République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 12 juin 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 9e session - 28e séance
PL 7856
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
décrète ce qui suit :
Art. 1
La loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 29 mai 1997, est modifiée comme suit :
Art. 23A Bénéficiaires des prestations complémentaires, du revenu minimum cantonal d'aide sociale et des prestations d'assistance (nouveau)
1 L'OCPA et l'Hospice général établissent annuellement, sur support informatique, à l'intention du service de l'assurance-maladie et des assureurs, les listes des personnes qui ont droit au subside.
2 Les listes sont régulièrement tenues à jour afin d'enregistrer mensuellement les mutations affectant le droit au subside.
3 Une attestation individuelle est adressée par le service de l'assurance-maladie à tout ayant droit bénéficiaire de prestations de l'OCPA ou de l'Hospice général.
Art. 29, al.1 (nouvelle teneur, sans modification de la note)
1 Les subsides sont versés directement aux assureurs pour être intégralement déduits des primes des ayants droit.
Art. 29, al. 2 (abrogé)
Art. 29, al. 3 (abrogé)
Art. 2
La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 1999.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le présent projet de loi vise à modifier la loi du 29 mai 1997 (J 3 05) portant application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie dans celles de ses dispositions qui concernent le subside en faveur des bénéficiaires des prestations de l'Office cantonal des personnes âgées (ci-après OCPA).
A l'appui de ce projet de loi, le Conseil d'Etat soumet à votre appréciation les éléments d'information suivants :
1. Aujourd'hui, les bénéficiaires des prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI - ainsi que les bénéficiaires des prestations d'assistance - reçoivent un subside couvrant l'intégralité du montant de leur prime d'assurance-maladie. Ce régime n'est pas modifié.
2. L'objet de ce projet de loi est de modifier les modalités de paiement du subside en organisant le versement direct aux assureurs-maladie des primes d'assurance des bénéficiaires de l'OCPA.
3. Avant l'entrée en vigueur de la LAMal, qui a introduit, le 1er janvier 1996, le subventionnement des assurés à revenu modeste, une réflexion a été engagée sur les modalités de paiement du subside : fallait-il traiter les bénéficiaires OCPA de la même manière que l'ensemble des subsidiés ordinaires, c'est-à-dire verser directement aux assureurs le montant du subside ? Cela impliquait la réduction du montant versé aux bénéficiaires des prestations complémentaires AVS/AI qui, jusqu'alors avaient reçu de l'OCPA à la fois leurs prestations complémentaires et la somme correspondant à leurs primes d'assurance-maladie.
Les avantages d'une organisation centralisée des paiements étaient d'assurer une gestion rationnelle des subsides et d'éviter les risques de défaillance du règlement des primes avec ses fâcheuses conséquences (suspension de la couverture, contentieux avec les fournisseurs de prestations et paiements à double du subside et de la prime).
A l'inverse, en faveur du maintien des paiements individuels des primes par les bénéficiaires eux-mêmes, l'argument principal était de responsabiliser les intéressés : on pouvait en effet craindre que le dessaisissement de la responsabilité du paiement de la cotisation soit vécu par nombre de bénéficiaires comme une sorte de mise sous tutelle. En même temps, déchargé du souci d'acquitter lui-même sa cotisation et rendu ainsi ignorant du coût de l'assurance-maladie, l'assuré bénéficiaire de l'OCPA deviendrait rapidement insensible à tout effort d'économie dans ses dépenses de santé.
4. Le Conseil d'Etat et le Grand Conseil se rallièrent à ces derniers arguments : ils consacrèrent, dans la loi cantonale, pour les seuls bénéficiaires de l'OCPA, le principe du versement du subside aux assurés et non aux assureurs.
5. Deux ans après la mise en oeuvre de la loi, il faut malheureusement constater que l'expérience n'a pas été concluante :
a) d'une part, plus de 2'500 bénéficiaires de l'OCPA se sont mis en défaut de paiement de leurs cotisations, créant ainsi un important contentieux et entraînant un surcoût non négligeable;
b) d'autre part, 2'774 bénéficiaires ont pu obtenir deux subsides : le subside intégral (en leur qualité de bénéficiaires de l'OCPA) et le subside ordinaire (en renvoyant à tort à leur assureur l'attestation fiscale rose ouvrant le droit aux subsides ordinaires).
Ainsi, on doit constater que, pour 25 % des bénéficiaires de l'OCPA, le versement en leurs mains du montant de la prime d'assurance-maladie avec les prestations complémentaires dues crée un problème de gestion, que ce soit pour l'OCPA ou pour le service de l'assurance-maladie.
6. Pour mettre un terme à ce contentieux coûteux, il apparaît inévitable d'adopter la solution du paiement direct des subsides-cotisations aux assureurs-maladie. Tel est l'objet du projet de loi qui vous est présenté et que nous vous remercions d'adopter.
Préconsultation
Mme Micheline Spoerri (L). Bien que M. le président du DASS et sa suppléante soient absents, je donnerai l'avis du groupe libéral.
Lors de la précédente législature, Mme la députée Chalut avait interpellé M. le président du DASS à propos d'une histoire vraie, publiée dans le fascicule libéral au moment des élections cantonales. Mme Chalut s'étonnait que des redondances de prestations sociales puissent se produire. M. Guy-Olivier Segond lui avait laissé croire, d'une façon péremptoire, que cette histoire était le fruit de l'imagination libérale et que les faits rapportés n'étaient pas crédibles à ses yeux. Il concluait en disant que tout était possible pendant une période électorale.
A l'époque, j'étais présidente de notre parti et c'est avec peine que j'avais entendu les propos de M. Segond qui, à tort, tournait en dérision une situation grave et réelle.
Responsable de la rédaction et de la publication de notre programme, je ne suis, en effet, pas femme à ne pas vérifier l'authenticité de ce que je signe. Mais la vie m'ayant appris que la vérité finit toujours par sortir, plutôt que de polémiquer, j'avais choisi d'attendre le moment opportun pour étayer les dysfonctionnements en matière de prestations sociales à Genève, sans fustiger ou dénoncer les bénéficiaires car là n'est pas notre but.
Il est fort difficile de les dénoncer objectivement et quantitativement, puisque les instruments de communication, indispensables à l'établissement d'un statut, sont inexistants tout comme les liens entre les personnes et les offices qui effectuent par ailleurs correctement leur travail. C'est ce qui motivait, dans le même fascicule, notre demande d'un carnet social.
Je souligne ici que si un carnet de santé est faisable dans le respect de la sphère individuelle, un carnet social l'est aussi dans cet esprit.
L'histoire vraie évoquée à l'époque n'était pas la seule. D'autres nous avaient été rapportées. Ce qui nous avait paru important alors, c'était d'en extraire une pour démontrer, à titre caricatural, la situation genevoise sur ce plan.
Et voilà que le 14 mai dernier la presse nous apprend que trois millions ont été versés à tort par les services de l'Etat et que la situation est irréversible. Ce cas de figure inadmissible fait bien ressortir notre responsabilité et surtout notre irresponsabilité, à nous politiques, législatif et exécutif confondus.
Plutôt que de réclamer sans nuance et quelquefois sans décence une transparence tous azimuts, comme notre parlement ne cesse de le faire sans même s'interroger sur ses effets pervers envers la sphère privée, nous serions bien inspirés, de cas en cas et quand il le faut, d'améliorer les nécessaires liens de communication entre les différents services de l'Etat et des communes, ceci dans l'intérêt des citoyens.
Raison pour laquelle, Monsieur le président, nous accueillons favorablement ce projet de loi. Il devra être examiné rapidement, mais attentivement, en commission car si nous, libéraux, sommes particulièrement attachés à la responsabilisation de l'individu pour la reconnaissance et la valorisation de la personnalité humaine, nous sommes également attachés à la suppression des injustices et des inégalités de traitement.
On ne peut admettre la coexistence de bénéficiaires à deux vitesses, ceux qui touchent normalement et font un usage normal de leurs prestations, et les autres. On ne peut permettre que les nombreux non bénéficiaires, pourtant en situation difficile, fassent les frais de tels dérapages puisque, contribuables, ils paient l'addition.
Les finances catastrophiques de l'Etat de Genève exigent des politiques que nous sommes l'exercice de contrôles rigoureux pour qu'à la dérive financière ne vienne pas s'ajouter une dérive de justice sociale dont ils seraient totalement responsables.
C'est dans cet esprit que le groupe libéral examinera attentivement ce projet de loi à la commission des affaires sociales. Dans le cadre de l'application du règlement, je ne demande pas formellement, pour l'instant, le renvoi en commission, afin que mes autres collègues puissent s'exprimer.
Le président. Madame la députée, nous traitons d'un projet de loi en préconsultation. Une personne par groupe s'exprime sur le fond. La demande formelle de renvoi en commission n'est pas nécessaire. Le temps de parole est limité à cinq minutes par notre règlement.
M. Pierre Froidevaux (R). Ce projet de loi soulève un problème de société fondamental.
Des personnes, soutenues par l'Etat, ont profité de sa tutelle sociale pour spolier les finances publiques. Elles croyaient que voler l'Etat n'était pas si grave puisque, selon elles, nul n'en souffrirait vraiment et que ce serait pour les pauvres, donc pour la bonne cause.
La volonté politique d'équité a été bafouée pour être remplacée par un tout nouveau principe politique : l'iniquité.
Ce mécanisme social doit être observé. Au cours de la précédente législature, nous avons voté un train de lois sociales. Ce train comporte de nombreux wagons, dont certains devraient être encore raccrochés cet automne. Le département «locomotive» a relié toutes les voitures en prônant la responsabilisation accrue du citoyen. Il lui a accordé sa confiance. Il a cru développer le principe de la liberté individuelle. Il a rendu responsable l'ayant droit de sa gestion personnelle. Or cette bonne volonté du législateur se retourne contre lui à coups de millions. Le libéré est devenu liberticide. Rendre responsables ceux qui ne peuvent l'être est irresponsable dans un Etat de droit. Je reviens ainsi sur les propos tenus par la députée Micheline Spoerri.
Le développement de la liberté humaine, si chère au parti radical, nécessite, pour les plus faibles, des liens humains qui les guident, pas à pas, dans une gestion personnelle qu'ils ne peuvent assurer eux-mêmes.
Le projet de loi prévoit un lien informatique; ce n'est qu'une aide à la décision qui doit rester complémentaire de l'aide individualisée. Sans cette aide, l'Etat social n'existe pas.
Le revenu minimum d'existence, prévu pour cet automne, est typiquement source de conflits de même nature.
Le groupe radical étudiera, bien évidemment, ce projet de loi en commission des affaires sociales. Je ne puis m'empêcher de conclure en affirmant que les problèmes sociaux qui sous-tendent ce projet de loi ne peuvent être résolus à terme sans une politique de plein emploi.
M. Pierre-Alain Champod (S). Notre groupe ne pensait pas intervenir puisque favorable au renvoi, sans débat, de ce projet de loi.
Néanmoins, je tiens à faire quelques remarques après avoir entendu les préopinants.
Madame Spoerri, je me souviens encore du contenu du journal électoral des libéraux. Ce que vous avez dit ne relevait pas des subsides mais d'un problème plus général. Votre exemple est visiblement inventé de toutes pièces parce que mentionnant des prestations qui ne peuvent pas être servies simultanément.
Il est exact que des personnes ont touché de l'argent de l'OCPA destiné à payer leurs cotisations d'assurance-maladie et qu'elles l'ont utilisé à d'autres fins.
La complication du système fait que l'on ne peut pas accuser, sans autre, des gens d'avoir trompé l'Etat. En effet, toutes les personnes à revenus modestes reçoivent de l'administration fiscale une feuille rose. Il y est mentionné lisiblement qu'elle doit être envoyée à la caisse d'assurance-maladie, mais en très petits caractères, il y est écrit aussi que les bénéficiaires des prestations de l'OCPA ne doivent pas le faire.
Un certain nombre de personnes âgées et de personnes invalides ont effectivement reçu cette feuille de l'administration fiscale et l'ont envoyée à leur caisse d'assurance-maladie. Ainsi, par le biais du subside, elles ont eu une réduction de leurs cotisations d'assurance-maladie par ailleurs intégralement payées par l'OCPA. A mon avis, ce sont là des problèmes liés à l'administration.
Ces dysfonctionnements sont aussi liés au fait que le règlement sur l'attribution des subsides, suite à l'adoption de la LAMal, en est à sa troisième année d'existence et à sa troisième mouture. Quand, à mi-novembre, on vote des lois modifiant des prestations servies à des milliers de personnes, il est illusoire de penser que l'intendance suivra et que tout fonctionnera parfaitement dès le 1er janvier de l'année suivante.
Ces lois votées au dernier moment obligent l'administration à mettre un système en place dans une extrême précipitation, d'où des dysfonctionnements inévitables.
Permettez-moi une remarque de caractère politique. Les précédentes interventions en provenance des bancs de droite me font l'effet d'un règlement de comptes au sujet de la politique sociale menée par le gouvernement monocolore ces quatre dernières années, ce qui est pour le moins étonnant.
Cela dit, notre groupe soutiendra évidemment ce projet de loi, que nous étudierons en commission.
M. René Ecuyer (AdG). Je suis scandalisé par le ton moralisateur du député Froidevaux. Scandalisé, Monsieur Froidevaux, parce que ce sont des milliers de personnes âgées, nos parents, que vous traitez de voleurs ! De plus, vous ne savez même pas comment fonctionne le système. Pourtant, nous vous avions expliqué la cause de ces doubles versements. Vous devriez avoir honte de parler ainsi, sans connaître le sujet.
Nous vous avions dit que les subsides de l'OCPA sont «noyés» dans les versements mensuels; qu'il est difficile, au vu des feuilles de décision de l'OCPA, de déterminer ce que reçoit une personne. Parallèlement, du fait des dysfonctionnements étatiques survenus sous votre gouvernement monocolore, les gens ont reçu ces feuilles roses qu'ils devaient envoyer à leur caisse maladie. Beaucoup de personnes âgées se sont conformées à cette instruction.
Vraiment, je suis profondément scandalisé, mais je comprends cette histoire sachant d'où elle vient.
Nous étudierons soigneusement ce projet de loi qui tend à corriger les dysfonctionnements de l'Etat.
Ce projet est renvoyé à la commission des affaires sociales.