République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 28 mai 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 9e session - 23e séance
M 1201
EXPOSÉ DES MOTIFS
C'est une réalité connue par tous les observateurs du marché immobilier et de la construction : la Suisse rénove moins vite que l'Europe et Genève rénove son domaine bâti public et privé deux fois plus lentement que la moyenne nationale. L'Office fédéral du logement (OFL) estime en effet que la moitié des immeubles du pays devraient faire l'objet de transformations - rénovations. La proportion atteint même 65 % dans le canton de Genève. Il y a donc là un marché potentiel dont l'importance va croissant.
Alors qu'en 1980, selon l'Office fédéral de la statistique, la part d'investissements immobiliers allant à la rénovation n'était que de 18 %, elle se situe désormais aux environs de 50 % de la demande de construction. Le volume de constructions neuves de tout genre, tant public que privé, a brutalement et durablement chuté. Sans l'apport des travaux d'entretien et de rénovation du domaine bâti public et privé, la diminution des emplois se poursuivrait, mettant en danger la capacité de production et d'adaptation des entreprises et des travailleurs, notamment par la relève et le perfectionnement professionnels. Rappelons qu'à Genève, le nombre de travailleurs sur les chantiers et dans les ateliers est passé de 20 000 à 9 500 entre 1989 et 1998. En dépit de cette réduction drastique, les métiers du bâtiment forment environ un apprenti sur trois.
Lors de la dernière révision de la LDTR, le Grand Conseil avait décidé d'introduire un bonus cantonal à la rénovation, précisément pour donner un coup de pouce conjoncturel aux propriétaires privés et dans le but d'augmenter les travaux d'entretien et de rénovation du domaine bâti, tout en maintenant sur le marché des logements dont le prix répond aux besoins prépondérants de la population. Le montant de 20 millions de francs prévu initialement a été augmenté à 30 millions au total, ce qui devrait permettre de créer un volume de travaux de l'ordre de 200 à 300 millions de francs; cet effort s'ajouterait aux deux autres bonus votés par les Chambres fédérales en avril 1997 afin d'encourager les travaux d'entretien et de rénovation du domaine bâti public et de favoriser les investissements privés permettant d'économiser l'énergie.
Malheureusement, Genève est le seul canton suisse qui n'a pas jusqu'ici utilisé totalement sa quote-part au bonus fédéral à l'entretien du domaine bâti, fixée à 14 millions de francs. Le canton, les communes et d'autres corporations de droit public n'ont pas été capables de saisir cette chance et il est très regrettable que Genève n'ait pas utilisé toutes les ressources fédérales alors qu'il connaît l'un des taux de chômage les plus élevé de Suisse !
On peut d'ailleurs s'étonner que le canton n'ait pas proposé plus de projets d'entretien et de rénovation susceptibles d'êtres financés à raison de 15 à 18 % par la Confédération.
Il ressort d'une étude du DAEL les éléments suivants : le patrimoine bâti public est estimé à environ 3,5 milliards de francs - terrains non compris. Les auteurs de cette étude ont estimé que l'Etat de Genève devrait disposer d'environ 52 à 70 millions de francs par année pour assurer uniquement un programme d'entretien (maintenance et réparation), soit 1,5 à 2 % de la valeur de reconstruction des immeubles (valeurs prises en compte dans le secteur immobilier privé).
L'Etat de Genève est loin du compte et les responsables estiment que les montants dévolus à l'entretien des immeubles sont notoirement insuffisants et que cette situation est connue depuis de nombreuses années.
Afin de stopper la dégradation du parc immobilier de l'Etat et en même temps de conduire une politique de commande de travaux d'entretien et de rénovation ayant un caractère anticyclique, plusieurs mesures doivent être prises sans tarder. La présente motion vous invite, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, à demander au Conseil d'Etat de prendre des mesures de planification et d'encadrement qui auront des incidences positives.
Les collectivités publiques doivent montrer l'exemple en mettant tout en oeuvre pour maintenir par une politique à long terme la substance de leur patrimoine, dans l'intérêt des usagers, de la population, de l'emploi et de la formation et du perfectionnement professionnel dans les métiers du bâtiment. Le canton pourrait par exemple confier les travaux d'entretien et de rénovation d'un immeuble en veillant à ce qu'entre 5 et 10 % des emplois engagés dans une opération soient réservés aux apprentis ou à des travailleurs qui suivraient un cours de perfectionnement professionnel organisé par les métiers concernés.
Au bénéfice des ces explications, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter ce projet de motion.
Débat
M. Florian Barro (L). La présente motion fait suite à une présentation du département sur le descriptif de rénovation des immeubles de l'Etat établi il y a environ deux mois. Suite à cette présentation, il nous paraît essentiel de procéder à une planification rigoureuse afin de créer les meilleures synergies d'intervention et de diminuer les coûts. En effet, en cas de dégâts aux ouvrages, l'entretien est bien souvent exécuté dans la précipitation et au dernier moment, ce qui entraîne des surcoûts.
Sans vouloir peindre le diable sur la muraille au sujet des bâtiments de l'Etat, il importe que celui-ci utilise rationnellement les sommes mises à sa disposition et qu'il puisse éventuellement les augmenter afin d'en diminuer l'impact financier à long terme. Par ailleurs, le non-usage complet du bonus fédéral pour l'entretien du patrimoine public, à savoir la part dévolue à Genève, est regrettable. Il serait également bienvenu de profiter de ces travaux d'entretien pour favoriser le perfectionnement professionnel et la relève dans les métiers du bâtiment. Il est important pour les jeunes que soient offertes plusieurs perspectives de formation autres que celles du tertiaire; c'est aussi un voeu modeste de cette motion.
Enfin, dresser un bilan portant sur le volume des travaux, l'emploi, les économies d'énergie permettra au Grand Conseil d'apprécier l'amélioration du patrimoine de l'Etat. Je vous propose de renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat.
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). Cette motion permet de rappeler qu'en moyenne 1 000 emplois ont été perdus par année depuis 1989 dans le secteur du bâtiment et de la construction. Elle rappelle aussi que cette hémorragie aurait pu être quelque peu jugulée si une véritable planification des travaux d'entretien des bâtiments, tant étatiques que privés, avait été mise en route et surtout respectée.
Les moyens financiers, certes modestes au vu de l'ampleur des travaux de rénovation à réaliser, sont disponibles. Notre Grand Conseil a voté un bonus cantonal à la rénovation d'un montant de 30 000 millions pour les propriétaires privés, auquel s'ajoutent les mesures fédérales relatives aux travaux de rénovation du domaine bâti public et aux investissements privés permettant d'économiser de l'énergie. Si Genève est longtemps restée en tête de liste pour le taux de chômage enregistré, force est de constater que notre canton détient aussi la lanterne rouge en matière de rénovation et d'entretien, ne serait-ce qu'au niveau des bâtiments publics. Ces travaux représentent des coûts importants, d'où la nécessité de les planifier. Or, nous avons l'impression qu'ils sont décidés dans l'urgence, par exemple quand la façade menace de s'écrouler sur les passants !
Bien que connaissant un fort taux de chômage, le secteur du bâtiment a consenti des efforts considérables en matière de formation tant sur le plan de l'apprentissage que du perfectionnement professionnel. Il est essentiel que les personnes ainsi formées aient la possibilité de garder un emploi et, sur ce point, la responsabilité de l'Etat est tout aussi importante que celle des entreprises. Il ne suffit pas de ratifier l'accord intercantonal des marchés publics, il faut aussi tenir compte du maintien de l'emploi local. Une attitude responsable de l'Etat consistant à répartir équitablement les travaux entre prestataires agréés aura une influence importante sur l'emploi et contribuera ainsi à la lutte contre le travail clandestin. Le groupe socialiste vous demande donc de réserver un accueil favorable à cette motion et de l'envoyer au Conseil d'Etat.
Le président. Je mets aux voix cette proposition de motion.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
Motion(1201)
sur l'entretien du patrimoine bâti de l'Etat
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèveconsidérant :
- la carence déclarée d'entretien du patrimoine bâti de l'Etat ;
- l'état des finances publiques et les moyens à disposition ;
- le rôle anticyclique que peut jouer l'Etat en. entretenant mieux son domaine bâti (maintien de l'emploi, création de places d'apprentissage, savoir-faire, etc.) ;
- la volonté marquée du DAEL d'entreprendre des travaux d'entretien soutenus ;
invite le Conseil d'Etat
- à établir sans délai une véritable planification à long terme des travaux d'entretien et de rénovation du domaine bâti public en vue de rationaliser et de simplifier l'engagement tant de l'administration que des entreprises ;
- à mettre les travaux d'entretien et de rénovation en soumission conformément à la nouvelle réglementation mise en place suite à la ratification de l'AIMP, le cas échéant en groupant les travaux à effectuer sur plusieurs immeubles ;
- à assurer une répartition équitable des travaux entre les artisans et les entreprises figurant sur la liste permanente des prestataires agréés et qui - à qualité égale - font un effort particulier en matière de formation et de perfectionnement professionnels ;
- à publier un rapport annuel sur le volume et les catégories de travaux réalisés, l'impact sur l'emploi, la formation et le perfectionnement professionnels, les économies d'énergie réalisées et sur la répartition des travaux entre entreprises selon la taille.