République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 19 février 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 5e session - 5e séance
PL 7807
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève,
vu le rapport de synthèse des études d'avant-projet du métro léger Pays de Gex (CERN) - Genève - Annemasse, remis le 25 février au Conseil d'Etat de la République et canton de Genève et au Comité de pilotage français,
vu la négociation intervenue en vue d'un accord-cadre relatif à un transport collectif en site propre franco-genevois entre la République et canton de Genève d'une part, les départements de l'Ain et de la Haute-Savoie, la Communauté de communes du Pays de Gex et le Syndicat intercommunal à vocation multiple de l'agglomération annemassienne d'autre part,
vu l'enquête publique et la consultation des communes sur la modification du plan annexé à la loi sur le réseau des transports publics, ouvertes par le département de justice et police et des transports le 25 août 1997,
décrète ce qui suit :
Article unique
La loi sur le réseau des transports publics, du 17 mars 1988, est modifiée comme suit:
Art. 2, 1re phrase et lettre a Offre de base (nouvelle teneur)
Par étapes d'ici à 2006, le plan directeur du réseau des transports publics conduit à la réalisation d'une offre de transports publics répondant au moins aux objectifs suivants dans tout le canton:
a) la vitesse commerciale d'un bout à l'autre de la ligne est supérieure à 18 km/h pour les lignes importantes du réseau;
Art. 4 Réseau (nouvelle teneur)
1 Le réseau des transports publics est renforcé d'ici à 2006 par les mesures suivantes:
a) la réalisation par étapes d'un réseau sur rail à écartement métrique comprenant une ligne franco-genevoise de transport collectif en site propre et des lignes de tramway et réservant des possibilités d'extension aux extrémités et d'interconnexion de lignes supplémentaires;
b) l'adaptation et l'amélioration des lignes de transports publics sur pneus;
c) la mise en place de transports semi-collectifs dans les régions ou aux heures où l'exploitation de lignes régulières n'est pas adéquate;
d) l'amélioration de la desserte de l'agglomération par chemin de fer.
2 Le tracé des lignes visées à l'alinéa 1, lettre a, du présent article est défini par le plan du réseau sur rail à écartement métrique annexé à la présente loi.
3 Tout projet de modification du plan du réseau sur rail à écartement métrique doit faire l'objet, avant d'être approuvé par le Grand Conseil, d'une enquête publique de 30 jours annoncée par voie de publication dans la ";Feuille d'avis officielle" et d'affichage dans les communes concernées. Pendant la durée de l'enquête publique, chacun peut prendre connaissance du dossier à la mairie ou auprès du département compétent et adresser à ce dernier ses observations.
4 Les projets de modification du plan du réseau sur rail à écartement métrique sont également soumis pour avis au conseil municipal des communes concernées. Le conseil municipal se prononce sous forme de résolution dans un délai de 45 jours à compter de la communication du projet à la commune. Son silence vaut approbation sans réserve.
5 Les modalités d'exploitation des lignes sont de la compétence de l'entreprise des Transports publics genevois.
Art. 5, al. 1 Réalisation (nouvelle teneur)
1 Le Conseil d'Etat veille à ce qu'une collaboration adéquate s'instaure entre toutes les instances concernées, notamment les communes et l'entreprise des Transports publics genevois, dans le cadre des études et de la construction des lignes du réseau sur rail à écartement métrique à créer en vertu del'article 4.
Art. 7, al. 1 Concession (nouvelle teneur)
1 Les lignes du réseau sur rail à écartement métrique à créer font l'objet d'une demande de concession auprès de l'autorité fédérale, conformément à l'article 5 de la loi fédérale sur les chemins de fer, du 20 décembre 1957.
Art. 8, al. 1 Plans de construction (nouvelle teneur)
1 Les plans de construction des lignes du réseau sur rail à écartement métrique sont soumis à l'approbation de l'autorité fédérale conformément à l'article 18 de la loi fédérale sur les chemins de fer.
Art. 9, 1re phrase Ressources (nouvelle teneur)
Le financement des infrastructures nouvelles du réseau sur rail à écartement métrique prévues à l'article 4 est assuré par:
Annexe: plan visé à l'article 4, alinéa 2 (nouvelle teneur du plan)
Plan page 4
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le présent projet de loi poursuit les objectifs suivants:
renoncer à la ligne de métro automatique léger Meyrin - Rive qui figure encore au plan du réseau 2005 annexé à la loi;
la remplacer par une ligne franco-genevoise à voie métrique Pays de Gex (CERN) - Genève - Annemasse, compatible avec le réseau de tramway, dont certains tronçons seront cependant sujets à accord international;
permettre ainsi d'avancer sans attendre dans la mise au point, voire la construction et l'exploitation, du tronçon Meyrin - Cornavin (point de raccordement au réseau de tramway actuel) de cette ligne.
Le réseau institué par la loi
Il faut rappeler que la loi sur le réseau des transports publics constitue pour l'essentiel une loi d'orientation pluriannuelle par laquelle le parlement (voire le peuple en cas de référendum) détermine les objectifs que l'Etat s'assigne en matière de transports publics, d'une part, et fixe le plan du réseau des infrastructures à construire, qui est annexé à la loi, d'autre part.
En 1993, à la suite des études comparatives conduites sous l'empire de la première version de loi sur le réseau des transports publics (1988), le Grand Conseil a approuvé un réseau à construire d'ici 2005 comportant d'une part une extension du réseau de tramway (limité alors à la seule ligne 12) en vue de permettre l'exploitation de plusieurs lignes, et d'autre part une ligne de métro automatique Meyrin - Rive. Celle-ci continuait cependant de susciter bien des interrogations: coût élevé en raison d'une réalisation souterraine en ville, inopportunité d'une telle rupture avec le reste du réseau, perspective d'extension, en particulier dans une optique transfrontalière, encore largement aléatoire. C'est ainsi que, encore à la fin de la législature 1989-1993, le Conseil d'Etat a tenu à procéder à des compléments d'étude sur ce dernier point en recherchant une synergie possible avec le site de la ligne Eaux-Vives - Annemasse, notoirement sous-utilisée.
Les études préliminaires
En 1994, le Conseil d'Etat a officiellement saisi ses partenaires français dans le cadre du Comité régional franco-genevois. C'est depuis lors en étroite collaboration que deux études ont été conduites, dont le Grand Conseil a été informé en détail en son temps:
la comparaison, sur un axe prolongé en direction du Pays de Gex et d'Annemasse, de trois systèmes de transport du point de vue du coût et de l'efficacité:
parallèlement, une étude approfondie était menée en France par un ingénieur général des ponts et chaussée, M. Jean-Pierre Morelon, pour le compte du Ministère de l'équipement en vue de fournir une évaluation des enjeux et des opportunités en la matière.
C'est sur la base de ces deux études convergentes, ainsi que de l'analyse positive de la faisabilité juridique d'un tel projet, que Français et Genevois ont présenté, en mars 1995, une plate-forme commune en vue de l'étude d'avant-projet d'une ligne franco-genevoise de surface à voie métrique. Le Rapport de synthèse de ces études a été rendu public le 25 février 1997. Tous les députés en ont reçu un exemplaire et ce document est en vente au Centre d'information et de documentation des publications de la Chancellerie d'Etat.
Le projet de ligne franco-genevoise à voie métrique
Par rapport à la ligne de métro automatique léger inscrite dans le plan du réseau en 1993 et qui porte encore la trace de l'euphorie des années 80, la ligne franco-genevoise proposée est un retour à une certaine modestie, à la recherche d'une adéquation aux moyens financiers et aux besoins réels de notre collectivité. Elle témoigne simultanément d'une ambition véritable qui touche au fond et non à la forme, en adoptant d'emblée la dimension transfrontalière qui a manqué à la loi de 1993 et qui correspond à l'échelle réelle des problèmes et des solutions.
La ligne franco-genevoise à voie métrique est d'un coût bien inférieur à la ligne de métro automatique léger (qui n'était pourtant qu'une première étape, le choix d'une telle technologie n'ayant pas de sens pour un tronçon aussi limité). Le montant brut de l'investissement à la charge de Genève (sans tenir compte des subventions fédérales qui le diminueront) s'élève à 357 millions de francs (dont 69 millions pour le matériel roulant). A cela s'ajoutent 67 millions de francs pour le matériel roulant destiné à une ligne de doublure sur le tronçon le plus chargé de la ligne (entre Meyrin et Chêne-Bourg) et 35 millions de francs pour la desserte interne du secteur aéroportuaire et de la gare de Genève-Aéroport à partir de la station Blandonnet / Aéroport. Ces chiffres résultent du texte de l'accord-cadre dont il est question ci-après, aux termes duquel la partie française prend à sa charge, avec 81 millions de francs, une part proportionnellement supérieure de l'investissement compte tenu du fait que l'exploitation sera entièrement assumée par les TPG (ce qui est par ailleurs aussi dans l'intérêt genevois).
Compte tenu des impacts sur les budgets de fonctionnement et d'investissement de l'Etat, des études complémentaires seront menées.
Elle offre, par étapes entre 2002 et 2006, une liaison performante sur la totalité d'un parcours Pays de Gex (CERN) - Genève - Annemasse au lieu d'une simple ligne Meyrin - Rive d'ici 2005. Épine dorsale du réseau des transports publics de toute l'agglomération, de part et d'autre de la frontière, cette ligne est appelée à jouer un rôle décisif pour assurer une mobilité de qualité dans une perspective de complémentarité bien comprise assurant un important transfert modal des déplacements individuels motorisés, conformément à la conception globale Circulation 2000 - Mobilité 2005 et au Plan de mesures en vue de l'assainissement de l'air à Genève.
Compatible avec les infrastructures genevoises (rails, lignes aériennes, dépôt et centre d'entretien du Bachet-de-Pesay)dont elle constituera la principale ligne, la ligne franco-genevoise à voie métrique se distingue néanmoins des lignes de tramway 12, 13 ou 16 actuelles par son standard supérieur (largeur des véhicules plus confortable, accès à niveau, régularité et vitesse commerciale optimisées). Il y a lieu de ne pas s'arrêter à une querelle de mots: c'est un métro léger au sens de la terminologie internationale, ou un transport collectif en site propre pour utiliser une notion française recouvrant l'ensemble des projets lourds de transports publics urbains, ou un tramway de dernière génération tel qu'il existe en France dans des villes comme Strasbourg (alors que les tramways genevois étaient, eux, à l'avant-garde des années 80).
La négociation franco-genevoise
Sur cette base, le Conseil d'Etat et la partie française ont décidé d'ouvrir des négociations en vue de la conclusion d'un accord-cadre les engageant dans cette importante réalisation. Ces négociations se sont achevées le 25 juin 1997 en vue de soumettre ce texte à la décision des autorités compétentes des parties (République et canton de Genève, départements de l'Ain et de la Haute-Savoie, Communauté de communes du Pays de Gex, Syndicat intercommunal à vocation multiple de l'agglomération annemassienne) afin qu'il puisse entrer en vigueur dans le courant du deuxième semestre 1997, après signature par leurs représentants, pour être en mesure de tenir les délais qu'il stipule.
En l'état, l'accord-cadre a déjà été approuvé par Genève, la Communauté de communes du Pays de Gex et le département de l'Ain. Le Syndicat intercommunal à vocation multiple de l'agglomération annemassienne et le département de la Haute-Savoie, en revanche, ne se sont pas encore déterminés. En ce qui concerne Genève, le département de justice et police et des transports a d'ores et déjà procédé à l'enquête publique et à la consultation des communes prévue par la loi en cas de modification du plan qui lui est annexé.
Des questions à approfondir?
Les hésitations qui se font jour côté haut-savoyard rejoignent certaines interrogations qui ont aussi été exprimées par certains milieux à Genève. Le Conseil d'Etat s'est déjà exprimé à ce propos dans son rapport M 1036-B et RD 276, du 7 mai 1997. Elles ont trait d'une part à l'extension éventuelle de la ligne de tram 12 et d'autre part à la complémentarité souhaitable entre le réseau métrique et le réseau ferroviaire.
Comme l'expose le Rapport de synthèse des études d'avant-projet, la ligne franco-genevoise proposée se fonde sur l'idée que le raccordement des réseaux ferroviaires de la SNCF et des CFF sur la rive gauche, attendu depuis le début du siècle, doit s'effectuer, non pas par un raccordement La Praille - Eaux-Vives (qui trouve son origine dans un traité franco-suisse prévoyant un tunnel sous la Faucille qui n'a jamais été réalisé) mais par un raccordement La Praille - pied du Salève (barreau sud). Français et Genevois sont arrivés à la conclusion que cette solution était la plus favorable aux différents intérêts en présence (internationaux, nationaux et régionaux). Dans ces conditions, l'affectation du site de la ligne Eaux-Vives - Annemasse à une ligne à voie métrique ne prétérite nullement une future liaison par chemin de fer intégrant un tronçon Annemasse - Cornavin, qui emprunterait le barreau sud. La ligne franco-genevoise à voie métrique relève, elle, du réseau d'agglomération et relie notamment, avec une fréquence élevée et des arrêts au centre-ville correspondant aux destinations effectives des passagers potentiels, les trois gares de Genève-Aéroport, Genève-Cornavin sur la rive droite et Annemasse sur la rive droite. Quant à la ligne de tram 12, le Rapport de synthèse préconise son extension éventuelle en direction de Gaillard, en complément de la nouvelle ligne franco-genevoise.
Cette conception est remise en cause par certains. Attachés au maintien de l'affectation au chemin de fer du site de la ligne Eaux-Vives - Annemasse, ils préconisent plutôt le seul prolongement de la ligne de tram 12, jusqu'à la gare d'Annemasse, et l'étude et la réalisation d'un vaste développement du réseau ferroviaire comprenant en particulier la liaison La Praille - Eaux-Vives.
Dans une résolution adoptée par son assemblée générale le 19 novembre 1997 et adressée aux autorités françaises et genevoises, la section genevoise de l'Association Suisse des Transports demande la présentation d'une évaluation comparative de ces deux conceptions, qui lui paraît indispensable avant une décision définitive.
Éviter tout délai supplémentaire
Comme il l'a déjà dit dans ses rapports sur la motion 1036, le Conseil d'Etat partage pleinement la demande du Grand Conseil
de ne pas retarder la section Meyrin - Cornavin [de la ligne franco-genevoise] en raison des difficultés qui pourraient surgir dans l'avancement de la branche d'Annemasse et de mener en parallèle l'étude de son tracé définitif.
Il vous propose dès lors de procéder sans attendre davantage à la modification de la loi sur le réseau des transports publics et en particulier du plan qui lui est annexé.
Sur le plan proposé, la section Meyrin - Cornavin de la nouvelle ligne se distingue bien des deux autres sections qui sont subordonnées à un accord international (Pays de Gex - Meyrin et Eaux-Vives - Annemasse). On a par ailleurs fait figurer de la même manière des extensions éventuelles de la ligne de tram 12 soit en direction de Gaillard soit en direction de la gare d'Annemasse. De cette manière, il sera possible d'engager sans délai l'étude du projet définitif du tronçon Meyrin - Cornavin parallèlement aux compléments d'études destinés à permettre aux deux parties françaises qui ne l'ont pas encore fait de se déterminer sur l'accord-cadre et à répondre à la demande de la section genevoise de l'Association Transports et Environnement.
Il est évident qu'en cas de blocage persistant, remettant en cause la ligne franco-genevoise elle-même, le Conseil d'Etat ne manquerait pas de venir vous proposer une modification de ce plan comme il a su le faire à propos de la ligne de métro automatique léger. Il lui paraît cependant indispensable de marquer la continuité avec les études engagées depuis 1993 et qui ont toujours rencontré un très large appui au sein du Grand Conseil et de reconnaître désormais, dans la loi, la dimension régionale transfrontalière de la politique des déplacements dans l'agglomération qui ne peut plus être ignorée.
Au bénéfice de ces explications, le Conseil d'Etat vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à examiner avec bienveillance le présent projet de loi.
Ce projet est renvoyé à la commission des transports sans débat de préconsultation.