République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1215
17. Proposition de motion de MM. Olivier Lorenzini, Jacques Béné, Jean-Louis Mory, Thomas Büchi, Florian Barro, Bénédict Fontanet, Henri Duvillard, Olivier Vaucher, Jean-Pierre Gardiol et Pierre Ducrest demandant une étude de l'impact de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (LDTR) votée le 25 janvier 1996. ( )M1215

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :

- que la LDTR a fait l'objet d'une refonte complète en janvier 1996 ;

- que la nouvelle teneur de la loi a été négociée par les partenaires sociaux de la construction et qu'elle a fait l'objet d'un large consensus politique ;

- que le bonus à la rénovation institué par la nouvelle loi permet à de nombreuses rénovations d'être effectuées dans le respect des droits des locataires et des propriétaires ;

- que, dans une économie de la construction sinistrée, les travaux d'entretien et de rénovation permettent à de nombreuses entreprises de continuer à développer leurs activités ;

- que le projet de loi 7752 déposé en novembre 1997 menace le fragile équilibre trouvé entre les divers intérêts en présence et, en conséquence, l'exécution de travaux de rénovation ;

invite le Conseil d'Etat

à effectuer une étude de l'impact des dispositions de la LDTR adoptée le 25 janvier 1996 sur le volume de travaux de rénovation et de transformation, sur le rendement obtenu par les propriétaires sur ces travaux et sur la protection des locataires.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le 25 janvier 1996, la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (LDTR) était révisée par le Grand Conseil.

Cette date ponctuait une saga entamée deux ans auparavant par la lecture critique paritaire (locataires, propriétaires et milieux du bâtiment) de la LDTR et qui s'est poursuivie par le dépôt d'un projet de loi modifiant la LDTR par le Conseil d'Etat en août 1995 Ce processus s'est achevé par la mise sur pied d'une solution concertée entre les partenaires sociaux de la construction, d'une part, et entre les partis représentés au Grand Conseil, d'autre part.

Le résultat, même s'il ne satisfaisait personne (c'est le propre d'un compromis), matérialisait un immense progrès dans le débat sur le logement : l'abandon de tout dogmatisme, de toute idéologie, au profit du pragmatisme de mise à l'heure de la crise que traverse notre canton.

La principale innovation de la nouvelle loi a été l'introduction d'un bonus à la rénovation de 10 millions par an, renouvelable d'année en année. La mise en oeuvre de cette subvention a permis de faire démarrer de nombreux chantiers de rénovation.

Un certain équilibre a pu être trouvé au sein de la commission paritaire d'attribution du bonus entre les intérêts divergents des représentants des syndicats, des associations immobilières, des locataires et des entreprises du bâtiment. Ce consensus permet aux travaux de rénovation d'être effectués dans le respect des droits des locataires et des attentes des propriétaires et des entreprises.

Sans véritable motif, le projet de loi 7752 menace l'équilibre décrit ci-dessus. Alors qu'il n'en est qu'à l'état de projet, il inquiète déjà passablement les propriétaires et les professionnels. Ceux-ci ne comprennent pas pourquoi l'on cherche à modifier une loi qui permet de faire avancer de nombreux dossiers dans le respect des intérêts de toutes les parties concernées.

Devant la grande incertitude qui naît de cette situation, il est à craindre que la volonté d'entreprendre des travaux indispensables pour l'aspect du domaine bâti de notre canton et pour le confort des locataires ne s'érode.

Nous souhaitons ainsi, avant que le mal ne soit fait, que le Conseil d'Etat évalue l'impact des dispositions légales adoptées le 25 janvier 1996 sur le volume de travaux de rénovation et de transformation exécutés depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle LDTR, sur le rendement obtenu par les propriétaires sur ces travaux et sur la protection que le nouveau régime procure aux locataires.

C'est ainsi, en dehors de tout dogmatisme et de toute idéologie, que la véritable nécessité de réviser une loi récente adoptée de façon consensuelle pourra être appréciée.

Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un bon accueil à la présente motion.

Débat

M. Jacques Béné (L). Je prends la parole sur la LDTR pour ne pas décevoir M. Ferrazino !

La LDTR a fait l'objet d'une refonte complète en janvier 1996 avec le concours de tous les partenaires sociaux. Le dernier projet de loi 7752, déposé en novembre 1997, menace l'équilibre précaire des différents intérêts, donc les travaux de rénovation, notamment ceux destinés à économiser l'énergie et à utiliser les énergies renouvelables.

Il semble, aujourd'hui, que la commission «bonus» fonctionne à la satisfaction de toutes les parties et il semble aussi que l'on veut remettre cet équilibre en cause.

Comment faire comprendre aux propriétaires et aux professionnels qui les représentent que les discussions tendant au rétablissement d'un bail paritaire sont sur le point de se terminer, d'une part, et que certains, dans cette enceinte, veulent une «déclaration de guerre» à l'encontre des milieux immobiliers et en faveur des locataires, d'autre part ?

Avant de voter cette nouvelle LDTR modifiée et amendée, nous demandons une étude d'impact pour connaître les effets de la LDTR votée en janvier 1996 sur le volume des travaux de rénovation et de transformation, sur le rendement obtenu et, également, sur la protection des locataires. Nous devons savoir si cette protection a diminué ou a été préservée du fait de la LDTR de 1996.

Nous demandons, bien évidemment, que cette étude soit faite avant l'adoption de la nouvelle modification de la LDTR.

C'est pourquoi je vous invite à renvoyer cette motion à la commission du logement.

Le président. Le renvoi en commission ayant été demandé, je prie les orateurs de ne s'exprimer que sur cette question.

M. David Hiler (Ve). Monsieur le président, je m'exprimerai sur le renvoi de cette motion en commission.

Monsieur Béné, la tentation est forte de ne pas souscrire à votre proposition et de la refuser purement et simplement pour les raisons exposées tout à l'heure.

Une fois de plus, vous parlez de certains problèmes et pas de tous. La LDTR ne se limite pas aux facteurs que vous avez évoqués. Il y a une pesée d'intérêts consistant à maintenir l'habitat au centre-ville et le patrimoine bâti. Il y a les problèmes énergétiques, les rendements et les locataires. Le tout soulève des questions importantes qui doivent être étudiées.

En commission, les Verts n'accepteront pas vos invites telles quelles. Je vous le dis en toute sincérité, elles seront méchamment transformées.

Nous n'avons pas du tout l'intention de nous dérober à la mise en place d'une étude qui prouvera, de façon évidente, que la LDTR possède, comme toute loi, des avantages et des inconvénients. Dans son cas, les premiers l'emportent très largement sur les seconds.

Nous demanderons une étude, sachant le débat très difficile. Savoir si elle sera prête avant ou après l'adoption de la nouvelle loi est une autre affaire.

Cela dit, nous vous prions, Monsieur Béné, de cesser de porter le débat sur la révision de la LDTR avec quatorze autres motions parallèles ! Nous avons été très patients jusqu'à maintenant...

Le président. Demandez-vous le renvoi en commission, Monsieur le député ?

M. David Hiler. ...cette étude nous intéresse et nous acceptons cette proposition de renvoi en commission, mais soyez prudent avec celles qui suivront, ce ne sera pas aussi facile !

Mme Alexandra Gobet (S). Cette motion est contraire aux usages des bailleurs qui, en principe, demandent l'état des lieux à l'entrée des locaux...

Le président. Veuillez vous prononcer sur le renvoi en commission !

Mme Alexandra Gobet. Si vous permettez, Monsieur le président, ce sera ma conclusion ! Je poursuis. Les auteurs de la motion demandent une étude d'impact, et ce sont précisément des membres de la commission du logement, qui désirent ouvrir sur l'extérieur une discussion qui, à l'intérieur, prend une tournure qui leur déplaît.

Vu l'heure tardive, nous continuerons à en découdre en commission. Par conséquent, nous ne nous opposons pas au renvoi.

Mais nous aimerions tout de même que les représentants de feu la majorité monocolore se souviennent de ce qu'ils nous ont infligé et qu'ils mettent plus de modestie à gérer leur minorité.

Le président. La parole n'est plus demandée... Monsieur le député Fontanet, sur le renvoi en commission.

M. Bénédict Fontanet (PDC). Monsieur le président, votre rigueur en matière de gestion de procédure fait que le plus tatillon des présidents de Cour d'assises apparaît comme un aimable plaisantin...

Le président. Tant mieux !

M. Bénédict Fontanet. J'ai apprécié la leçon que nous a donnée notre excellente collègue Gobet-Winiger, mais vous souffrirez, ma chère consoeur et néanmoins amie...

Des voix. Ah...

M. Bénédict Fontanet. Mme Gobet et moi avons siégé sur les bancs du Conseil municipal voici quelques années, et cela crée de tendres sentiments qui ne passent pas avec le temps... Mais je poursuis sur le renvoi en commission, Monsieur le président...

Le président. Je vous en remercie !

M. Bénédict Fontanet. ...puisque c'est une de vos préoccupations majeures et qu'elle vous honore. Madame Gobet, vous dites que nous vous avons imposé des choses horribles en ce qui concerne la LDTR. A l'époque, j'étais le président de mon parti politique et j'ai participé à de très longs débats avec divers intervenants qui n'étaient pas tous issus de mes rangs, loin s'en faut ! Je n'ai pas le sentiment qu'avec la LDTR mouture 1996 on vous ait imposé des choix, d'un point de vue politique et législatif, que vous puissiez aujourd'hui abhorrer, puisque certains d'entre eux étaient soutenus par des milieux qui, a priori, vous étaient proches.

Il est vrai que nous devons faire le difficile apprentissage de la minorité. Nous étions la majorité - nous ne le sommes plus à cause d'un accident de l'Histoire qui bien sûr ne saurait se reproduire ! - et il est vrai que nous devons souffrir d'être dans la minorité et que vous devez souffrir, vous majorité, de nous entendre nous exprimer si abondamment, mais c'est fort peu de chose comparé à ce que nous avons enduré pendant toutes les années où vous étiez dans la minorité.

Alors laissez-nous vivre et nous exprimer un minimum !

M. Hiler a eu l'extrême bonté de daigner accepter le renvoi de cette motion en commission. Merci, Monsieur Hiler ! En tant que président de la commission du logement, vous accepterez certainement que nous en débattions. J'en viens au renvoi en commission, Monsieur le président, parce que...

Le président. J'allais vous le demander !

M. Bénédict Fontanet. ...je ne voudrais pas, à cette heure tardive, causer sur votre doux visage une éruption de boutons incompatible avec la dignité de votre charge... Mais revenons à la problématique qui nous préoccupe ! Nous serons très heureux de discuter, en commission, de l'excellente motion de M. Béné qui pose les vrais problèmes. Quand nous avons voté cette loi, voici deux ans, il ne me semblait pas qu'elle ait été frappée des stigmates dont vous la déclarez porteuse depuis lors - cela pour des raisons de pure tactique politicienne et politicarde, chose que nous comprenons parfaitement parce que nous aussi sommes soumis aux mêmes contraintes que vous... (Rires.) Nous avons aussi quelques électeurs auxquels nous devons rendre compte.

Alors, de grâce, renvoyons cette motion et débattons-en en commission !

Le président. Monsieur Ferrazino, veuillez intervenir sur le renvoi en commission, s'il vous plaît.

M. Christian Ferrazino (AdG). Entendu, Monsieur le président !

Je relève, Monsieur Fontanet, votre difficulté à jouer votre rôle de membre de la minorité, mais cela va venir ! (Rires.) Avec les motions de M. Béné, vous aurez tout loisir de vous entraîner et vous progresserez très rapidement !

Monsieur Béné, vous m'accorderez qu'il y a lieu d'être un peu méfiant quand un régisseur dit se soucier de la protection des locataires. Néanmoins, notre groupe salue cette volonté partagée par le groupe libéral de se soucier, soudain, de la protection des locataires. Jusqu'à maintenant les gens que vous représentez, Monsieur Béné, tenaient un discours assez différent et très répétitif qui consistait à dire que la LDTR, à Genève, était la source de tous les maux et qu'il fallait s'en passer.

Je vois que vous avez évolué - M. Fontanet vous a suivi dans cette démarche - puisque aujourd'hui vous avez reconnu que la LDTR était positive au point que vous désirez que l'on en étudie l'impact.

Nous ne pouvons que vous rejoindre. Dans votre précipitation, vous avez posé des questions que nous nous efforcerons de compléter, parce que cette LDTR, Monsieur Béné, présente bien plus d'avantages que ceux que vous avez cités...

Le président. Sur le renvoi en commission, Monsieur le député !

M. Christian Ferrazino. Monsieur le président, n'ayant pas été associés à sa rédaction, il est d'autant plus nécessaire de renvoyer cette motion en commission où nous nous efforcerons de la compléter, afin que l'étude que vous sollicitez soit la plus complète possible pour vous convaincre définitivement que nous pouvons être fiers d'avoir cette LDTR que beaucoup de cantons suisses nous envient. Vous avez peut-être donné l'idée à d'autres cantons de suivre notre exemple. Merci, Monsieur Béné, de cette bonne initiative. (Applaudissements.)

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Je fais remarquer très respectueusement que si l'un d'entre vous accepte de discuter d'une motion en commission cela n'implique pas qu'il en demande formellement le renvoi, au sens de l'article 65 de votre règlement.

Pour éviter des débats sur ces renvois en commission, je suggère au Bureau de relire l'article en question. (Rires.)

S'agissant de l'objet qui vous est soumis, j'ai observé, avec un certain plaisir, que les motionnaires demandent l'étude de la LDTR. C'est exactement ce que fait en ce moment la commission du logement, par conséquent ce que vous faites, Mesdames et Messieurs les députés, en auditionnant divers milieux. Je ne puis que vous encourager à poursuivre ces travaux.

Je rappelle que les auteurs du projet de loi 7752 ont toujours affirmé qu'ils n'entendaient pas mettre en cause un certain nombre d'accords antérieurs, mais la correction d'abus survenus ultérieurement.

Je rappelle également que le Conseil d'Etat tient à ce que la rénovation soit encouragée et que la LDTR serve ce but.

Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission du logement.