyenne bisannuelle).
De plus, l'imposition à la source telle que connue et pratiquée actuellement ne peut trouver application que pour les personnes salariées, le mécanisme en question supposant l'intervention d'un agent percepteur qui est l'employeur. Sont donc exclues, notamment, toutes les activités indépendantes, à savoir celles qui supposent la production d'un compte de résultat, fut-il sommaire, faisant apparaître un chiffre d'affaires moins les charges commerciales.
Enfin, le principe de la capacité contributive exige que l'impôt soit calculé au taux applicable à l'ensemble des éléments imposables (principe dit de la totalisation).
A cet égard, la situation, de plus en plus fréquente, des personnes ayant simultanément plusieurs employeurs (personnes travaillant à temps partiel par exemple) poserait un problème de suivi, rendant pratiquement inévitable l'accomplissement, par le contribuable lui-même, en fin de période fiscale de la formalité de la déclaration de l'ensemble de ses revenus afin de permettre un calcul consolidé de l'impôt.
Ce cas de figure présente des analogies avec la situation - qui se vérifie déjà à l'heure actuelle - des conjoints qui déploient tous deux une activité lucrative dont le revenu est soumis à l'impôt à la source. Il s'agit, en pareil cas, de procéder, en fin de période fiscale, à une rectification de l'imposition des deux conjoints, qui voient leur impôt calculé au taux applicable, compte tenu de leur situation familiale, au total des deux salaires du couple.
De même, sitôt qu'un contribuable possède une fortune imposable, respectivement compte faire valoir des dettes, de même qu'à chaque fois qu'il a d'autres sources de revenus que ceux d'une activité lucrative salariée (activité indépendante, rentes, rendement de la fortune mobilière ou immobilière en particulier) ou qu'il compte obtenir des déductions de frais sans relation directe avec le salaire frappé de l'impôt à la source - et donc difficilement forfaitisables - tels que par exemple intérêts de dettes, pensions et contributions d'entretien payées, rachats d'années de prévoyance, il ne sera guère possible de faire l'économie de la déclaration des éléments imposables par le biais de la procédure ordinaire.
Dans la mesure où le contribuable aura, au préalable, été imposé à la source sur le revenu de son activité lucrative salariée, la taxation établie en conformité avec la déclaration vaudra rectification de l'imposition initiale, seul le solde devant être acquitté (respectivement récupéré).
En conclusion, il reste évident qu'un tel projet nécessite bien sûr un examen attentif par la commission parlementaire, mais également et parallèlement à ces travaux, la création d'un groupe d'étude Canton/Confédération pour en préciser les modalités techniques et aboutir dans des délais raisonnables à son introduction.
Au bénéfice de ces explications, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous remercions de bien vouloir renvoyer ce projet de loi en Commission fiscale.
Ce projet est renvoyé à la commission fiscale sans débat de préconsultation.