République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 26 juin 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 10e session - 35e séance
IN 109-B
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
La commission législative s'est réunie les 7, 28 février et 11 avril 1997 sous la présidence de M. Laurent Moutinot - en l'absence de M. Halpérin - pour examiner la validité de l'initiative 109 «Genève, République de paix».
Les travaux ont été conduits en la présence de M. Eric Balland, secrétaire adjoint au département de justice et police et des transports (DJPT) (lors de toutes les séances) et de M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat, président du DJPT (le 28 février 1997).
Préambule
Dans sa séance du 23 janvier 1997, l'initiative 109 et le rapport du Conseil d'Etat IN 109-A sont renvoyés à la commission législative. Le Conseil d'Etat propose de déclarer l'initiative 109-A partiellement recevable.
La commission législative s'est prononcée le 11 avril 1997 pour la recevabilité de l'initiative 109.
A Genève, une culture et une politique de paix, c'est nécessaireet c'est possible
C'est le 28 août 1996 que le Groupe pour une Suisse sans armée (GSsA) a remis son initiative «Genève, République de paix» - ci-après GRP - à la chancellerie d'Etat. Cette initiative est soutenue par: Femmes pour la Paix, l'Alliance de gauche, les Jeunesses socialistes, les Verts, le Parti du travail, solidaritéS, le Parti socialiste genevois et les syndicats SIT et SIB. Elle a obtenu l'appui de 11 178 citoyennes et citoyens du canton.
Insérer un article pacifiste dans la constitution genevoise, tel est le but de cette initiative, et c'est par ce levier-là que celle-ci veut, par des mesures cantonales concrètes, faire avancer et consolider un message d'ouverture, d'innovation et de courage pour renforcer l'idée que la prévention et la compréhension sociale des conflits doivent avant tout être de nature non violente. Déléguer la solution aux militaires ne peut qu'aggraver les conflits.
Cette initiative doit aussi orienter les responsables politiques du canton pour répondre à la majorité des citoyennes et citoyens qui soutiennent (à une exception près) depuis des dizaines d'années chaque votation concernant les problèmes liés à l'armée et à la paix !
La solidarité, la justice sociale et le renoncement à la violence sont les objectifs auxquels le gouvernement genevois doit impérativement donner la priorité. L'initiative propose des mesures concrètes qui vont dans ce sens: un programme d'éducation à la paix dans le cadre de l'instruction publique; la création d'un institut de recherche pour la paix; l'accueil des plus démunis et des victimes de la violence; enfin, le renoncement à la possibilité pour le canton d'appeler et d'engager les troupes de l'armée contre la population. Le canton développera des moyens civils et non violents pour résoudre les conflits internes. Il en va de même pour la protection des rencontres internationales.
Travaux de la commission
Lors de la première séance de commission, nous avons commencé par un tour de table. D'entrée, j'ai tenté d'expliquer que cette initiative n'était pas abolitionniste, mais bien un outil important pour encourager et favoriser la dynamique politique d'une culture de paix, pour que Genève devienne réellement cette «ville internationale de paix». Rapidement, les représentants de l'Entente se sont rués sur l'idée que l'initiative visait à abolir de fait l'armée à Genève par la petite porte, qu'elle outrepassait les compétences cantonales et ne respectait pas la constitution fédérale. Ils étaient encouragés sur cette voie par le rapport inconsistant du Conseil d'Etat, qui a avancé des arguments plus que douteux pour invalider partiellement l'initiative, tout en la dénaturant complètement et en détournant le sens donné par les initiants. En fin de séance, le président passe en revue les différents problèmes de recevabilité:
a) l'unité de la forme: le projet est rédigé de toutes pièces;
b) l'unité de la matière: la commission estime que l'initiative respecte le principe;
c) l'unité du genre: la commission constate que ce principe est manifestement réalisé.
Le Conseil d'Etat est d'ailleurs du même avis dans son rapport.
L'examen de recevabilité matérielle et d'exécutabilité nécessite les documents que fourniront le GSsA et le département (deux avis de droit, voir annexes).
Audition
Lors de sa deuxième séance, le GSsA et Me Pierre-Louis Manfrini ont été auditionnés. Pour commencer, trois représentants du GSsA (Me Robert Cramer, MM. Paolo Gilardi et Tobia Schnebli) ont fait les commentaires suivants:
- «Depuis les années cinquante, le peuple genevois s'exprime en faveur du désarmement et de la paix, il s'agit d'ancrer aujourd'hui cette volonté dans la charte fondamentale de la République.»
- «Il y a des manques d'exigence à ce sujet sur le plan législatif.»
- «Cette initiative n'est pas abolitionniste. Elle propose différentes mesures, délimitées par le cadre du droit fédéral. Cette initiative ne contredit pas le droit supérieur.»
- «Le rapport du Conseil d'Etat a répondu par des mesures d'ordre juridique, qui recoupent en fait une position d'ordre politique. Le gouvernement peut ne pas partager le contenu de l'initiative, mais il doit séparer les aspects juridiques des aspects de fond.»
- «Concernant le point 4, lettre c (au sujet des conférences internationales), le Conseil d'Etat juge ce point irrecevable pour des raisons financières. Cet argument n'a pas de valeur juridique. Le peuple décidera.»
- «La commission doit adopter une attitude correcte et généreuse à l'égard de l'initiative et ne pas mélanger les avis personnels avec des considérations d'ordre juridique. D'autre part, une autorité de contrôle qui examine une initiative doit le faire de bonne foi et doit postuler que les initiants ont voulu respecter la constitution; ainsi que le dit d'ailleurs le rapport du Conseil d'Etat.»
- «L'initiative constitue un encouragement à la promotion d'une culture de paix avec des pistes concrètes. Cela revient à passer de la parole aux actes. Il y a des mesures d'encouragement, et des mesures plus contraignantes comme celle de renoncer à l'utilisation de l'armée contre la population civile.»
- «Il est regrettable que le Conseil d'Etat n'ait pas décrit en ouverture de son rapport le sujet traité, alors que ça aurait dû être le cas.»
- «Les mots utilisés par les initiants ne sont pas neutres. Le rapport du Conseil d'Etat donne la fâcheuse impression que son auteur substitue ses propres mots aux mots utilisés par les initiants. C'est grave ! Le contrôle de cette initiative a donné un rapport politique partial, plus que juridique.Ex.: l'auteur du rapport substitue «organisations» au terme d'«institutions» (art. 160D, al. 2). Le Conseil d'Etat et le Grand Conseil interviennent depuis longtemps et sans problème avec ses institutions:
- le CICR,
- Amnesty International,
- Médecins sans frontières,
- la LICRA (Ligue internationale contre le racisme),
- le Congrès juif mondial,
- Terre des Hommes,
- le GSsA,
- l'UEFA,
- l'IATA,
- l'UER (Union Européenne de Radiodiffusion), etc.»
- «Concernant les terrains militaires et l'encouragement pour la restitution à l'usage civil de terrains militaires (art. 160D, al. 2, lettre b), l'auteur ne tient pas compte de la double réserve des initiants («encourage» et «en intervenant»). De plus, les conventions qui lient la Confédération et le canton sont en tout temps aptes à être modifiées d'un côté comme de l'autre.»
- «L'initiative demande que le Conseil d'Etat ne fasse pas appel à la troupe pour assurer le service d'ordre. L'auteur du rapport du Conseil d'Etat fait croire que celui-ci ne doit rien signaler à la Confédération. Le texte des initiants est détourné.»
- «Me Manfrini est l'auteur du rapport du Conseil d'Etat et de l'avis de droit. Il n'a pas rendu un travail neutre, défend un point de vue et construit une argumentation imaginaire des initiants. Les initiants n'ont pas tenu les propos que leur prête Me Manfrini ! Il reproduit des citations tronquées, escamote certains problèmes et cache une partie de la littérature juridique. C'est grave de la part de l'auteur d'un avis de droit.»
- Me Cramer rappelle par exemple que les termes «institutions» et «organisation» ne sont pas semblables. Me Manfrini cite J.-F. Aubert dans son traité de 1967, en oubliant son complément de 1982, et le tempérament qu'il apporte à l'extrait présenté par l'auteur de l'avis de droit. Celui-ci oublie en outre de citer l'article 12 de la loi fédérale de la coopération au développement et l'aide humanitaire internationale du 19 mars 1976 qui déclare que «le Conseil fédéral peut collaborer avec des cantons […] et soutenir leurs initiatives». Cette loi fédérale dit donc que les cantons peuvent prendre des initiatives dans les domaines de la coopération au développement et de l'aide humanitaire internationale. L'initiative parle de coopération et de solidarité entre les peuples. Il apparaît bien difficile d'opérer une distinction entre ces deux textes, même en étant un juriste très subtile… «Il a été démontré qu'en de nombreuses occasions, la collaboration est possible, et même la bienvenue, entre le Conseil fédéral et les cantons. Les cantons peuvent réellement prendre des initiatives dans le domaine de la coopération, la solidarité entre les peuples et l'aide internationale.»
- Me Cramer constate encore que l'auteur du rapport du Conseil d'Etat cite, en allemand, un extrait intéressant d'un ouvrage de M. Kolz relatif à la restitution à des usages civils de terrains affectés à l'armée. La traduction française de ce même passage apparaît encore plus intéressante. Le texte dit en réalité exactement le contraire de ce que laisse entendre la traduction allemande figurant dans l'avis du Conseil d'Etat ! «Dans un cas concret, sur la base d'intérêts publics locaux spéciaux, le canton est sans doute libre, sans violation de son obligation fédérale de fidélité, de s'opposer à l'établissement d'une place d'armes. L'initiative ne va pas aussi loin, elle demande simplement d'essayer de s'arranger et de négocier avec la Confédération, «encourager … en intervenant». Alors les mots ont un sens. C'est ce sens-là qu'il faut comprendre, et pas un autre.
- «Le rapport du Conseil d'Etat est une machine politique de lutte contre l'initiative. Il lui fait dire autre chose que ce qu'elle dit en réalité. Le Conseil d'Etat est une autorité cantonale qui est chargée de transmettre le sentiment de la population. Il doit se faire l'interprète d'un besoin exprimé par celle-ci.»
Ensuite, Me Manfrini s'est exprimé à son tour face à la commission.
- Il a examiné la conformité de l'initiative 109 au droit supérieur. Pour lui, l'initiative n'est pas problématique quant à ses buts. Quatre points suscitent une interrogation et conduisent à la non-conformité de trois d'entre eux.
1. L'article 162, alinéa 1: il heurte la compétence fédérale.
2. Le problème des terrains affectés à l'armée.
3. Le renoncement au recours à l'armée en cas de situation extrême.
4. Les conférences internationales posent problème.
Mais Me Manfrini ne tire aucune conclusion sur ce dernier point.
Il conclut à l'admissibilité de l'initiative dans son principe, mais à la non-recevabilité de certains points.
Remarque d'un commissaire: il est gêné par l'expertise de Me Manfrini, devenu depuis quelques années l'expert patenté du Conseil d'Etat. Avant, le Conseil d'Etat procédait à deux expertises.
La Confédération ne peut empêcher un canton d'intervenir auprès d'institutions, de conférences et de représentants d'institutions internationales. Le Conseil d'Etat se substitue souvent à la Confédération dans ce domaine, sans pour autant enlever quoi que ce soit à la politique étrangère de la Confédération.
Au sujet de la sécurité des conférences internationales un commissaire fait remarquer que c'est le canton qui assure la sécurité des conférences internationales. C'est toutefois la Confédération qui estime si les mesures de sécurité prises sont suffisantes ou non. Dans un cas négatif, il peut être fait appel aux forces de police d'un autre canton, ou à l'armée. L'initiative n'empêche pas la Confédération de faire appel à l'armée. Elle demande juste que ce ne soit pas le canton qui y fasse appel. La lecture de l'avis de droit donne l'impression que Me Manfrini interprète l'initiative au-delà du sens même des mots. L'initiative demande au Conseil d'Etat de faire des démarches qu'il est en droit d'effectuer. Il apparaît donc difficile de qualifier cette démarche de contraire à la constitution.
- Me Manfrini doute des initiants sur le terme «dans les limites du droit fédéral». Pour lui, l'interprétation n'est pas sans limite. Il rappelle quand même que l'objectif principal de l'initiative ne pose pas de problème. Ce sont les quatre moyens qui en posent. Il est rappelé à Me Manfrini qu'il est inacceptable de voir dans le rapport du Conseil d'Etat comment les mots sont utilisés, travestis et détournent donc le sens de l'initiative.
Le rapporteur a expliqué notamment à la commission que l'initiative demande au gouvernement genevois d'être participatif en matière de relations internationales. Ainsi que le dit M. Roland Mayer, chargé d'information des cantons au bureau de l'intégration au DFAE, «La première tentative de participation des cantons à la politique extérieure dans le cadre des négociations bilatérales avec l'Union européenne vise à augmenter le potentiel d'action de la politique extérieure de la Suisse. L'intégration directe des cantons dans la négociation permet de trouver des solutions applicables et faisables sur le plan de la politique intérieure. La participation des cantons à la politique extérieure suisse constitue donc un atout et non un handicap, d'autant que les réserves constitutionnelles qui lui sont parfois opposées sont sans fondement» (in «Participation des cantons à la politique extérieure: un atout et une nécessité», tiré de La vie économique, 2/1997). Cet auteur va beaucoup plus loin que ce que demandent les initiants et de ce fait enlève toute pertinence aux arguments suggérant l'incompatibilité constitutionnelle de l'alinéa 2 avancés par certains commissaires.
Un commissaire fait remarquer qu'il existe à Genève de nombreuses organisations non gouvernementales, le Conseil d'Etat est libre d'intervenir auprès de celles-ci. Ex.: commission des droits de l'homme, etc. Voir liste en page 4.
Une audition contradictoire entre les deux juristes est acceptée pour la prochaine séance de commission.
Dernière séance de la commission: confrontation simultanéeentre Me Pierre-Louis Manfrini et Me Robert Cramer
Le président demande qu'ils se limitent aux quatre sujets controversés. En préambule, Me Robert Cramer souhaite aborder la problématique du droit d'initiative sous le contrôle de Me Manfrini, afin que les choses soient claires à propos de ce principe de base, sur lequel la commission devra baser sa décision. Concernant la recevabilité matérielle, il cite l'arrêt du Tribunal fédéral ATF 109 Ia. 61.
On peut lire dans le rapport du Conseil d'Etat, à la page 5: «De plus, en toute hypothèse, l'initiative doit être interprété de manière conforme à la constitution. Selon la jurisprudence relative au contrôle abstrait de la constitutionnalité de prescriptions légales ou réglementaires cantonales, il faut essayer, selon les principes d'interprétation reconnus, de donner au texte litigieux une portée qui le fasse apparaître comme conforme à la constitution. L'initiative ne peut être déclarée contraire au droit supérieur que si elle ne se prête pas à une telle interprétation (ATF 109 Ia 61).
L'initiative doit donc être interprétée à la fois dans un sens qui correspond le mieux à son sens et à son but et de manière à rester compatible avec les exigences du droit fédéral (Knapp, Précis de droit administratif, Bâle, 1963, page 59; Auer, Les droits politiques dans les cantons suisses, Genève, 1978, page 134; Kölz, Die kantonale Volksinitiative in der Rechtssprechung des Bundesgerichts, ZBI 1982, page 44 et les nombreuses références citées).
- Article 160 D, alinéa 2 (intervention auprès d'institutions internationales et nationales): Me Cramer observe que, dans le rapport du Conseil d'Etat, il est indiqué que la politique du canton de Genève va dans le sens des initiants (page 28 III rapport)! Il faut vraiment faire dire à l'initiative autre chose que ce qu'elle dit pour arriver à la conclusion de l'irrecevabilité, puisqu'il est inexact d'affirmer que le canton n'a aucun pouvoir d'intervention en matière d'aide humanitaire et d'aide au développement.
- Me Cramer rappelle que les mots conservent leur sens dans l'ordre juridique. C'est le principe de l'unité du droit. Le droit genevois fait ainsi aux institutions internationales à plusieurs reprises, dans les articles 9 LCI et 15a de la loi sur l'extension par exemple, mais dans des termes différents. Ces deux articles traitent de la problématique des territoires des organisations internationales au regard des PUS. L'article 9 LCI vise les organisations intergouvernementales pour exclure les sujets de droit international, alors que l'article 15a de la loi sur l'extension parle d'institutions internationales. La signification est différente dans ces deux cas. Ce n'est donc pas par hasard que les initiants ont utilisé le terme de «institutions internationales» dans leur texte, c'est-à-dire la conception la plus large.
- Article 160 D, alinéa 2, lettre b (restitution à l'usage civil des terrains affectés à l'armée): Me Cramer fait remarquer que Me Manfrini lit le texte avec le verbe «devoir,» alors que l'initiative parle d'«encourager.» Il ne s'agit pas de réquisitionner les terrains militaires, mais de s'efforcer de les récupérer lors de discussions menées avec la Confédération.
- Article 160 D, alinéa 4, lettre b (renonciation à l'engagement des troupes de l'armée pour assurer le service d'ordre): Me Manfrini estime qu'il existe un lien entre l'ordre public cantonal et l'ordre public fédéral (art. 16 Cst. fédérale). Pour Me Cramer, l'initiative ne vise pas l'article 16, mais se réfère à l'article 19 de la constitution. fédérale, lequel donne la possibilité aux cantons de faire appel à des troupes militaires. L'article 127 de la constitution genevoise est le corollaire de l'article 19, l'initiative en demande d'ailleurs l'abrogation.
Avertir et informer les autorités fédérales est une chose que l'initiative n'interdit pas. Elle demande par contre que le canton ne fasse pas appel à la troupe. La Confédération peut décider elle-même d'un envoi éventuel de la troupe.
- Article 160 D, alinéa 4, lettre c (sécurité des conférences internationales): Me Manfrini: «Il s'agit d'un problème d'exécutabilité. La responsabilité première pour la sécurité relève juridiquement de la Confédération.» Me Cramer rétorque que le canton s'est passé de la troupe pendant de longues années pour assurer la sécurité des conférences internationales. Entre 1961 et 1983, il n'y a pas fait recours. Un tragique accident était survenu en 1963 (méprise de l'armée) et le canton avait alors renoncé à recourir à la troupe. Il faudrait certes des moyens supplémentaires qui nécessitent discussion. En l'état des choses, il n'est pas possible de dire que cette partie de l'initiative est irréalisable, puisque le canton s'est déjà passé de la troupe durant de longues années pour assurer la sécurité des conférences.
La confrontation prend fin. Le président rappelle que les trois critères formels de recevabilité ont été remplis et acceptés par la commission. Il demande encore si la procédure d'appel à la troupe tomberait en cas d'abrogation de l'article 127 de la constitution genevoise. M. Balland constate qu'il s'agit d'une disposition purement cantonale. La constitution pourrait s'en passer. La conformité au droit supérieur de l'abrogation de l'article 127 de la constitution genevoise est soumise au vote de la commission: pour: 5 (L, PDC, Vert, PS, AdG), contre 0, abstention 1 (R).
Mise au vote, en troisième et dernière lecture, la conformité au droit supérieur des dispositions contestées de l'article 160D est admise par 4 voix (Vert, PS, 2 AdG) contre 3 (L, R, PDC).
L'exécutabilité de l'initiative est acceptée par 4 voix (Vert, PS, 2 AdG) contre 3 (L, R, PDC).
Conclusion
A la majorité de ses membres, la commission législative vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement l'initiative 109 telle quelle.
Cette majorité considère comme important de souligner que ce vote porte sur la recevabilité formelle et matérielle de l'initiative qui - à l'évidence - n'est pas contestable du point de vue constitutionnel. Ce vote ne porte pas sur l'appréciation politique que les un-e-s ou les autres peuvent avoir de l'initiative. Méconnaître ce fait conduirait à vouloir priver la population genevoise de pouvoir se déterminer rapidement sur la nécessité d'un projet innovateur en matière de politique de paix. Le Grand Conseil conserve, par ailleurs, toute faculté de faire connaître à la population genevoise sa position sur le fond de l'initiative.
A titre personnel je souhaite qu'il apporte un soutien appuyé à ce projet politique.
Je fais mienne la réflexion citée en conclusion des considérations juridiques figurant en annexe 1 du présent rapport de majorité. La voici donc:
«Serait-il inconcevable que, surmontant les pesanteurs d'une culture elle aussi désorientée, nous retrouvions les chemins des pays habités, et habités par l'homme qui mérite son nom parce que, vivant avec autrui, lorsque celui-ci le heurte, ou est heurté par lui, moins que la stérile vengeance de l'outrage et l'illusoire compensation de la douleur par la douleur lui importe l'avenir de la fraternité?»
Raphaël Drai, «Le mythe de la loi du talion», Anthropos, Paris, 1996,
page 234
Annexes:
I. Considérations juridiques relatives au rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la validité et la prise en considération de l'initiative populaire cantonale «Genève, République de paix». Texte présenté par le GSsA.
II. Avis de droit de Me Pierre-Louis Manfrini.
ANNEXE I
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ANNEXE II
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Rapport de LA minorité
Le Conseil d'Etat a constaté l'aboutissement de l'initiative 109 par un arrêté du 16 octobre 1996, publié dans la Feuille d'avis officielle du 23 octobre 1996.
Le Conseil d'Etat a déposé son rapport au Grand Conseil le 18 décembre 1996.
La commission législative s'est réunie à deux reprises pour étudier, à teneur de l'article 66 de la constitution genevoise, la recevabilité de l'initiative.
1. L'unité de la forme est respectée, l'initiative 109 est en effet rédigée comme un projet législatif formulé.
2. Le principe de l'unité de la matière est respecté par cette initiative.
3. La conformité au droit supérieur pose, selon le Conseil d'Etat et l'avis de droit rédigé le 29 novembre 1996 par Me Pierre Louis Manfrini, des problèmes plus importants sur lesquels la commission législative s'est penchée avec attention.
4. L'exécutabilité: l'initiative 109 est, sous réserve d'une nullité partielle des articles qui posent des problèmes de non-conformité au droit supérieur, réalisable.
En préambule la minorité de la commission est d'accord pour affirmer, comme le Conseil d'Etat dans son rapport et le mandataire dans son avis de droit, que les réserves suivantes:
«Dans la limite du droit fédéral, le canton développe une politique de sécurité fondée sur la mise en oeuvre de moyens pacifiques...» et «... par les autorités cantonales et communales, l'administration et les institutions publiques dans le cadre de leurs attributions.» de l'article 160, lettre D, alinéa 1, ne suffisent pas pour permettre de soumettre au vote populaire des dispositions contraires au droit supérieur que propose cette initiative.
Selon la minorité de la commission les articles suivants ne sont pas conformes au droit supérieur:
1. Article 160 D, alinéa 2
L'alinéa 2 de l'article 160 D prétend confier au canton la mission de soutenir toute démarche visant le désarmement global, la coopération et la solidarité entre les peuples et le respect des droits de l'homme et de la femme auprès des «institutions nationales et internationales compétentes».
Cette partie de l'initiative est irrecevable, car elle donne un mandat impératif au canton d'intervenir dans un domaine strictement réservé à la Confédération.
La seule exception imaginable, ce serait, pour le canton, d'intervenir en parallèle avec la Confédération dans le domaine de la coopération au développement.
Dans un débat intéressant entre Me Cramer et Me Manfrini, il est apparu clairement à la minorité de la commission législative que cet alinéa est non conforme au droit supérieur, le mandat impératif donné par les initiants au canton ne concernant pas la coopération au développement mais bien le désarmement global.
L'article 8 de la constitution fédérale n'est donc pas respecté et il convient de limiter le mandat impératif confié par l'initiative aux autorités cantonales à l'intervention auprès des «institutions nationales compétentes» .
2. Article 160 D, alinéa 2, lettre b
Cet alinéa concerne «la restitution à des usages civils des terrains affectés à l'armée dans le canton en intervenant auprès de la Confédération».
Le Conseil fédéral peut exploiter une place d'armes sans avoir besoin d'une autorisation de droit cantonal. Si le législateur fédéral a soustrait la Confédération de ces autorisations c'est parce qu'il tient les intérêts de la Confédération pour prioritaires par rapport à ceux du canton et que la défense nationale constitue bel et bien une tâche fédérale.
Les initiants justifient leur démarche par l'article constitutionnel genevois qui affirme le principe du «sortir du nucléaire». Or, si le canton a pu maintenir cette disposition, c'est justement parce que le législateur a renoncé à faire de la construction et de l'exploitation d'installations atomiques une tâche fédérale.
Ce qui n'est manifestement pas le cas pour les places d'armes.
De plus les initiants déclarent: «Nous voudrions en faire de même face au danger militaire» et l'objectif clairement affirmé de «démilitariser» le canton viole le devoir de fidélité confédérale, dans la mesure où il est en contradiction avec la politique du Conseil fédéral en matière d'instruction et de gestion des places d'armes.
Il ne s'agit pas, pour cette initiative, de s'opposer à l'implantation d'une place d'armes pour des motifs spécifiques d'aménagement du territoire, mais d'affirmer une volonté d'exclusion de l'armée du territoire de notre canton en menant une politique générale de «démilitarisation».
En conséquence, ce mandat systématique donné au canton est selon la minorité de la commission clairement contraire au droit fédéral, cette disposition doit donc être supprimée.
3. Article 160 D, alinéa 4, lettre b
Le maintien de l'ordre intérieur est un but primaire de la Confédération auquel les cantons sont associés pour leur bénéfice mutuel
En cas de trouble intérieur grave un canton ne peut pas renoncer à aviser immédiatement le Conseil fédéral, c'est en premier lieu un service d'ordre fédéral à la demande et sous le commandement du canton que la Confédération doit mettre sur pied en levant des troupes.
Dans l'hypothèse où le gouvernement cantonal est hors d'état d'invoquer le secours de la Confédération, les autorités fédérales interviennent sans réquisition.
Le renoncement du canton à l'engagement des troupes de l'armée pour assurer le service d'ordre est contraire aux dispositions de la constitution fédérale.
Le canton a en effet le devoir de maintenir l'ordre public cantonal, si l'article 19, alinéa 4, de la constitution fédérale donne le droit au canton de disposer des forces militaires basées sur leur territoire pour le maintien du service d'ordre, le canton ne dispose pas pour autant du droit de renoncer unilatéralement à cette prérogative.
Cet article 160 D, alinéa 4, lettre b, doit donc également, selon la minorité de la commission, être soustrait du texte soumis en votation populaire.
4. Article 160 D, alinéa 4, lettre c
La responsabilité première pour assurer la sécurité des conférences internationales revient juridiquement à la Confédération.
L'initiative, par son article 160 D, alinéa 4, lettre c, donne 5 ans au canton pour garantir la sécurité des conférences internationales par des moyens non militaires. Cette disposition serait juridiquement acceptable si dans tous les cas le canton était à même de garantir la sécurité des conférences internationales.
Le Conseil d'Etat répond clairement qu'il n'en a pas les moyens dans son rapport au Grand Conseil: «C'est une vue de l'esprit que de croire que le canton serait à même, à ses frais, de créer, d'instruire, d'entretenir en permanence et d'équiper un corps civil de plusieurs milliers d'hommes et de femmes prêts en tout temps à être mis sur pied pour garantir la protection de conférences internationales en lieu et place du service d'appui de l'armée.» (IN 109A, page 24.)
En conséquence, pour la minorité de la commission comme pour le Conseil d'Etat, l'article 160 D, alinéa 4, lettre c, doit également être retiré du texte soumis en votation.
5. Conclusion
La commission législative n'aurait pas dû rentrer sur le fond, mais se contenter d'analyser l'initiative afin de vous dire si elle est conforme ou non, concernant l'unité de la forme, l'unité de la matière, la conformité au droit supérieur et l'exécutabilité.
Il est évident pour la minorité de la commission, comme pour le Conseil d'Etat dans son rapport, et pour le mandataire dans son avis de droit et les réponses qu'il a données à la commission lors de ses deux auditions, que les articles 160 D, alinéa 2, 160 D, alinéa 2, lettre b, 160D, alinéa 4, lettre b, et 160 D, alinéa 4, lettre c, ne sont pas conformes au droit supérieur.
C'est pourquoi la minorité de la commission vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de la suivre dans ses conclusions de modifier l'article 160 D, alinéa 2, comme proposé, et de refuser de soumettre les 3 autres articles commentés par ce rapport au vote populaire avant de déclarer l'initiative recevable et de la renvoyer à une commission chargée de l'analyser sur le fond.
Annexe Initiative
Débat
Le président. Nous reprenons nos travaux. Je rappelle que nous nous prononçons uniquement sur la recevabilité de l'initiative. Il s'agit donc d'un vote sur la forme, à la suite des différents arrangements dont sont convenus les groupes de ce Grand Conseil. Monsieur le rapporteur de majorité, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport ?
M. Luc Gilly (AdG), rapporteur de majorité. Voilà douze mois, à un jour près, cette initiative a été invalidée ici dans sa totalité par l'ancienne majorité. Je prendrai deux minutes pour expliquer le sujet, car un changement de députation est tout de même intervenu entre deux et les choses sont peut-être un peu compliquées. Nombre de députées et députés m'ont demandé ce qui se passait avec cette initiative, ils ne comprenaient pas très bien ce qui s'était produit le 23 avril, par rapport aux mois écoulés depuis la décision du Grand Conseil de juin 1997; aussi, bien que nous soyons peu nombreux ce soir, j'aimerais revenir sur l'historique de cet objet.
Le 27 juin 1997, l'initiative a donc été invalidée dans sa totalité. Nous avons évidemment déposé un recours auprès du Tribunal fédéral, recours que nous avons gagné. Suite à l'arrêt du Tribunal fédéral, nous repartons aujourd'hui à zéro puisque nous retravaillons - je suis à côté de M. Balestra pour défendre un rapport de majorité et lui-même son rapport de minorité - sur le même objet et pour les mêmes motifs, à savoir la validité juridique de cette initiative. Entre-temps, nous avons traité cette initiative rapidement le 23 avril, en raison de délais juridiques que la loi impose sur lesquels je ne vais pas m'attarder. Après cette date, MM. Balestra, Ducommun et Blanc ont déposé un nouveau recours contestant les motifs du Tribunal fédéral par rapport au contenu de l'initiative.
Afin d'éviter une perte de temps inutile et en attendant une nouvelle réponse du Tribunal fédéral, la commission législative s'est prononcée. C'est la raison pour laquelle nous reprenons ce soir cette initiative, en urgence en quelque sorte puisque nous devons respecter certaines dates pour le traitement des initiative cantonales. Nous espérons que, par notre travail de ce soir, le recours de MM. Balestra, Blanc et Ducommun sera retiré, puisque nous allons à nouveau aborder l'aspect juridique de cette initiative et, si les opposants veulent faire recours au tribunal, ils le feront cette fois sur l'aspect juridique et non sur la forme. A ce titre, je rappelle que le 27 juin 1997 l'initiative a été balayée par la mauvaise humeur de la majorité du parlement, alors qu'elle était partiellement, si ce n'est tout à fait recevable, en tout cas pour la minorité.
Voilà ce que je souhaitais dire en guise d'introduction. J'aimerais que les débats de ce soir aillent relativement vite, car les choses sont claires. J'indiquerai en quelques mots la position de la majorité, après avoir laissé la parole à M. Balestra
M. Michel Balestra (L), rapporteur de minorité. Comme l'a dit le rapporteur de majorité, nous reprenons ce jour le feuilleton de l'IN 109 «Genève, République de paix». Notre Conseil, sur un coup de tête, a fait un coup de force l'été dernier. En effet, sur proposition du député Blanc, qui n'a pas son pareil pour réveiller ce parlement lorsqu'il s'endort, l'IN 109 a été déclarée irrecevable dans sa totalité à l'appel nominal, alors que ni le rapport de majorité ni le rapport de minorité n'en demandaient autant. Un recours au Tribunal fédéral a été déposé et celui-ci a demandé au Grand Conseil de reprendre sereinement la discussion sur la recevabilité et de motiver sa décision. Sans débat, le Bureau a déclaré l'initiative recevable, le délai imparti par la loi étant alors écoulé. Une commission ad hoc a été nommée et trois députés, dont moi-même, ont fait recours au Tribunal fédéral pour invalider la décision du Bureau. Suite à une discussion sereine et consensuelle en commission législative, nous allons enfin débattre de la recevabilité de ce projet.
Mesdames et Messieurs les députés, pour la minorité de la commission comme pour le Conseil d'Etat dans son rapport, les articles 160 D, alinéa 2, 160 D, alinéa 2, lettre b, 160 D, alinéa 4, lettre b et 160 D, alinéa 4, lettre c ne sont pas conformes au droit supérieur. C'est pourquoi nous vous proposerons de l'amender, pour le premier, ou de les supprimer, pour les autres, conformément au rapport de minorité que vous avez tous devant vous - vous trouverez les explications détaillées aux pages 63 à 66 - et conformément à l'avis de droit demandé par le Conseil d'Etat, qui figure aux pages 26 à 62. Moyennant ces modifications, l'unité de la forme est respectée, le principe de l'unité de la matière l'est aussi, «l'exécutabilité» de l'initiative, et sous réserve d'une nullité partielle des articles posant un problème de non-conformité au droit supérieur, réalisable et donc non contestée dans sa totalité, comme le précédent vote de ce Grand Conseil le laissait croire.
M. Christian Grobet (AdG). J'aimerais tout d'abord remercier M. Balestra d'avoir reconnu que, lors de cette séance du mois de juin 1997, un coup de force, pour reprendre ses termes, avait été perpétré par l'ancienne majorité; je reconnais votre fair-play de sportif, Monsieur Balestra. Il n'était pas inutile que vous le rappeliez, puisque certains ont tenu tout à l'heure des discours sur lesquels je ne reviendrai pas.
L'affaire n'est toutefois pas si simple sur le plan juridique. Je n'ai pas l'arrêt du Tribunal fédéral sous les yeux, mais d'après mon souvenir - et je ne vois pas ce qu'il pouvait faire d'autre - il a annulé la décision du Grand Conseil, mais il n'a pas demandé formellement au Grand Conseil de prendre une nouvelle décision...
Des voix. Oui, oui !
M. Christian Grobet. Il serait peut-être opportun de lire exactement la teneur de cet arrêt. Toujours est-il que le délai pour traiter de la recevabilité de cette initiative était expiré et, comme Me Lachat l'a relevé, la loi n'a pas prévu l'hypothèse d'un recours éventuel au Tribunal fédéral. Il y a peut-être une lacune dans la loi, mais je ne pense pas qu'on puisse la combler de cette manière. Voilà pour le premier point. Si je ne vois aucune objection à reprendre le débat ce soir ainsi qu'une nouvelle décision, je ne voudrais pas pour autant qu'on croie qu'il y avait une obligation pour notre Grand Conseil de remettre cette affaire à l'ordre du jour.
Deuxièmement, à la fin du mois d'avril, le président du Grand Conseil nous a donné connaissance d'une lettre - il y a eu un certain flou autour de cette question - mais à ce moment-là le Grand Conseil n'a pas pris de décision. Vous avez du reste, Monsieur Balestra, parlé de «décision du Bureau»; j'ignore s'il a pris une décision ou si le président a simplement renvoyé cet objet en commission, mais il n'y a pas eu en tout cas de décision du Grand Conseil. Je formule ces remarques, parce que entre-temps un recours contre cette décision a été interjeté dont nous pouvons nous demander s'il est recevable.
A ce sujet, vous auriez dû, Monsieur Balestra, vous-même et les deux autres co-recourants, dire au début de ce débat que vous retiriez ce recours. A défaut, une ambiguïté demeure: nous allons maintenant débattre de cette question, alors qu'il y a un recours pendant au Tribunal fédéral dont nous ignorons s'il va être retiré ou pas. De plus, il s'agit, à mon avis, d'un recours contre une non-décision - il semblerait que des questions de frais de recours soient aussi en jeu. Quoi qu'il en soit, je ne voudrais pas que nous prenions aujourd'hui une décision qui ait l'air de confirmer que le Grand Conseil a commis une faute à un moment quelconque. A partir du moment où cette affaire a été renvoyée en commission, nous pouvons très bien conclure qu'il est peut-être judicieux de reprendre le débat comme nous le faisons ce soir, mais pour ma part, en l'état actuel des choses, je ne suis pas convaincu de l'existence d'une obligation légale. Cela dit, nous sommes prêts à entamer ce débat, mais vous devriez maintenant déclarer que vous retirez le recours, ce qui mettrait un terme à l'imbroglio juridique actuel.
Sur le fond, je n'aurai pas grand-chose à dire, car nous nous sommes longuement exprimés sur les raisons de la recevabilité de l'initiative, du moins sur la question de savoir si elle pouvait être concrétisée par des dispositions légales permettant de lui donner un contenu conforme au droit fédéral. Quand on discute de la recevabilité d'une norme constitutionnelle ou légale, il importe de savoir s'il est possible de lui donner un contenu acceptable au niveau du droit supérieur et, en juin de l'année dernière, nous avons expliqué en long et en large les raisons pour lesquelles nous estimions que les réserves de Me Manfrini étaient infondées. Par conséquent, nous nous référons au Mémorial du Grand Conseil pour éviter d'avoir à nouveau un long débat et de répéter ce que nous avons déjà dit. Je le précise car, dans l'hypothèse où il y aurait de nouveaux recours au Tribunal fédéral - je constate que vous semblez prendre goût à cet exercice, Monsieur Balestra ! - je ne voudrais pas qu'on puisse dire que le Grand Conseil admet votre argumentation. Aussi, comme dans les tribunaux où on peut se référer à des écritures afin d'éviter de répéter ce qu'on a déjà dit, nous, nous nous référons au Mémorial de la séance du mois de juin 1997.
Le président. Je tiens à apporter une précision avant de donner la parole à M. Lescaze, puisque le Bureau et son président ont été mis en cause par le préopinant. Je voudrais simplement dire qu'à la réception de l'arrêt du Tribunal fédéral le Bureau avait décidé de soumettre à ce Grand Conseil, au mois d'avril, la question de la recevabilité de l'initiative. Sur l'intervention de M. Ferrazino, le Bureau et les chefs de groupe ont ensuite décidé à l'unanimité que, le délai étant dépassé, la recevabilité était automatiquement admise et que le Grand Conseil devait se prononcer sur le fond. C'est la raison pour laquelle ce Grand Conseil a renvoyé l'initiative à une commission ad hoc pour qu'elle l'étudie sur le fond, la question de la forme étant dépassée. Il y a ensuite eu recours, parce que le Tribunal fédéral, dans son arrêt, invitait le Grand Conseil à justifier sa position sur la forme et, par conséquent, à se prononcer sur la forme. Toute la question était liée au délai et à l'obligation pour le Grand Conseil, selon l'invite du Tribunal fédéral, de se prononcer sur la forme avant de se prononcer sur le fond.
C'est ainsi que, d'entente avec toutes les parties, nous sommes appelés ce soir à nous prononcer sur la forme, dans l'espoir qu'immédiatement après les travaux de la commission ad hoc pourront se poursuivre sur le fond. C'est dans cet état d'esprit que le débat de ce soir a été réintroduit. Je vous invite donc à vous prononcer ce soir sur la forme, sans faire trop d'historique et si possible rapidement, car nous avons d'autres sujets à traiter.
M. Bernard Lescaze (R). Je vais parler en qualité de président de la commission législative, qui a tenu une séance tout à l'heure avec Me David Lachat à ce sujet. Comme nous n'allons pas faire trop de droit, je vais me limiter à résumer ce qu'a dit Me Lachat.
Me Lachat était l'avocat sollicité par le Bureau du Grand Conseil pour défendre sa position face au recours déposé par MM. Blanc, Balestra et Ducommun. En réalité, Me Lachat ne souhaitait pas, pour des raisons personnelles, assumer ce mandat. Il s'est toutefois efforcé de trouver une solution et, ayant examiné la question, il nous a dit très clairement qu'il fallait d'abord annuler la décision d'avril 1998, et c'est ce qu'il nous faut faire ce soir formellement. Nous devons ensuite reprendre les rapports de majorité et de minorité déposés en juin 1997 par MM. Gilly et Balestra. Me Lachat a également indiqué très clairement que, s'agissant de la motivation sur la recevabilité, celle-ci se trouvait en fait dans les rapports de ces deux députés votés par la commission législative.
Par surcroît de précaution, nous avons formellement, à 16 h 30, procédé à un nouveau vote, comme si ces rapports venaient d'être déposés. Ce vote a confirmé que le rapport de M. Luc Gilly était adopté par la majorité de la commission législative par trois voix, contre deux au rapport de minorité de M. Balestra, et deux abstentions. Je vous rappelle que notre commission ne compte que neuf membres et qu'il y avait deux absents. Nous pouvons affirmer que nous nous efforçons ce soir de suivre une procédure correcte quant à la recevabilité afin, comme l'a souligné le président, de procéder ensuite à la seconde étape, à savoir l'examen sur le fond dans le cadre de la commission ad hoc. S'il y a d'autres recours au Tribunal fédéral, il devront donc porter sur de pures questions de fond et non pas de procédure.
Concernant un dernier point évoqué par M. Grobet, à savoir la question des frais et du retrait du recours interjeté par MM. Balestra, Ducommun et Blanc, l'avocat a clairement dit, et cela a été discuté en commission, qu'il n'y a pas lieu pour l'heure que ces trois personnes retirent leur recours. Il suffit que leur avocat écrive au Tribunal fédéral pour signaler que le recours est devenu sans objet, une fois que nous aurons pris notre décision ce soir, et qu'il lui demande de se prononcer exclusivement sur la question des frais. De toute façon, la somme articulée par Me David Lachat, en référence à un cas semblable tout à fait récent, se montait à 2 000 F, soit une enveloppe tout à fait raisonnable.
Pour conclure, Monsieur le président, je pense qu'il nous faudra procéder à deux votes : le vote d'annulation de la décision d'avril 1998, puis celui de la recevabilité, afin que nos décisions soient justes et conformes au règlement. Voilà ce que je voulais dire; en tant que président de la commission législative, je pense ne pas avoir trahi l'esprit très positif des membres qui ont siégé tout à l'heure. J'imagine que M. Ferrazino ou M. Balestra pourront compléter, au cas où j'aurais omis un élément important.
Le président. Monsieur le député, je vous ferai seulement remarquer qu'à ma connaissance il n'y pas eu de vote en avril, mais simplement une décision de renvoi à la commission. On ne peut donc pas annuler un vote qui n'a pas eu lieu mais, hormis ce détail, je vous suis.
M. Michel Balestra (L), rapporteur de minorité. Je confirme, Monsieur le président, qu'il n'y a pas eu de vote. Dans le cadre des communications, vous avez déclaré que le Bureau considérait à l'unanimité que, les délais étant écoulés, l'initiative était jugée recevable et qu'elle était renvoyée devant une commission ad hoc. Notre Grand Conseil n'a donc pas formellement voté sur ce point. (L'orateur est interpellé.) Non, absolument pas. Je suis sûr que non pour avoir vu la pièce dans le cadre du recours. Mais libre à vous d'annuler par principe !
Pour le reste, il est évident que le recours au Tribunal fédéral en vue d'inviter notre Grand Conseil à répondre à son injonction, c'est-à-dire à prendre une décision et à la motiver, deviendra sans objet au moment où ce sera fait et où nous aurons formellement voté les rapports de majorité et de minorité.
M. Christian Ferrazino (AdG). Soyez clair, Monsieur Balestra, puisque vous portez la double casquette de recourant et de rapporteur de minorité ! Vous qui voulez faire du juridisme, vous auriez dû vous inspirer du règlement de notre Grand Conseil et avoir la bonne idée de vous faire remplacer ce soir à la table des rapporteurs car, en tant que recourant, on se fait généralement discret et on se garde d'intervenir pour défendre un rapport de minorité qui nous intéresse tout particulièrement. M. Ducommun, qui a habituellement de la peine à ne pas répliquer lorsque j'interviens, se fait pour sa part très discret ce soir et vous auriez dû prendre exemple sur lui. Quant à M. Blanc, qui brille par son absence, c'est aussi un exemple dont vous auriez pu vous inspirer.
Cela étant, Monsieur le président, permettez-moi de dire deux mots sur la procédure que vous avez rappelée et qui avait été acceptée à l'unanimité par les chefs de groupe et l'ensemble du Bureau.
Me Lachat, que nous avons reçu comme l'a rappelé le président de la commission, M. Lescaze, a clairement dit qu'il nous proposait cette manière de procéder. Les initiants et nous-mêmes l'avons d'ailleurs acceptée uniquement pour éviter l'effet dilatoire du recours actuellement pendant devant le Tribunal fédéral. En effet - et je le maintiens, Monsieur le président - les neuf mois écoulés permettent au Grand Conseil de prendre acte du fait que la recevabilité est acquise, simplement en raison du temps écoulé. Les recourants Balestra, Ducommun et Blanc ne cherchent finalement, en interjetant ce recours de pure procédure, qu'à provoquer une perte de temps afin que cette initiative ne soit pas présentée au vote populaire dans des délais raisonnables.
Sachez, Monsieur Balestra, que nous n'entrerons pas dans ce jeu-là. Nous disons effectivement, avec Me Lachat, qu'il est préférable de prendre ce soir la décision de reconnaître cette initiative comme étant recevable. Si vous voulez de nouveau aller devant le Tribunal fédéral pour tenter de perdre du temps, il pourra cette fois-ci se prononcer non pas sur des questions de procédure, mais sur les problèmes de recevabilité. A cet égard, le rapport de M. Gilly est suffisamment clair pour se convaincre que cette initiative est totalement recevable. Nous avons eu ce débat il y a une année, après les comptes 1996, et il n'est pas nécessaire d'y revenir.
Enfin, je voudrais signaler la chose suivante: Me Lachat, qui n'a pas ménagé ses efforts pour contacter tant le président et les députés membres de la commission législative que Me Bellanger et le Bureau du Grand Conseil, afin d'examiner le dossier, nous a dit ce soir que, conscient des difficultés que connaît la République, il renonçait à facturer ses honoraires. Alors, que des députés de l'Entente, qui nous bassinent de leçons sur la manière de réduire les déficits, viennent nous dire ici : on veut de l'argent pour payer notre avocat et cet argent doit venir des caisses de l'Etat, je trouve cela tout simplement lamentable. J'aurais honte à votre place, MM. Ducommun, Blanc et Balestra, et la seule chose qui vous reste à faire aujourd'hui est de retirer ce recours, sans remboursement d'aucuns frais !
M. Luc Gilly (AdG), rapporteur de majorité. Avant de continuer, je voudrais avoir la garantie définitive des recourants qu'ils vont bien retirer leur recours, et qu'ils le disent clairement. M. Balestra ne peut pas continuer à prendre la parole toute la soirée et j'aimerais bien entendre M. Ducommun à ce sujet. Il est inutile de continuer à discuter, si le recours actuel n'est pas retiré.
Mme Christine Sayegh (S). Le Tribunal fédéral nous a effectivement reproché d'avoir pris une décision non motivée. (Remarque.) C'était l'ancienne majorité, oui, mais le Grand Conseil en l'espèce, et nous sommes tous dans le même bateau. Nous avons d'ailleurs beaucoup parlé de bateau : M. Balestra et M. Blanc nous ont emmenés dans leur bateau et, même si on essayait de bloquer avec nos rames, cela n'a pas suffi car les rames de la raison ne sont pas toujours les plus utilisées !
Avec la décision du Bureau, nous avons fait valoir notre loi et le délai sanction. Le délai sanction existe dans la loi, mais le Tribunal fédéral ne s'est pas prononcé sur ce délai et il n'est pas certain qu'il suive les motivations de Me Bellanger, conseil des trois députés recourants.
Il me semble toutefois judicieux de prendre ce soir une décision motivée sur la recevabilité, mais il serait logique que MM. Blanc, Ducommun et Balestra s'engagent formellement à retirer leur recours à l'issue de ce débat, ou même avant, et surtout qu'ils n'exigent pas que le Grand Conseil paie les honoraires de leur avocats, ce qui est tout à fait indécent !
M. Christian Grobet (AdG). Je serai bref après les interventions de M. Ferrazino et de Mme Sayegh. J'aimerais avant tout vous remercier, Monsieur le président, d'avoir rappelé le contexte du renvoi de cette affaire en commission. Comme vous l'avez effectivement reconnu, il n'y a pas eu, sur le plan formel, de décision du plénum à la fin du mois d'avril. Il convient d'insister sur ce point, car lorsqu'on parle de recours contre une décision du Grand Conseil, en l'occurrence c'est une décision inexistante !
La question de savoir si un recours a un effet interruptif pour un délai péremptoire est très discutable. Vous savez - et je n'ai pas besoin de vous le rappeler, Monsieur Lescaze - qu'en droit pénal, hélas, trois fois hélas, les recours font que parfois on arrive tout à coup au bout du délai de prescription - et pas de simple péremption comme c'est le cas en l'occurrence - et que la personne échappe à toute peine. Je dois dire qu'à mon avis le fait que le délai soit péremptoire n'est pas injustifié. En effet, M. Ferrazino a bien rappelé comment certaines personnes pourraient faire traîner l'examen d'une initiative pour retarder sa mise aux voix - c'est une question importante dont nous débattons actuellement aux Chambres fédérales - et on a précisément voulu éviter de trop retarder la mise en votation d'une initiative car, si les choses traînent trop, elle peut alors perdre de son intérêt.
Lorsque nous avons adopté les dispositions de la constitution actuelle, nous avons donc introduit des délais couperets, alors qu'auparavant existaient ce qu'on appelait des délais d'ordre. Vous avez reconnu, Monsieur Balestra, qu'au mois de juin de l'année dernière l'ancienne majorité a commis une erreur en invalidant totalement l'initiative. Or, celui qui a commis une erreur ne peut pas se prévaloir de son erreur pour obtenir ensuite des délais supplémentaires. Il était donc tout à fait juste que le Bureau arrive à la conclusion que, puisque nous nous trouvions face à un délai couperet, ceux qui avaient pris une mauvaise décision devaient en assumer les conséquences.
J'ai dit tout à l'heure, Monsieur Balestra, que nous aimerions éviter d'avoir des longs débats juridiques sur ces questions, mais que nous ne voulions pas prendre une décision par laquelle nous reconnaîtrions être responsables d'une faute. La faute ayant été commise en juin de l'année dernière par votre majorité, nous n'allons pas l'assumer. Nous sommes par contre beaux joueurs et prêts à reprendre le débat. Monsieur Balestra, montrez-vous aussi beau joueur que vous l'étiez l'autre jour en commission et déclarez-nous, avec M. Ducommun et M. Blanc, qu'au terme du débat de ce soir, lorsque le Grand Conseil se sera prononcé sur la validité de l'initiative, dans un sens ou un autre, vous retirerez alors votre recours, sans demande de remboursement de frais.
C'est ainsi que nous pourrons mettre fin à cette situation. En effet, si vous ne retirez pas votre recours, Monsieur Balestra, et si vous continuez à prétendre que vous devriez être indemnisé pour celui-ci, peut-être Me Lachat continuera-t-il à vouloir travailler gratuitement, mais en revanche nous risquons de nous trouver dans la situation de devoir effectivement engager des frais supplémentaires pour trancher cette question.
Nous ne vous demandons pas de retirer votre recours maintenant, mais de nous déclarer que vous le ferez à la fin de ce débat. Nous prendrons acte que vous retirerez votre recours, sans frais, une fois le débat terminé.
Le président. Monsieur le député, si ce Grand Conseil se prononce sur la recevabilité, le recours devient en principe sans objet.
M. Michel Balestra (L), rapporteur de minorité. Le débat prenant une tournure difficile, il nous faut, je pense, aller jusqu'au bout. Il ne s'agit pas en l'occurrence d'une erreur mais d'une suite d'erreurs successives commises par les uns et par les autres. Ce Grand Conseil, devant un rapport de majorité qui déclarait l'initiative recevable et un rapport de minorité qui la déclarait partiellement recevable, n'avait aucune raison de la déclarer totalement irrecevable. C'est là une évidence.
Nous avons eu par la suite un recours rédigé par Me Ferrazino, je crois. J'espère d'ailleurs que vous avez rendu les 2 000 F qui vous ont été payés pour ce recours, parce que, suivant la logique que vous essayez de m'imposer, j'espère que vous avez commencé par là !
Nous avons également, en commission législative, et ce de manière tout à fait consensuelle, admis que le Bureau du Grand Conseil ne faisait pas suffisamment appel à elle pour discuter des problèmes de procédure dans les cas complexes. En effet, si la commission législative avait été saisie de ce problème, l'ensemble des erreurs à répétition que nous avons commises auraient pu être évitées.
Quant à Me Lachat, qui a été mandaté comme conseil du Bureau pour étudier ce recours et y donner réponse et qui était l'auteur du rapport sur la loi sur le traitement des initiatives, il s'est rendu compte en relisant son rapport que les recourants avaient raison. C'est la raison pour laquelle il ne pouvait pas défendre le Bureau du Grand Conseil. Par esprit d'équité et de justice, les recourants sont d'accord, à l'amiable, de discuter aujourd'hui de la recevabilité, afin que le recours ne soit pas interprété comme une mesure dilatoire pour retarder ces décisions.
Il n'en demeure pas moins que la deuxième erreur a été commise sur le conseil de Me Ferrazino - qui est bien placé puisqu'il exerce la profession d'avocat, alors que je suis déménageur, comme il l'a rappelé devant ce Grand Conseil ! En effet, il a conseillé au Bureau de déclarer l'initiative recevable sans débat, parce que le délai impératif était écoulé. Or, ayant lu l'arrêt du Tribunal fédéral puisqu'il avait lui-même déposé le recours, il savait pertinemment que celui-ci demandait au Grand Conseil de motiver sa position et qu'il ne s'agissait pas de considérer qu'un délai, fût-il impératif, puisse se substituer à une justification de la conformité ou non d'une initiative au droit supérieur.
Nous sommes donc dans une affaire essentiellement juridique, au demeurant regrettable parce que ce qui compte en réalité, c'est que des citoyens ont déposé une initiative. Ce Grand Conseil doit décider si elle est, dans son intégralité ou non, conforme au droit supérieur. Nous n'allons pas revenir sur ce débat car les deux rapports sont exhaustifs et, si un jugement doit avoir lieu, qu'il se base sur ces deux rapports !
Les mauvaises querelles que vous me cherchez ce soir sont regrettables. Le ton du début de la discussion était plus consensuel. J'espère qu'après cette intervention vous aurez compris qu'il y en avait autant pour vous. Mais si vous voulez encore un deuxième round, j'en aurai de nouveau une fois autant !
Une voix. Assume tes responsabilités jusqu'au bout !
M. Christian Ferrazino (AdG). Je vais rectifier, Monsieur Balestra, quelques erreurs que vous venez de faire : je n'étais pas du tout l'avocat des recourants, j'étais recourant moi-même ! (L'orateur est interpellé.) Mme Brunschwig, qui donne dans la nuance, a tout de suite saisi la différence ! Mais, Madame Brunschwig, vous avez conseillé tout à l'heure à M. Balestra : «Ne retire pas le recours !»...
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Vous m'avez entendue dire cela ?
M. Christian Ferrazino. Vous ne l'avez pas dit ? Vous n'assumez pas vos propos, Madame Brunschwig, vous n'avez pas dit cela ?
Le président. Monsieur Ferrazino, adressez-vous à l'assemblée, au président, mais pas à une personne en particulier !
M. Christian Ferrazino. Je m'adresse à l'assemblée, mais je réponds à Mme Brunschwig ! Nous avons l'oreille très fine, Madame Brunschwig. M. Balestra n'a pas besoin de conseils mais, puisque vous avez cru indispensable d'en dispenser, vous me permettrez de les commenter ! Je trouve assez cocasse, venant de la part d'une responsable du gouvernement qui nous crie dans les oreilles depuis un certain nombre de semaines qu'il faut absolument, dans le cadre d'une table ronde, trouver des économies partout et s'en prendre surtout aux plus démunis, qui nous répète que l'Etat est dans une situation tellement fragile qu'il faut vraiment s'en prendre à tout le monde, je trouve assez cocasse de l'entendre dire à M. Balestra, membre du même parti libéral : «Ne retire pas ton recours, tu pourrais obtenir quelques milliers de francs payés sur la caisse de l'Etat»... (Vives protestations.) Ce genre d'attitude, Messieurs, Mesdames, n'est pas d'un niveau très élevé ! Me Lachat a eu la grandeur de dire tout à l'heure qu'il ne demanderait pas d'honoraires dans cette affaire. Vous-mêmes...
Une voix. Calmez-vous, Monsieur, calmez-vous !
Le président. Nous parlons de la recevabilité et non pas des honoraires d'avocat... Monsieur Ferrazino, s'il vous plaît ! Je vous demande d'élever un peu le débat.
M. Christian Ferrazino. Oui, mais le débat est au niveau de ceux qui le mènent depuis un certain temps...
Le président. Alors, montrez que vous êtes au-dessus !
M. Christian Ferrazino. Alors que la question lui a été posée, M. Balestra refuse de retirer ce recours, uniquement pour obtenir des frais de l'Etat de Genève. Cela doit être dit et compris. Chacun peut apprécier l'attitude des uns et des autres, mais je dois dire que votre attitude, Monsieur Balestra, est vraiment lamentable ce soir. Quant à moi, je dirais: ne demandons plus aux députés recourants de retirer leur recours, nous avons compris ce qu'ils cherchaient, passons au vote, je pense que c'est la meilleure des choses à faire !
Mme Christine Sayegh (S). Mesdames et Messieurs les députés, je pense effectivement qu'il faut passer au vote !
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. La question n'est pas de savoir, à ce stade de la discussion, si M. Balestra doit ou non retirer son recours. Je crois que chacun aura compris ce que le Tribunal fédéral attendait et ce que ce débat n'a malheureusement pas encore fait apparaître, à savoir les raisons pour lesquelles les uns et les autres prennent telle ou telle position s'agissant de la recevabilité de l'initiative.
Si ce débat se termine par une discussion de juristes pour savoir dans quelle condition on retire tel ou tel objet - alors qu'une décision motivée est la seule chose que nous demande le Tribunal fédéral - je pense qu'en lisant le Mémorial jusqu'ici il y a peu de chance que le Tribunal y retrouve de quoi motiver une décision. Il s'agit donc de clore ce débat et de prendre les décisions nécessaires; le reste n'a pas d'intérêt, étant donné que le recours sera sans objet ensuite.
Il me semble inutile de se livrer au énième débat juridique sur cet objet, alors que ce qui est demandé au Grand Conseil - qui a laissé passer une occasion d'agir correctement - c'est de prendre enfin une décision conforme. Je pense que les initiants eux-mêmes n'ont qu'un seul intérêt, c'est que ce débat se déroule correctement.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, le Tribunal fédéral s'est trouvé confronté à une absence de motivation. Il ne l'a trouvée dans aucun des deux rapports, puisque le Grand Conseil a pris une décision ne correspondant à aucun de ces rapports. Il s'agit maintenant de voter l'un des deux rapports et la décision sera automatiquement motivée, puisque le rapport en constitue la motivation.
Monsieur le député Ferrazino, je vous demande d'intervenir uniquement à propos du vote d'un des deux rapports, qui constituent la motivation que le Tribunal fédéral réclame dans son arrêt.
M. Christian Ferrazino (AdG). J'aimerais simplement vous demander, Monsieur le président, de remettre au Mémorial l'IN 109-B et les rapports de majorité et de minorité, ce qui nous permettra d'éviter de développer davantage ce débat.
Le président. Cela va de soi. Je crois que c'est simple, il nous faut voter l'un des deux rapports et la question sera réglée...
M. Christian Ferrazino. Et les mettre au Mémorial !
M. Christian Grobet. Il faut que les deux rapports figurent au Mémorial !
Le président. Cela va de soi, Messieurs, les rapports de majorité et de minorité figurent toujours au Mémorial. La parole n'est plus demandée. Nous procédons au vote sur la recevabilité. Je mets d'abord les conclusions du rapport de majorité aux voix. Autrement dit, je mets aux voix la recevabilité de l'initiative dans sa totalité.
Mises aux voix, les conclusions du rapport de majorité (recevabilité formelle et matérielle de l'IN 109) sont adoptées. (Applaudissements.)
Le président. Le rapport de majorité constituera donc la motivation attendue par le Tribunal fédéral. Mesdames et Messieurs, nous pouvons dès lors considérer que cette initiative est renvoyée à la commission ad hoc pour que celle-ci la traite sur le fond et poursuive les travaux qu'elle a entamés. S'il n'y a pas d'objection, il en sera fait ainsi.