République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 18 décembre 1997 à 17h
54e législature - 1re année - 3e session - 59e séance
P 1148-A et objet(s) lié(s)
La commission a étudié la pétition 1148 dans ses séances des 25 juin, 28 août et 3 septembre 1997, sous la présidence de Mme E. Häusermann.
Audition des pétitionnaires
M. Christian Lavanchy, président de l'association «Mouvement de la condition paternelle pour une égalité parentale», M. Hans Lehmann, permanent de l'association, et M. Bernard Hubert, instituteur et parent bénéficiant de l'aide de l'association, le 25 juin 1997
M. Lehmann indique que l'association est en pourparlers depuis 1992 avec le département de l'instruction publique. Malgré ses courriers répétés d'année en année, l'association n'a toutefois reçu que des réponses évasives de la part de certains responsables du département et pas de réponse du tout de sa juriste, d'où l'idée de passer par la voie politique, afin de se faire entendre, dans l'intérêt des enfants.
Il signale, en outre, que chaque jugement de divorce «donne acte au conjoint titulaire de l'autorité parentale de son engagement de consulter l'autre parent préalablement à toute décision concernant l'avenir des enfants, notamment se rapportant à l'éducation, à la santé et à la religion ainsi qu'à la formation professionnelle». Cette décision ne revêt aucune valeur pour le parent gardien. Il conviendrait donc de prévoir au niveau législatif ou réglementaire que l'information passe aux deux parents.
M. Hubert expose sa propre situation, de père divorcé dont l'ex-femme a obtenu la garde de leurs deux enfants. Ils n'obtient aucune information de son ex-femme, que ce soit au niveau scolaire ou médical. Tant les enseignants que les responsables scolaires se retranchent derrière le règlement et n'accèdent pas à sa demande d'informations. Cette situation lui apparaît d'autant plus révoltante et humiliante qu'il est lui-même instituteur.
Il faut aussi relever qu'il s'acquitte régulièrement de sa participation financière à l'éducation de ses enfants. D'autre part, il estime qu'il ne suffit pas de faire des campagnes contre la violence conjugale pour se donner bonne conscience. Les pressions psychologiques sont des formes de violence intolérables aussi. De plus, quand un parent a un droit de visite, c'est assez facile de l'en spolier en exerçant une pression, même indirecte, sur l'enfant.
M. Lavanchy explique que le Mouvement de la condition paternelle vise à faire en sorte que les pères restent responsables de leurs enfants. En les empêchant de recevoir des informations relatives aux enfants, on les pousse à la démission.
Pour éviter des rapports de force, M. Lehmann précise que l'association tente toujours d'amener les couples, même séparés, à recourir à une médiation familiale. Le jugement de divorce demeure effectivement une source de conflit. Le parent gardien, fort de ce jugement, se croit libre de faire ce qu'il veut. Il est vrai qu'une autorité parentale conjointe peut être demandée, mais elle n'est accordée que sur demande des deux parties.
Il cite aussi la Convention des droits de l'enfant, ratifiée par la Suisse, dont voici l'article 18 «Les Etats parties s'emploient de leur mieux à assurer la reconnaissance du principe selon lequel les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d'élever l'enfant et d'assurer son développement. La responsabilité d'élever l'enfant et d'assurer son développement incombe au premier chef aux parents ou, le cas échéant, à leurs repésentants légaux».
Pour répondre à l'interrogation d'une députée, M. Lehmann explique qu'il a essayé d'entamer une collaboration avec l'Association des mères cheffes de famille, devenue Association des familles monoparentales. Les contacts se sont toutefois avérés difficiles, les membres estimant que les pères divorcés étaient globalement peu concernés et généralement démissionnaires. Il tient, par contre, à préciser que F-Information ouvre, dès septembre 1997, une permanence de deux heures par semaine destinée aux hommes.
Travaux de la commission
Les commissaires se rendent bien compte que des éléments de règlement ne peuvent pas être interprétés par les enseignants. Ils ne sont souvent pas à même de mesurer les retombées au moment où ils transmettraient des informations sans y être formellement autorisés.
Par ailleurs, plusieurs députés estiment intolérable que 5 ans se soient écoulés entre la première intervention de l'association «Mouvement de la condition paternelle» auprès du département et l'audition de trois de ses membres à la faveur de la pétition 1148.
Les questions qui se posent étant délicates et de nature juridique, les députés souhaitent entendre Mme Martine Brunschwig Graf et avoir, le cas échéant, l'avis de la juriste du département.
Audition de Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du DIP, le 27 août 1997
Mme Brunschwig Graf fait état de la note de sa juriste qui indique ce qui est possible au sens de la loi en matière d'informations scolaires aux parents. Cette note est annexée au présent rapport
Elle comprend bien la problématique des parents séparés et particulièrement la difficile situation du parent qui n'obtient pas le droit de garde. L'école, cependant, est placée face à une décision de justice indiquant quel est le parent représentant légal de l'enfant. L'école s'adresse alors à ce dernier. Car il est important pour l'école de pouvoir disposer d'un interlocuteur. Ce n'est pas à l'école, évidemment, de décider qui est le représentant légal.
Elle signale que le projet de loi sur le divorce qui sera prochainement traité par les Chambres fédérales prévoit une garde conjointe. Cette nouveauté permettrait d'assouplir considérablement la problématique soulevée par la pétition.
Elle précise que toute demande de communication d'informations émanant du parent représentant légal au bénéfice de l'autre parent serait évidemment suivie. Par contre, on ne peut pas charger l'école du rôle de juge en cas de mésentente, ni lui faire endosser la responsabilité ou l'initiative d'interroger le parent qui n'a pas la responsabilité légale quant à son intérêt à recevoir des informations
Une députée se demande comment les informations circulent quand les enseignants sont face à des concubins. Mme Brunschwig Graf explique qu'il y a toujours un répondant légal qui est désigné.
Discussion et vote
Les membres de la commission sont bien conscients que la situation actuelle n'est pas satisfaisante et qu'elle démotive nombre de parents, que la violence naît souvent de la frustration. M. Hubert aurait été moins véhément s'il avait été moins frustré, s'il avait pu avoir accès aux données scolaires qui concernaient ses enfants.
Les députés ne peuvent que confirmer ce qui a été constaté à travers les auditions et ce qui ressort de la note de Mme Schmid, juriste du département, à savoir que seul le représentant légal peut être informé et que l'école ne peut transmettre les informations que si le répondant légal en fait la demande expresse. Le seul changement pourra venir du projet de loi fédérale sur le divorce qui est actuellement devant les Chambres fédérales. Les commissaires estiment nécessaire de faire une résolution qui pourrait indiquer que le Grand Conseil genevois soutient fermement la révision du code civile, en particulier l'article 275a. Le texte suivant proposé par un député est accepté à l'unanimité par les membres de la commission:
«Le Grand Conseil de la République et canton de Genève apporte son soutien à la révision du code civil suisse en son article 275a du projet du Conseil fédéral; annexe 4.»
La commission, à l'unanimité, vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, d'envoyer la résolution ci-dessus au Conseil fédéral.
La commission, à l'unanimité également, vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de déposer la présente pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.
(P 1148)
PÉTITION
Informations scolaires aux parents
Nous demandons à la commission de l'enseignement du Grand Conseil de constater qu'il faut:
- admettre que les deux parents, même séparés, ont le devoir d'être informés du comportement scolaire de leurs enfants;
- admettre que les moyens informatiques actuels permettent cette information;
- que l'article 31 de la loi sur l'instruction publique (C 1 10.21) soit modifiée en conséquence;
- ceci dans l'intérêt des enfants.
Mouvement La condition paternelle
case postale 8121211 Genève 24
ANNEXE
Débat
Mme Nelly Guichard (PDC), rapporteuse. Cette pétition demande qu'en cas de séparation une information scolaire soit également adressée au parent qui n'a pas la garde des enfants.
Actuellement, seul le représentant légal a le droit d'être renseigné et l'école ne peut transmettre les informations à l'autre parent qu'à la demande expresse du représentant légal.
Cette situation engendre des frustrations, des désaccords profonds, qui vont à l'encontre du bien-être de l'enfant.
Le seul moyen de remédier à cette situation proviendra du projet de loi fédéral sur le divorce, actuellement pendant devant les Chambres fédérales. Début septembre, la commission de l'enseignement a rédigé une résolution. Or, comme vous avez pu le lire dans la presse ces jours-ci, les Chambres fédérales traitent, en ce moment, de la révision du code civil suisse en matière de divorce.
Notre résolution arrive donc un peu tard pour avoir été différée jusqu'à maintenant.
Je vous propose néanmoins de la soutenir, vu l'importance de son objet. Je vous demande de la renvoyer au Conseil fédéral et de déposer la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.
P 1148-A
Mises aux voix, les conclusions de la commission de l'enseignement et de l'éducation (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.
R 351
Mise aux voix, cette résolution est adoptée et renvoyée au Conseil fédéral.
Elle est ainsi conçue :
(R 351)
RÉSOLUTION
Révision du code civil suisse en matière d'informations scolairesaux parents
Le Grand Conseil de la République et canton de Genève apporte son soutien à la révision du code civil suisse en son article 275a du projet du Conseil fédéral, annexe 4.