République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 23 janvier 1998 à 17h
54e législature - 1re année - 4e session - 3e séance
M 1053-A
La commission judiciaire, sous la présidence de notre collègue Michel Halpérin, a étudié la proposition de motion de nos deux ex-collègues Mesdames Claire Torracinta Pasche et Nicole Castioni-Jaquet, lors de ses séances des 4 septembre, 9 et 23 octobre 1997.
Préambule
Comme l'ont indiqué d'emblée les motionnaires, il ne s'agit pas par le biais de cette motion de juger ou de réglementer la problématique générale de la prostitution, mais seulement les problèmes liés à la prostitution forcée Pour autant que l'on puisse penser que la prostitution volontaire existe, mais c'est un autre problème que les commissaires ont choisi de ne pas traiter.
L'ambition de cette motion est avant tout de poser le problème des nouvelles formes de prostitution qui voient le jour. Conséquence de la crise économique, conséquence du Sida, conséquence de l'exploitation des plus faibles.
Nos travaux se sont donc focalisés sur les nouveaux lieux qui accueillent ces nouvelles formes de prostitution que sont les salons de massage, les cabarets, les bars à Champagne. La prostitution classique n'a été que peu abordée, si ce n'est dans le cadre des auditions. Celle-ci dépendant d'un cadre légal connu et reconnu Ce qui n'est pas le cas pour les autres formes de prostitution et toute l'hypocrisie qui les entoure. Les femmes étrangères et les mineures ont requis une attention particulière de par la fragilité de leur statut, propre à en faire des exploitées du sexe à bon marché.
Les membres de la commission judiciaire se sont gardés de toute morale et culpabilisation à l'égard des prostituées. Le but poursuivi étant de débusquer les réseaux de prostitution qui mènent à l'esclavage et qui représentent, rappelons-le, le troisième commerce mondial, après la drogue et les armes.
La présente motion vise donc à inviter le Conseil d'Etat à prendre des mesures pour lutter efficacement contre ces réseaux, dont les ramifications n'épargnent pas notre pays, en faisant appliquer et respecter la déclaration universelle des droits de l'Homme et en donnant à la police les moyens nécessaires de lutter contre l'exploitation de la prostitution. Par ailleurs, elle demande également un accroissement de l'aide apportée aux associations aidant les personnes concernées par la prostitution.
Les travaux en commission ont permis de faire un état des lieux de la situation actuelle et de ses lacunes et de chercher les meilleurs moyens d'y remédier.
Les auditions nous ont ainsi permis d'adresser au Conseil d'Etat des invites plus précises et mieux ciblées, telles que vous les trouverez en conclusion de ce rapport.
Auditions
- 4 septembre 1997 - association ASPASIE
représentée par Mmes et MM. Marianne Schweitzer,Yoanna Purro, Mireille Rodeville, Rolando Lopez et Jean-Philippe Jacques.
Le rôle et le fonctionnement de l'association Aspasie font l'objet de l'annexe 1.
Fondée en 1982 par la volonté des prostituées qui travaillaient dans la rue, essentiellement aux Pâquis et aux Glacis de Rive. Leur but était de faire reconnaître leur statut Dès 1985, les problèmes du Sida apparaissant, Aspasie a eu pour autre but, la prévention. Dès les années 1990, d'autres formes de prostitution sont apparues, très diverses (salons de massage, bars à Champagne, cabarets.), les prostituées de ces lieux ne revendiquent plus un statut de prostituées, mais d'employées. La géographie des lieux de prostitution est de plus en plus éclatée. Dire qu'une prostituée exerçant dans ces lieux est une employée doit faire l'objet d'une nuance: les contrats de travail sont souvent aléatoires et l'absence de permis de séjour ne permet pas à ces prostituées de revendiquer quoique ce soit. En particulier, elles n'ont pas de vrai salaire, ni de convention collective les protégeant.
Il y a environ 350 prostituées inscrites à Genève, Aspasie en touche 200.
L'association Aspasie a trois niveaux de collaboration:
1. les îlotiers qui sont chargés de la prévention
2. la police des moeurs qui contrôle les lieux
3. la gendarmerie qui devrait intervenir en cas de problème. Mais souvent elle ne répond pas, ainsi, une femme étrangère qui entendait porter plainte a été envoyée d'un poste à un autre par la gendarmerie. Il a fallu l'intervention d'Aspasie pour que la gendarmerie s'occupe dignement de cette femme.
Les propositions d'Aspasie sur le plan politique sont les suivantes, elles peuvent être assimilée aux quatre piliers existant en matière de prévention de la toxicomanie:
1. la répression des réseaux
2. l'information et la prévention
3. l'aide aux personnes
4 la réinsertion
en y ajoutant la présence d'inspectrices au sein de la brigade des moeurs ainsi qu'une formation plus adéquate des policiers chargés de contrôler la prosti-tution.
Concernant la prostitution de la rue, si c'est vrai que c'est la manière la plus autonome de la pratiquer, c'est aussi la plus exposée à l'agressivité de tous.
Les danseuses de cabaret ont elles une situation plus réglementée, elles ont en général un contrat, ainsi qu'un permis de séjour. Elles subissent cependant souvent des retenues sur leur salaire et arrivent en Suisse déjà endettées. Elles sont la plupart du temps forcées à se prostituer. Elles viennent de pays lointains, pour la plupart des pays de l'Est et elles ont des engagements financiers dans leur pays d'origine à l'égard des personnes qui ont organisé leur séjour en Suisse.
Les prostituées des salons de massage enfin, beaucoup d'étrangères sans permis ou avec un permis B travaillent dans ces salons alors que la loi dit que seules les Suissesses et les détentrices de permis C peuvent travailler dans de tels salons.
Il semblerait que le département de l'économie fasse preuve d'une certaine « tolérance » dès le moment où les employeurs s'acquittent des charges sociales.
Les représentants d'Aspasie estiment qu'il y a une contradiction entre la loi et la manière de l'appliquer et qu'il serait temps d'y remédier.
Est également évoqué le problème de l'assurance-maladie, il règne un flou et Aspasie propose à ce sujet qu'il soit effectué un contrôle réel de la situation de ces femmes. Sont-elles assurées uniquement la durée de leur contrat, le savent-elles? Beaucoup de questions qui reviennent souvent et qui montrent à quel point ces femmes ne sont pas informées.
L'association souhaiterait faire plus, notamment en matière de prévention des maladies sexuellement transmissibles, mais pour mettre en place des programmes, il faut de l'argent qui leur fait défaut.
- 4 septembre 1997 - association SOS FEMMES
représentée par Mmes Anne Goehner, Gisèle Pedemina et Iris Tabelli-Lichtensteiger.
Le rôle et le fonctionnement de l'association SOS Femmes font l'objet de l'annexe 2
Crée en 1940, afin de faciliter la réinsertion des femmes ayant exercé la prostitution, elle est reconnue d'utilité publique dès 1975.
SOS femmes reçoit beaucoup de femmes qui viennent de chez Aspasie. Leur désir de quitter la prostitution est motivé soit par la naissance d'un enfant, soit par dégoût, soit pour bien d'autres raisons encore. On peut comparer ce changement à quelqu'un qui veut sortir de la toxicomanie C'est un processus long. Un accompagnement est dès lors nécessaire Il faut changer de milieu social, faire face aux tentations, vivre avec beaucoup moins d'argent, etc.
SOS femmes s'occupe de tout cela par le biais de ses deux structures de réinsertion que sont l'atelier Bureautique et le boutique d'habits de deuxième main les Fringantes, où 7 à 8 femmes travaillent régulièrement. (Voir annexe 3).
Ces lieux de travail leur permettent de se confronter à nouveau au monde du travail avec ses contraintes d'horaires et la collaboration avec d'autres.
Certaines femmes, à leur arrivée se considèrent comme irrécupérables, SOS femmes les aide à prendre patience, à retrouver confiance. Le travail est fait sur du long terme.
Se recentrant sur l'objet de la motion, les représentantes de SOS femmes expliquent qu'elles voient de plus en plus de femmes venant de salons de massage. Celles-ci sont recrutés par des petites annonces, elles font d'abord le téléphone 156, puis sont ensuite guidées vers les salons de massage, que l'on peut aisément comparer à des maisons closes.
En ce qui concerne, les femmes travaillant en cabaret, elles n'osent pas venir, car leurs employeurs leur ont confisqués leurs papiers Elles ont honte de leur situation, mais elles sont coincées par les dettes qu'elles ont contracté dans leur pays d'origine.
- 9 octobre 1997 - MM. Philippe Ecuyer, directeur du service de la main-d'oeuvre étrangère et Christian Ducret, adjoint à la direction par intérim à l'OCIRT (Office cantonal des relations du travail)
Est abordée en premier lieu la question des artistes de cabaret. Une partie de ces activités est gérée par l'OCP (office cantonal de la population), une autre partie est gérée sus l'angle des entreprises. Le service de la main d'oeuvre étrangère est en charge de ce dossier depuis 1996. Une copie de l'attestation de travail est demandée pour tout contrat. Les salaires varient entre 160 et 170 francs par jour. L'OCIRT s'intéresse aux cabarets sous l'angle de la santé et de l'hy-giène, ainsi que par le biais des prestations sociales Il ne s'occupe que des travailleuses et des travailleurs, c'est-à-dire au bénéfice d'un contrat de travail. Aucune information, par contre, ne peut être donnée au sujet des salons de massage. Alors que l'OCIRT pourrait s'en occuper sous l'angle des articles 6 et 33 de la loi fédérale ou par le biais de l'approbation des plans au moment de leur agencement. Il pourrait également vérifier que les entreprises sont à jour au niveau des cotisations sociales, ou encore au niveau des statuts de la main-d'oeuvre étrangère.
Mais il faudrait pour cela qu'il soit saisi de plaintes, ce qui n'est pas le cas. L'OCIRT disposant de 8 postes d'inspecteurs du travail pour un total de 20000 entreprises implantées sur la place genevoise, on imagine mal qu'ils puissent contrôler tous les salons de massage.
S'agissant des cabarets et des bars à Champagne, il est vrai que la ten-dance est à l'expansion, mais aucune infraction majeure n'a été constatée. Le Grand Conseil s'en était d'ailleurs déjà préoccupé en 1984.
Les seules enquêtes menées actuellement par l'OCIRT se font par le biais de l'examen du contrat d'engagement des artistes et si la loi sur le travail est respectée, cela s'arrête là. De temps à autre le service de la main d'oeuvre intervient pour des problèmes relatifs aux travailleurs clandestins et dans ce cas-là, des amendes sont infligées aux propriétaires des bars.
Pour les artistes, la plupart des contrats sont établis pour des durées allant de trois à huit mois. Ce sont environ 100 à 110 autorisations qui sont octroyées chaque mois.
- 9 octobre 1997 - Audition de quatre femmes pratiquant la prostitution à Genève
Ces quatre femmes nous ont fait part de leur expérience personnelle, de leur histoire de vie. Ces récits, émouvants, ne sont délibérément pas retranscrits dans ce rapport. Ils ont été très utiles aux commissaires pour se rendre compte de la situation de ces femmes, dont le risque est le lot quotidien. Les retrans-crire ici ne serait qu'un pâle reflet d'une audition forte et n'apporterait rien. Par ailleurs, un classeur contenant la plupart de leurs déclarations, ainsi que d'autres informations est à disposition au secrétariat du Grand Conseil jusqu'au vote de ce rapport.
Je tiens simplement à remercier ces femmes pour leur courage, la clarté de leur exposé, leur clairvoyance et leur désir de vouloir par leur témoignage, protéger leurs collègues plus faibles parce qu'étrangères ou sous la coupe d'un maquereau peu scrupuleux. Les remercier enfin pour leur lutte sans merci contre la prostitution des mineures.
Signalons enfin qu'elles ont souligné à plusieurs reprises leurs bons contacts avec les postes de police de proximité, notamment Pécolat et les Glacis de Rive, mais le peu de motivation qu'elles ressentent du côté de la Brigade des moeurs, en particulier la difficulté de les atteindre et de les faire intervenir dans des délais utiles.
Comme nous le verrons plus tard, ces faits sont corroborés par le manque d'effectif dont dispose la Brigade des moeurs.
A propos des salons de massage, elles estiment que la Brigade des moeurs devrait intervenir de manière spontanée et à l'improviste.
En prévenant la veille des contrôles, cela permet aux filles non déclarées de se cacher. Il est même laissé entendre que certains inspecteurs de la Brigade des moeurs sont un peu trop familiers des patrons des salons de massage.
- Audition de M. Yves Mori, président de l'association des patrons de cabarets dancings
L'audition de M. Mori se distingue des propos entendus jusqu'ici. Il réfute l'amalgame, dans la motion entre les cabarets, les bars à Champagne, et les salons de massage. Il précise que les artistes de cabaret entrent légalement en Suisse et doivent présenter des demandes d'autorisation de séjour à Berne pour avoir un permis de travail. Le salaire limite est fixé par l'OFIAMT, elles disposent d'un logement meublé pour environ Fr. 800.- + Fr. 500.- de charges. Chaque établissement tient un livre de police ainsi que des fiches disponibles lors de chaque contrôle. Les rapports entretenus avec la police sont très bons.
Aux différentes questions des députés basées sur les auditions précédentes, il est chaque fois répondu que ce sont des allégations mensongères. C'est le cas pour la prostitution, mais aussi en ce qui concerne l'exploitation salariale, la perte de gain en cas de maladie ou l'obligation de boire de l'alcool et de suivre le client s'il le souhaite. L'idée même de pousser les artistes a la prostitution n'a aucun intérêt pour les exploitants des cabarets, ce qu'elles font après les spectacles les regarde!
Au sujet des imprésarios, ils touchent en moyenne une commission de Fr. 2000.- qui fait partie du contrat de travail, mais sont obligés de passer par l'administration fédérale et cantonale pour obtenir un permis de travail.
- Audition de M. Félix Goetz, directeur de l'OCP (Office cantonal de la population)
Monsieur Goetz constate un développement certain de la prostitution par le biais des salons de massage, développement qui peut être contrôlé par le biais des permis de séjour. Les danseuses de cabaret quant à elle sont soumises à des directives fédérales très strictes émises en 1995. Situation qui a engendré une augmentation des mariages de complaisance. La plupart des hôtesses se marient à des Suisses ou des titulaires de permis C, afin que leur dossier soit accepté.
La révision de la loi fédérale sur l'entrée et le séjour des étrangers est entrée en vigueur le 1er janvier 1992. Le 1er octobre 1992 sont par ailleurs entrées en vigueur les nouvelles dispositions du Code pénal, relatives en particulier aux infractions contre l'intégrité sexuelle. Le proxénétisme n'est plus poursuivi depuis. Le travail de la police s'est en conséquence relâché dans ce domaine. Mais l'exploitation de maisons de prostitution demeurent punissable. Le Tribunal fédéral l'a rappelé dans un arrêt du 23 mars 1995 (Annexe 4). Certains salons de massage peuvent être considérés comme des maisons de prostitution.
Monsieur Goetz estime que la situation s'éclairerait si la police dénonçait un peu plus les salons de massage. Il est en effet difficile pour les guichetiers de l'OCP de deviner les situations réelles qui se cachent derrière certains dossiers. Il y a très peu de cas liés à la prostitution de rue, car ce milieu est très contrôlé, souvent par les prostituées elles-mêmes.
Les cabarets sont eux aussi relativement bien contrôlés, depuis que des nouvelles directives ont été émises. Les demandes ont d'ailleurs diminué, elles proviennent en majeure partie des pays de l'Est et de pays exotiques. Il faut toutefois se méfier de certaines demandes, qui cachent en réalité des groupes de strip-teaseuses.
- 9 octobre 1997 - Audition de MM. Urs Rechsteiner, chef de la sûreté et Fontaine, membre de la Brigade des moeurs
Les conséquences de l'introduction des nouvelles dispositions du Code pénal qui visent à protéger la liberté individuelle ont restreint les interventions de la police, notamment en ce qui concerne les proxénètes. Le canton de Genève s'est toutefois doté d'un règlement en juillet 1994 qui lui permet d'intervenir dans le domaine de la prostitution. Ce règlement vise la prostitution de rue et celle des salons de massage. Il oblige en particulier les prostituées à s'annoncer et la police à gérer les dossiers relatifs à la prostitution.
Concernant la question du rôle et de l'effectif de la Brigade des moeurs, si souvent abordés lors des autres auditions, elle remplit trois missions:
- elle applique tout d'abord les dispositions du Code pénal traitant de l'intégrité sexuelle, parfois en relation avec la Brigade des mineurs,
- elle veille à l'application du règlement cantonal sur la prostitution,
- elle surveille le monde de la nuit, contrôle les cabarets, les bars à Champagne, etc.
Pour remplir ces trois missions, la brigade ne comporte qu'un chef de brigade et huit inspecteurs, ce qui est inférieur à l'effectif d'il y a 20 ans. Des postes ont en effet été transférés à la lutte contre le crime organisé et le blanchiment.
La prostitution existe parmi les artistes de cabarets et les entraîneuses de bars à Champagne, ce n'est un secret pour personne, toutefois il ne semble pas que cela soit sous l'effet de la contrainte. S'il n'y a pas de contrainte, il n'y a pas de victime et la police n'a donc pas à intervenir. Le problème apparaît donc plus politique, si l'on veut lutter contre la prostitution qui se développe dans ces lieux, il faut en donner le pouvoir et les moyens à la Brigade des moeurs. Cela ne veut toutefois pas dire que l'on réglera le problème comme cela, il risque plutôt de se déplacer vers d'autres lieux.
Les salons de massages en sont un bon exemple, car il est très difficile d'obtenir des chiffres exacts, c'est un milieu mouvant. On pense qu'il y avait en mars 1996, 116 salons de massage occupant 165 personnes dont 156 s'adonnaient à la prostitution. 47 personnes étaient d'origine suisse, les autres d'ori-gine étrangère. Les étrangères doivent être titulaires d'un permis C, faute de quoi elles sont priées de quitter les lieux.
Un amalgame ne peut être fait avec les maisons closes, même si l'on sait que certains propriétaires encaissent le 50% des gains!
Les bars à Champagne, 30 recensés, occupent environ 150 hôtesses, celles-ci perçoivent un salaire fixe de Fr. 70.- à 100.- par jour auquel s'ajoute une commission sur les bouchons. Le personnel n'est pas sensé se prostituer, mais devrait uniquement écouter et tenir compagnie aux clients! Il est composé d'un tiers de personnes en situation irrégulière provenant principalement de France et d'Afrique, elles sont tolérées par la police qui ne souhaite pas se substituer à l'OCP. Cela ne veut pas dire pour autant que la prostitution n'existe pas, mais là encore elle n'est pas pratiquée sous l'angle de la contrainte et la police n'a donc pas à intervenir.
En conclusion, les représentants de la police réfutent les critiques relayées par les députés, à savoir les contrôles ne sont pas annoncés préalablement, preuve en est le nombre de refoulements, il n'y a pas de propriétaires de cabarets, de bars à Champagne ou de salons de massage qui soit traité différemment, et la bonne collaboration que certains inspecteurs ont avec les tenanciers leur permet d'imposer leurs vues. La police enquête dès qu'elle reçoit des informations ou des plaintes.
Il n'y a effectivement pas d'inspectrices dans la Brigade des moeurs, mais on fait appel à des femmes lorsqu'il s'agit de traiter des infractions contre l'intégrité sexuelle, notamment pour la prise en charge des femmes violées ou des mineures.
La Brigade des moeurs est une petite équipe, efficace, dans laquelle règne une bonne ambiance, il est toutefois vrai qu'elle est à la limite de ses possibilités, vu la surcharge de travail.
Travaux de la commission
A l'issue de cette longue série d'auditions, ayant pris la forme d'un marathon, les commissaires ont pu se faire une opinion au sujet de la situation régnant actuellement à Genève dans le domaine de la prostitution et des nouvelles formes qu'elle revêt. Même si ces auditions se sont révélées parfois complètement contradictoires, les prostituées et les associations les défendant décrivant une situation difficile et dangereuse n'ayant rien à voir avec la situation quasi idyllique décrite par le représentant des tenanciers de cabarets. Et les représentants de l'autorité qui mettent en avant les lacunes de la loi et le manque de moyens mis à disposition, mais qui ne semblent pas reconnaître une contrainte exercée à l'égard des femmes travaillant dans ces milieux.
A chacun donc de se faire une opinion au plus près de sa conscience. Certains députés n'ont toutefois pas hésité à parler de laxisme. D'autres pensant qu'il s'agit uniquement de manque de moyens et d'une volonté politique à affirmer.
Après avoir fait ainsi la part des choses, il convient toutefois de se poser un certain nombre de questions. Notamment pourquoi et comment des femmes étrangères peuvent venir si facilement se prostituer en Suisse, alors qu'il est si difficile d'obtenir des permis dans d'autres secteurs. Le fait d'ailleurs de « faire preuve de tolérance à l'égard des femmes en situation irrégulière pour assurer un certain équilibre afin de satisfaire tout le monde y compris le tourisme pour qui la prostitution représente un certain attrait » a choqué plusieurs députés, sachant comme il est parfois difficile de parler de tolérance lorsqu'il s'agit de ne pas expulser certains étrangers.
Pourquoi enfin, les salons de massage où semble se développer la prostitution ne font-ils pas l'objet de plus d'attention?
Une relecture attentive de la motion a permis d'en rectifier les invites pour mieux atteindre le but visé, c'est-à-dire un meilleur contrôle des lieux de prostitution, mais surtout le moyen d'intervenir au sein même des réseaux d'exploitation de la prostitution.
La bonne collaboration avec les services de polices de proximité mérite d'être souligné, la Brigade des moeurs quant à elle doit être renforcée. Son efficacité en serait améliorée, car ce n'est pas son travail qui a été critiqué, mais le manque de disponibilité dû au manque d'effectif, notamment la nuit. L'absence d'inspectrices a également été relevée par plusieurs personnes auditionnées.
Le problème enfin des bars à Champagne et de l'obligation - contestée par certains - de faire boire les femmes a fait l'objet de la discussion, de même que l'apparition extrêmement préoccupante de mineures de plus en plus jeunes sur le marché de la prostitution.
La formation de la police a également fait l'objet d'une discussion. Elle avait d'ailleurs déjà été évoquée précédemment dans le cadres d'autres motions. Certains députés restent persuadés que si de grands efforts ont été faits à cet égard, il n'en demeure pas moins qu'à l'instar d'autres formations, elle puisse encore être améliorée et se dispenser également sous la forme de formation continue. Comme dans tous les autres métiers, en relation direct avec l'être humain, les rapports changent avec l'évolution de la société, avec l'arrivée d'autres cultures et la formation doit être en permanence à l'écoute de cette évolution. Dans le cas précis qui nous préoccupe ici, elle pourrait notamment porter sur les moyens de déceler les cas où la prostitution n'évolue pas en toute liberté.
La motion qui ressort des travaux de la commission est plus explicite et se veut plus contraignante à l'égard du Conseil d'état. Elle le laisse toutefois libre de décider si la Brigade des moeurs doit voir ses effectifs augmenter par de nouveaux engagements ou par des transferts de postes. La priorité de ces dernières années ayant plutôt été mise dans la lutte contre la criminalité en cols blancs. Une réorientation des priorités ne peut pas être le fait d'une commission parlementaire, toute judiciaire qu'elle soit. Celle-ci peut tout de même se permettre de suggérer que la lutte contre le commerce d'êtres humains fasse également l'objet d'une priorité. Les membres de la commission demeurent conscients de l'importance des principaux axes de la lutte contre la criminalité adoptés par le Procureur Général, mais elle n'attache pas moins d'importance à la problématique de la prostitution et souhaite par le biais de cette motion, susciter la réflexion du Conseil d'Etat à ce sujet.
Et enfin, reprenant l'idée de la motion initiale au sujet de l'aide à apporter aux associations d'aide aux prostituées, les commissaires en renforcent l'invite, convaincus de l'excellent travail effectuée par les dites associations.
Le nouveau texte ainsi amendé et voté à l'unanimité, que nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir renvoyer au Conseil d'Etat est le suivant:
PROPOSITION DE MOTION
concernant le commerce d'êtres humains
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
considérant:
- le nombre de femmes contraintes à se prostituer ;
- le non-respect de la déclaration universelle des droits de l'homme ;
- l'insuffisance des moyens policiers face à l'exploitation de la prostitution ;
- les risques liés à l'installation d'un système « mafieux » ;
- la précarité des conditions sociales et de santé des personnes qui travaillent dans les lieux de prostitution tels que les salons de massage, les cabarets, les bars à Champagne, etc.
invite le Conseil d'Etat
- à prendre toutes les mesures permettant l'application de la déclaration universelle des droits de l'homme (voir art. 3 et 4) ;
- à examiner la possibilité de renforcer les effectifs de la Brigade des moeurs pour lui permettre de déceler d'éventuelles filières d'exploitation de la prostitution, et plus particulièrement dans le cadre des bars à Champagne, des salons de massage et des cabarets, et de prévenir toute prostitution de mineures sur le territoire cantonal ;
- à apporter toute l'aide possible aux associations qui fournissent des informations, des conseils de santé, offrent un soutien social et organisent la réinsertion des personnes concernées, ainsi qu'à organiser une concertation permanente entre ces associations et les institutions ou autorités en charge d'appliquer la loi.
Débat
Mme Fabienne Bugnon (Ve), rapporteuse. En préambule, j'aimerais dire que j'ai oublié de préciser dans mon rapport que M. Bolle, secrétaire adjoint du département de justice et police, avait assisté à toutes nos séances et M. le conseiller d'Etat, Gérard Ramseyer, à certaines. Je prie les personnes concernées d'excuser ces omissions.
J'ai essayé de présenter le rapport le plus complet possible. Comme vous l'avez lu, la commission judiciaire a procédé à un grand nombre d'auditions pour tenter de mieux comprendre le milieu de la prostitution.
A aucun moment, il n'a été question d'apporter le moindre jugement sur ce qu'on appelle «le plus vieux métier du monde», mais plutôt d'en comprendre l'évolution, afin de pouvoir déceler les risques liés à cette évolution. Le constat principal porte sur le déplacement de la prostitution en des lieux moins identifiables, donc moins contrôlables. Nous avons très peu abordé le sujet de la prostitution de rue, celle-ci étant, semble-t-il, bien contrôlée. Le déplacement, tel que nous l'avons constaté, peut être répertorié de la manière suivante : d'une part, les cabarets et les bars à champagne; d'autre part, les salons de massage.
Les auditions auxquelles nous avons procédé ont laissé les députés perplexes. D'un côté, tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes : pas de contrainte, pas de danger, pas de problème. Mais du côté des prostituées, des danseuses et des associations les représentant, il semble qu'il y ait des problèmes et des contraintes, si ce n'est physiques, du moins psychologiques. Les revenus des artistes de cabaret sont tellement dérisoires qu'on peut imaginer que des gains accessoires doivent être trouvés.
Le problème le plus complexe réside sans doute dans la multiplication des salons de massage et la difficulté pour les différentes autorités de les contrôler : manque d'effectifs de la brigade des moeurs, problèmes de l'office de contrôle du travail au niveau des permis et, surtout, problèmes de fonctionnement de ces salons de massage.
Est-on en train de vivre en pleine hypocrisie ? Alors que l'on a décidé, voilà déjà plusieurs années, de renoncer aux maisons closes, les salons de massage se multiplient. On sait que la plupart des prestations des femmes sont facturées par le patron du salon à hauteur de 50%. Peut-on établir une analogie avec les maisons closes ? Certaines personnes auditionnées, et même des personnes haut placées dans les autorités, n'ont pas hésité à le faire.
Plusieurs faits nous ont choqués dans les auditions et dans les discussions : nous avons été étonnés d'une certaine tolérance face à des situations irrégulières, pour «assurer un certain équilibre, afin de satisfaire tout le monde, y compris le tourisme pour qui la prostitution représente un certain attrait». Certains d'entre nous ont été extrêmement surpris de la tolérance dans ce domaine, alors que l'on sait combien il est difficile par ailleurs d'obtenir des autorisations de séjour et des permis de travail dans d'autres domaines. Ce sujet doit être éclairci.
La motion issue des travaux de la commission judiciaire est légèrement plus contraignante que la motion de départ, même si elle laisse une large latitude au Conseil d'Etat. Elle lui demande d'étudier la possibilité d'augmenter l'effectif de la brigade des moeurs. Cela nous a été répété à plusieurs reprises par les femmes que nous avons auditionnées et par toutes les associations qui les défendent : la brigade des moeurs a un effectif inférieur à celui qu'elle avait il y a vingt ans et cela pose réellement un problème.
Il semble qu'on ait fait le choix de mettre les forces de police en particulier dans des domaines tels que la lutte contre la criminalité en col blanc. Nous n'avons rien à objecter à ce choix, mais, après avoir entendu toutes ces personnes, nous aimerions dire au Conseil d'Etat que la lutte contre le commerce des êtres humains devrait également être une priorité et qu'il est indispensable de renforcer la brigade des moeurs. A plusieurs reprises, on nous a dit qu'elle ne comportait que des hommes; il serait utile d'y adjoindre quelques femmes. J'ai appris aujourd'hui même qu'il semblerait qu'une inspectrice ait été engagée pour le début février. M. le conseiller d'Etat Gérard Ramseyer pourra nous renseigner à ce sujet.
Cette motion demande également que l'on apporte toute l'aide possible aux associations qui entourent et soutiennent les prostituées. Elle se veut une protection pour des femmes exerçant une profession difficile, un métier à risques, et qui sont à la merci d'exploiteurs. Les associations auditionnées nous ont paru admirables pour le travail qu'elles accomplissent auprès de ces prostituées, que ce soit au niveau de l'encadrement social ou de la prévention des maladies vénériennes et du sida. Ces associations ont absolument besoin d'être soutenues par l'Etat. Le Conseil d'Etat devrait prendre la décision d'organiser une concertation permanente entre ces associations, les institutions et les autorités en charge d'appliquer la loi concernant le monde de la nuit et de la prostitution.
Je crois que mon rapport est assez complet, et je vous demande de le renvoyer au Conseil d'Etat. Je n'ai pas grand-chose à ajouter, à part une petite correction. Plusieurs personnes m'ont interpellée sur la dernière phrase de la deuxième invite : «...prévenir toute prostitution de mineures sur le territoire cantonal», où le mot «mineures» est mis au féminin. Si nous envoyons une motion au Conseil d'Etat pour effectuer un certain nombre de préventions et un renforcement, il faudrait prendre un cadre plus large et être aussi attentifs à la prostitution de mineurs masculins. Je propose donc l'amendement suivant :
«...prévenir toute prostitution de mineurs...».
Mme Dolores Loly Bolay (AdG). La prostitution forcée est celle qui pose le plus de problèmes actuellement; elle touche en particulier les mineurs, garçons et filles.
La prostitution masculine est souvent occultée par la personnalité même des clients. Pour l'aspect visible de cette prostitution, à Genève, les jeunes garçons, souvent mineurs, sont recrutés à proximité de la gare de Cornavin et dans certains bars et saunas. La prostitution masculine n'a rien à envier à la prostitution féminine, mais son évaluation est beaucoup plus difficile, vu sa discrétion.
La prostitution féminine, plus particulièrement celle touchant les cabarets et les salons de massage, se trouve souvent sous le contrôle de groupes mafieux, très bien organisés et structurés, en face desquels la police est relativement impuissante. Les filles, qui viennent souvent des pays de l'Est et, dans la grande majorité des cas, ne parlent pas notre langue, vivent en milieu fermé. Elles sont logées par les mafieux eux-mêmes qui les contrôlent et les tiennent par la peur. Ils n'hésitent d'ailleurs pas à utiliser des contraintes physiques ou morales extrêmement violentes : le passage à tabac ou la menace visant les membres de leur famille.
Au dire de certains, les salons de massage sont de véritables maisons closes. C'est l'un des aspects les plus importants de la prostitution à Genève. Cette prostitution souvent forcée touche beaucoup de femmes étrangères qui arrivent à Genève dans l'espoir de trouver un emploi. Elles sont exploitées, traitées comme de véritables esclaves et sous l'influence des groupes mafieux venant des pays de l'Est et du Sud qui jouent un rôle important dans ces milieux.
Pour faire face à cette nouvelle forme de criminalité, notamment celle qui se développe dans les cabarets et dans les salons de massage, il faut que la police se dote des moyens nécessaires et adéquats. On l'a dit, la brigade des moeurs manque d'effectifs et doit être, par conséquent, renforcée. L'effectif actuel, un chef de brigade et huit inspecteurs, est largement insuffisant, même si l'on vient d'apprendre qu'une inspectrice a été engagée.
De plus, la brigade des moeurs manque de moyens juridiques et d'investigation; l'intervention des policiers s'en trouve par conséquent limitée. C'est pourquoi elle doit se moderniser, se structurer et s'adapter pour faire face à cette nouvelle forme de criminalité.
Par ailleurs, M. Goetz, directeur de l'office cantonal de la population, estime que la situation s'éclairerait si la police dénonçait un peu plus les salons de massage. C'est pourquoi cette forme de prostitution est dangereuse et doit être réfrénée. Raison pour laquelle nous appuyons cette motion qui demande au Conseil d'Etat de prendre toutes les mesures nécessaires, afin de déceler et de freiner cette nouvelle forme de criminalité.
Mme Madeleine Bernasconi (R). Je tiens à féliciter le Conseil d'Etat d'avoir renforcé la brigade des moeurs en y intégrant une femme, mais est-ce suffisant ? Dans le rapport, cela ne semble pas évident; il y a donc encore du travail à faire à ce niveau-là.
Il est vrai que la prolifération des salons de massage confère une certaine perplexité au travail de la brigade. Ce milieu très particulier, qui semble remplir un rôle social important, puisqu'il se multiplie, nécessite naturellement un contrôle accru, et ce d'autant plus avec l'arrivée de mineurs, hommes ou femmes. Ceci est naturellement à proscrire. Cette population doit être protégée, et sa dignité, préservée.
Notre groupe accepte donc le renvoi au Conseil d'Etat de cette motion.
Mme Alexandra Gobet (S). A l'occasion du traitement de cet objet, nous nous sommes aperçus que l'exploitation de véritables filières de femmes, venues principalement de l'Est, est bel et bien bâtie sur les mécanismes du crime organisé dont le procureur général fait sa priorité.
Mais la répression de ces filières ne se fait pas là où se trouvent ces femmes qui peinent à recueillir l'attention que méritent les victimes de la violence.
« Patrons d'établissements », « imprésarios », « intermédiaires », « protecteurs » divers et variés, maintiennent leurs victimes en vase clos et sous la contrainte.
En regard de cela, que peuvent les visites prévisibles de la brigade des moeurs, lorsque les inspecteurs réussissent à aller sur place, vu le manque d'effectifs ? Que peut le poste de gendarmerie Pécolat, par exemple, lorsqu'il est fermé la nuit, parfois ? Peu ou rien...
Nous attendons du nouveau Conseil d'Etat qu'il ne se limite pas à cet engagement, encourageant certes, à la brigade des moeurs, mais qu'il fasse de la priorité de la commission judiciaire sa priorité; qu'il nous donne des signes qu'il a compris le problème autour duquel nous nous sommes trouvés réunis de façon unanime.
M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat. Nous prenons très au sérieux le travail de cette commission, et nous lui sommes reconnaissants d'avoir mis le doigt avec autant d'acuité sur cette problématique.
Jusqu'à présent, Genève a vécu une situation tout à fait exceptionnelle : il y avait de la prostitution, certes, mais pas de pègre. Un règlement avait été établi entre l'Association Aspasie et M. le procureur général, ainsi qu'une collaboration étroite avec la police.
La nouvelle donne vient des salons de massage, vous l'avez bien relevé, avec, dans le sillage de cette problématique, une pègre mafieuse en provenance surtout des pays de l'Est.
Cette motion conduit à deux conclusions : il faut renforcer les effectifs de la brigade des moeurs et aider les associations. Concernant ces effectifs, je voudrais vous féliciter des nombreuses remarques formulées sur les effectifs de la police genevoise. Légalement, nous avons droit à deux cent nonante-deux agents de sûreté, j'en ai deux cent quatre-vingt-cinq. Je prends l'engagement de mettre au budget 99 sept postes supplémentaires, en espérant vous retrouver à mes côtés au moment du vote, lorsqu'il faudra fournir cet effort.
Les efforts principaux que vous décrivez toutes et tous sont réels et montrent l'étendue du problème. Mais il est clair que je ne peux pas faire l'effort principal sur la prostitution, sur la pédophilie et sur les sectes, en même temps; je dois trier. Il n'en demeure pas moins que vos remarques sur les effectifs me font plutôt plaisir.
L'engagement d'une inspectrice dès le 1er février représente un renfort qualitatif et non quantitatif : elle prend la place d'un inspecteur. Il n'empêche, c'est une problématique nouvelle que nous n'avions pas perçue. C'est lors des auditions que nous nous sommes rendu compte du besoin exprimé.
La deuxième invite traite de l'aide à apporter aux associations. Lorsque l'Association Aspasie a rédigé son règlement, j'ai mis à disposition les juristes du département, moi-même et mon bureau. Ces personnes m'ont répondu que le problème était réglé avec M. le procureur et que ça allait très bien ainsi. Je suis donc parti du principe que les choses étaient sous contrôle.
J'ai cependant le plaisir de vous informer que le 16 février je rencontrerai Mme Castioni-Jaquet - qui récemment encore siégeait parmi nous - la secrétaire générale de son association et M. le chef de la sûreté, pour examiner ce que l'on peut faire de plus, ensemble.
Comme je vous le disais au début, la situation genevoise est assez exceptionnelle; je terminerai en disant que c'est assez extraordinaire, dans un canton comme le nôtre, qu'une association regroupant le monde de la prostitution demande une collaboration accrue avec un département de l'Etat et le chef de la sûreté.
Le mérite en revient à la commission; je lui en suis reconnaissant.
Le président. Je mets aux voix la proposition d'amendement de Madame la rapporteuse, qui consiste, à la deuxième invite, à écrire «mineurs» sans distinction de genre.
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mise aux voix, cette motion ainsi amendée est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
MOTION
concernant le commerce d'êtres humains
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
considérant :
- le nombre de femmes contraintes à se prostituer ;
- le non-respect de la déclaration universelle des droits de l'homme ;
- l'insuffisance des moyens policiers face à l'exploitation de la prostitution ;
- les risques liés à l'installation d'un système « mafieux » ;
- la précarité des conditions sociales et de santé des personnes qui travaillent dans les lieux de prostitution tels que les salons de massage, les cabarets, les bars à Champagne, etc.
invite le Conseil d'Etat
- à prendre toutes les mesures permettant l'application de la déclaration universelle des droits de l'homme (voir art. 3 et 4) ;
- à examiner la possibilité de renforcer les effectifs de la Brigade des moeurs pour lui permettre de déceler d'éventuelles filières d'exploitation de la prostitution, et plus particulièrement dans le cadre des bars à Champagne, des salons de massage et des cabarets, et de prévenir toute prostitution de mineurs sur le territoire cantonal ;
- à apporter toute l'aide possible aux associations qui fournissent des informations, des conseils de santé, offrent un soutien social et organisent la réinsertion des personnes concernées, ainsi qu'à organiser une concertation permanente entre ces associations et les institutions ou autorités en charge d'appliquer la loi.