République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 14 mai 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 8e session - 18e séance
IN 111 et objet(s) lié(s)
Lancement d'une initiative
Le Parti libéral genevois a lancé l'initiative populaire intitulée "; Réduisons les impôts ", qui a abouti.
Le tableau ci-dessous indique les dates ultimes auxquelles cette initiative doit être traitée aux différents stades du processus d'examen des initiatives prévus par la loi.
1.
Arrêté du Conseil d'Etat constatant l'aboutissement de l'initiative, publié dans la Feuille d'avis officielle le
16 février 1998
2.
Débat de préconsultation sur la base du rapport du Conseil d'Etat au sujet de la validité et de la prise en considération de l'initiative, au plus tard le
16 mai 1998
3.
Décision du Grand Conseil au sujet de la validité de l'initiative sur la base du rapport de la commission législative, au plus tard le
16 novembre 1998
4.
Sur la base du rapport de la commission désignée à cette fin, décision du Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative et sur l'opposition éventuelle d'un contreprojet, au plus tard le
16 août 1999
5
En cas d'opposition d'un contreprojet, adoption par le Grand Conseil du contreprojet, au plus tard le
16 août 2000
Initiative populaireRéduisons les impôts
Les citoyens soussignés, électeurs et électrices dans le canton de Genève, en vertu des articles 64 et 65 B de la constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, et des articles 86 à 93 de la loi sur l'exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, proposent le projet de loi suivant :
Projet de loirelatif à la diminution de l'impôt sur le revenu des personnes physiques
LE GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :
Art. 1 Principe
L'impôt direct sur le revenu des personnes physiques, à l'exception des centimes additionnels communaux, est diminué de 12 %.
Art. 2 Taux
1 Cette diminution prend effet, pour une première tranche de 5 % de l'impôt, dès le 1er janvier 1999.
2 Pour une deuxième tranche de 4 %, dès l'exercice budgétaire suivant celui où les comptes de l'Etat se soldent par un déficit, après amortissement, inférieur à 3 % du compte de fonctionnement, mais au plus tard dès le 1er janvier 2003.
3 Pour une troisième tranche de 3 %, dès l'exercice budgétaire suivant celui où les comptes de l'Etat se soldent, après amortissements, par un résultat équilibré, mais au plus tard dès le 1er janvier 2005.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Pour rétablir nos finances et stimuler la reprise économique, réduisons les impôts !
Réduire les impôts quand les caisses sont vides ?
Il n'y a là ni inconscience, ni démagogie, mais un enjeu fondamental :
- Si Genève, par ses impôts exagérés, continue de chasser les contribuables qui paient le plus d'impôts, nous ne pourrons jamais rétablir nos finances publiques. Il ne restera plus, alors, qu'à tailler dangereusement dans les dépenses...
- Les Genevois paient trop d'impôts. Avec un revenu de 100 000 francs, un couple genevois ayant deux enfants paie 20,7 % d'impôt de plus que dans le canton de Vaud, 65,7 % d'impôt de plus qu'à Zurich et... 150 % de plus qu'à Zoug.
- Cette pression fiscale croissante n'épargne pas la classe moyenne. Avec un revenu de 80 000 francs, un couple genevois avec deux enfants paie 12 % de plus qu'à Lausanne et 61 % de plus qu'à Zurich.
- Tout en travaillant à Genève, plus de 15 000 contribuables ont déjà déplacé leur domicile dans le canton de Vaud, ou ailleurs. Pour Genève, la perte d'impôts correspondante se monte à quelque 400 millions de francs par année. Soit exactement le montant de notre déficit.
- Il est urgent de stopper cette hémorragie fiscale. D'autant que nos 1800 contribuables les plus importants, à eux seuls, paient quelque 375 millions d'impôts. Face au risque de nouveaux départs, il n'y a qu'une solution : baisser enfin nos impôts. Et, progressivement, d'ici à 2005, les aligner sur ceux des Vaudois.
- Si l'on veut garantir les prestations sociales et les engagements du canton, il faut attirer - et non pas chasser - les contribuables les plus intéressants. 200 "; gros " contribuables supplémentaires nous rapporteraient autant de recettes fiscales que les 82 000 contribuables de la catégorie la moins imposée.
- Les impôts, c'est comme le prix du téléphone. Pendant des années, les PTT ont juré qu'une baisse des tarifs téléphoniques internationaux les plongerait dans des déficits dramatiques. Mais, aujourd'hui, ayant enfin baissé leurs prix, les PTT encaissent des recettes bien plus importantes qu'avant. Osons faire comme les PTT.
- De plus, une baisse d'impôts stimule la reprise économique. Tous les exemples étrangers le confirment. De l'Irlande à la Nouvelle-Zélande, les pays qui ont baissé leurs impôts se sont assuré relance économique et baisse du chômage. Au contraire, en haussant encore leurs impôts, la France et l'Allemagne ne font qu'aggraver crise et chômage.
- Genève, qui a les impôts les plus lourds, est l'un des cantons les plus durement touchés par le chômage. Inversement, Zoug, dont les impôts sont le tiers des nôtres, ne connaît ni chômage, ni déficits publics.
- Plus l'impôt augmente, plus les recettes diminuent. Au contraire, une baisse d'impôts redonne les moyens et l'envie de consommer, relance l'économie, crée des emplois et, ainsi, assure des recettes fiscales supplémentaires.
- Raisonnable, la baisse d'impôts proposée (5 % dès 1999, puis 4 % d'ici 2003 et 3 % d'ici 2005) n'est pas "; un cadeau pour les riches ". Elle profitera à tous.
Conclusion évidente : pour assurer l'avenir de Genève, développer les recettes fiscales, sauvegarder les budgets publics, restaurer la confiance, stimuler la relance et favoriser l'emploi, réduisons les impôts !
Dans l'intérêt de l'ensemble de la communauté genevoise.
Rapport du Conseil d'Etat
(111-A)au Grand Conseil sur la validité et la prise en considération de l'initiative "; Réduisons les impôts "
Le Conseil d'Etat a constaté l'aboutissement de cette initiative par un arrêté du 11 février 1998, publié dans la Feuille d'avis officielle du 16 février 1998. De cette date court une série de délais successifs qui définissent les étapes de la procédure en vue d'assurer le bon exercice des droits populaires.
Le premier de ces délais a trait au débat de préconsultation qui doit, de par la loi, intervenir à la séance du Grand Conseil des 14 et 15 mai 1998. C'est en vue de ce débat que le Conseil d'Etat soumet le présent rapport.
A. LA VALIDITÉ DE L'INITIATIVE
Le Conseil d'Etat est d'avis que l'initiative "; Réduisons les impôts " (IN 111) ne devrait pas poser de problème de recevabilité, ainsi que cela résulte de la brève analyse qui suit.
I. Recevabilité formelle
1. Unité de la matière
Le respect de ce principe postule que l'on présente au suffrage du corps électoral une question unique à laquelle il puisse être répondu par "; oui " ou par "; non ".
L'initiative 111 comporte comme seule et unique question un projet de loi posant le principe d'une diminution de l'impôt direct sur le revenu des personnes physiques, à l'exception des centimes additionnels communaux, ainsi que les étapes de réalisation de cette diminution.
Le principe de l'unité de la matière est ainsi respecté (art. 66, al. 2, de la Constitution).
2. Unité de la forme
Le principe de l'unité de la forme (art. 66, al. 1 de la Constitution) exige que les initiants choisissent soit l'initiative non formulée, soit l'initiative formulée, mais pas un mélange des deux formes, faute de quoi le traitement de l'initiative serait difficile, voire impossible, compte tenu des dispositions légales applicables.
S'agissant en l'espèce d'une initiative rédigée de toutes pièces, au sens de l'article 65 B de la Constitution, l'initiative répond à cette condition.
3. Unité du genre
L'unité du genre ou l'unité normative (art. 66, al. 1 de la Constitution) exige que l'initiative soit du niveau d'une forme législative ou de celui d'une norme constitutionnelle, sans mélange des deux.
Ce principe est respecté en l'espèce, les choix des initiants s'étant portés sur un projet consacré à la diminution de l'impôt sur le revenu des personnes physiques.
II. Recevabilité matérielle
1. Conformité du droit
Le respect de ce principe suppose qu'une initiative cantonale doit avoir un contenu compatible avec le droit supérieur. Dès lors que l'on a affaire en l'occurrence à une initiative législative, l'initiative doit respecter la constitution cantonale ainsi que l'ordre juridique fédéral (force dérogatoire du droit fédéral), voire intercantonal ou international.
Les cantons disposent, en matière fiscale, de la compétence, parallèlement à la Confédération, de percevoir un impôt direct sur le revenu des personnes physiques notamment.
La proposition des initiants relative à la réduction de l'impôt direct sur le revenu des personnes physiques ressortit à un domaine relevant de la sphère de compétence des cantons.
Il apparaît en outre que le projet ne se heurte à aucune disposition contraire tant au niveau constitutionnel cantonal qu'au regard du droit fédéral.
2. Exécutabilité
Ce principe veut qu'en cas d'acceptation par le peuple, l'initiative puisse être réalisée, c'est-à-dire traduite concrètement dans les faits et dans un délai raisonnable, voire dans les délais imposés lorsque le texte de l'initiative en comporte expressément comme c'est le cas en l'espèce.
Il est utile d'observer à cet égard que selon l'article 2, alinéa 1, de l'initiative, la diminution d'impôt prévue "; prend effet, pour une première tranche de 5 % de l'impôt, dès le 1er janvier 1999 ".
Le respect de cette date suppose que le processus parlementaire d'examen du texte, conformément à l'article 67 A de la Constitution genevoise, soit conduit de façon accélérée, c'est-à-dire sans mise à profit des délais maximums accordés par la Constitution, le tout en tenant compte d'une éventuelle votation populaire et du vote en temps utile du budget 1999 par le Grand Conseil.
On peut admettre toutefois que ces exigences de temps ne sont pas a priori insurmontables et qu'elles ne sauraient dès lors constituer un obstacle tel à la concrétisation de l'initiative qu'il faille considérer celle-ci comme irréalisable et, partant, l'invalider pour cause d'inexécutabilité manifeste.
B. LA PRISE EN CONSIDÉRATION DE L'INITIATIVE
1. Le Conseil d'Etat recommande le rejet de l'initiative
Le Conseil d'Etat considère que dans sa forme actuelle, l'initiative visant la réduction des impôts ne peut pas être prise en considération en raison de son inopportunité. En effet, une baisse d'impôts provoquerait une diminution des recettes fiscales et par voie de conséquence une augmentation du déficit de l'Etat, ce qui aurait pour seul effet de mettre en danger les prestations, sociales en particulier, de l'Etat. Ses effets sur la relance de l'économie sont, en revanche, plus qu'hypothétiques.
2. Modification proposée par l'IN 111
L'initiative propose, dans le but de, soi-disant, stimuler la relance économique, une réduction linéaire de 12 % des impôts sur les revenus des personnes physiques, étalée en trois temps jusqu'en 2005, soit :
- une première baisse de 5 % en 1999, les deux tranches complémentaires devant intervenir sous condition ;
- la deuxième tranche, de 4 %, est liée à un rapport entre déficit après amortissement et compte de fonctionnement de 3 % et doit intervenir au plus tard en 2003 ;
- la troisième baisse de 3 % est liée à l'obtention d'un résultat équilibré après amortissement des comptes de fonctionnement. Elle doit intervenir au plus tard en 2005.
3. Conséquences socio-économiques de l'acceptation éventuelle de l'initiative
Telle quelle, l'initiative présente un avantage financier important pour les hauts revenus.
En effet, pour 43 % des contribuables disposant d'un revenu net imposable de moins de Fr. 30 000.-, l'économie d'impôt est en moyenne de l'ordre de Fr. 200.- par contribuable et par an, alors que pour 0,9 % des contribuables dont le revenu net imposable est de plus de Fr. 300 000.-, l'économie se monte à Fr. 26 400.- par contribuable et par an. Il convient également de souligner que les revenus les plus modestes ne sont pas touchés par l'initiative, puisque 50 000 d'entre eux se situent en dessous du seuil d'imposition.
Une fois qu'elle déploiera ses pleins effets, l'initiative aura pour effet de diminuer les recettes fiscales de plus de 230 millions de francs par année, y compris le produit de l'impôt à la source. La première baisse de 5 % générera à elle seule une décrue de 88 millions de francs, qui sera bien sûr reconduite chaque année. Cette perte se montera carrément à 170 millions de francs dès l'année où la réduction supplémentaire de 4 % entrera en force, soit dès 2003 au plus tard. La perte sera enfin de 230 millions de francs dès l'année où la réduction sera totale par l'entrée en vigueur de la dernière baisse de 3 %, soit dès 2005 au plus tard. A cet égard, les tableaux annexés au présent rapport sont éloquents.
Au terme de la période comprise entre 1999 et 2005, la baisse des rentrées fiscales sera dès lors, au minimum, de 923 millions de francs :
Année
Diminution de recettes de l'année concernée
Cumul depuis la prise d'effet de l'initiative
1999
88 millions
88 millions
2000
88 millions
176 millions
2001
88 millions
264 millions
2002
88 millions
352 millions
2003
170 millions
522 millions
2004
170 millions
692 millions
2005
231 millions
923 millions
Compte tenu de la situation financière de l'Etat et du niveau des déficits publics, des diminutions des prestations devront intervenir pour compenser la baisse d'impôts. En effet, 88 millions de pertes fiscales à court terme impliqueront que l'on touche aux dépenses sociales : seront ainsi susceptibles d'être touchés rapidement les postes de dépenses liés au chômage, aux allocations aux personnes âgées, aux subsides d'assurance-maladie, au logement social, aux allocations d'étude, à l'Hospice général, à l'assistance médicale et à l'aide à domicile ou aux subventions à des institutions sociales ou hospitalières.
Pour prendre un autre exemple encore, l'objectif des initiants pourrait être atteint en ramenant le revenu minimum cantonal genevois pour les rentiers AVS-AI au niveau de ce qui est prévu au plan fédéral. En diminuant de 22 500 à 17 000 francs le revenu de 25'000 personnes, l'économie pour l'Etat est de 102 millions de francs. Il serait également possible d'économiser environ 100 millions de francs sur le budget de fonctionnement en fermant l'hôpital de Loëx (34,9 millions de francs), l'hôpital Beau-Séjour (28,9 millions de francs), la clinique de Montana (9,4 millions de francs) et la maternité (32,6 millions de francs).
Si un tel effort pouvait, à la rigueur, être supporté une année, il est exclu de le voir se reconduire de manière indéterminée.
Il est de surcroît évident que, dans l'hypothèse d'une diminution forte des recettes fiscales, les lois d'aide aux petites et moyennes entreprises votées récemment par le Grand Conseil ne pourraient déployer tous leurs effets.
En résumé, c'est le rôle redistributeur de l'Etat dans son ensemble qui est remis en question dans la perspective d'une telle décrue de recettes.
4. Réponse à la motivation des initiants
On l'a vu, l'initiative propose une réduction linéaire de 12 % des impôts sur les revenus des personnes physiques, en trois temps, étalée de 1999 jusqu'en l'an 2005.
La motivation des initiants est la suivante :
- développer les recettes fiscales et sauvegarder les budgets publics,
- stimuler la relance économique et favoriser l'emploi.
a) Développer les recettes fiscales et sauvegarder les budgets publics
Il se trouve que l'objectif du gouvernement est le redressement des finances du canton.
Or, le poids de la dette de l'Etat est très directement lié au poids et à la répartition dans le temps de la fiscalité. On admet, en effet de manière générale, qu'une marge d'autofinancement positive ou nulle est la condition sine qua non d'une gestion équilibrée des finances publiques. En cas de marge d'autofinancement négative, le canton s'endette pour couvrir les dépenses courantes et répercute sur les contribuables futurs la charge du remboursement de la dette accumulée. Actuellement, le canton de Genève se trouve dans cette situation.
En réalité, le premier effet de l'initiative 111 serait d'aggraver encore le déficit, ce qui rétrécirait encore plus la marge d'autofinancement de l'Etat et porterait atteinte à la capacité des finances cantonales à maintenir à long terme une distribution équitable du fardeau fiscal entre les générations de contribuables. A court terme, c'est la marge de manoeuvre des autorités cantonales qui se verrait réduite, ainsi que leur capacité d'investir. Or, actuellement, la somme des intérêts passifs représente un montant supérieur à 15 % des recettes fiscales structurelles de l'Etat.
Par ailleurs, comme on l'a vu plus haut, une baisse des recettes de l'importance de celle prévue par les initiants entraînerait une diminution des prestations sociales offertes par l'Etat.
Le dépôt de cette initiative intervient à un moment de complète restructuration de l'économie privée, qui provoque une dérégulation importante du marché de l'emploi. Actuellement, on compte plus de 20'000 chômeurs, dont certains, de longue durée, sont contraints de faire appel à l'aide de l'Etat par le biais du RMCAS.
Le développement technologique, allié à la concurrence accrue, ainsi que le vieillissement de la population augmentent les besoins d'aide de bon nombre de citoyens. Dans un tel contexte, l'application d'une politique de redistribution par l'Etat est indispensable, mais elle implique des services publics plus forts, plus efficaces et plus structurés en termes de champ de couverture et de qualité des services rendus, ce qui est impossible à réaliser dans l'hypothèse d'une diminution des recettes.
Dès lors, le paradoxe de l'argument des initiants n'est pas qu'apparent, mais bel et bien réel, tant il est vrai qu'aucune proposition concrète d'économies budgétaires n'accompagne, et pour cause, la proposition de réduction des recettes.
b) Stimuler la relance économique et favoriser l'emploi
L'initiative part du postulat qu'un aménagement de la fiscalité attirerait à Genève plus de hauts revenus et éviterait que ceux qui y sont soient dissuadés d'y rester; ceci favoriserait, aux yeux des initiants, l'augmentation de l'épargne et des investissements.
Ce raisonnement, correct en théorie, ne résiste pas face aux arguments suivants :
- la fiscalité n'est pas le seul critère, ni même le critère déterminant dans la décision d'une personne de s'établir à Genève. L'habitat et le coût de la construction jouent un rôle prépondérant, de même que les structures sociales. Sur les 106 contribuables genevois qui s'acquittent en moyenne de Fr. 1 million d'impôt chacun par an, aucun, selon les dernières données statistiques disponibles, n'a quitté le canton à ce jour ;
- notre économie a suffisamment d'épargne en ce moment. Par contre, la demande intérieure est ralentie.
Selon l'Office fédéral de la statistique, le taux de consommation des revenus aisés, pour lesquels l'économie d'impôt serait la plus forte, est relativement faible, soit de l'ordre de 50 % pour les revenus se situant entre Fr. 300 000.- et Fr. 500 000.-, alors que pour les revenus plus modestes, ce même taux s'accroît jusqu'à 100 %.
La minorité de contribuables aisés que l'initiative avantagerait de manière prépondérante a une propension à épargner plus élevée que les ménages à faibles revenus. Elle n'alimenterait dès lors la demande intérieure qu'à la condition de procéder à des investissements dans notre canton dans une proportion équivalente à l'économie fiscale réalisée grâce à la baisse du taux de l'impôt. Or, en l'état, il est impossible de déterminer si la baisse d'impôt envisagée conduirait à relancer la consommation dans une telle proportion.
Depuis 1991, les ménages reportent plutôt leur revenu disponible sur l'épargne. D'autre part, la consommation de masse s'est surtout développée en France voisine.
De l'avis général, la fiscalité ne peut, à elle seule, fonder la relance. Cette dernière ne peut que résulter de la conjugaison de plusieurs moyens économiques, tels que la politique monétaire ou l'augmentation des investissements publics dans les domaines de la formation et de la recherche.
C. CONCLUSIONS
Toute modification absolue ou relative de la charge fiscale des personnes physiques, comme des personnes morales, peut entraîner des conséquences importantes sur les recettes fiscales du canton.
Le seul effet à court terme de l'initiative serait l'augmentation du déficit public ou les coupes dans les prestations sociales, sans qu'il soit pour autant possible d'établir avec certitude si l'effet de relance se produira.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Conseil d'Etat vous recommande, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser l'initiative 111 "; Réduisons les impôts ".
Préconsultation
M. Michel Balestra (L). Tous les indicateurs sont au vert, et pourtant les consommateurs genevois boudent et ont peur de l'avenir; nous restons, sur les marchés de proximité, comme englués dans une crise qui semble s'éterniser.
Les autorités politiques auraient dû donner un signe clair pour exprimer leur confiance en l'avenir. Une baisse des impôts significative serait un catalyseur capable de donner un coup de fouet à une reprise qui tarde à s'amorcer.
Notre conseil n'ayant pas pu se mettre d'accord, le souverain, par le biais de cette initiative, va prendre son destin fiscal en main.
Malheureusement, si nous partageons l'analyse du Conseil d'Etat dans son rapport sur la recevabilité de cette initiative, nous trouvons sa position catégorique, presque bornée quant au fond, précipitée et lacunaire.
Après avoir été interpellé par la minorité du parlement sur ce sujet et avoir proposé de le rejeter, le gouvernement aurait dû se poser quelques questions au moment où il est interpellé par le souverain.
Premièrement, est-il normal qu'un couple genevois, le mari et la femme travaillant tous deux, avec un revenu de 100 000 F et deux enfants, paie 20,7% de plus d'impôts à Genève que dans le canton de Vaud, 65% de plus qu'à Zurich et 150% de plus qu'à Zoug ?
Deuxièmement, les actifs non résidents qui travaillent à Genève mais habitent et paient leurs impôts ailleurs sont passés de mille cinq cents en 1950 à soixante mille en 1990. Cette diminution du nombre de contribuables genevois est-elle souhaitable pour l'avenir de nos finances publiques ?
Troisièmement, parmi ces actifs non résidents, le nombre de frontaliers vaudois a passé de sept cent quatre-vingt-six en 1950 à près de vingt mille en 1990. La perte de substance fiscale pour notre canton se monte à plus de 500 millions annuellement, soit le montant exact de notre déficit actuel. Peut-on continuer ainsi sans agir ?
Quatrièmement, selon une étude des experts-comptables genevois transmise à la Chambre de commerce en 1990, 65% des contribuables ayant renoncé à s'établir à Genève ont pris cette décision en raison d'une fiscalité trop importante. Parmi ceux qui ont quitté notre territoire, 45% l'ont fait pour des raisons fiscales. Les résultats sans appel de cette analyse ne devraient-ils pas nous interpeller ?
Cinquième question : peut-on admettre que l'audit général de l'Etat voté par le peuple et identifiant près de 200 millions d'économies possibles soit renvoyé à une commission à laquelle j'ai toujours refusé de participer - comme certains journaux amis s'en sont fait l'écho - précisément parce que c'est une affaire entre le peuple souverain et le gouvernement. Le diluer devant une commission pour noyer le poisson, alors que plus de 16 millions ont été dépensés pour la réalisation de cet audit par des professionnels de l'extérieur, est une mascarade. Cet audit, voté et réalisé, a force de loi.
Mesdames et Messieurs les députés, nous devons avoir le courage d'affirmer que pour augmenter les revenus fiscaux il faut pratiquer un marketing fiscal, afin de retrouver progressivement, selon nos moyens, une compétitivité perdue par rapport à notre environnement immédiat.
Comme l'a fait courageusement la présidente du département des finances face à la presse, nous devons avoir le courage d'affirmer que le meilleur moyen d'équilibrer les comptes, c'est de réaliser 100 à 300 millions d'économies, et non de laisser perdurer un handicap fiscal évident, identifié clairement par le groupe d'experts indépendants dans le rapport sur les finances cantonales.
Augmenter le nombre des contribuables ne signifie pas percevoir moins d'impôts; c'est en percevoir davantage en garantissant la stabilité de la perception.
Enfin, voici de quoi vous intéresser, Mesdames et Messieurs les députés, puisque le reste ne semble pas vous intéresser beaucoup... (Brouhaha.) Plus l'impôt augmente, plus les recettes diminuent. J'en veux pour preuve l'étonnement de nos voisins vaudois en trouvant dans leurs caisses plus d'argent que budgeté; la surprise étant inversement proportionnelle pour nous !
Le débat sur la recevabilité ne pose pas de problème; le débat sur le fond devra répondre à toutes ces questions avant de balayer sans autre discussion cette initiative.
M. Bernard Lescaze (R). Je suis un peu étonné d'entendre M. Balestra : je croyais que la campagne électorale était terminée depuis plusieurs mois ! (Rires.) On essaie encore, même dans cette enceinte, de nous faire prendre des vessies pour des lanternes !
Je suis surpris de voir que certains des arguments avancés par un comité dit «Halte aux déficits» - mais dont l'action pour l'instant contribue à les creuser - ont trouvé un relais fort en voix et puissant en volume dans ce Grand Conseil.
Il est possible que les réflexions de M. Balestra eussent été utiles à la commission de l'audit qui s'est réunie, sauf erreur, à cinq reprises depuis le début de cette législature. Commission dans laquelle, en théorie du moins, siège M. le député Balestra, mais qui, malheureusement, n'a jamais eu l'honneur et le plaisir de le voir ! (Exclamations.)
Il y a donc deux discours : celui qu'on tient sur des tréteaux, et celui que doivent tenir des hommes et des femmes de gouvernement. Je suis étonné de découvrir ce soir que le parti libéral ne se considère plus comme un parti de gouvernement. Nous en prenons bonne note dans l'hypothèse de cette volonté commune de tenter de rétablir les finances publiques dont la dette totale a doublé en moins de huit ans.
Dans ces conditions, nous aurons l'occasion à plusieurs reprises de débattre de cette initiative. Pour l'instant, il convient de la renvoyer à la commission législative pour l'examen de sa validité et de sa recevabilité qui évidemment ne font aucun doute. Ensuite, il s'agira d'en examiner le fond. On verra alors si les marchands d'orviétan et les vendeurs de drogues sont encore là, ou s'ils ont véritablement des recettes propres à soigner les finances publiques. Ce soir, nous n'avons entendu que du vent. (Applaudissements.)
IN 111-A
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat.
IN 111
L'initiative est renvoyée à la commission législative.