République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du lundi 8 décembre 1997 à 17h
54e législature - 1re année - 2e session - 58e séance -autres séances de la session
No 58/IX
Lundi 8 décembre 1997,
soir
en la cathédrale Saint-Pierre
Présidence :
M. René Koechlin,président
La séance est ouverte à 17 h, à Saint-Pierre.
Prennent place sur le podium :
M. .
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M. .
M. .
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M. .
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat chargé du département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie.
M. Robert Hensler, chancelier d'Etat.
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M. René Koechlin, président du Grand Conseil;
M. Roger Beer, deuxième vice-président du Grand Conseil;
M. .
M. .
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Mme Myriam Boussina Mercille, sautier du Grand Conseil.
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M. .
M. Richard Barbey, président de la Cour de justice;
M. Jacques Droin, président de la Cour de cassation;
Mme Laure Bovy, présidente du Tribunal administratif;
M. Pierre Martin-Achard, président du Tribunal des conflits;
M. Jean-Marc Strubin, président du Tribunal de première instance;
M. Daniel Dumartheray, vice-président du collège des juges d'instruction;
M. Jean-Nicolas Roten, président du Tribunal de la jeunesse;
M. Thierry Luscher, président du Tribunal tutélaire et Justice de paix;
M. .
M. .
M. .
M. .
M. .
M. .
M. .
M. René Fluckiger, officier de gendarmerie.
(A l'orgue, pendant l'entrée du Conseil d'Etat et jusqu'à ce que toutes les personnes prenant place sur le podium soient installées, «Prélude en mi bémol majeur» de Jean-Sébastien Bach.)
1. Exhortation.
Le président. Je prie l'assistance de bien vouloir se lever.
Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Veuillez vous asseoir !
Ont fait excuser leur absence : Mmes et MM. Bernard Clerc, John Dupraz, Christian Grobet, Marianne Grobet-Wellner, Dominique Hausser, Elisabeth Reusse-Decrey, Jean Spielmann et Micheline Spoerri, députés.
2. Appel nominal des députés.
Le président. Je prie Monsieur le secrétaire de procéder à l'appel nominal des députés présents :
Esther Alder (Ve)
Bernard Annen (L)
Michel Balestra (L)
Florian Barro (L)
Luc Barthassat (DC)
Charles Beer (S)
Roger Beer (R)
Jacques Béné (L)
Janine Berberat (L)
Madeleine Bernasconi (R)
Claude Blanc (DC)
Fabienne Blanc-Kühn (S)
Marie-Paule Blanchard-Queloz (AG)
Dolores Loly Bolay (AG)
Anne Briol (Ve)
Christian Brunier (S)
Nicolas Brunschwig (L)
Thomas Büchi (R)
Juliette Buffat (L)
Fabienne Bugnon (Ve)
Pierre-Alain Champod (S)
Liliane Charrière Urben (S)
Jacqueline Cogne (S)
Jean-François Courvoisier (S)
Pierre-Alain Cristin (S)
Anita Cuénod (AG)
Caroline Dallèves-Romaneschi (Ve)
Régis de Battista (S)
Jeannine de Haller (AG)
Christian de Saussure (L)
Marie-Françoise de Tassigny (R)
Gilles Desplanches (L)
Hervé Dessimoz (R)
Jean-Claude Dessuet (L)
Hubert Dethurens (DC)
Erica Deuber-Pauli (AG)
Daniel Ducommun (R)
Pierre Ducrest (L)
Henri Duvillard (DC)
René Ecuyer (AG)
Marie-Thérèse Engelberts (DC)
Alain Etienne (S)
Laurence Fehlmann Rielle (S)
Christian Ferrazino (AG)
Magdalena Filipowski (AG)
Bénédict Fontanet (DC)
Pierre Froidevaux (R)
Jean-Pierre Gardiol (L)
Luc Gilly (AG)
Alexandra Gobet (S)
Gilles Godinat (AG)
Mireille Gossauer-Zurcher (S)
Nelly Guichard (DC)
Janine Hagmann (L)
Michel Halpérin (L)
David Hiler (Ve)
Antonio Hodgers (Ve)
Yvonne Humbert (L)
René Koechlin (L)
Bernard Lescaze (R)
Armand Lombard (L)
René Longet (S)
Olivier Lorenzini (DC)
Pierre Marti (DC)
Alain-Dominique Mauris (L)
Pierre Meyll (AG)
Jean-Louis Mory (R)
Louiza Mottaz (Ve)
Geneviève Mottet-Durand (L)
Chaïm Nissim (Ve)
Jean-Marc Odier (R)
Jean Opériol (DC)
Danielle Oppliger (AG)
Rémy Pagani (AG)
Barbara Polla (L)
Véronique Pürro (S)
Jean-Pierre Restellini (Ve)
Albert Rodrik (S)
Martine Ruchat (AG)
Christine Sayegh (S)
Françoise Schenk-Gottret (S)
Louis Serex (R)
Walter Spinucci (R)
Pierre-François Unger (DC)
Alain Vaissade (Ve)
Pierre Vanek (AG)
Olivier Vaucher (L)
Jean-Claude Vaudroz (DC)
Alberto Velasco (S)
Pierre-Pascal Visseur (R)
Salika Wenger (AG)
Le président. Nous passons maintenant au point 3 de notre ordre du jour.
Le président. Je prie l'assistance de bien vouloir se lever.
Monsieur Claude Haegi, vous êtes appelé à prêter serment de vos fonctions de député au Grand Conseil. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant cette lecture, vous tiendrez la main droite levée, et lorsque cette lecture sera terminée, vous répondrez soit «Je le jure» soit «Je le promets».
Veuillez lever la main droite :
«Je jure ou je promets solennellement, de prendre pour seuls guides dans l'exercice de mes fonctions les intérêts de la République selon les lumières de ma conscience, de rester strictement attaché aux prescriptions de la constitution et de ne jamais perdre de vue que mes attributions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple;
d'observer tous les devoirs qu'impose notre union à la Confédération suisse et de maintenir l'honneur, l'indépendance et la prospérité de la patrie;
de garder le secret dans tous les cas où il me sera enjoint par le Grand Conseil.»
Veuillez baisser la main et rester debout.
(M. Claude Haegi prête serment.)
Le président. Le Grand Conseil prend acte de votre serment. Vous pouvez vous asseoir.
Nous abordons maintenant le point 4 de notre ordre du jour.
4. Discours du président du Grand Conseil.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés,
Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat,
Mesdames et Messieurs les députés aux Chambres fédérales,
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités communales,
Mesdames et Messieurs les représentants des autorités judiciaires,
Mesdames et Messieurs les représentants des corps diplomatique et consulaire,
Mesdames et Messieurs les représentants des corps constitués,
Mesdames et Messieurs,
La présente cérémonie inspire un certain nombre de réflexions dont le caractère est, je l'espère, suffisamment opportun, voire universel pour les hausser à la mesure de la solennité du lieu.
Le bilan politique des élections de cet automne peut se résumer en un signal qui montre clairement que le souverain, lassé par les stériles confrontations idéologiques, entend substituer la consultation aux affrontements entre une communauté d'intérêts majoritaire et une minorité systématiquement contestataire.
Celle-ci, usant d'innombrables atermoiements et autres instruments constitutionnels d'entrave, fit constamment obstacle à la politique de la majorité.
Ferdinand Bac - écrivain français décédé à mi-chemin du siècle qui s'achève - exprime bien le défaut de cette pratique lorsqu'il écrit, je cite : «L'opposition est un état privilégié : on peut y bombarder le pouvoir sans rien savoir, sans rien faire et sans rien risquer. Quant l'incendie se déclare, on s'installe au balcon d'en face.» - extrait de «La flûte et le tambour».
Le résultat de ce conflictuel procédé s'avère plutôt décevant. Et c'est probablement pourquoi le peuple vient de décider de changer la formule : à la confrontation de tendances, il substitue l'obligation de se concerter.
Car il est vrai que, dans ce pays, il n'existe pas de pouvoir à prendre, tant il est réparti et diffus. Et si quelqu'un, ou un groupe de personnes, s'en saisit - ou tente de s'en investir - il est aussitôt sanctionné par les urnes.
Gouverner ici, dans cette constitution, se résume à administrer de façon consensuelle - soit en demeurant à l'écoute de l'autre et plus généralement des citoyens - plutôt qu'à diriger de manière impérialiste.
Aujourd'hui, un homme politique qui fait preuve d'autoritarisme est immanquablement réprouvé par le peuple. Cela démontre, si besoin est, que la manière d'exercer le pouvoir dans notre pays demeure essentiellement consultative et collégiale.
C'est la première leçon qu'il convient de tirer des récentes élections. Leçon de modestie, leçon de maturité, leçon de solidarité.
Tandis que le monde s'apprête à célébrer à Genève le cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, on peut s'interroger sur le sens et la portée de cette charte, élaborée dans le climat de prostration qui suivit le conflit le plus étendu et le plus meurtrier que l'humanité ait jamais connu.
Actuellement, le train de réformes des Nations Unies lancé par le secrétaire général M. Kofi Annan et avalisé par l'Assemblée générale comporte le développement des activités en cette matière. Et Genève en devient le principal forum.
On peut se réjouir de cette nouvelle impulsion donnée à la défense ou à la sauvegarde des droits de l'homme; mais ne devrait-elle pas nous conduire à instituer avec autant de vigueur leur pendant, à savoir les devoirs universels auxquels chaque être humain est astreint ? Tant il est vrai qu'il n'existe pas de droit sans obligation.
Or, en une semblable occurrence, lorsqu'à l'instar de quiconque, un gouvernement prête serment, il s'oblige, avant de s'arroger des droits.
Un groupe de réflexion s'est récemment penché sur cette délicate question des devoirs que l'on voudrait universels. Se référant à l'éthique de quatre principales confessions respectivement bouddhique, musulmane, judaïque et chrétienne, ces personnes ont retenu sept préceptes fondamentaux que j'évoquerai brièvement ici, saisissant l'occasion de la présente circonstance.
La première injonction rend chacun responsable de ses actes et de ses propos. Elle pose ainsi le principe suprême du comportement individuel : attitude autonome qui relève de l'être à la fois solitaire et solidaire. Cette indépendance impliquée, relativisée, constitue l'essence même de la condition humaine.
Le second précepte s'inspire de l'obligation ordonnée par chacune des confessions mentionnées, qui contraint à ne pas tuer, autrement dit à respecter la dignité et l'intégrité d'autrui. Cette règle paraît évidente ! Et pourtant, elle est transgressée quotidiennement et à des milliers de reprises. Il est donc à la fois vain mais non moins nécessaire de ne cesser de la rappeler.
Troisième incitation : le respect de la propriété matérielle et intellectuelle. L'histoire montre, encore tout récemment, que les sociétés qui ont tenté de supprimer la propriété en tant que principe constitutionnel, ont échoué dans cette entreprise.
Lorsque Le Corbusier était à Moscou, dans le courant des années 20, pour y concevoir le projet jamais réalisé du Soviet Suprême, il fut confronté aux velléités communautaires visant à supprimer le droit de propriété. En bon terrien, Jurassien de surcroît, il s'est alors écrié : «L'homme sera toujours propriétaire au moins de son manteau !». Ce concept attaché à la possession est inscrit dans notre constitution.
Au titre de la quatrième exhortation, l'obligation biblique de ne pas commettre de faux témoignage incite à s'en tenir au principe de la bonne foi, qui représente l'un des fondements du droit. Or, cette injonction elle aussi, à chaque instant, est bafouée.
En fait, la vérité existe. Il n'y a que le mensonge qu'on invente. Là encore, le devoir est implicite du droit. Pour prétendre au vrai, il faut s'obliger à le mettre en lumière et à s'y tenir.
La cinquième injonction évoquée porte sur la solidarité. Autrui concerne chacun de nous et nul ne peut s'y dérober. On peut à ce sujet se référer à maints auteurs. Parmi eux, Paul Valéry qui a écrit que «l'homme seul est toujours en mauvaise compagnie.» Ainsi, à l'en croire, sommes-nous condamnés à vivre en société, et à partager.
La première phase de ce processus éminemment social, auquel chacun devrait se conformer, implique l'effort de tolérance. A Genève, cité de quatre cent mille âmes, plus de cent trente confessions, côte à côte, pratiquent leur foi en bonne harmonie et dans le respect mutuel. Bel exemple de cette tolérance qui conditionne l'étape suivante : celle de ladite solidarité. Cette vertu au nom de laquelle Lamartine s'écriait : «Je suis de la couleur de ceux qu'on persécute.» N'est-elle pas elle aussi, à chaque instant, maintes fois violée ?
Dans cet ordre d'idées, le sixième précepte en cause oblige à la reconnaissance des convictions d'autrui. Or, ce respect mutuel, qui implique d'être à l'écoute de l'autre, ou cette ouverture d'esprit, est précisément de rigueur dans un parlement dont les forces sont en équilibre et au sein d'un gouvernement très éclectique, tels ceux qui, cet automne, sont issus des urnes.
La septième incitation, enfin, oblige à observer les règles de sauvegarde de notre environnement. Elle est suffisamment explicite en soi pour qu'il ne soit pas utile de s'y attarder ici.
Tous ces préceptes sont autant de règles de conduite qui paraissent évidentes tant elles sont ou furent rabâchées, et qui, pourtant, jour après jour, sont transgressées. Et c'est précisément parce qu'elles sont constamment enfreintes qu'il s'avère opportun de les rappeler à l'occasion d'une cérémonie comme celle que nous célébrons ce soir.
Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, vous allez prêter serment devant le souverain - ou les personnes qu'il a déléguées pour le représenter. Elles sont l'image ou le reflet du peuple, tandis que vous figurez l'Etat.
Or, si «L'Etat c'est tout le monde et tout le monde ne s'inquiète de personne», vous échouerez dans votre mission. Vous devrez donc aussi vous comporter autrement qu'en tant que détenteurs du pouvoir de l'Etat. Il vous appartiendra de vous montrer humains, de vous comporter en véritables humanistes, afin de vous conformer à l'image de ce que Goethe considère comme le meilleur gouvernement qui est, dit-il, «celui qui nous enseigne à nous gouverner nous-mêmes.» Il s'agit là d'une exhortation à l'autonomie de chacun.
Cette invitation à l'indépendance - par opposition au statut de dépendance dans lequel nous nous complaisons - cette injonction à s'assumer soi-même, introduit notre société entière dans l'âge adulte. Car nous sommes encore trop affectés par l'infantile statut de subordination qui incite à incriminer autrui de tous les maux dont nous souffrons.
Or, c'est bel et bien contre cette mauvaise habitude qu'est dirigée la didactique définition que Goethe nous offre du gouvernement : celui qui conduit chacun à se gouverner lui-même.
Je cède, en guise de conclusion, cet ultime précepte à votre réflexion. Car il s'inscrit à la perfection, par l'esprit et à la lettre, dans le principe même de notre démocratie directe. Cette polyarchie grâce à laquelle chaque citoyen est appelé à participer à la chose publique. Ce système politique dont Churchill disait avec humour «qu'il est le plus mauvais à l'exception de tous les autres.»
Et c'est bien à cause de l'intérêt que suscite cette forme de souveraineté - ou de l'attrait qu'elle exerce - que d'Afrique, de Russie, d'Asie ou d'Amérique du Sud, maintes délégations d'Etats viennent, de mois en mois, dans notre pays et jusque dans notre cité quérir la substance de notre constitution.
Que celle-ci vive ! En dépit des réformes - en cours - qu'elle doit nécessairement subir. Qu'elle déploie ses principes dans le monde, et que le peuple s'y épanouisse ! Autant de souhaits que résument ou traduisent ces trois verbes latins : «Vivat, crescat, floreat !».
(A l'orgue : «Tierce en taille», François Couperin.)
Le président. Nous allons maintenant procéder à la prestation de serment du Conseil d'Etat.
Je prie l'assistance de bien vouloir se lever.
Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant cette lecture, vous tiendrez la main droite levée. Une fois cette lecture terminée, vous baisserez la main. Puis, à l'appel de votre nom, vous vous approcherez des Saintes Ecritures, placées devant vous, vous lèverez à nouveau la main droite et prononcerez les mots «Je le jure» ou «Je le promets».
Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement :
d'être fidèle à la République et canton de Genève, d'observer et de faire observer religieusement la constitution et les lois sans jamais perdre de vue que mes fonctions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple;
de maintenir l'indépendance et l'honneur de la République, de même que la sûreté et la liberté de tous les citoyens;
d'être assidu aux séances du Conseil et d'y donner mon avis impartialement et sans aucune acception de personnes;
d'observer tous les devoirs que nous impose notre union à la Confédération suisse et d'en maintenir, de tout mon pouvoir, l'honneur, l'indépendance et la prospérité.»
Veuillez baisser la main.
A l'appel de leur nom, Mmes et MM. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat, Martine Brunschwig Graf, vice-présidente, Guy-Olivier Segond, Carlo Lamprecht, Micheline Calmy-Rey, Laurent Moutinot et Robert Cramer, conseillers d'Etat, s'approchent des Saintes Ecritures et, la main droite levée, prononcent les mots «Je le jure» ou «Je le promets».
Le président. Le Grand Conseil prend acte de votre serment.
Nous entendrons à l'orgue le «Cé qu'è lainô», que je vous invite à chanter.
(Le «Cé qu'è lainô» est entonné par toute l'assemblée.)
Vous pouvez vous asseoir !
Nous entendrons, interprété par la chorale de la police, le «Tiebie Paiom», liturgie orthodoxe slave de Dmytro Bortnianski.
(La chorale de la police interprète le «Tiebie Paiom».)
La parole est à M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat.
6. Discours du président du Conseil d'Etat.
M. Gérard Ramseyer, président du Conseil d'Etat.
Monsieur le président du Grand Conseil,
Mesdames et Messieurs les députés,
Mesdames et Messieurs, chères concitoyennes, chers concitoyens,
Il est sain que, traditionnellement, le Conseil d'Etat nouvellement élu prête serment à la cathédrale Saint-Pierre. La beauté du site, la puissance des lieux, la ferveur qui nimbe l'atmosphère entre piliers majestueux et voûtes élégantes, l'orgue à l'entrée qui chante et gronde tour à tour confèrent à l'instant cette gravité qui invite à la réflexion et à l'humilité. Qui nous amène aussi à considérer la richesse de l'histoire de cette ville dont la colline n'a jamais cessé de préférer les sanctuaires aux châteaux forts.
Si chacun peut comprendre qu'un serment implique naturellement une référence au Tout-Puissant et donc au temple où est célébré son culte, on peut s'étonner que Saint-Pierre soit le lieu de développer un discours au contenu traditionnellement politique.
C'est ainsi depuis 1622.
Il y a trois cent soixante-seize ans que La Clémence vous invite de sa grosse voix un peu voilée à cette cérémonie solennelle, mais laïque, qui nous rappelle que l'action politique, forcément tournée vers le présent et l'avenir, doit, pour s'imposer aux rigueurs et à l'usure du temps, avoir auparavant plongé ses racines dans le passé pour en retenir l'esprit et les enseignements.
S'il est vrai - ainsi que le proclamait Gustave Ador en 1889 - que «la seule reconnaissance qu'ambitionnent les magistrats que vous avez élus, c'est de conserver votre estime et votre affection, pour réaliser, avec votre concours, ce qui doit être véritablement, dans l'intérêt de tous, le gouvernement de tous», il convient de dire autour de quelles idées et de quels projets le gouvernement, qui fera entrer Genève dans le XXIe siècle, se réunit.
* * *
De manière générale, la première préoccupation du citoyen réside dans la sauvegarde de ses conditions d'existence. La réponse de l'Etat à cette préoccupation vise à garantir la cohésion sociale, à donner une formation assurant une intégration de chacun dans la société et à corriger les dérèglements.
Dès lors, la lutte contre le chômage - et ses corollaires : le soutien à notre économie et la formation - ainsi que les politiques sociales, du logement, de la santé et de la sécurité forment le premier volet du programme du gouvernement.
La lutte contre le chômage est une priorité, elle le restera. Si le redressement de l'économie est un remède essentiel et incontournable, le partage du temps de travail, la formation ou la création d'emplois de proximité en sont d'autres. Il s'agira en particulier de trouver les moyens d'offrir aux jeunes leur premier emploi.
Le Conseil d'Etat favorisera donc le passage du traitement social du chômage à son traitement économique.
Cette évolution passe par le partage du temps de travail.
Dans cette perspective, le gouvernement entend :
d'une part, ouvrir rapidement une concertation avec la fonction publique sur ses modalités d'application dans le secteur public;
d'autre part, proposer des mesures incitatives destinées au secteur privé.
A une échelle très différente, les emplois de proximité jouent un rôle non négligeable, le Conseil d'Etat favorisera les associations qui créent ce genre d'emplois.
De manière plus générale, le Conseil d'Etat entend rappeler que ce n'est pas l'être humain qui est au service de l'économie : c'est l'économie qui est au service de l'être humain. Le débat sur l'argent, considéré comme un moyen et non comme une fin, n'a donc pas lieu d'être, si l'homme est au centre de notre préoccupation, ce que nous confirmons. Quant aux relations entre l'économie et l'Etat, elles se caractériseront par le rôle donné aux autorités d'arbitre, de garant et de soutien.
Indépendamment de la politique d'investissement - qui donne du travail aux entreprises - et de la politique sociale - qui donne du pouvoir d'achat aux membres de notre communauté atteints par l'âge ou les accidents de la vie - l'appui de l'Etat à l'économie se concentrera sur quatre axes principaux :
Premièrement, le soutien à la créativité et à l'innovation technologique, en faisant un meilleur usage des connaissances et des compétences des organisations internationales, des instituts universitaires et des hautes écoles spécialisées, et en favorisant aussi les pépinières d'entreprises et les associations d'artisans, les ateliers et les bureaux-relais.
Deuxièmement, l'aide au crédit pour les PME, qui forment plus de 80% du tissu économique genevois, en s'inscrivant dans le droit fil du projet Start PME.
Troisièmement, la simplification de l'arsenal juridique et l'amélioration du fonctionnement de l'administration cantonale.
Quatrièmement, le renforcement de la promotion économique par des moyens nouveaux.
Au-delà de ces mesures, le Conseil d'Etat mettra sur pied des états généraux de l'économie et de l'emploi, afin de déterminer quels sont les secteurs d'activités les plus prometteurs pour le début du XXIe siècle et de procéder aux réorientations nécessaires de la politique des investissements publics.
C'est dans cette perspective qu'il faut inscrire le projet Smart Geneva.
De nouvelles technologies de communication déclenchent une révolution - la révolution de l'information - qui sera au XXIe siècle ce que la révolution industrielle a été au XIXe siècle.
Il est donc primordial de construire des réseaux de communication à haute capacité pour permettre aux nouvelles technologies de l'information de se développer pleinement, en créant les emplois et les richesses de demain.
Smart Geneva n'est cependant pas qu'un réseau. C'est surtout la création d'un nouveau système d'information - et de formation - dont les applications sont infinies. Derrière un projet apparemment technique, il y a, en réalité, un concept, celui d'une Genève créatrice d'idées et d'innovations.
Dans un monde dont l'évolution est faite de changements continuels, la formation a pour objectif, comme l'écrivait Montaigne, de former «des têtes bien faites plutôt que des têtes bien pleines». Elle doit permettre à chacun de s'intégrer dans la vie professionnelle, culturelle et sociale.
Comme la société, l'école - et avec elle toutes les institutions de formation - doit évoluer et se transformer. Les réformes entreprises à Genève et en Suisse seront menées à bien, avec célérité, pour permettre cette adaptation aux exigences nouvelles.
Les compétences devenant aussi importantes que les connaissances, la formation s'avère indispensable à tout âge de la vie. Le système de formation devra donc répondre à ce développement et se soumettre à une évaluation constante et régulière devant lui permettre les ajustements nécessaires.
Enfin, les arts, les sports et la culture, compléments indispensables à l'épanouissement de l'individu, seront soutenus.
Par la politique sociale, qui est la traduction moderne de la vieille devise helvétique : «un pour tous, tous pour un», l'Etat, fédéral et cantonal, veille à ce que la communauté soit solidaire des personnes atteintes par l'âge, la maladie, le handicap, le chômage ou l'exil.
Dans le respect des droits acquis, le Conseil d'Etat veillera à moderniser et à simplifier la gestion des différentes prestations sociales. En outre, afin de mieux lutter contre l'exclusion et la pauvreté, le Conseil d'Etat proposera au Grand Conseil de remplacer l'assistance publique - qui relève plus de la charité publique que de la justice sociale - par un droit individuel à un revenu minimum d'existence, accompagné d'une contre-prestation facilitant la réinsertion dans la vie professionnelle.
La politique du logement sera orientée en particulier vers la construction de logements bon marché, en donnant aux coopératives et autres bailleurs sans but lucratif les moyens d'une action énergique. Le maintien et la rénovation de l'habitat seront encouragés en veillant à ce que les loyers des logements rénovés répondent aux besoins prépondérants de la population.
Chacun le sait : la hausse des cotisations de l'assurance-maladie demande une réforme profonde du système de santé.
Tel est le but de la planification sanitaire, qui renforcera la promotion de la santé et se traduira notamment par la mise en place d'un véritable réseau de soins.
Dans cette perspective, tout en renforçant le rôle du médecin traitant, le Conseil d'Etat veillera à ce que les hôpitaux universitaires de Genève poursuivent l'effort de rationalisation en cours, réduisant le nombre et la durée des hospitalisations en améliorant le recours aux services de soins à domicile.
Dans le domaine de la sécurité, le Conseil d'Etat poursuivra sur la voie d'une police encore plus proche des citoyens. Parallèlement, la réforme de la police sera accélérée et complétée pour l'adapter à l'évolution de la criminalité et au rôle international de Genève.
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Selon Voltaire, «Genève est un grain de musc parfumant l'univers».
Bon nombre des problèmes qui agitent la planète se discutent à Genève grâce aux organisations internationales.
Ces organisations internationales sont souvent critiquées. Mais n'oublions pas qu'elles sont uniques dans l'histoire du monde et qu'elles témoignent des efforts que l'homme fait sur lui-même pour rechercher un avenir meilleur. Elles sont donc autant de signes d'espérance pour les hommes et les femmes les plus déshérités de la planète.
C'est pourquoi - au-delà de leur importance politique et économique - Genève doit avoir, avec les organisations internationales, les excellents rapports que commandent le coeur, l'intelligence et les lois de l'hospitalité.
Cité internationale, Genève est d'abord un canton suisse. La Confédération helvétique n'est pas seulement notre grande patrie : elle est aussi la condition de l'indépendance politique de notre canton.
Fenêtre de la Suisse ouverte sur le monde, Genève est d'autant plus importante que nous n'appartenons pas encore à l'Union européenne et à l'ONU.
Attachée à la Confédération et au fédéralisme, Genève est cependant préoccupée. De plus en plus répond au fédéralisme politique un centralisme économique qui se caractérise par une concentration des pouvoirs de décision dans la région zurichoise. Ce n'est pas l'annonce ce matin de la fusion bancaire du siècle qui vient tempérer nos préoccupations.
Il est dès lors nécessaire d'affirmer la volonté genevoise d'être mieux entendue et mieux considérée. Le fait d'être un canton à forte capacité financière justifie certes des devoirs à l'égard de la Confédération, mais pour autant qu'il y ait aussi, pour cette dernière, une obligation d'équité à notre égard. Il est maintenant temps de le rappeler fermement en exigeant que les mécanismes de péréquation financière tiennent mieux compte des tâches accomplies par Genève au nom et pour le compte de la Confédération.
* * *
Dans le domaine des finances publiques, et particulièrement en matière budgétaire, le but poursuivi est double. Il s'agit à la fois :
de réduire les déficits pour ne pas charger outre mesure les générations futures par des dettes supplémentaires;
de ne pas freiner la croissance par une politique conjoncturelle récessive.
De fait, l'enjeu est le maintien de l'Etat social, rendu d'autant plus nécessaire par la situation économique difficile que nous connaissons.
Il n'est cependant pas naturel que cette conjoncture difficile provoque une telle crainte de l'avenir, car Genève ne manque pas d'atouts.
Il est tout d'abord indispensable de consolider le retour de la confiance et la reprise qui timidement s'amorce. Nous y parviendrons en évitant à notre canton, dans tous les domaines, les dérapages, les dérives et les convulsions. En recherchant à tous points de vue la stabilité et en démontrant une réelle volonté de redressement, nous créerons les conditions propices à cette confiance, facteur essentiel de prospérité économique.
Dans ce contexte, au terme d'une des récessions les plus longues de la période contemporaine, il existe maintenant un recul suffisant pour en mesurer les conséquences. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat, en dehors de toute considération idéologique, sollicitera trois personnalités, aux compétences reconnues, pour procéder à la mise en perspective du déficit dans une situation économique générale peu courante.
Pour ce qui touche les recettes, il s'agit de pratiquer une politique fiscale attractive. La charge fiscale des personnes physiques doit rester stable. Cette volonté n'interdira cependant ni les redistributions à l'intérieur de cette catégorie fiscale ni un effort accru en matière de gestion des débiteurs et de lutte contre la fraude fiscale.
L'impôt sur les personnes morales fera l'objet d'un examen attentif. Il s'agira de déterminer, dans une sage pesée d'intérêts parfois contradictoires, quels sont, dans quels secteurs économiques, les gains qui peuvent être taxés différemment, en gardant à l'esprit que trop d'impôt tue l'impôt. Il s'agira aussi de discerner dans quelle mesure le coût social des restructurations d'entreprises - y compris les fusions bancaires - ne devrait pas incomber, du moins partiellement, à ces dernières, lorsque la restructuration débouche sur des bénéfices importants qui profitent alors à des privés alors que les coûts sociaux incombent à la communauté. C'est dans cet ensemble d'éléments de réflexion que peut se trouver, en dehors bien sûr d'une reprise économique réelle, une source de profits nouveaux pour l'Etat.
La péréquation intercommunale doit elle aussi évoluer. Berceau de notre démocratie, les communes affichent des santés bien différentes selon leur patrimoine, la destination que leur ont réservé les plans d'aménagements cantonaux, ou leur possibilité d'accueillir sur leur territoire des zones d'activités productives d'impôts. La révision des tâches et des compétences entre le canton et les communes se poursuivra. Les élus communaux seront davantage responsabilisés. Les collaborations intercommunales seront développées, cependant sur des plans sectoriels et ponctuels, avec le souci de ne pas créer structurellement de nouveaux échelons de compétence et de pouvoir.
La réforme de l'Etat se poursuivra.
L'état des lieux terminé, un diagnostic posé, plusieurs réformes sectorielles lancées et les axes de travail pour la plupart connus, voici venu comme prévu le temps de la concertation avec la population et avec la fonction publique. Elle doit s'exprimer, dans un premier temps, sur le mode de concertation et, dans une deuxième phase, sur les principales mesures nécessaires en matière de rationalisation et d'économie de fonctionnement.
Cette réforme ne vise pas uniquement le coût des prestations de l'Etat, mais aussi, et même surtout, la qualité de ces prestations. A cet égard, l'administration cantonale sera toujours plus proche du citoyen grâce à une meilleure organisation de son travail, une simplification des structures, un contrôle plus rigoureux des dépenses par une meilleure connaissance des coûts, et le recours accru à l'informatique par la généralisation du guichet unique. Chaque point de contact pour le citoyen dans l'administration devra offrir la latitude de conduire un grand nombre d'opérations sans avoir à changer de site.
Au surplus, le gouvernement entend indiquer que si la réforme de l'Etat est indispensable, elle ne peut s'opérer valablement et durablement qu'avec l'adhésion de la fonction publique et non contre elle. Il souhaite rencontrer dès janvier les représentants de cette dernière, afin d'arriver à un accord global pour la législature qui portera sur les effectifs, la rémunération, le partage du travail et la réforme de l'Etat.
Enfin, le gouvernement entend modifier son propre mode de travailler. Attaché à se donner plus de recul dans sa réflexion, il veut privilégier le travail en équipe par le biais des délégations du Conseil d'Etat, localiser les états-majors de tous les départements en Vieille-Ville et porter une attention accrue, d'une part, au problème de l'information du milieu parlementaire et du public et, d'autre part, à la communication en général.
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Le dernier volet du programme gouvernemental a trait au cadre de vie, auquel s'appliquent les principes généraux du développement durable. Il s'agit tout à la fois de maintenir la qualité de vie en préservant le patrimoine naturel ainsi que de concevoir une justice sociale fondée sur une économie solidaire et sur la notion d'équité. C'est dans ce cadre que le développement durable entre dans le programme de gouvernement.
La préservation du milieu vital et son équilibre entre domaine bâti et lieux de vie ne sont pas un luxe et encore moins un caprice. Chacun peut constater, dans la vie quotidienne, et malgré les efforts accomplis, que les nuisances restent importantes, qu'il s'agisse de l'accumulation des déchets, de la qualité des sols, de l'air, de l'eau ou des nuisances liées au bruit.
C'est dans le domaine de l'eau que le gouvernement fournira un effort particulier. Il poursuivra dans la voie de la réhabilitation des rivières et désire s'investir de manière accrue dans tout ce qui touche à la prévention et à l'assainissement.
Le gouvernement s'attachera également à la sauvegarde des paysages et du patrimoine naturel et bâti. En ce qui concerne le patrimoine naturel, le gouvernement poursuivra une concertation étroite avec les milieux agricoles.
Le problème général de la mobilité fait partie intégrante à la fois de l'économie et de la vie sociale. La notion de complémentarité du transport collectif avec le transport privé restera la règle.
D'une part, l'effort en matière de transports publics sera accentué, en même temps que seront avancés dans le cadre d'une politique transfrontalière les projets de nature ferroviaire.
D'autre part, les aménagements routiers ou de trafic visant au contournement par le trafic de transit des localités et des quartiers, pour motifs de sécurité et de qualité de la vie, seront avancés; de même, les projets de parkings avec priorité aux parkings d'échange seront soutenus.
Dans un autre domaine, la libéralisation du marché de l'énergie va nécessiter des réflexions importantes quant au rôle des Services industriels de Genève et quant à leur mode de fonctionnement.
Le gouvernement sera attentif à ce que les Services industriels de Genève soient associés à cette réflexion.
Il veillera à ce que la politique cantonale en matière d'énergie continue à être fondée sur les économies d'énergie, le recours aux énergies renouvelables et le respect de l'environnement.
Enfin, il n'y a plus de nos jours de problème politique qui ne soit pas régional. Genève, très tôt, en a pris conscience. Que ce soit en matière de rétrocession fiscale, d'aménagement, de culture, de santé, d'instruction publique ou de mobilité, Genève a appris à vivre avec sa région, par-delà des frontières physiques ou administratives qui, cependant, restent encore trop contraignantes. Le travail qui consiste à les surpasser sera renforcé, d'une part, au sein des instances intercantonales ou internationales et, d'autre part, en recourant à des contacts directs aux plus hauts niveaux et ceci dans tous les secteurs de l'activité de l'Etat.
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Mesdames et Messieurs,
A la question : «qui aimeriez-vous être ?», des milliers de jeunes ont plébiscité deux grandes figures contemporaines de l'action humanitaire, Mère Teresa et l'Abbé Pierre. Comme s'ils percevaient que l'accomplissement personnel, intime et profond, passe par le service des autres. Comme s'ils admettaient que la vraie grandeur réside dans l'action d'aider les plus humbles en toute lucidité, en toute volonté. Comme s'ils comprenaient par contre la somme des vanités qui cernent l'homme quand il ramène à lui - et à lui seul - ses triomphes, ses succès et jusqu'à ses plus infimes progrès.
Cette cathédrale, ouverte aux débats laïcs depuis le XIIIe siècle, qui a vu défiler tant de notables, de tribuns, de grands prédicateurs, de pasteurs déterminés dans la défense de la foi et attachés à montrer le chemin, cette cathédrale nous dit aujourd'hui que la politique est un service. Qu'à l'orgueil de la fonction législative ou exécutive, nous devons fermement substituer l'humilité devant le poids des responsabilités. Une humilité qui nous amènera à préférer toujours davantage la conduite en réseau des affaires publiques à la gestion directive écrite en termes de pouvoirs. La politique sera authentique et totalement productive le jour où elle aura en son sein rassemblé l'université, l'économie, la culture et l'humanisme. La cathédrale nous dit enfin qu'au centre de nos préoccupations de magistrats doit se trouver l'homme de chair, l'homme d'esprit, sa souffrance ou simplement ses interrogations. La crise que nous traversons révèle combien certaines générations sont «mal construites» à l'intérieur, fragiles, facilement déstabilisées, vulnérables. C'est aussi notre rôle de les fortifier, voire de les reconstruire. Cela ne figure pas dans le programme politique de ce gouvernement, mais c'est une tâche essentielle et constante si l'on veut que Genève - que le peuple de Genève - traverse les décennies qui viennent avec toujours autant de rayonnement, de panache, d'esprit d'entreprise et de succès.
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Monsieur le président du Grand Conseil,
Mesdames et Messieurs les députés,
Mesdames et Messieurs,
Ce gouvernement a la mission de faire entrer Genève dans le troisième millénaire. Il s'engage dans cette tâche avec la volonté de voir loin en discernant un avenir forcément différent de ce que nous avons connu, marqué entre autres par la révolution de l'information. Mais il veut puiser dans le passé historique ou récent les expériences qui lui sont un viatique précieux parce que riche d'autant d'éléments qui fondent les racines de notre République et canton. Et c'est à l'homme qu'il voue l'essentiel de ses efforts, avec pour vision un environnement sauvegardé, une protection sociale solide issue d'une économie forte et une formation lui permettant d'affronter avec succès les défis nombreux que lui réserve une évolution accélérée.
C'est en ceci que le serment qu'il vient de prêter est sacré, car l'homme a toujours recouru à la divinité pour garantir solennellement la valeur de sa parole. Le dernier discours de Saint-Pierre de ce millénaire a fait plus que respecter la tradition; nous avons souhaité rappeler que le pouvoir politique ne peut être qu'un service et qu'il le restera tant que des femmes et des hommes de ce pays choisiront librement celles et ceux à qui ils confient leur destinée.
(A l'orgue : «Caprice sur les Grands-Jeux», Louis Nicolas Clérambault.)
Le président. Avant de lever la séance, je désire faire les recommandations suivantes :
A l'issue de la cérémonie, Mesdames et Messieurs les invités ainsi que le public sont priés de sortir de la cathédrale par les portes qu'ils ont utilisées à l'entrée. Les autorités et le corps des officiers se placeront dans l'allée centrale dans l'ordre prévu. Les personnes qui désirent assister au retour du cortège peuvent se rendre à la rue de la Taconnerie et à la rue de l'Hôtel-de-Ville. Le cortège ne partira qu'après la sortie des personnalités officielles et du public de la cathédrale.
Je prie les commissaires et les agents du service d'ordre de faire respecter ces dispositions.
(A l'orgue : «Toccata de la 5e Symphonie», Charles-Marie Widor.)
Le président. La séance est levée.