République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 19 février 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 5e session - 5e séance
GR 190-1 et objet(s) lié(s)
Rapports de la commission de grâce chargée d'étudier les dossiers des personnes suivantes :
M. B. P. , 1969, Vaud, radio-électricien, recourt contre le solde de la peine d'emprisonnement.
M. Jean-Marc Odier (R), rapporteur. Dès l'âge de 18 ans, M. B. P. a été condamné à cinq reprises. En dix ans, ses délits d'escroqueries et d'abus de confiance, faux dans les titres, instigation au vol, recel, détournement d'objets mis sous main de justice - et j'en passe la moitié... - lui ont valu des peines d'emprisonnement totalisant une durée de cinq ans et demi.
A l'étude de son important dossier et à la lecture attentive de son recours, il n'apparaît aucun élément pouvant justifier une révision de la peine infligée.
D'autre part, compte tenu des quatre précédents jugements, rien ne permet de penser qu'un risque de récidive serait moins important aujourd'hui.
Le remboursement aux plaignants et le repentir dont fait état M. B. P. dans sa demande de grâce ont été pris en considération dans son jugement du 27 janvier 1997. Depuis, aucun fait nouveau n'est apparu si ce n'est que le jugement a été confirmé par la Chambre de cassation puis par le Tribunal fédéral. C'est pourquoi la commission vous recommande le rejet de la grâce.
Je tiens à signaler que j'ai reçu un courrier, par l'intermédiaire du service du Grand Conseil, qui est en fait un contrat de travail au nom de M. B. P., à joindre au dossier. Il pourrait commencer à travailler, à partir du 16 mars 1998, en qualité de coursier dans une carrosserie.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.
M. D. O. .
Mme Erica Deuber-Pauli (AdG), rapporteuse. Le requérant porte un double nom dont personne n'a réussi à élucider la provenance. En tant que citoyen français, parce que né en France, il possède un passeport, reconnu par la police française, au nom de Cyrille Nianzou. En tant que citoyen ivoirien, il porte un autre nom, celui de D. O.. Mais il s'agit du même homme, dont la même photo est reproduite sur tous ses papiers. Ses parents présentent également cette différence de nom de famille.
Par une ordonnance du procureur général du 10 juillet 1997, M. D. O. a été condamné à six mois d'emprisonnement sous déduction de deux mois et vingt-cinq jours subis en détention préventive, avec un sursis de cinq ans, cinq ans d'expulsion du territoire suisse et une amende de 1 600 F. Ayant acquitté son amende, purgé sa peine de prison préventive, il ne recourt que contre l'expulsion du territoire suisse.
Il a été condamné pour faux dans les titres et escroquerie aux dépens de l'Etat de Vaud. En 1995, il est entré en Suisse sous son nom ivoirien de D. O.. Il a demandé l'asile et a été affecté au canton de Vaud. En deux mois, il a obtenu une aide, au titre de requérant d'asile, d'un montant d'environ 2 500 F. En octobre 1995, c'est-à-dire après ces deux mois, il a été expulsé du territoire suisse, avec une interdiction de retour durant cinq ans.
Néanmoins, il est revenu à fin 1996 pour rencontrer des amis. Il a fait la connaissance d'une Suissesse, Mme B. F., qu'il a épousée par la suite. Il a été appréhendé pour avoir vendu 6 à 7 grammes de haschich au prix de 50 F le gramme, haschich qu'il s'était procuré à Annemasse. Arrêté alors qu'il portait un passeport au nom de N. C., il a été, de plus, confondu pour abus d'un faux nom lors de sa requête d'asile. Or ces deux noms sont bien les siens, mais il n'a pas réussi à s'en expliquer. D'ailleurs, personne n'a été capable de démêler cette affaire.
Il a été expulsé. Mme B. l'a suivi à Abidjan où ils se sont mariés en septembre 1997. De retour à Genève où elle travaille, sa femme a requis pour lui la levée de sa peine d'expulsion.
La commission recommande de refuser cette demande en grâce et je vous transmets ici sa proposition de rejet.
Le président. Je mets aux voix le préavis de la commission, soit le rejet du recours.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est rejeté, par 40 non contre 32 oui.
Le président. Y a-t-il une autre proposition ?
M. Rémy Pagani (AdG). Je demande la grâce pour la peine d'expulsion.
Mme Geneviève Mottet-Durand (L). Comme l'a exposé Mme le rapporteur, le requérant est un double national français et ivoirien. Il n'est pas obligé de demeurer en Afrique. Il connaît très bien Annemasse pour y avoir acheté de la drogue. Il peut donc y revenir pour se rapprocher de sa femme.
Par conséquent, je vous demande de rejeter son recours.
Mme Christine Sayegh (S). Les conclusions de la commission sont ou le rejet du recours, ou son acceptation. Nous sommes une majorité à avoir accepté le recours contre l'expulsion du territoire suisse. Par conséquent, la grâce est accordée sur ces conclusions.
Le président. Non, Madame ! Il peut y avoir des propositions différentes - grâce partielle ou autres. J'ai demandé une contre-proposition, laquelle a été formulée par M. le député Pagani. Je la mets aux voix.
M. Rémy Pagani (AdG). Je n'ai pas eu l'impression de présenter une contre-proposition. Au contraire, je croyais confirmer la décision votée. Sur le plan juridique, j'avoue n'être pas très au courant, mais je n'ai pas émis de nouvelle proposition.
Le président. Nous sommes en présence d'une proposition d'accorder la grâce. Je la mets donc aux voix.
La proposition de grâce est mise aux voix.
Le résultat est douteux.
Il est procédé au vote par assis et levé.
Le sautier compte les suffrages.
Mise aux voix, la proposition d'accorder la grâce est adoptée, par 42 oui contre 39 non.
M. Jean-Pierre Gardiol (L). Aujourd'hui, grâce à cette nouvelle majorité, la population saura que notre Grand Conseil gracie des gens qui font du trafic de drogue et qui en ont peut-être vendu à nos enfants !
Une voix. Du haschich ! (Rires.)
Une voix. On n'entend rien... Monsieur le président, la mémorialiste vous fait signe d'ouvrir le micro !
Le président. Il y a eu un petit incident technique de télécommunication avec Mme la mémorialiste...
Mme H. R. L. , 1968, Pérou, technicienne, recourt contre le solde de la peine d'expulsion judiciaire.
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur. Mme H. R. L. est Péruvienne. Elle s'est fait contrôler un matin d'avril 1997 sur la route de Malagnou, à la hauteur du chemin Rieu.
Ayant quitté son pays où elle a acquis une formation de technicienne en informatique, elle s'est rendue comme touriste en Allemagne, dans le courant de 1995. Ayant séjourné dix jours dans ce pays, elle a passé la frontière suisse en obtenant un visa de neuf jours. Cette jeune femme a vécu en Suisse pendant une année et demie en épuisant toutes ses économies et en effectuant des petits boulots mal rémunérés.
C'est dans ces conditions qu'elle a fait la connaissance de M. ";M" qui l'a hébergée quelque temps chez lui. Joaillier-sertisseur, ce dernier est tombé amoureux de Mme H. R. L. et l'a rejointe au Pérou quelques jours après son expulsion. Depuis lors, très amoureux, il va la voir tous les trois mois... (Exclamations.) C'est beau, hein ! C'est une histoire d'amour. Mme H. R. L. a été condamnée à trente jours de prison pour infraction grave à la loi sur le séjour et l'établissement des étrangers avant d'être expulsée. Elle en a subi deux. Elle ne pourra rejoindre qu'en 2002 l'homme qui est devenu, le 30 juillet 1997, son mari.
Au vu de l'acte de mariage qui nous est parvenu et qui constitue un fait nouveau, notre commission vous propose de gracier Mme H. R. L. du solde de sa peine d'expulsion judiciaire et de permettre à ce couple - pour la Saint- Valentin - de couler des jours heureux... (Rires.) ...sur cette partie de la planète.
Mis aux voix, le préavis de la commission (grâce du solde de la peine d'expulsion judiciaire) est adopté.
M. K. R. , 1973, Tunisie, serveur, recourt contre la peine d'expulsion du territoire suisse.
Mme Yvonne Humbert (L), rapporteur. M. K. R., Tunisien, serveur, a rencontré, durant l'été 1996, une ressortissante genevoise en vacances en Tunisie.
Décidés d'unir leurs destinées, M. K. R. est régulièrement venu à Genève pour voir sa future compagne, cela au bénéfice d'un visa valable pour une durée d'un mois.
Ne s'inquiétant guère des problèmes administratifs, le séjour du recourant se poursuivit largement au-delà de la date d'échéance de son visa. Il fit l'objet d'un contrôle, ce qui lui valut une peine d'emprisonnement de trente jours avec un sursis de trois ans et trois ans d'expulsion du territoire suisse.
M. K. R. recourt contre le solde de la peine d'expulsion du territoire suisse.
Mis aux voix, le préavis de la commission (grâce du solde de la peine d'expulsion judiciaire) est adopté.
Mme L. B. M. , 1967, Pérou, sans profession, recourt contre l'expulsion du territoire suisse.
Mme Yvonne Humbert (L), rapporteur. Mme L. B. M., péruvienne, actuellement secrétaire de direction d'une société péruvienne, est arrivée en Suisse en 1993, sans être au bénéfice d'une autorisation de séjour.
Durant trois ans, elle subvint à ses besoins en gardant des enfants. Elle apprit le français, s'intégra à la vie genevoise et fit la connaissance d'un citoyen suisse. En 1996, lors d'un contrôle, la police découvrit qu'elle n'était pas au bénéfice d'un permis de séjour. Elle fut condamnée à vingt jours d'emprisonnement avec un sursis de trois ans et à cinq ans d'expulsion du territoire de la Confédération.
Désirant unir sa destinée à son compagnon suisse, des bans furent publiés à la mairie de Carouge. Mme L. B. M. demanda un visa d'entrée afin de pouvoir se marier, ce qui lui fut refusé.
N'ayant aucun antécédent judiciaire, la commission vous propose d'accorder la grâce du solde de l'expulsion du territoire suisse.
Mis aux voix, le préavis de la commission (grâce du solde de la peine d'expulsion judiciaire) est adopté.
M. M. J.-F. , 1964, France, technicien en téléphonie, recourt contre le solde de l'amende due, soit 300 F.
2ème recours en grâce
M. Rémy Pagani (AdG), rapporteur. Un matin de juillet 1996, M. M. J.-F., au guidon de sa moto, sort de la douane de la route Blanche et, pressé de rejoindre son travail, dépasse la vitesse autorisée de 60 km/h à cet endroit. Il sera contrôlé à 100 km/h. Son dépassement de plus de 40 km/h sera sanctionné par une amende de 1 700 F, le 6 août 1996.
Sans antécédents judiciaires, M. M. J.-F. a demandé une première fois sa grâce en novembre 1996, grâce qui lui a été refusée par notre Grand Conseil. M. M. J.-F. a motivé sa demande par les difficultés financières et la précarité de son travail temporaire en Suisse. Son revenu est effectivement très bas pour contribuer à l'éducation de son premier enfant, et il va bientôt en avoir un deuxième. Depuis le rejet de sa demande en grâce, M. M. J.-F. s'est acquitté d'une bonne partie de cette amende, soit 1 400 F.
Il nous implore aujourd'hui de lui faire grâce du solde, soit 300 F. Depuis lors, il n'a fait l'objet d'aucune poursuite judiciaire. Au vu des faits nouveaux que constitue le paiement d'une bonne partie de l'amende, la commission vous propose de gracier M. M. J.-F..
Mis aux voix, le préavis de la commission (remise du solde des amendes dues) est adopté.
Mme B. A.-M. , 1959, France, traductrice, recourt contre les peines d'emprisonnement et d'expulsion du territoire suisse.
2ème recours en grâce
M. Jean-Marc Odier (R), rapporteur. Mme B. A.-M. est une habituée de l'escroquerie.
En France, en 1985, elle détournait un million de francs français, puis récidivait en 1987 et 1990, avant de commencer ses méfaits sur notre territoire en 1992.
Après avoir fait l'objet de cinq plaintes pour la période de 1993 à 1994, Mme B. A.-M. est condamnée à deux mois d'emprisonnement et cinq ans d'expulsion du territoire. Mme B. A.-M. qui dépose un recours en grâce fondé sur des motifs futiles, pour reprendre l'expression du procureur général, n'a pas remboursé un centime aux différentes personnes lésées.
Lors du premier rejet du recours en grâce du 10 octobre 1996, le rapporteur, Mme la députée Deuber-Pauli, expliquait que Mme Borel travaillait à Ferney-Voltaire dans l'entreprise Disaco. Nous savons aujourd'hui qu'elle a été licenciée peu de temps après, avec effet immédiat, pour abus de confiance.
Convaincue par le risque de récidive, la commission vous propose le rejet de ce recours.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet du recours) est adopté.