République et canton de Genève

Grand Conseil

I 1995
27. Interpellation de Mme Liliane Charrière Debelle : Enseignement primaire. L'exigence de titres certifiant la formation initiale des postulants est-elle applicable et appliquée à tous niveaux, notamment lors de l'attribution d'un poste dans la hiérarchie ? Ou bien s'agit-il d'un premier pas vers la déliquescence de cette hiérarchie... ? ( ) I1995
Mémorial 1998 : Annoncée, 235.

Mme Liliane Charrière Debelle (S). En préambule:

1) Que la hiérarchie ait à se renouveler, rien de plus normal et il n'est pas de la compétence du législatif d'intervenir sur ce point.

2) Qu'on modifie en profondeur les objectifs visés par l'existence d'une hiérarchie - voire qu'on la démantèle - il se peut que cela demeure formellement du domaine de l'exécutif, mais il est dans la tradition du gouvernement genevois, quelle qu'en soit la couleur, qu'il en informe, parfois l'opinion publique en général, souvent le parlement.

3) Ici même il y a trois ans, nous avons largement adopté une loi concernant la formation initiale des enseignants primaires qui prévoit une large implication universitaire, fait passer, notamment, la durée des études à quatre ans, sanctionnées par un titre universitaire.

4) Si la formation initiale est une condition sine qua non pour être engagé en qualité d'enseignant primaire, d'instituteur ou d'institutrice, on pourrait s'attendre, en toute logique, à ce que l'accession à une fonction hiérarchiquement supérieure soit soumise au minimum aux mêmes exigences. A ma connaissance, tous les inspecteurs et inspectrices actuellement en activité dans l'enseignement primaire ordinaire sont, à ce jour, titulaires d'un brevet d'enseignement ou d'un titre équivalent. Plusieurs d'entre eux sont également licenciés de la FAPSE.

L'automne dernier, par suite de la démission d'un inspecteur, un poste s'est trouvé à repourvoir, exigeant l'ouverture de candidatures. Des offres sont parvenues au département de l'instruction publique. Après quelques péripéties, il est vrai, une nomination a eu lieu au début 1998.

Quelle n'a pas été la surprise des enseignants d'apprendre que leur nouveau responsable et supérieur hiérarchique, non seulement n'a pas de titre universitaire - ce qui est encore admissible - mais n'est titulaire d'aucun brevet d'enseignement - à part celui de maître d'éducation physique - pour les classes primaires, puisqu'il n'a pas suivi d'études pédagogiques primaires, qu'il n'est pas instituteur et n'a jamais tenu de classe.

D'où une grande perplexité du corps enseignant qui constate que l'on exige davantage des gens de la base que de ceux du sommet. On ne nous fera pas croire qu'il s'agit d'un choix effectué faute de combattants. Même si tous les instituteurs n'ont pas un attrait particulier pour le poste d'inspecteur ou d'inspectrice, il en est encore - et c'est bien heureux - qui souhaitent faire carrière dans ce domaine.

Quelle autorité, quel crédit aura ce responsable face à des administrés qui connaissent mieux le sujet que lui-même ? A moins que nommer un maître d'éducation physique au rang d'inspecteur ne soit une manière originale et toute genevoise de saluer les jeux olympiques !

Plus sérieusement, on peut aussi penser que les autorités scolaires s'interrogent - pourquoi pas - sur le rôle et la place de l'inspecteur primaire et qu'elles envisagent une autre manière de faire fonctionner l'école; voire de supprimer l'inspectorat, de lui substituer un système différent, peu importe.

Mais alors, la procédure adoptée évoque immédiatement ce qui se produit parfois ailleurs, par exemple, lorsqu'on laisse à dessein un bâtiment se dégrader pour pouvoir par la suite justifier de sa démolition. A ma connaissance, telles ne sont pas les pratiques du DIP.

Faut-il préciser que mes questions n'ont rien à voir avec l'intéressé - que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam - et qu'elles n'ont trait qu'à la procédure ? Madame la conseillère d'Etat, je vous remercie d'avance de votre réponse.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Il manque juste une petite étape dans votre descriptif. Je vais le compléter.

A la rentrée 1997, il a été nécessaire d'ouvrir les candidatures pour un poste d'inspecteur. L'inspecteur en cause a donc été désigné et non pas nommé pour assurer l'interim le temps que durerait le choix d'un candidat; ce qu'il a fait, à la satisfaction de tous.

Le candidat choisi pour la fonction d'inspecteur a, malheureusement, renoncé à assumer sa fonction. De ce fait, nous avons clos les inscriptions et examiné la liste des candidats que nous n'avions pas retenus. En reconsidérant la situation, nous avons constaté que l'intérimaire avait assumé sa mission à la satisfaction des enseignants, des parents et des maîtres principaux, qu'il avait rempli sa fonction; ce que personne n'a contesté. C'est forts de ce premier constat que nous avons décidé de désigner cette personne, sous réserve d'une période probatoire de deux ans pour sa nomination.

En effet, Madame la députée, cette personne n'a ni brevet ni titre universitaire, mais il n'en reste pas moins que la formation d'enseignant en éducation physique s'effectue à l'université, qu'elle dure trois ans et exige, entre autres, des connaissances en pédagogie, en didactique, en sociologie. Son expérience de vingt ans dans le système primaire genevois et le fait que ses collègues reconnaissent sa compétence devraient lui permettre d'assumer sa fonction

A la tête de nos écoles dans le postobligatoire, nous avons au moins un directeur qui remplit sa fonction et ses obligations à la satisfaction de tous et qui n'a pas de titres universitaires; il n'en remplit pas moins sa fonction de façon très satisfaisante et bien au-delà. D'ailleurs, aucun de ses pairs ne songerait, à l'heure actuelle, à le contester ou à prétendre, comme vous le dites, que la hiérarchie a été mise en question, voire démantelée.

Il est prévu que nous examinions le rôle des inspecteurs. Nous le ferons. Pour l'heure, les prochaines années permettront de voir si la confiance mise dans ce nouvel inspecteur désigné était fondée ou non.

Mme Liliane Charrière Debelle (S). J'entrerais volontiers dans vos vues, Madame, s'il s'agissait d'une pratique généralisée. Il est vrai que l'expérience peut parfois pallier le manque de formation.

Toutefois, je ne suis pas convaincue. Un exemple me vient en tête. Si j'imagine une situation de carence en chirurgiens, pourquoi, dans ce cas, les infirmières - qui les ont assistés pendant si longtemps - ne pourraient-elles pas les remplacer ? C'est ce qui s'est fait en Chine avec les médecins aux pieds nus.

Je n'ai pas toujours été institutrice: Monsieur Halpérin, pendant presque dix ans, j'ai travaillé dans des études d'avocats où, d'ailleurs, j'ai eu beaucoup de plaisir. Je me souviens d'un clerc qui faisait un travail remarquable. Il n'empêche qu'il n'avait pas le titre d'avocat et qu'il n'a jamais pu plaider, malgré son excellente connaissance des dossiers; ce qui est une bonne chose. On se demande ce qui se passerait si l'on devait procéder de la même manière dans tous les métiers et à l'Etat. Toutefois, si on devait le faire, il faudrait le faire de façon cohérente et généralisée.

Pour en revenir à l'enseignement, Madame, j'ai en tête un certain nombre de cas où l'on a évincé des gens qui occupaient des postes depuis fort longtemps et qui, malheureusement, ne possédaient pas ce fameux brevet d'enseignement. On les a renvoyés avec des larmes dans la voix en leur disant qu'on ne pouvait pas les garder, faute d'avoir les titres requis. Deux poids et deux mesures, cela engendre forcément des difficultés et des insatisfactions. Je vous assure que les échos qui me sont parvenus ne viennent pas seulement des gens de la base, mais aussi de ceux de la hiérarchie qui s'interrogent sur la manière dont on nomme les gens dans ce département.

Cette interpellation est close.