République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 19 décembre 1997 à 17h
54e législature - 1re année - 3e session - 64e séance
PL 7759
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La présente loi a pour buts:
a) d'encourager le développement des énergies renouve-lables;
b) d'encourager les économies d'énergie;
c) de diminuer la dépendance du canton par rapport à l'énergie d'origine nucléaire;
d) de diminuer les émissions cantonales de CO2 et de NOx de façon à respecter les normes fédérales en matière de bruit et de qualité de l'air;
e) d'inciter les propriétaires d'installations de production et de consommation d'énergie à réaliser des travaux permettant le développement des énergies renouvelables et des économies d'énergie;
f) d'encourager la création et le développement d'entre-prises oeuvrant dans le domaine des énergies renouvelables et des économies d'énergie;
g) d'encourager le savoir-faire, la formation et le perfectionnement professionnel dans le domaine des énergies renouvelables et des économies d'énergie;
h) de maintenir et de créer des emplois dans le domaine des énergies renouvelables et des économies d'énergie.
Art. 2
1 Un crédit de 20 000 000 F est ouvert au Conseil d'Etat et affecté au fonds pour le développement des énergies renouvelables et les économies d'énergie.
2 Ce crédit est réparti en deux tranches annuelles de 10 000 000 F inscrites au budget d'investissement des années 1998 et 1999.
3 Le financement de ce crédit est assuré par le recours à l'emprunt.
4 L'investissement est amorti chaque année d'un montant calculé sur la valeur résiduelle et est porté au compte de fonctionnement.
5 Au-delà de 1999, le Conseil d'Etat devra évaluer les effets du fonds pour le développement des énergies renouvelables et les économies d'énergie et présenter un rapport au Grand Conseil.
6 La présente loi est soumise aux dispositions de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, du 7 octobre 1993.
Art. 3
1 Les crédits sont utilisés sous forme de garanties, de prêts et, le cas échéant, de subventions accordées aux requérants.
2 Les attributions du fonds pour le développement des énergies renouvelables et les économies d'énergie sont complémentaires par rapport aux subventions fédérales et celles accordées en application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi), du 25 janvier 1996.
3 En règle générale, le fonds pour le développement des énergies renouvelables et les économies d'énergie accorde des prêts ou garantit des emprunts contractés par les attributaires. Il peut également accorder des subventions, notamment sous forme d'intérêts réduits ou d'allocations.
Art. 4
1 Une commission de 11 membres est chargée de préaviser l'attribution des subventions aux conditions de la présente loi.
2 Elle est composée de:
a) 3 représentants de l'Etat;
b) 4 techniciens reconnus pour leurs compétences en ma-tière d'énergie;
c) 1 représentant des associations immobilières;
d) 1 représentant des associations de locataires;
e) 1 représentant des associations patronales de la cons-truction;
f) 1 représentant des associations syndicales de la cons-truction.
Art. 5
1 Les propriétaires d'immeubles, les propriétaires d'installations produisant ou consommant de l'énergie ainsi que les entreprises travaillant dans le domaine de l'énergie peuvent demander l'octroi d'une garantie, d'un prêt ou d'une subvention.
2 La procédure détaillée d'attribution est déterminée dans le règlement d'application à la présente loi.
Art. 6
1 L'attribution d'une garantie, d'un prêt ou d'une subvention est accordée en fonction des critères suivants:
a) la rentabilité économique du projet;
b) l'impact du projet quant à la politique énergétique du canton, soit en raison de l'importance de l'économie réalisée ou de l'énergie renouvelable produite, soit en raison du caractère exemplaire et reproductible du projet;
c) du potentiel technologique du projet.
2 Le montant attribué est fixé après évaluation du projet. Il est libéré après que le département a contrôlé que le projet réalisé est conforme à celui qui a fait l'objet de la demande.
3 En cas de prêt, les modalités de remboursement sont fixées contractuellement, en fonction de la rentabilité économique et énergétique du projet.
Art. 7
Le département peut exonérer le requérant de toutes taxes, émoluments ou autres frais; il peut demander aux services concernés de l'Etat, des communes ou des Services industriels de Genève de collaborer de façon adéquate à la réalisation du projet.
Art. 8
1 Le département, sur préavis de la commission d'attribution, statue sur chaque demande.
2 La décision du département est susceptible d'un recours au Conseil d'Etat dans les dix jours dès sa notification.
3 La procédure devant le Conseil d'Etat est réglée par la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985.
Art. 9
Le Conseil d'Etat est chargé de l'exécution de la présente loi.
EXPOSÉ DES MOTIFS
1. Historique
C'est en 1991 déjà que les EWZ (Elektricitäts Werke Zürich) se dotaient d'un «Stromsparfonds». Ce fonds, alimenté par un prélèvement de 0,6% sur le chiffre d'affaires des EWZ, vise à financer toutes sortes de développements intéressants, dans les domaines de l'utilisation rationnelle de l'énergie et des énergies renouvelables. Ce fonds finance les développements qui ne peuvent être rentabilisés simplement en empruntant les capitaux de départ dans une banque. Soit parce que la rentabilité économique est encore insuffisante en l'état actuel de la technique, soit, plus souvent, parce que les banques n'ont pas encore le personnel formé pour évaluer le sérieux de certains projets. Signalons toutefois qu'en choisissant intelligemment les projets à financer, le fonds crée de toute manière un impact macroéconomique très positif sur l'économie, en permettant de réduire nos importations énergétiques et en remplaçant des importations brutes (de combustibles, de carburant ou d'électricité nucléaire) par du know-how et de l'intelligence beaucoup plus valable et moins polluante !
La même année, les SIL (Services industriels de Lausanne) se dotaient eux aussi d'un tel instrument financier, en prélevant chaque année une partie de l'augmentation du chiffre d'affaires. L'idée était que si le chiffre d'affaires n'augmente pas, cela signifierait que la consommation est stable et que donc le fonds n'a que peu de motivations à économiser. Si, par contre, la consommation augmente beaucoup le fonds serait d'autant plus richement doté pour combattre cette augmentation contraire aux principes du développement durable. Pour les députés curieux, nous joignons en annexe un extrait du règlement de ce fonds lausannois.
Forts de ces 2 exemples positifs, des députés de la coordination énergie déposèrent donc le 29 septembre 92 un projet de motion (M 820), qui invitait le Conseil d'Etat:
«à étudier la mise en place d'un fonds, ayant structure de fondation de droit public, et jouant le rôle de banque de l'énergie, situé dans une banque cantonale, et alimenté par:
- un prélèvement sur le chiffre d'affaires des Services industriels de Genève (SIG);
- le remboursement et le rendement de l'argent prêté;
- toute autre source de financement.
Ce fonds servira à financer toute une panoplie de mesures d'économies d'énergie et d'encouragement au développement des énergies renouvelables.»
Ce projet de motion fut rapidement renvoyé en commission et étudié lors de 4 séances, au printemps 1993. Le rapport unanime de la commission(M 820-A, rapporteur M. Dupasquier, rapport déposé le 27 septembre 1993), proposait quelques amendements au texte initial et recommandait au Conseil d'Etat:
«d'étudier la mise en place d'un fonds favorisant le financement des projets s'inscrivant dans les objectifs de politique énergétique de la constitution, et alimenté par un prélèvement sur le chiffre d'affaires des SIG ou toute autre source de financement.»
Depuis cette date, 4 ans ont passé, et le fonds n'a jamais vu le jour. Les différents protagonistes ont certes longuement discuté de la création du fonds. La commission de l'énergie a passé de longues heures à étudier un document de l'OCEN (office cantonal de l'énergie), daté du 17 mars 1995, qui proposait de renoncer au rabais (art. 31 de la loi sur les SIG, les collectivités publiques paient leur courant 20% moins cher que les autres consommateurs, ce rabais est considéré à juste titre par M. Prix comme contrevenant au droit fédéral) et d'augmenter la redevance (art. 32 de la même loi, cette redevance est due par les SIG aux communes et à l'Etat pour les dédommager de l'utilisation qui est faite de leur sol). Une partie de l'augmentation de la redevance servirait à alimenter le fonds pour une politique énergétique. L'idée de l'OCEN était à l'époque de financer CADIOM au moyen du fonds. Mais cette première version du projet CADIOM a été abandonnée depuis par les SIG et le fonds n'a jamais vu le jour.
(N. B. sur CADIOM: Un nouveau projet CADIOM a été étudié par l'OCEN depuis cette époque. Redimensionné à la baisse, ce projet pourrait avoir l'agrément de la Coordination Energie si la problématique du recyclage des déchets est étudiée simultanément avec la problématique strictement énergétique, ce qui n'était pas le cas dans le projet présenté au Grand Conseil.)
En fait, c'est toute la politique énergétique cantonale qui s'est embourbée pendant 4 ans, parce que personne ne dirigeait le bateau, que personne n'avait le temps, les compétences et la motivation nécessaires.
Le fonds pour une politique énergétique n'est pas la seule réalisation qui ait traîné au-delà de toute raison. La conception cantonale de l'énergie, qui n'a jamais vu le jour, en est un autre exemple navrant.
S'agissant de la mise sur pied du fonds, les communes, les SIG, le département des travaux publics et de l'énergie (DTPE), l'OCEN n'ont jamais réussi à se mettre d'accord sur un projet concret. L'OCEN n'a jamais su réunir tous les intervenants, y compris, pourquoi pas, les députés, pour créer ce fonds qui était pourtant unanimement accepté par tous les partis !
Le 14 décembre 1995, le président du DTPE promit au Grand Conseil d'affecter une ligne budgétaire au financement de ce fonds, mais cette promesse ne fut jamais tenue. En 1996, en commission, il nous refaisait la même dérisoire promesse, les députés hochaient la tête dubitativement (et tristement, en ce qui concerne les plus motivés d'entre nous). En 1997, les discussions entre les protagonistes duraient toujours. Les communes, que l'OCEN n'avait jamais complètement informées de ses différents projets, sont même venues dire à la commission parlementaire, en juin 1997, qu'elles refusaient que la baisse du rabais serve à financer le fonds (comme cela était prévu par la conception cantonale de l'énergie), elles voulaient en effet utiliser la baisse du rabais pour renflouer directement les caisses déficitaires des SIG.
Passons sur cette triste démonstration d'incompétences et de manque de motivation. Il s'agit maintenant de relever la tête et de mettre sur pied ce fonds.
2. Présentation du projet
Notre projet est calqué sur le fonds LDTR d'encouragement à la rénovation. Comme le fonds LDTR, le fonds pour les économies d'énergie prend ses ressources dans le budget des investissements et a pour but de créer et d'encourager le perfectionnement professionnel dans ce domaine de pointe. En macroéconomie, les emplois ainsi créés sont porteurs d'avenir.
Une décision du Grand Conseil sur la création de ce fonds, et sur son financement par le biais du budget des investissements, ne signifierait en rien que d'autres sources de financement complémentaires ne pourraient pas être trouvées. Deux sources complémentaires viennent immédiatement à l'esprit et devraient être étudiées par la commission en même temps que le présent projet de loi:
1. L'argent qui retourne dans le fonds, sous la forme d'un remboursement des emprunts précédents, peut et doit servir à financer de nouveaux projets intéressants écologiquement et économiquement.
2. Les SIG devraient aussi participer au financement du fonds, par le biais d'une part de la redevance ou au moyen d'un autre prélèvement, comme cela se pratique à Zurich et à Lausanne. Il est logique en effet que tous participent à l'effort commun de désengagement du nucléaire, les consommateurs comme les contribuables. Par le biais des tarifs, les SIG peuvent et doivent aussi participer, même si cette participation est modeste vu leur situation financière. Cependant, nous n'avons pas voulu, à ce stade, prévoir de participation des SIG (qui se traduirait par une augmentation, même modeste, de certains tarifs au moins), pour éviter les écueils dont nous parlions ci-dessus, qui nous ont déjà fait perdre beaucoup de temps. Créons ce fonds, laissons-le fonctionner un moment, il sera toujours temps ensuite de compléter ses ressources !
ANNEXE
Pour de nombreux députés, le domaine des économies d'énergie est encore bien mal connu. Or, c'est là une des utilisations les plus prometteuses pour un fonds tel que celui que nous voulons créer. Pour mieux informer les députés, nous avons cru bon de joindre une courte explication, tirée d'une publicité d'Energie 2000, faite par l'un des signataires du présent projet de loi:
Dans les bureaux aussi on peut économiser de l'énergie !
Les ingénieurs d'Energie 2000 ont mis au point toute une panoplie d'outils différenciés destinés à permettre, dans les bureaux, des économies d'électricité de 25% en moyenne. Or, en économisant de l'énergie, vous ne faites pas seulement baisser votre facture (bien que la motivation financière soit importante, il ne faut pas se le cacher). En économisant de l'énergie, vous responsabilisez vos employés, vous participez à un effort écologique (pensez à tous les déchets économisés, à l'autre bout de la chaîne, qu'ils soient radioactifs ou à effet de serre!). Et vous améliorez l'image de marque de votre entreprise, vous faites un premier pas dans la direction d'une certificationISO 14000.
Chaque bureau informatisé étant différent, nous allons vous présenter2 exemples parlants, qui, nous l'espérons, vous inciteront à prendre contact avec nous. Faut-il le préciser? les premiers contacts, la première visite sont gratuits pour le demandeur.
1. L'exemple du bâtiment informatique de chez CIBA, à Monthey
L'un des informaticiens de chez CIBA, M. Raymond Turin, faisait partie du groupe d'échange d'expériences pour informaticiens d'Energie 2000. Il était motivé et a réussi à motiver sa direction pour organiser une «semaine économie d'énergie» dans son bâtiment. Le soussigné, Chaïm Nissim, ingénieur EPFL en électronique et en informatique, indépendant, a instrumenté le bâtiment, et après quelques semaines de mesures a proposé aux employés des modifications simples et presque gratuites: en reprogrammant les climatisations (inutile de climatiser les pièces vides !) et en éteignant les écrans des serveurs, la consommation du bâtiment a baissé de 25% !
Les frais d'ingénieur plus l'appareillage ont été amortis en une année. Et cela, malgré le coût extrêmement bas du kWh chez CIBA (6,2 c). Au prix pratiqué à Genève, les coûts auraient été amortis en moins de 3 mois !
2. L'exemple de la fiduciaire ATAG à Lausanne
Chez ATAG, c'est l'outil «SIA 380/4» qui s'est avéré l'outil approprié: cette norme SIA a permis à Chaïm Nissim de constater que l'éclairage, dans ce bâtiment, était surdimensionné d'un facteur 2 à 3. En enlevant certains tubes néon et en reprogrammant les rideaux pour mieux profiter de la lumière du jour, des économies de presque 25% ont pu être réalisées là aussi. Les factures se sont réduites de 12 000 F par an, et les frais ont été de moins de 1 000 F !
D'autre outils existent encore, comme le label pour les appareils bureautiques peu voraces, la charte énergie environnement, ou la déclaration d'intention. Nous sommes persuadés que l'un ou l'autre de ces outils pourrait convenir dans n'importe quel bureau. Nous laisserez-vous essayer? Rappelez-vous que la première visite est gratuite, il vous suffit de signer une déclaration d'intention et de produire vos factures d'électricité de l'année en cours.
Pour prendre contact: Chaïm Nissim, ing. EPFL électronique - informatique, tél. + fax: 022 755 60 42, e-mail: cnissim@iprolink.ch
Personne ne demande la parole en préconsultation.
Ce projet est renvoyé à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève.