République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 19 février 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 5e session - 5e séance
RD 294
Introduction
Ce document est le premier rapport déposé au Grand Conseil par le Gouvernement en vertu de l'article 173 A de la nouvelle loi portant règlement du Grand Conseil, entrée en vigueur le 6 novembre 1997, qui précise que le Conseil d'Etat présente son programme de législature au Parlement en début de législature.
Le Conseil d'Etat expose dans le présent rapport autour de quelles idées et de quels projets il travaillera en priorité afin de faire entrer Genève dans le XXIe siècle.
Le chômage, l'emploi, le partage du temps de travail
De manière générale, la première préoccupation du citoyen réside dans la sauvegarde de ses conditions d'existence. La réponse de l'Etat à cette préoccupation vise à garantir la cohésion sociale, à donner une formation assurant une intégration de chacun dans la société et à corriger les dérèglements.
Dès lors, la lutte contre le chômage - et ses corollaires: le soutien à l'économie et à la formation - ainsi que les politiques sociales, du logement et de la santé et de la sécurité forment le premier volet du programme du gouvernement.
La lutte contre le chômage est une priorité, elle le restera. Si le redressement de l'économie est un remède essentiel et incontournable, le partage du temps de travail, la formation ou la création d'emplois de proximité en sont d'autres. Il s'agira en particulier de trouver les moyens d'offrir aux jeunes leur premier emploi.
Le Conseil d'Etat favorisera donc le passage du traitement social du chômage à son traitement économique.
Cette évolution passe par le partage du temps de travail.
Dans cette perspective, le gouvernement entend :
- d'une part, ouvrir rapidement une concertation avec la fonction publique sur ses modalités d'application dans le secteur public ;
- d'autre part, proposer des mesures incitatives destinées au secteur privé.
A une échelle très différente, les emplois de proximité jouent un rôle non négligeable, le Conseil d'Etat favorisera ainsi les associations qui créent ce genre d'emplois.
Le soutien à l'économie, les nouvelles technologies, l'école, la formation, les arts, les sports et la culture
Le Conseil d'Etat rappelle que ce n'est pas l'être humain qui est au service de l'économie: c'est l'économie qui est au service de l'être humain. Le débat sur l'argent, considéré comme un moyen et non comme une fin, n'a donc pas lieu d'être, si l'Homme est au centre de notre préoccupation, ce que nous confirmons. Quant aux relations entre l'économie et l'Etat, elles se caractériseront par le rôle donné aux autorités d'arbitre, de garant et de soutien.
Indépendamment de la politique d'investissement - qui donne du travail aux entreprises - et de la politique sociale - qui donne du pouvoir d'achat aux membres de notre communauté atteints par l'âge ou les accidents de la vie - l'appui de l'Etat à l'économie se concentrera sur 4 axes principaux.
- Premièrement, le soutien à la créativité et à l'innovation technologique, en faisant un meilleur usage des connaissances et des compétences des organisations internationales, des instituts univer-sitaires et des hautes écoles spécialisées, et en favorisant aussi les pépinières d'entreprises et les associations d'artisans, les ateliers et les bureaux-relais.
- Deuxièmement, l'aide au crédit pour les PME, qui forment plus de 80 % du tissu économique genevois, en s'inscrivant dans le droit fil du projet START PME.
- Troisièmement, la simplification de l'arsenal juridique et l'amélioration du fonctionnement de l'administration cantonale.
- Quatrièmement, le renforcement de la promotion économique par des moyens nouveaux.
Au-delà de ces mesures, le Conseil d'Etat mettra sur pied des états généraux de l'économie et de l'emploi afin de déterminer quels sont les secteurs d'activités les plus prometteurs pour le début du XXIe siècle et de procéder aux réorientations nécessaires de la politique des investissements publics.
C'est dans cette perspective qu'il faut inscrire le projet SMART GENEVA. De nouvelles technologies de communication déclenchent une révolution - la révolution de l'information - qui sera au XXIe siècle ce que la révolution industrielle a été au XIXe siècle.
Il est donc primordial de construire des réseaux de communication à haute capacité pour permettre aux nouvelles technologies de l'information de se développer pleinement, en créant les emplois et les richesses de demain.
SMART GENEVA n'est cependant pas qu'un réseau. C'est surtout la création d'un nouveau système d'information - et de formation - dont les applications sont infinies. Derrière un projet apparemment technique, il y a, en réalité, un concept, celui d'une Genève créatrice d'idées et d'innovations.
Dans un monde dont l'évolution est faite de changements continuels, la formation a pour objectif, comme l'écrivait Montaigne, de former "; des têtes bien faites plutôt que des têtes bien pleines ". Elle doit permettre à chacun de s'intégrer dans la vie professionnelle, culturelle et sociale.
Comme la société, l'école - et avec elle toutes les institutions de formation - doit évoluer et se transformer. Les réformes entreprises à Genève et en Suisse seront menées à bien avec célérité pour permettre cette adaptation aux exigences nouvelles.
Les compétences devenant aussi importantes que les connaissances, la formation s'avère indispensable à tout âge de la vie. Le système de formation devra donc répondre à ce développement et se soumettre à une évaluation constante et régulière devant lui permettre les ajustements nécessaires.
Enfin, les arts, les sports et la culture, compléments indispensables à l'épanouissement de l'individu, seront soutenus.
La politique sociale, le logement, la santé et la planification sanitaire
Par la politique sociale, qui est la traduction moderne de la vieille devise helvétique "; un pour tous, tous pour un ", l'Etat, fédéral et cantonal, veille à ce que la communauté soit solidaire des personnes atteintes par l'âge, la maladie, le handicap, le chômage ou l'exil.
Dans le respect des droits acquis, le Conseil d'Etat veillera à moderniser et à simplifier la gestion des différentes prestations sociales. En outre, afin de mieux lutter contre l'exclusion et la pauvreté, le Conseil d'Etat proposera au Grand Conseil de remplacer l'assistance publique - qui relève plus de la charité publique que de la justice sociale - par un droit individuel à un revenu minimum d'existence, accompagné d'une contre-prestation facilitant la réinsertion dans la vie professionnelle.
La politique du logement sera orientée en particulier vers la construction de logements bon marché, en donnant aux coopératives et autres bailleurs sans but lucratif les moyens d'une action énergique. Le maintien et la rénovation de l'habitat seront encouragés en veillant à ce que les loyers des logements rénovés répondent aux besoins prépondérants de la population.
Chacun le sait: la hausse des cotisations de l'assurance-maladie demande une réforme profonde du système de santé.
Tel est le but de la planification sanitaire, qui renforcera la promotion de la santé et se traduira notamment par la mise en place d'un véritable réseau de soins.
Dans cette perspective, tout en renforçant le rôle du médecin traitant, le Conseil d'Etat veillera à ce que les Hôpitaux universitaires de Genève poursuivent l'effort de rationalisation en cours, réduisant le nombre et la durée des hospitalisations en améliorant le recours aux services de soins à domicile.
La sécurité
Dans le domaine de la sécurité, le Conseil d'Etat poursuivra sur la voie d'une police encore plus proche des citoyens. Parallèlement, la réforme de la Police sera accélérée et complétée pour l'adapter à l'évolution de la criminalité et au rôle international de Genève.
La Genève internationale, les relations confédérales
Selon Voltaire, "; Genève est un grain de musc parfumant l'univers ".
Bon nombre des problèmes qui agitent la planète se discutent à Genève grâce aux organisations internationales.
Ces organisations internationales sont souvent critiquées. Mais n'oublions pas qu'elles sont uniques dans l'histoire du monde et qu'elles témoignent des efforts que l'homme fait sur lui-même pour rechercher un avenir meilleur. Elles sont donc autant de signes d'espérance pour les hommes et les femmes les plus déshérités de la planète.
C'est pourquoi - au-delà de leur importance politique et économique - Genève doit avoir, avec les organisations internationales, les excellents rapports que commandent le coeur, l'intelligence et les lois de l'hospitalité.
Cité internationale, Genève est d'abord un canton suisse. La Confédération helvétique n'est pas seulement notre grande patrie : elle est aussi la condition de l'indépendance politique de notre canton.
Fenêtre de la Suisse ouverte sur le monde, Genève est d'autant plus importante que nous n'appartenons pas encore à l'Union européenne et à l'ONU.
Attachée à la Confédération et au fédéralisme, Genève est cependant préoccupée. De plus en plus répond au fédéralisme politique un centralisme économique qui se caractérise par une concentration des pouvoirs de décision dans la région zurichoise.
Il est dès lors nécessaire d'affirmer la volonté genevoise d'être mieux entendue et mieux considérée. Le fait d'être un canton à forte capacité financière justifie certes des devoirs à l'égard de la Confédération, mais pour autant qu'il y ait aussi, pour cette dernière, une obligation d'équité à notre égard. Il est maintenant temps de le rappeler fermement en exigeant que les mécanismes de péréquation financière tiennent mieux compte des tâches accomplies par Genève au nom et pour le compte de la Confédération.
Les finances publiques, les impôts, la péréquation intercommunale
Dans le domaine des finances publiques, et particulièrement en matière budgétaire, le but poursuivi est double. Il s'agit à la fois
- de réduire les déficits pour ne pas charger outre mesure les générations futures par des dettes supplémentaires
- de ne pas freiner la croissance par une politique conjoncturelle récessive. De fait, l'enjeu est le maintien de l'Etat social, rendu d'autant plus nécessaire par la situation économique difficile que nous connaissons
Il n'est cependant pas naturel que cette conjoncture difficile provoque une telle crainte de l'avenir, car Genève ne manque pas d'atouts.
Il est tout d'abord indispensable de consolider le retour de la confiance et la reprise qui timidement s'amorce. Nous y parviendrons en évitant à notre canton, dans tous les domaines, les dérapages, les dérives et les convulsions. En recherchant à tous points de vue la stabilité et en démontrant une réelle volonté de redressement, nous créerons les conditions propices à cette confiance, facteur essentiel de prospérité économique.
Dans ce contexte, au terme d'une des récessions les plus longues de la période contemporaine, il existe maintenant un recul suffisant pour en mesurer les conséquences. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat, en dehors de toute considération idéologique, a sollicité trois personnalités, aux compétences reconnues, pour procéder à la mise en perspective du déficit dans une situation économique générale peu courante. Il s'agit de Mme Gabrielle Antille Gaillard, directrice du Laboratoire d'économie appliquée de l'Université de Genève, de M. Marc Fues, directeur général de la Banque cantonale de Genève, et de M. Marc Bétemps, administrateur d'une fiduciaire et d'un cabinet d'expertise comptable.
Pour ce qui touche les recettes, il s'agit de pratiquer une politique fiscale attractive. La charge fiscale des personnes physiques doit rester stable. Cette volonté n'interdira cependant ni les redistributions à l'intérieur de cette catégorie fiscale, ni un effort accru en matière de gestion des débiteurs et de lutte contre la fraude fiscale.
L'impôt sur les personnes morales fera l'objet d'un examen attentif. Il s'agira de déterminer, dans une sage pesée d'intérêts parfois contradictoires, quels sont, dans quels secteurs économiques, les gains qui peuvent être taxés différemment, en gardant à l'esprit que trop d'impôt tue l'impôt. Il s'agira aussi de discerner dans quelle mesure le coût social des restructurations d'entreprises ne devrait pas incomber, du moins partiellement, à ces dernières, lorsque la restructuration débouche sur des bénéfices importants qui profitent alors à des privés alors que les coûts sociaux en incombent à la communauté. C'est dans cet ensemble d'éléments de réflexion que peut se trouver, en dehors bien sûr d'une reprise économique réelle, une source de profits nouveaux pour l'Etat.
La péréquation intercommunale doit elle aussi évoluer. Berceau de notre démocratie, les communes affichent des santés bien différentes selon leur patrimoine, la destination que leur ont réservée les plans d'aménagements cantonaux, ou leur possibilité d'accueillir sur leur territoire des zones d'activités productives d'impôts. La revision des tâches et des compétences entre le canton et les communes se poursuivra. Les élus communaux seront davantage responsabilisés. Les collaborations intercommunales seront développées, cependant sur des plans sectoriels et ponctuels, avec le souci de ne pas créer structurellement de nouveaux échelons de compétence et de pouvoir.
La réforme de l'Etat et la fonction publique
La réforme de l'Etat se poursuivra. L'état des lieux terminé, un diagnostic posé, plusieurs réformes sectorielles lancées et les axes de travail pour la plupart connus, voici venu comme prévu le temps de la concertation avec la population et avec la fonction publique. Elle doit s'exprimer, dans un premier temps, sur le mode de concertation et dans une deuxième phase sur les principales mesures nécessaires en matière de rationalisation et d'économie de fonctionnement.
Cette réforme ne vise pas uniquement le coût des prestations de l'Etat mais aussi, et même surtout, la qualité de ces prestations. A cet égard, l'administration cantonale sera toujours plus proche du citoyen grâce à une meilleure organisation de son travail, une simplification des structures, un contrôle plus rigoureux des dépenses par une meilleure connaissance des coûts, et le recours accru à l'informatique par la généralisation du guichet unique. Chaque point de contact pour le citoyen dans l'administration devra offrir la latitude de conduire un grand nombre d'opérations sans avoir à changer de site.
Au surplus, le gouvernement entend indiquer que si la réforme de l'Etat est indispensable, elle ne peut s'opérer valablement et durablement qu'avec l'adhésion de la fonction publique et non contre elle. Il a d'ores et déjà rencontré les représentants de cette dernière afin d'arriver à un accord global pour la législature qui portera sur les effectifs, la rémunération, le partage du travail et la réforme de l'Etat.
Enfin, le gouvernement entend modifier son propre mode de travailler. Attaché à se donner plus de recul dans sa réflexion, il veut privilégier le travail en équipe par le biais des délégations du Conseil d'Etat, localiser les états majors de tous les départements en Vieille-Ville et porter une attention accrue d'une part au problème de l'information du milieu parlementaire et du public, et d'autre part à la communication en général.
Le cadre de vie et l'environnement
Le dernier volet du programme gouvernemental a trait au cadre de vie, auquel s'appliquent les principes généraux du développement durable. Il s'agit tout à la fois de maintenir la qualité de vie en préservant le patrimoine naturel ainsi que de concevoir une justice sociale fondée sur une économie solidaire et sur la notion d'équité. C'est dans ce cadre que le développement durable entre dans le programme de gouvernement
La préservation du milieu vital et son équilibre entre domaine bâti et lieux de vie ne sont pas un luxe et encore moins un caprice. Chacun peut constater, dans la vie quotidienne, et malgré les efforts accomplis, que les nuisances restent importantes, qu'il s'agisse de l'accumulation des déchets, de la qualité des sols, de l'air, de l'eau ou des nuisances liées au bruit.
C'est dans le domaine de l'eau que le gouvernement fournira un effort particulier. Il poursuivra dans la voie de la réhabilitation des rivières et désire s'investir de manière accrue dans tout ce qui touche à la prévention et à l'assainissement.
Le gouvernement s'attachera également à la sauvegarde des paysages et du patrimoine naturel et bâti. En ce qui concerne le patrimoine naturel, le gouvernement poursuivra une concertation étroite avec les milieux agricoles.
La mobilité et les transports
Le problème général de la mobilité fait partie intégrante à la fois de l'économie et de la vie sociale. La notion de complémentarité du transport collectif avec le transport privé restera la règle.
D'une part, l'effort en matière de transports publics sera accentué, en même temps que seront avancés dans le cadre d'une politique transfrontalière les projets de nature ferroviaire.
D'autre part, les aménagements routiers ou de trafic visant au contournement par le trafic de transit des localités et des quartiers pour motifs de sécurité et de qualité de la vie, seront avancés; de même, les projets de parkings avec priorité aux parkings d'échange seront soutenus.
L'énergie
Dans un autre domaine, la libéralisation du marché de l'énergie va nécessiter des réflexions importantes quant au rôle des Services industriels de Genève et quant à leur mode de fonctionnement.
Le gouvernement sera attentif à ce que les Services industriels de Genève soient associés à cette réflexion.
Il veillera à ce que la politique cantonale en matière d'énergie continue à être fondée sur les économies d'énergie, le recours aux énergies renouvelables et le respect de l'environnement.
La région
Enfin, il n'y a plus de nos jours de problème politique qui ne soit pas régional. Genève, très tôt, en a pris conscience. Que ce soit en matière de rétrocession fiscale, d'aménagement, de culture, de santé, d'instruction publique ou de mobilité, Genève a appris à vivre avec sa région, par-delà des frontières physiques ou administratives qui cependant restent encore trop contraignantes. Le travail qui consiste à les surpasser sera renforcé, d'une part au sein des instances intercantonales ou internationales, d'autre part en recourant à des contacts directs aux plus hauts niveaux et ceci dans tous les secteurs de l'activité de l'Etat.
A l'orée du 3e millénaire, le gouvernement s'engage dans sa tâche avec la volonté de voir loin en discernant un avenir forcément différent de ce que nous avons connu, marqué entre autres par la révolution de l'information. Mais il veut puiser dans le passé historique ou récent les expériences qui lui sont un viatique précieux parce que riche d'autant d'éléments qui fondent les racines de notre République et canton. Et c'est à l'homme qu'il voue l'essentiel de ses efforts, avec pour vision un environnement sauvegardé, une protection sociale solide issue d'une économie forte et une formation lui permettant d'affronter avec succès les défis nombreux que lui réserve une évolution accélérée.
Débat
M. Pierre-Alain Champod (S). Le groupe socialiste apprécie la modification du règlement qui lui permet de s'exprimer sur le discours de Saint-Pierre. Il appréciera encore plus de s'exprimer, dans quatre ans, sur le bilan de l'actuelle législature. A ce moment, il portera un jugement sur des faits et non sur des intentions.
Le programme gouvernemental, annoncé dans le discours de Saint-Pierre, est un acte politique important. C'est aussi le premier du gouvernement élu en novembre dernier.
Bien évidemment, il n'a pu recenser entièrement les mesures qui seront prises. Il a simplement mis en évidence les grandes orientations de la politique gouvernementale.
Le document que nous examinons ce soir démontre que nous avons affaire à un gouvernement arc-en-ciel, alors que le discours de 1993 était indéniablement marqué par le gouvernement monocolore qui entrait en fonctions à cette époque.
Le groupe socialiste est d'accord avec une partie des propositions contenues dans le programme du Conseil d'Etat. En revanche, il est plus critique pour d'autres.
Nous ne commenterons pas l'ensemble des thèmes abordés, mais nous mettrons en évidence quelques points qui nous paraissent importants.
Sur le plan des satisfactions, nous pouvons citer la déclaration de principe : ";L'économie est au service de l'être humain." Nous saluons cette prise de position qui va à l'encontre du discours dominant, à l'encontre de ce que l'on appelle la pensée unique caractérisée par une foi aveugle dans les vertus du marché, de la globalisation de l'économie et des fusions d'entreprises. Nous attendons que ce principe entre en vigueur dans les décisions que le Conseil d'Etat sera appelé à prendre durant cette législature.
Nous sommes également satisfaits que le partage du temps de travail figure dans les priorités du nouveau gouvernement. Nous avons déjà légiféré sur le traitement social du chômage et sur le soutien aux entreprises. Reste à explorer la piste du partage du travail pour compléter les mesures déjà prises. Nous souhaitons recevoir rapidement des propositions concrètes du gouvernement sur ce sujet.
Le groupe socialiste partage l'objectif du gouvernement de remplacer l'assistance par un droit à un revenu d'existence. Compte tenu du succès de l'expérience du RMCAS, il est temps de remplacer une aide basée sur la charité et le fait du prince par un droit donnant à chacun de quoi se nourrir, se loger et se soigner.
En ce qui concerne la réforme de l'Etat, nous sommes satisfaits que le Conseil d'Etat mette l'accent sur la concertation. Ce faisant, il amorce un virage à 180°. En effet, jusqu'à ce jour, les projets de réforme étaient élaborés sans concertation avec les employés de la fonction publique. Or tout le monde sait que la condition primordiale pour qu'une réforme réussisse est d'associer les personnes qui devront l'appliquer. Nous espérons que ce principe entrera en vigueur et que le Conseil d'Etat ne confondra pas information et concertation.
Venons-en, maintenant, aux points du discours de Saint-Pierre qui ne nous satisfont pas complètement.
Nous regrettons que le document ne présente pas plus de propositions en matière de formation, notamment de formation continue. La formation est, certes, mentionnée, mais essentiellement en termes de réforme de structures. Nous pensons que le modèle classique ";formation jusqu'à 20-25 ans, travail et retraite au-delà" est entièrement dépassé. Nous serons de plus en plus appelés à alterner travail et formation tout au long de notre vie active, ce qui implique une transformation profonde du système de formation, en particulier du système de formation continue. Nous aurions aimé que le discours de Saint-Pierre fixe des objectifs plus précis dans ce domaine.
Le groupe socialiste regrette également que la prévention ne soit pas mentionnée dans le chapitre consacré à la sécurité. Pour nous, toute politique de sécurité doit comporter des mesures répressives, certes, mais aussi et surtout des mesures préventives. Nous avons trouvé, depuis de nombreuses années, un juste équilibre entre ces deux aspects dans le domaine de la toxicomanie, par exemple.
Je relève encore que, malgré la présence de deux femmes dans le Conseil d'Etat, le discours de Saint-Pierre ne comporte pas une phrase sur la mise en application du principe d'égalité homme/femme inscrit dans la Constitution, alors que la réalité démontre, quotidiennement, que des progrès importants doivent être réalisés dans l'application de ce principe.
Ma conclusion : la table des matières est intéressante. Reste à examiner le contenu des propositions concrètes qui seront développées à partir de ce catalogue.
M. Jacques Béné (L). ";Discours de Saint-Pierre : médiatique, politique ou utopique ?" serait le titre de mon intervention si je devais lui en donner un. Vous me direz qu'il est souvent difficile de faire la différence, ce que je vous accorde volontiers. Après avoir écouté et lu ce discours du 8 décembre, je ne puis m'empêcher de me poser quelques questions.
Comment un Conseil d'Etat, fraîchement nommé et dont quatre membres sont des nouveaux élus, peut-il définir, en quelques jours, une politique gouvernementale pour les quatre ans à venir ?
Comment peut-il énoncer autant d'objectifs gouvernementaux avant d'entrer en fonctions ?
Ces objectifs fondamentaux émanent-ils de réelles réflexions et concertations ? A titre d'exemples, je cite le partage du temps de travail évoqué par M. Champod et, plus terre-à-terre, la localisation des états-majors de tous les départements dans la Vieille-Ville - nous savons maintenant ce qu'il en est ! En revanche, rien n'a été dit en ce qui concerne l'accession à la propriété.
S'agissait-il de ne dire à la population que ce qu'elle souhaitait entendre, avant de casser la traditionnelle - et encore consensuelle - marmite de l'Escalade et de passer une bonne soirée ?
A voir le travail des commissions, à suivre nos débats, je peine à y trouver une quelconque correspondance avec le discours de Saint-Pierre. J'ose espérer que ce parlement y remédiera très rapidement.
Bien entendu, cela ne signifie pas que le groupe libéral se reconnaîtra dans la totalité des objectifs dévoilés ! Soyez certains qu'il s'inspirera plus de saint Thomas que de saint Pierre : il croira ce qu'il verra, puis il jugera.
M. Daniel Ducommun (R). Monsieur le président du Conseil d'Etat, le groupe radical prend acte de votre rapport gouvernemental de législature. D'ores et déjà, il s'engage à vous soutenir dans votre action orientée aussi bien sur les valeurs de cohésion sociale et de solidarité que sur celles liées aux réalités de l'économie et du déficit de la caisse publique.
Si des points d'intérêts particuliers devaient être mis en exergue, sachez que ceux auxquels nous attachons le plus d'importance sont liés à la réduction du déficit pour ne pas, je vous cite, ";charger les générations futures"; engager résolument la réforme de l'Etat telle que votre précédent rapport sur l'audit la développe et, enfin, la justice sociale, plus précisément la lutte contre le chômage. Souhaitons que ces priorités ne soient pas incompatibles entre elles.
Il n'en reste pas moins, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, que seul le tiers de ce rapport nous satisfait aujourd'hui. En effet, afin que la mission que vous voulez entreprendre soit complète, elle doit répondre à trois interrogations : Quoi ? Comment ? Quand ? Votre programme de législature répond au ";quoi". Nous attendons donc avec intérêt vos réponses aux deux autres interrogations : ";comment" et ";quand".
C'est alors que nous pourrons exprimer, Monsieur le président, une opinion radicale plus tangible, précise et résolument positive.
M. Pierre-François Unger (PDC). Comme l'a dit M. Champod, notre parlement a accepté récemment une modification de la loi portant règlement du Grand Conseil. Cette modification demande au gouvernement de présenter un programme, en début de législature, pour la durée de celle-ci.
C'est à cet exercice que le nouveau gouvernement s'est attelé dans un temps record, alors que ses membres sont issus de divers horizons politiques et que quatre d'entre eux découvraient leurs nouvelles fonctions.
Contrairement à M. Béné qui doute de sa véracité, je suis content d'avoir reçu ce programme. Nous devons féliciter le nouveau gouvernement d'avoir trouvé le consensus qui lui a permis de tracer les grandes lignes de la politique qu'il entend mener. Bien entendu, nous pouvons discuter, ici et là, de tel ou tel point, voire de nuances.
Nous sommes sensibles à l'humanité des perspectives économiques et sociales qui se dégagent du discours de Saint-Pierre. Nous sommes également sensibles au désir du gouvernement de mettre en valeur le rôle des partenaires sociaux... (M. Bernard Lescaze rit.) Monsieur Lescaze, veuillez cesser de glousser... (Rires.) Nous apprécions son intention de valoriser le rôle des partenaires sociaux plutôt que de trancher, entre eux, par la force.
Nous l'approuvons quand il insiste sur les efforts qui doivent être consentis en matière de formation pour assurer au plus grand nombre les possibilités d'insertion et d'intégration dans notre société.
Enfin, nous ne pouvons qu'être d'accord avec l'ouverture de Genève sur le monde et l'affirmation de son rôle international.
Les grands principes exposés ont de quoi séduire, même si les moyens de les appliquer ne sont qu'imparfaitement esquissés.
Un bémol pour terminer. Nous aurions apprécié une détermination plus forte quant à la nécessité de redresser le compte de fonctionnement des finances publiques. Pourquoi mandater des experts pour savoir s'il est convenable de vivre au-dessus de ses moyens ? Quel expert pourrait justifier le paiement annuel de 500 millions d'intérêts aux banques, alors que cet argent pourrait être utilisé pour des tâches autrement plus constructives ?
L'élection de l'actuel gouvernement a été déterminée par la volonté de la population d'être gouvernée au centre. Cette population espère que l'on réponde rapidement à ses aspirations essentielles évoquées dans le discours de Saint-Pierre. Cette dynamique avait d'ailleurs prévalu, au sein de ce parlement, quand les uns et les autres s'étaient efforcés de trouver un large consensus sur le budget 1998 jusqu'au moment où un amendement a tout fait ";sauter". A l'occasion de cette nouvelle législature, M. Nissim nous avait pourtant enjoints d'adopter une attitude plus consensuelle et plus constructive. En effet, que n'a-t-on dit de la législature précédente ou du dysfonctionnement chronique de la Ville de Genève ! Manifestement, Monsieur Nissim, c'est à vos troupes que vous auriez dû adresser vos conseils.
Les intérêts de Genève et de ses habitants méritent que les clivages politiques classiques soient transcendés. Genève veut être gouvernée au centre, par conséquent elle doit l'être. Le parlement aurait tout avantage - et je partage en cela l'opinion émise par Armand Lombard dans une récente chronique - à respecter cette volonté populaire clairement affichée, plutôt que de se déconsidérer aux yeux des électeurs par des comportements qui relèvent plus de la gesticulation politique que de l'intérêt des citoyens.
C'est, en tout cas, notre souhait.
M. Pierre Vanek (AdG). Nous ne saurions accepter un discours qui annonce un parfait gouvernement arc-en-ciel - bien qu'il y manque une couleur ! - et que Genève voulant être gouvernée au centre, il faut une majorité gouvernementale qui n'est pas celle de ce parlement.
Monsieur Unger, nous respectons la volonté des électeurs qui s'est manifestée en faveur d'une majorité de gauche dans ce parlement. Nous continuerons donc à faire des propositions dans le sens et l'esprit de cette majorité. Comme cela a été le cas pour le budget 1998, il y aura quelques problèmes liés au concept même d'un programme gouvernemental.
Le gouvernement étant l'exécutif, il devra essentiellement fonctionner en mettant en oeuvre certaines orientations qu'il ne pouvait pas définir lui-même en quelques séances, au mois de décembre, mais qui le seront tout au cours de cette législature par des majorités et, je l'espère, par la ";majorité" de ce parlement. Il s'agit là d'un problème institutionnel.
En plus de la concertation avec les partenaires sociaux, le rapport du Conseil d'Etat aurait pu faire allusion à la prise en compte des orientations du parlement. De ce point de vue, le discours est lacunaire et justifie une logique qui a eu cours lors de la dernière législature avec, pour effet, que la politique de l'exécutif ne devait trouver, dans le législatif, qu'une chambre d'enregistrement. C'est, en quelque sorte, ce que l'on nous fait comprendre maintenant.
Nos forces ne seront pas de simples forces d'appoint à l'enregistrement d'un certain nombre de décisions gouvernementales. Nous mènerons un débat politique sur les objets soumis, avec des orientations qui sont, comme chacun le sait, des orientations de gauche.
Je ne referai pas le catalogue puisque nous discuterons de son contenu au cours de la législature. D'ailleurs, nos débats ne se dérouleront pas seulement sur le rapport du Conseil d'Etat : ils soutiendront le fond de chaque objet qui nous sera soumis.
Je me bornerai donc à faire quelques observations sur des points de portée générale.
J'ai trouvé intéressant que M. Champod salue une prise de position à l'encontre de la pensée unique. A l'appui de son intervention, il a cité le rapport du Conseil d'Etat rappelant que ";ce n'est pas l'être humain qui est au service de l'économie : c'est l'économie qui est au service de l'être humain".
Après avoir lu la même déclaration de principe, j'avais préparé quelques notes pour dire exactement le contraire. Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, pouvez-vous regarder cette assemblée et, au-delà, les citoyens qu'elle représente, et prétendre cela ? Ce n'est pas vrai ! Je ne veux pas allonger le débat, mais la fusion UBS/SBS est-elle au service de l'être humain ? Les effets de la crise financière asiatique sont-ils au service de l'être humain ? Une économie qui ne cesse de générer des milliers de chômeurs est-elle au service de l'être humain ? Bien sûr que non !
Le fait de dire que l'économie est au service de l'être humain sous-entend qu'il faut la développer, alors que son fonctionnement actuel se ";fout" complètement de l'être humain, de la qualité de sa vie, de l'emploi et de la qualité de l'environnement.
Le mois passé, mon collègue Bernard Clerc rappelait que l'ensemble de la masse salariale, dans notre pays, s'élevait, en 1997, à environ 250 milliards de francs et que, durant la même période, la hausse des titres cotés en bourse culminait à environ 280 milliards de francs. Je cite ces chiffres de mémoire.
Ces faits démontrent clairement que l'économie actuelle n'est pas au service de l'être humain. Si on veut mettre en place une politique réellement au service de la grande majorité des êtres humains, notamment à celui des plus démunis, il faut se préparer à s'affronter aux règles de fonctionnement que s'est données cette économie. On doit être capable de rompre avec la pensée unique, avec la logique du tout-au-marché. C'est ce que ne dit pas le rapport du Conseil d'Etat, et c'est bien normal de la part d'une majorité de droite. Nous ne pouvons que le déplorer tout en reconnaissant au Conseil d'Etat le droit d'écrire ce qu'il veut.
De bonnes choses ont été dites sur l'accueil, à Genève, des organisations internationales, notamment en préconisant ";les excellents rapports que commandent le coeur, l'intelligence et les lois de l'hospitalité". Il est dit aussi que ces organisations internationales ";sont autant de signes d'espérance pour les hommes et les femmes les plus déshérités de la planète". Permettez-moi de rétorquer que l'OMC n'est pas une organisation qui est signe d'espérance et qu'elle n'est pas au service des hommes et des femmes les plus déshérités de cette planète. Aujourd'hui même, la ";Tribune de Genève" annonce le rassemblement à Genève de l'Action mondiale des peuples, laquelle regroupe précisément ceux qui sont prétérités par la politique de l'OMC. La politique que commandent le coeur, l'intelligence et les lois de l'hospitalité, c'est d'accueillir aussi ce genre d'événement et pas seulement les organisations internationales en tant que telles.
Je termine en citant la fin du rapport : ";...une protection sociale solide issue d'une économie forte..." Le discours est toujours le même : la locomotive, c'est l'économie qui fera que le chômage disparaîtra, que la protection sociale se renforcera, etc.
La protection sociale que nous maintiendrons, voire que nous conforterons, ne dépendra pas seulement du développement du PIB, mais aussi et surtout de la mobilisation politique et sociale de la majorité de la population apte à imposer la défense de certains éléments de cette protection sociale. Un exemple récent est celui qui a fait l'objet d'un vote fédéral. Quelques personnes se sont réunies pour lancer un référendum contre la dégradation des prestations aux chômeurs, induite par l'arrêté fédéral urgent refusé en votation populaire. Ces gens ne se sont pas dit : ";Bon Dieu, les chômeurs sont attaqués, développons l'économie !" Ils se sont dit que cette assurance sociale était victime d'une politique détestable qui ne pouvait être combattue que par la mobilisation des citoyens et des citoyennes. La suite a prouvé qu'ils avaient eu raison, et c'est là un exemple qui doit inspirer toute notre réflexion sur la protection sociale. De nouvelles échéances nous pendent au nez concernant sa défense, et ce à l'échelle du pays.
M. David Hiler (Ve). Le plus grand mérite du discours de Saint-Pierre est sa transcription typographique. Cette présentation du programme gouvernemental pour quatre ans est extrêmement pratique : tous les mots-clés sont imprimés en gras et l'on n'aura qu'à les cocher pour savoir, dans quatre ans, si ces ambitieux objectifs ont été réalisés. Cela facilitera la vie des partis et permettra de juger les conférences de presse du Conseil d'Etat, sur des critères bien commodes, au début, à la moitié et à la fin de la législature !
Nous espérons que certains points ne seront pas concrétisés et nous serons très indulgents à l'égard du Conseil d'Etat si la politique annoncée en matière de transports - ce n'est pas celle des Verts - n'entrait pas en vigueur.
En revanche, des éléments de notre programme sont repris dans le discours de Saint-Pierre et nous nous engagerons aux côtés du Conseil d'Etat pour les soutenir. Par contre, s'il ne s'agit que de mots de la part du Conseil d'Etat, nous nous battrons très durement.
Le partage du travail, notamment dans la fonction publique, est, à nos yeux, l'enjeu déterminant de la législature. Le bilan que nous en tirerons sera établi surtout sur cet aspect particulier qui déterminera notre soutien à une politique d'ensemble.
Smart Geneva constitue un deuxième point important. Ce projet, jusqu'à présent, n'a été que discours et thème électoral. C'est une ";machine Segond" et nous sommes heureux d'apprendre qu'elle aboutira à du concret. Ce que nous en savons maintenant ne nous incite pas à l'optimisme. Il est évident que si, d'ici deux ans, nous n'avons rien à nous mettre sous la dent nous devrons admettre que l'un ou l'autre de nos conseillers d'Etat se paie notre tête, ce qui ne serait pas nouveau.
La politique sociale. Chacun sait que l'enjeu est le revenu minimum d'existence. C'est ce que nous pouvons réaliser de mieux au cours de cette législature. Ce n'est pas le dossier le plus compliqué et nous nous réjouissons d'aller de l'avant.
Nous sommes enchantés d'apprendre que la réforme de l'Etat se poursuivra sur d'autres bases. Il y a urgence. On en apprend tous les jours de belles en commission. Notre Etat ne fonctionne pas sur divers plans et il y a beaucoup de choses à améliorer. Nous savons que la gestion effective de l'ancien Conseil d'Etat n'était certainement pas à la hauteur de la rigueur affirmée dans ses discours. Par conséquent, nous souhaitons que ce gouvernement, qui n'est pas élu comme un gouvernement de rigueur, ait au moins celle de la gestion, de sorte que notre appareil soit fonctionnel et que l'argent aille où il doit aller, à teneur des lois votées par ce Grand Conseil, et ne se perde pas suite à divers dysfonctionnements.
Je relève une nouveauté intéressante : l'introduction du terme ";développement durable" si cher aux Verts. Ce terme signifie que nous reconnaissons l'utilité d'un développement économique pour autant qu'il soit favorable à l'ensemble des couches de la population et qu'il ne mette pas en péril la survie des générations futures sur cette planète. Nous attendons de voir si les conséquences de ce programme seront tirées pour nous orienter en direction du développement durable. En effet, je doute que nous puissions, en quatre ans, passer du développement actuel au développement durable. Nous serions déjà heureux de voir une orientation ferme se dégager.
M. Vanek a entièrement raison sur un point. La répartition des richesses et le type de développement, dans une société, ne dépendent pas exclusivement de l'économie. Pour que celle-ci soit saine, il faut qu'un équilibre existe entre la production des richesses et leur consommation. Si on laisse aller les choses - l'histoire nous l'enseigne - il y a concentration de richesses non consommées. Par conséquent, la crise ";s'auto-entretient". On l'avait bien compris dans les années 30, suite à une série de catastrophes impressionnantes, d'où le développement d'une nouvelle théorie économique dite ";keynésienne".
Aujourd'hui, on semble revenir aux théories néoclassiques en oubliant qu'un contrat social doit régir la répartition des richesses dans une société. Par conséquent, on risque de rencontrer les mêmes problèmes que ceux qui ont conduit à la révision déchirante des années 30 et au New Deal.
Nous devons donc bien entendre le discours de M. Vanek sur un second point : à savoir que ni le pouvoir politique, ni le Conseil d'Etat ni le Grand Conseil n'ont la capacité, à eux seuls, de résoudre l'ensemble des problèmes. Les rapports de force, à l'intérieur de la société, sont probablement déterminants. Nous l'avons vu dans le cas de la fusion UBS/SBS. Le fait que les employés bancaires n'aient pas été capables de s'y opposer ou, du moins, pas capables de s'opposer à ses conséquences sociales, causera des coûts futurs à un Etat qui, par ailleurs, se sait dans l'impossibilité de les assumer. M. Vanek a dit quelque chose de très juste : beaucoup d'événements peuvent se produire ici, mais l'essentiel se déroule ailleurs, par exemple dans les luttes syndicales, dans les quartiers, etc. Ce sont là des vérités qui, énoncées d'une certaine manière, ne semblent pas être écoutées, mais qui peuvent être attestées pour hier et pour aujourd'hui.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.