République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 7766-A
6. Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de MM. Christian Ferrazino, Jean Spielmann et Pierre Vanek modifiant la loi sur la Banque cantonale de Genève (D 2 05). ( -) PL7766
Mémorial 1997 : Projet, 9820. Renvoi en commission, 9832.
Rapport de M. Thomas Büchi (R), commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil

Ce projet de loi, déposé par trois députés de l'Alliance de Gauche le 18 novembre 1997 a été renvoyé à la commission des droits politiques par le Grand Conseil.

La commission des droits politiques sous la présidence de M. John Dupraz a consacré plusieurs séances à l'examiner :

- les 10 et 17 décembre 1997

- les 7, 14, 21 et 28 janvier 1998

- enfin le 11 février 1998

La commission a bénéficié tout au long de ses travaux de l'aide et des conseils avisés des personnes suivantes :

- Mme Micheline Calmy-Rey, Conseillère d'Etat

- M. Robert Cramer, Conseiller d'Etat

- M. Carlo Lamprecht, Conseiller d'Etat

- MM. Magnin, Gabioud et Goumaz du Département de l'économie publique.

Préambule

Ce projet de loi fait partie de tout un train de projet de loi déposés par l'Alliance de Gauche en automne 1997. Ceux-ci demandaient tous que chaque parti politique représenté au Grand Conseil ait au moins un représentant dans les commissions administratives et les conseils d'administration des principales collectivités publiques de notre canton. La commission des droits politiques à donc successivement traité les projets de lois pour les CA des SI, de la FIPA, des TPG et de l'Aéroport international de Genève. Ces projets de lois n'ont par ailleurs posés aucun problème particulier et ont permit de combler à satisfaction de l'ensemble du Grand Conseil une lacune dans ce domaine. Par contre pour le projet de loi 7766 les travaux furent beaucoup plus longs, délicats et fastidieux, car, la plupart des députés pensaient à juste titre qu'il fallait réfléchir de manière très approfondie sur le projet de loi du CA de la BCG, car cette dernière ne pouvait pas être traitée de la même manière que les autres organismes publics. Indépendamment du fait qu'elle n'appartient pas au seul canton de Genève, qui ne détient que le tiers de son capital souscrit, il était en effet primordial de prendre en considération le fait que la Banque Cantonale doit absolument être préservée pour rester compétitive et attractive face à la concurrence féroce qui sévit actuellement dans les milieux bancaires. On connaît tous les méthodes inquiétantes utilisées par les grandes banques actuellement (Méga-fusions, licenciement massif du personnel, désintérêt de l'économie locale etc.). Le fait d'avoir une Banque Cantonale Genevoise forte n'en est que plus important, car elle est encore la seule à remplir un rôle social objectif vis à vis de son personnel tout en maintenant un dialogue constructif avec les entreprises locales, qui sont le poumon de notre économie.

Auditions de la commission

Forte de ces constatations la commission à décidé de procéder à plusieurs auditions pour pouvoir se forger un avis objectif avant de se déterminer. Elle a donc reçu en premier lieu la Banque Cantonale de Genève représentée par :

- M. Dominique Ducret, président du CA

- M. Pierre Schmid, vice-président du CA

- M. Jaques Perrot, secrétaire du CA.

Les représentants de la BCG ont exposé leur point de vue à la commission qui, pour l'essentiel, est résumé dans un courrier annexé au présent rapport.

En deuxième lieu, la commission a auditionné l'Association des Communes Genevoises représentée par :

- MM. Pierre Hiltpold, président, Patrice Plojoux et Alain Rutsche.

Les représentants de l'Association des Communes ont exposé leur point de vue à la commission qui, pour l'essentiel, est résumé dans une lettre annexée au présent rapport.

Travaux de la Commission

Dans un premier temps, les débats de la commission, longs et souvent contradictoires, ont permis de dégager trois tendances :

- la première constituée par les partisans du statu quo qui considèrent qu'aucun dysfonctionnement du Conseil d'Administration de la banque n'ayant été démontré, ni même allégué, rien ne justifie de modifier la loi votée en 1993.

- la seconde constituée par les partisans d'une approche conforme à la volonté des auteurs du projet de loi qui demandent que la désignation des représentants du canton soit confiée aux partis politiques, le Grand Conseil fonctionnant alors comme une simple chambre d'enregistrement.

- la troisième constituée par les partisans d'une solution intermédiaire consistant à conserver au Conseil d'Etat la compétence du choix des administrateurs représentant le canton, ce choix étant toutefois limité pour permettre à toutes les sensibilités politiques d'être représentées au sein du Conseil d'Administration.

Des discussions qui s'engagèrent à la suite du dépôt de plusieurs propositions d'amendements, il fut possible de dégager les trois principes suivants :

- la représentation du canton et des communes doit rester égale (six administrateurs pour le canton et six administrateurs pour les communes, dont quatre pour la Ville de Genève) en raison du fait que leur participation au capital social de la banque est identique.

- la représentation de l'actionnariat privé ne doit pas être réduite.

- la désignation des représentants du canton, sur proposition d'un candidat par chacun des partis politiques représentés au Grand Conseil, doit rester en décision finale de la compétence du Conseil d'Etat.

Vote de la Commission

La majorité de la commission s'est finalement entendue sur le texte définitif suivant :

Projet de loi(7766)

modifiant la loi sur la Banque cantonale de Genève (D 2 05)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi sur la Banque Cantonale de Genève, du 24 juin 1993, est modifiée comme suit :

Art. 12, al. 2  (nouvelle teneur)

2 Le Conseil d'Administration est formé de membres justifiant de compétences dans les domaines bancaire, juridique, économique ou financier et représentatif des milieux politiques, économiques et sociaux du canton, soit :

a)  6 membres désignés conformément à l'article 13 par les communes, dont 4 par la Ville de Genève et 2 par les autres communes, représentant l'actionnariat nominatif.

b)  6 membres désignés pour le canton par le Conseil d'Etat sur proposition de chacun des partis politiques représentés au Grand Conseil, représentant l'actionnariat nominatif.

c)  3 à 6 membres représentant l'actionnariat au porteur et élus par lui.

Ce texte a été adopté lors du vote final par :

POUR : 10 (3 S, 2 Ve, 2 R, 3 L)

CONTRE  1 (1 DC)

Abst.  4 (1 DC, 3 AdG)

Interprétation du texte

En conséquence, le texte sur lequel la majorité de la commission s'est finalement déterminée présente les caractéristiques suivantes :

- Enumération des compétences minimales exigées des administrateurs de la banque, soit des connaissances dans les domaines bancaire, juridique, économique ou financier, celles-ci pouvant résulter soit d'une formation de base appropriée, soit d'une formation acquise.

- Précisions que les administrateurs de la banque doivent être représentatifs non seulement des milieux politiques et économiques du canton, mais également des milieux sociaux.

- Désignation des représentants du canton par le Conseil d'Etat sur proposition de chacun des partis politiques représentés au Grand Conseil, contrairement à la loi actuelle qui donne au gouvernement une liberté de choix pleine et entière.

- Pas de changement pour les représentants des communes et de l'actionnariat privé.

La modification essentielle retenue par la majorité de la commission vise à donner aux partis politiques représentés au Grand Conseil (actuellement au nombre de six) un droit de proposition destiné à permettre une équitable représentation de toutes les sensibilités politiques du canton au sein du Conseil d'Administration de la Banque Cantonale. Chaque parti politique présente donc un candidat. Le Conseil d'Etat pouvant bien évidemment refuser une proposition pour des raisons d'opportunité, sans avoir à justifier de motif quelconque. Si un tel cas de figure devait se présenter un jour, le parti politique concerné se trouverait alors dans la situation de présenter un autre candidat.

A la question posée de ce qui se passerait dans l'hypothèse où plus de six partis seraient représentés au Grand Conseil, aucune réponse n'est donnée en l'état. Dès lors, il serait nécessaire de modifier la loi si ce cas de figure venait à se réaliser.

Conclusions et recommandations de la commission.

Mesdames et Messieurs les députés, même si le groupe DC pense que le Conseil d'Etat n'a plus de marge de manoeuvre et que l'AdG estime que le projet de loi 7766 amendé ne va pas assez loin, la majorité de la commission est convaincue que le nouveau texte qui vous est proposé présente des avantages indéniables.

En effet, et c'est primordial, le Conseil d'Etat peut dire non à une proposition, il n'est donc pas juste une chambre d'enregistrement comme certains voudraient le laisser entendre. De plus, il est très positif de constater que les critères de compétences s'appliquent désormais à tous, sans distinction aucune entre monde politique et civil. Ainsi le Conseil d'Etat est le garant de ces critères de qualité et cela constitue indéniablement une marge de manoeuvre importante. Il est donc maintenant de la responsabilité des partis politiques de présenter des personnes compétentes.

Il était également primordial de ne pas augmenter le nombre des administrateurs de la banque pour ne pas risquer d'alourdir inutilement son fonctionnement. Le nombres de ceux-ci reste donc inchangé. De plus, la proportion équitable d'administrateurs, soit un tiers pour le canton, un tiers pour les communes et un tiers pour l'actionnariat au porteur est respectée et correspond à l'état actuel de la répartition du capital social de la banque (cf. tableau annexé).

Un autre souci non négligeable a en permanence conduit les travaux de la commission vers un consensus. C'est celui d'éviter à tout prix un affrontement gauche droite qui pourrait s'avérer extrêmement nuisible pour l'image de la banque vis à vis du public. Nous y sommes parvenus en commission et nous espérons qu'il en sera de même en séance plénière, ceci dans l'intérêt de notre Banque Cantonale.

Forte de toutes ces considérations, la majorité de la commission vous suggère, Mesdames et Messieurs les députés, de voter le PL 7766 tel qu'il a été amendé.

Annexes :

Courrier de la BCG du 5 février 1998

Tableau de répartition du capital social de la BCG

Tableau de la répartition des administrateurs

Lettre de l'ACG du 5 février 1998

Amendements 1 et 2 proposés en commission

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Premier débat

M. Thomas Büchi (R), rapporteur. Je souhaite faire une déclaration préliminaire et rappeler certains faits.

Le projet de loi 7766 modifiant la loi sur la Banque cantonale de Genève et déposé par l'Alliance de gauche aura fait couler beaucoup d'encre dans la République !

Ce projet faisait partie d'un train de projets de lois déposés en automne 1997 demandant tous que chaque parti politique représenté au Grand Conseil ait au moins un représentant dans les commissions administratives et les conseils d'administration des principales collectivités publiques de notre canton.

La commission des droits politiques a successivement traité les projets de lois concernant les conseils d'administration des Services industriels, de la FIPA, des TPG et de l'aéroport international de Genève. Ces projets n'ont posé aucun problème particulier et ont permis de combler une lacune dans ce domaine à la grande satisfaction de l'ensemble du Grand Conseil.

Par contre, pour le projet 7766, les travaux furent longs, délicats et fastidieux; la plupart des députés pensaient à juste titre qu'il fallait y réfléchir de manière approfondie, la Banque cantonale ne pouvant pas être traitée de la même manière que les autres organismes publics.

Indépendamment du fait qu'elle n'appartient pas au seul canton de Genève qui ne détient que le tiers de son capital souscrit, il était primordial de prendre en considération que la Banque cantonale doit absolument être préservée pour rester compétitive et attractive face à la concurrence féroce sévissant actuellement dans les milieux bancaires.

Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission des droits politiques a eu, tout au long des travaux, le souci majeur de préserver les intérêts de la Banque cantonale en essayant de trouver une solution juste et équitable face à la problématique soulevée par les auteurs du projet de loi; nous pensons y être parvenus. Le texte amendé qui a finalement été adopté par la commission est une solution intermédiaire permettant, selon les voeux des auteurs du projet de loi, de garantir à chaque parti représenté au Grand Conseil d'avoir un administrateur élu à la Banque cantonale. En revanche, il nous est apparu comme extrêmement important de maintenir un garde-fou : il appartient au Conseil d'Etat de désigner les candidats.

Une autre amélioration décidée par notre commission m'apparaît essentielle : les critères de compétences s'appliquent désormais à tous, sans aucune distinction entre le monde politique et civil. De plus, le nombre d'administrateurs est inchangé et reste proportionnel à l'état actuel de répartition du capital social de la BCG. Il appartiendra donc aux partis politiques de présenter des candidats compétents.

Un autre souci non négligeable a conduit en permanence les travaux de la commission vers un consensus : éviter à tout prix un affrontement gauche-droite qui pourrait s'avérer funeste pour l'image de la banque auprès de ses clients et du public.

La commission compte donc sur votre sagesse, ce soir ! Je m'arrête là pour l'instant et vous remercie de votre attention.

M. John Dupraz (R). Ce projet de loi a suscité de longs débats en commission, parfois un peu tendus, mais la volonté des uns et des autres a été de dégager un compromis pour rallier le plus grand nombre de partis de ce Grand Conseil et de députés en commission.

Dans les heures précédant cette séance, certains députés de la commission se sont concertés. Au début de la séance, nous avons rediscuté le texte de l'article 12, alinéa 2, pour nous arrêter sur un nouveau texte respectant les principes sur lesquels la commission était tombée d'accord, à savoir la parité des administrateurs entre les communes et l'Etat, et le principe selon lequel le Conseil d'Etat désigne les administrateurs pour le canton.

Sans trahir le texte initial figurant dans le rapport de M. Büchi, ce texte est acceptable et pourrait rallier une grande majorité de députés et de partis, même s'il ne suscite pas l'enthousiasme dans certains groupes. Genève a intérêt à avoir une banque cantonale forte : alors que les grandes banques ont tendance à se défaire de l'activité économique suisse et régionale en faveur d'une activité internationale, les PME et l'économie de ce canton ont besoin d'une banque cantonale. Dans l'intérêt politique du canton et de la banque, nous ne devons pas nous étriper dans un débat qui ne mènerait à rien.

Au nom de la grande majorité de la commission, je propose à ce Grand Conseil de se rallier à cet amendement, qui n'est du reste pas le mien; il a rencontré un large consensus auprès des membres de la commission... (Remarque.) Ce texte vient de vous être distribué, Monsieur Vaissade. Il est vrai qu'il faut vous expliquer les choses longtemps pour que vous compreniez quelque chose ! (Rires.)

Il y a un deuxième amendement mineur. C'est un détail technique qui n'a pas été discuté en commission, mais qui a été modifié à la demande du Conseil d'Etat. A l'article 12, alinéa 8, nous proposons que les administrateurs soient désignés le 31 mars plutôt que le 31 janvier, étant donné que l'assemblée générale de la banque se tient toujours en mai ou en juin. Ce délai peut faciliter le travail des collectivités publiques pour désigner leurs représentants au conseil d'administration.

Je demande donc à ce Grand Conseil de se rallier à ces deux propositions de la commission.

M. Albert Rodrik (S). Voici donc le dixième et dernier projet du train de projets de lois destinés à injecter, si j'ose dire, une dose supplémentaire et, espérons-le, déterminante d'équité et de représentativité dans le processus de composition de nos conseils d'administration et/ou commissions administratives.

S'il arrive le dernier ce n'est pas anodin et ce n'est pas fortuit. Comme nous l'ont dit tant le rapporteur que le président de la commission, c'est que le travail a été difficile ! Et je vous épargnerai ce que j'avais écrit sur mes feuillets, à savoir l'énumération des sept difficultés majeures. Je m'en tiendrai donc là.

Mesdames et Messieurs, Genève a mis soixante ans, depuis les péripéties des années 30, à avoir une banque cantonale ! Soixante ans, cela signifie que la volonté politique n'a pas toujours été au rendez-vous et qu'il a fallu la forger...

Dans cet ordre d'idée, même s'il est 23 h passées et que nous voulons faire vite, je tiens à rendre hommage à trois personnages - deux disparus et le troisième a quitté la vie politique active - qui jalonnent l'histoire de la difficile naissance de cette banque cantonale.

Le premier est Alex Burtin. Pendant des décennies, Alex Burtin a voulu, réclamé, souhaité, tempêté, pour avoir une banque cantonale. Il est le symbole de ce que le parti auquel j'appartiens n'a jamais cessé de vouloir : une banque en main publique pour ce canton.

Le deuxième est Emile Dupont. Emile Dupont a présidé la Caisse d'épargne de Genève et a transformé une «banquette» en une vraie banque universelle. Il a aussi recruté celui qui devait devenir le directeur général de la Banque cantonale. Sans lui, probablement, ce processus n'aurait pas pu se faire.

Le troisième est Olivier Vodoz, qui, dès son entrée en fonctions, a reconnu les enjeux et a donné les impulsions qu'il fallait. Nous devions donc à ces hommes, nous devions donc à cette difficile parturition d'une banque cantonale - à côté de l'indéniable nécessité de l'équité et de la représentativité - d'avoir le sens des responsabilités.

Nous devons, Mesdames et Messieurs, trouver la Banque cantonale dans les pages économiques et dans les publications économiques et pas dans la chronique locale de nos quotidiens.

Mesdames et Messieurs, ce sens des responsabilités, chacun l'a exercé autour de la table, des déposants jusqu'au président de la commission. Cet effort a été fait, mais des voix doivent venir de toutes les travées de ce Grand Conseil. En effet, même si nous avions «pondu» un chef-d'oeuvre et qu'il soit voté seulement par la moitié de ce parlement - une de ces moitiés usuelles qui sanctionnent les travaux parlementaires - il serait utilisé contre notre Banque cantonale.

Je souhaite donc que cet exercice s'achève avec un concours de sens des responsabilités et de bonne volonté pour que nous nous retrouvions, à travers tous les bancs de ce Grand Conseil - que ce soit sur l'amendement Dupraz, sur le texte dans son ensemble, sur la modification mineure qui consiste à modifier la date de désignation - pour en terminer dans l'actualité politique de notre Banque cantonale, afin qu'elle puisse retrouver les lustres de l'actualité économique et sache se défendre sur cette place financière de Genève où nous avons tant voulu avoir une banque en main des collectivités publiques.

M. Pierre-François Unger (PDC). A la suite du dépôt par l'Alliance de gauche d'un train de lois visant à modifier la composition d'un certain nombre de commissions administratives de régies d'Etat, notre groupe est largement entré en matière. Nous en voulons pour preuve le fait d'avoir été rapporteur du premier cortège de ces trains de lois. Nous avons également été les coauteurs d'une partie des projets de lois suivants.

S'agissant de la Banque cantonale, nous avons, en revanche, toujours été plus réservés pour plusieurs raisons. Premièrement, la Banque cantonale n'est pas une régie d'Etat mais une société anonyme.

Deuxièmement, la BCG est une banque avec les impératifs commerciaux que cela comporte. Deux impératifs sont essentiels dans le domaine du commerce : la confiance et la sérénité.

Troisièmement, la BCG est née d'une loi très récente dans laquelle l'équilibre a été difficile à trouver, mais qui donne à l'usage pleine et entière satisfaction.

La Banque cantonale est en train de métaboliser les affaires parfois difficiles dont elle a hérité de la période précédant la fusion. Elle est très proche des citoyens et à l'écoute des petites et moyennes entreprises dont le financement est difficile. Elle bénéficie largement de la confiance des clients, déçus et parfois même écoeurés par le comportement de certains grands établissements bancaires. Elle adopte un comportement irréprochable à l'égard de ses collaborateurs et joue parfaitement son rôle dans la formation aux métiers de la banque.

Dans ces circonstances, rien n'imposait un changement. Les banques cantonales sont souvent mortes d'avoir mêlé activités bancaires et politique. Toutes les banques cantonales tentent désormais de se dépolitiser, et la BCG a fait oeuvre de pionnier en confiant sa surveillance non pas à l'Etat mais à la commission fédérale des banques. Pourquoi faire marche arrière ?

Mesdames et Messieurs les députés, seul le motif d'équité mis en avant par les auteurs de ce projet de loi a retenu notre attention, et nous étions prêts à l'inscrire dans la loi. Nous avions d'ailleurs déposé un amendement dans ce sens en commission, mais, comme il n'a pas convenu à la majorité, nous nous inclinons.

Le groupe démocrate-chrétien s'abstiendra ce soir sur le texte issu des travaux de la commission. Cette abstention aurait pu être un refus, mais nous jugeons préférable - et en cela nous suivons les injonctions de M. Rodrik - de dépolitiser au maximum un projet de loi qui n'a déjà été que trop politique. La banque a besoin de calme, de confiance et de bons administrateurs. Elle ne pourrait que souffrir de nos querelles politiciennes.

M. Christian Ferrazino (AdG). Je m'abstiendrai de répondre aux différents griefs évoqués par M. Unger.

Initialement, notre projet de loi visait simplement à répondre à la disposition déjà inscrite dans la loi, stipulant que le conseil d'administration de la banque doit refléter les différentes sensibilités de ce canton.

Je remercie la commission des droits politiques d'être entrée en matière, et son président, M. Dupraz, d'avoir trouvé une solution autour de laquelle nous avons pu très largement nous retrouver ce soir, comme M. Rodrik l'a souligné.

Le rapporteur nous l'a expliqué dans son rapport, la version retenue n'était pas conforme à la volonté exprimée, car elle permettait au Conseil d'Etat d'exclure une candidature sans aucune motivation.

Vu l'amendement qui a été déposé, notre groupe s'y ralliera. Nous vous remercions pour les efforts déployés afin d'obtenir ce consensus.

M. Antonio Hodgers (Ve). J'aimerais donner quelques précisions au sujet de la proposition finale pour essayer de rallier ceux qui pensent voter non à ce projet de loi.

J'évoquerai les différents problèmes et caractéristiques soulignés par les députés pendant les quatorze heures qu'ont duré les travaux de la commission pour démontrer que la proposition qui nous est faite y répond.

Le premier problème à traiter concernait l'équité entre la représentation des communes et de l'Etat; ce que le projet de loi actuel ne modifie en rien.

Le deuxième problème touchait les administrateurs qui devaient être représentatifs des milieux politiques, économiques et sociaux; c'était le but initial du projet de loi, le nouveau texte de loi l'exprime mieux que la loi actuelle.

Le troisième point avait trait aux compétences minimales exigées, chères à certains. Ce projet de loi l'étend non seulement aux délégués des partis représentés au Grand Conseil mais également à tous les administrateurs, il représente une amélioration.

Quatrième point important : la désignation devait se faire par le Conseil d'Etat; proposition que ce nouveau projet de loi ne modifie pas.

Il n'existe donc aucune raison de s'opposer au projet de loi tel qu'il est ressorti des dernières discussions.

M. Michel Halpérin (L). Ce projet de loi serait inoffensif s'il consistait simplement en l'extension à une sensibilité supplémentaire de la représentativité du conseil d'administration de la banque. Son deuxième objet est le contrôle de l'exercice par le Conseil d'Etat des compétences de désignation qui étaient les siennes.

La seule vraie question est de savoir quelles seront les conséquences à long terme sur le fonctionnement de la banque. Je voudrais pouvoir faire crédit à la présentation qui en a été faite par M. Rodrik. Je voudrais croire - mais j'ai un peu de peine - qu'après que ce texte aura été voté la banque fonctionnera dans le calme, la tranquillité et la compétence. Je le souhaite, mais j'ai un doute.

J'ai un doute, car les débats auxquels j'ai eu l'occasion d'assister ces derniers mois et ces dernières années, au sujet de la banque, n'ont jamais ressemblé à cela. Lorsque nous avons eu à nous intéresser, au sein de ce conseil, aux problèmes de la banque, cela a toujours été d'une manière politique, presque toujours d'une manière antiéconomique, mais jamais pour le lustre ou le bien de la banque.

De sorte que mon appréhension personnelle fondée sur cette expérience récente, c'est qu'en soulignant le caractère politique de cet établissement nous l'affaiblissions nécessairement dans ses effets économiques.

Inutile de vous rappeler - il est tard et vous le savez tous - dans quel état affligeant se trouve l'économie de ce canton et les difficultés auxquelles sont confrontés les petits et moyens entrepreneurs contraints de recourir au crédit. Je ne serai pas de ceux qui pensent et disent que les grands établissements bancaires à tradition commerciale soit restés dans la tendance qui leur était autrefois naturelle.

Nous sommes actuellement, à Genève, dans un tissu bancaire commercial presque inexistant. Il reste aux petites et moyennes entreprises un ou deux établissements qui pratiquent normalement le crédit; la banque cantonale en est un, majeur. Si, par le fait de ce projet de loi, cette banque cantonale devient une banque d'Etat, la clientèle la fuira, car personne ne veut devenir l'emprunteur de la collectivité publique.

Il s'agit donc de savoir quel usage nous ferons de ce texte, puisque le consensus en train de se manifester fait penser qu'il sera voté. J'espère que MM. Rodrik et Unger seront entendus. Je réitère mes doutes; j'aurais préféré que, conformément à la fois à la tendance qui se dégage ailleurs en Suisse et dans le monde et également à la nécessité impérieuse à laquelle ce canton sinistré est confronté, nous ayons fait des choix inverses. Que nous ayons commencé à dépolitiser cette banque au lieu de jouer, comme nous l'avons fait ces dernières années quand nous pensions pouvoir nous le permettre, à la petite banque politique, joujou de nous-mêmes et des amis qu'il s'agissait de placer.

Si nous sommes à la dernière étape d'une époque révolue, tant mieux. Si, comme je le crois, nous sommes à la première d'une période catastrophique, nous en serons responsables et aurons ajouté une dernière pierre au tumulus sous lequel nous avons enterré récemment l'économie de ce canton.

Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat. La présentation d'un projet de loi modifiant la composition de la Banque cantonale, les discussions et propositions ultérieures en commission, ont eu pour objet de rechercher une solution politique à un problème d'équité, la représentation des différentes sensibilités politiques dans ce conseil n'étant pas garantie en l'état de la législation actuelle.

Dès lors, les débats ont porté sur l'autorité de désignation, à savoir le Grand Conseil, le Conseil d'Etat, les partis politiques, et sur les critères de compétences et de représentativité. Tout au long de ces débats, le Conseil d'Etat a défendu quelques principes clairs que je tiens à vous exposer.

Il a défendu un principe d'équité, à savoir une présence dans le conseil d'administration de la Banque cantonale de toutes les sensibilités politiques figurant au Grand Conseil. Il a affirmé en commission à la fois sa volonté de ne pas être une simple chambre d'enregistrement et son engagement à désigner un membre par parti représenté au Grand Conseil. L'idée étant que la Banque cantonale est une institution publique et qu'en tant que telle elle doit être dirigée par un conseil d'administration représentatif.

Il a défendu ensuite un principe de compétences. Outre sa représentativité, le conseil d'administration d'une entreprise publique a aussi pour tâche de développer, d'appliquer et de suivre la stratégie de l'entreprise, de soutenir et de contrôler son management. La proposition de la commission d'exiger des compétences dans le domaine bancaire, juridique, économique ou financier, nous a toujours semblé légitime.

Enfin, le Conseil d'Etat a défendu le principe d'une solution de consensus. S'il est juste que des politiciens et politiciennes de toutes tendances soient représentés de façon équitable au sein du conseil d'administration de la Banque cantonale, il n'est peut-être pas nécessaire de faire de cette revendication une guerre politicienne.

Aujourd'hui plus que jamais, parce que les grandes banques se retirent du marché local, la Banque cantonale a une mission d'intérêt public, celle de soutenir l'économie genevoise.

Or cette mission se couple avec une fonction de gestion qui doit viser la rentabilité et qui est fondée sur la discipline de marché. La Banque cantonale ne peut prendre ses décisions en fonction de critères extérieurs à l'économie. L'intérêt du canton et de la banque commande donc de ne pas faire de la composition de son conseil d'administration le centre d'un débat politicien portant sur les défauts et les qualités des candidats potentiels, sur la nécessité d'exiger ou non compétences et représentativité de ses membres et dans quelles proportions.

Mesdames et Messieurs les députés, après ce débat, je tiens à remercier M. le président de la commission des droits politiques pour le rôle qu'il a joué; M. le rapporteur Thomas Büchi et l'ensemble de votre conseil pour avoir fait preuve de raison dans ce débat. Je vous remercie d'avoir su trouver une solution d'ensemble.

Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Article unique (souligné)

Art. 12, al. 2 (nouvelle teneur)

Le président. Nous sommes en présence d'un amendement proposé par M. Dupraz, dont la teneur est la suivante :

«b) 6 membres désignés par le Conseil d'Etat, soit une personne au moins par parti représenté au Grand Conseil, présentés par lesdits partis et représentant l'actionnariat nominatif pour le canton.»

M. Thomas Büchi (R), rapporteur. Je souscris bien sûr à cet amendement et ne suggérerais que deux petites modifications ayant trait à une question formelle : comme on trouve trois fois les verbes présenter ou représenter, je proposerais :

«b) 6 membres désignés par le Conseil d'Etat, soit une personne au moins par parti siégeant au Grand Conseil, proposés par lesdits partis, représentant l'actionnariat nominatif pour le canton.»

M. Christian Grobet (AdG). Notre groupe est un peu étonné : nous nous sommes mis d'accord sur un texte, mais, au moment de le voter, M. Büchi propose de remplacer «représenté» par «siégeant» et «présentés» par «proposés».

Monsieur Büchi, vous étiez conscient qu'il s'agissait de la modification principale ! Si vous ne voulez pas répéter trois fois ces verbes et dire «siégeant» au Grand Conseil à la place de «représenté», nous sommes prêts à nous rallier à cette petite correction,.

Mais nous ne sommes pas d'accord de remplacer «présentés» par «proposés», car c'est la base de l'amendement. Je vous en prie, ne remettez pas en cause ce qui a été convenu !

Le président. Monsieur le député, je vous lis la rédaction proposée, car il s'agit purement de français; elle ne remet pas en cause... (Protestations.) Il s'agit de remplacer «présentés» par «proposés»... Bien ! On maintient donc «présentés», mais on remplace «représenté» par «siégeant»...

M. Pierre-Alain Champod (S). Dans un tel texte, l'essentiel n'est pas d'avoir une phrase dans un français parfait, mais de disposer de termes ne prêtant pas à des interprétations multiples, qui soient juridiquement clairs et simples à comprendre pour tout le monde.

Nous avons mis beaucoup de temps pour nous mettre d'accord sur ce texte, aussi je vous propose d'adopter l'amendement qui nous a été distribué. Nous avons examiné toutes les possibilités relatives à son interprétation. N'y touchons plus et votons l'amendement présenté par M. Dupraz !

M. Thomas Büchi (R), rapporteur. Comme je ne veux pas en faire une affaire d'Etat, revenons au texte initial ! (Applaudissements.)

M. Michel Halpérin (L). Au terme de ce débat sur les mots, leur sens et leur portée, j'aimerais savoir si le Conseil d'Etat estime que le mot «présentés» lui permet encore de s'assurer que le premier alinéa de l'article 12, à savoir la vérification des compétences, peut trouver application.

Si la réponse est affirmative, c'est effectivement indifférent. Si la différence que vous voyez, chers collègues, entre «proposés» et «présentés», c'est que quelqu'un de présenté ne peut pas ne pas être élu, alors effectivement il est impossible de vous suivre.

M. Albert Rodrik (S). Le rôle du Conseil d'Etat est clair dans cette affaire, raison pour laquelle je n'ai pas voulu revenir sur la phrase figurant au milieu de la page 5 du rapport de M. Büchi qui a semé la confusion.

Le Conseil d'Etat est l'arbitre qui veille au respect des règles énumérées à l'alinéa 1 de l'article 12. S'il fait autre chose, il est dans l'arbitraire. S'il respecte les règles édictées à l'alinéa 1, il fait l'arbitre. Arbitre et arbitraire ont la même racine, mais c'est autre chose, Mesdames, Messieurs !

Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère d'Etat. Je répète mes propos : quels que soient les mots, le Conseil d'Etat a toujours soutenu l'idée que chaque parti présenterait un seul candidat.

Candidat que le Conseil d'Etat a la capacité de refuser s'il ne répond pas aux compétences figurant dans la loi.

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur Halpérin, vous qui êtes juriste... (Brouhaha.) La réponse est claire, mais vous avez raison d'insister sur le sens des mots. Nous y avons aussi pris garde. Il est évident que la condition posée en matière de compétence doit être respectée. C'est l'avis du législateur qui est décisif et non celui du Conseil d'Etat, et c'est nous le législateur.

Les exigences en matière de compétence doivent être respectées, nous sommes tous d'accord sur ce fait. Dans le cas contraire, le Conseil d'Etat n'est même pas arbitre : il refusera une candidature qui ne respecte pas cette exigence. Par contre, le terme «proposer» tel que retenu par la commission et interprété par le rapporteur, M. Büchi, est totalement inacceptable. Cela signifierait que le Conseil d'Etat pourrait refuser un candidat .pour n'importe quel motif. (Exclamations.) C'est lui qui l'a écrit !

Par voie de conséquence, avec le texte que nous adoptons maintenant la situation est parfaitement claire : le Conseil d'Etat refusera une candidature pour les motifs indiqués dans la loi dans la mesure où ils ne seraient pas respectés.

Le président. Pour que tout le monde soit d'accord, je lis le texte de l'amendement proposé :

«b) 6 membres désignés par le Conseil d'Etat, soit une personne au moins par parti représenté au Grand Conseil, présentés par lesdits partis et représentant l'actionnariat nominatif pour le canton.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Art. 12, al. 8 (nouvelle teneur)

Le président. Nous sommes en présence d'un amendement à ce même article 12, proposé par M. Dupraz et dont la teneur est la suivante :

«8Les administrateurs représentant l'actionnariat nominatif doivent être désignés jusqu'au 31 mars précédant l'assemblée générale qui procède au renouvellement du mandat des administrateurs représentant l'actionnariat au porteur.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté.

Mis aux voix, l'article 12 ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'article unique (souligné) est adopté.

Troisième débat

Ce projet est adopté en troisième débat, par article et dans son ensemble.

La loi est ainsi conçue :

Loi(7766)

modifiant la loi sur la Banque cantonale de Genève (D 2 05)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genèvedécrète ce qui suit :

Article unique

La loi sur la Banque Cantonale de Genève, du 24 juin 1993, est modifiée comme suit :

Art. 12, al. 2  (nouvelle teneur)

2 Le conseil d'administration est formé de membres justifiant de compétences dans les domaines bancaire, juridique, économique ou financier et représentatif des milieux politiques, économiques et sociaux du canton, soit :

a)  6 membres désignés conformément à l'article 13 par les communes, dont 4 par la Ville de Genève et 2 par les autres communes, représentant l'actionnariat nominatif.

b)  6 membres désignés par le Conseil d'Etat, soit une personne au moins par parti représenté au Grand Conseil, présentés par lesdits partis et représentant l'actionnariat nominatif pour le canton.

c)  3 à 6 membres représentant l'actionnariat au porteur et élus par lui.

Art. 12, al. 8 (nouvelle teneur)

8 Les administrateurs représentant l'actionnariat nominatif doivent être désignés jusqu'au 31 mars précédant l'assemblée générale qui procède au renouvellement du mandat des administrateurs représentant l'actionnariat au porteur.

 

La séance est levée à 23 h 45.