République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 4 décembre 1997 à 17h
54e législature - 1re année - 2e session - 55e séance
P 1150-A
En date du 4 avril 1997, les locataires des immeubles 13 et 15, rue de la Filature et 4, rue Vautier, à Carouge ont demandé à l'ASLOCA d'adresser aux autorités cantonales une pétition concernant les nuisances provoquées par la clientèle de l'établissement Le Marchand de Sable. Après l'avoir enregistrée, le Grand Conseil la renvoya à l'examen de la commission des pétitions. Cette dernière, sous la présidence de M. Luc Barthassat, la traita lors de ses séances des 16, 30 juin, 26 août et 20 octobre 1997. La teneur en est la suivante:
(P1150)
PÉTITION
contre les nuisances occasionnées par la clientèledu Marchand de Sable
Les locataires des immeubles 13 et 15, rue de la Filature et 4, rue Vautier, à Carouge, doivent subir, depuis trois ans en tout cas, des nuisances inadmissibles du fait de la clientèle de l'établissement Le Marchand de Sable. La cour, sur un des côtés de l'établissement, est régulièrement investie par cette clientèle pendant la nuit.
Outre le tapage nocturne, qui nous oblige à fermer nos fenêtres même en été, nous avons, pendant la journée, une vue sur une cour encombrée de bouteilles cassées, déchets, préservatifs, vomissures, urine. Il s'ensuit une odeur nauséabonde sur cour.
Toutes les démarches entreprises auprès de l'établissement Le Marchand de Sable et la régie Moser & Cie (qui gère les immeubles 13, rue de la Filature et 4, rue Vautier) n'ont abouti à aucun résultat. Nous demandons que les pouvoirs publics interviennent maintenant d'urgence pour faire cesser définitivement ces nuisances.
Nous remettons cette pétition à l'ASLOCA, Association genevoise de défense des locataires, pour qu'elle la transmette aux autorités compétentes.
1. Audition des pétitionnaires (16 juin 1997)
M. Molo représente l'ASLOCA-Rive et remplace M. De Dardel. Les locataires des immeubles 13 et 15, rue de la Filature ainsi que ceux du 4, rue Vautier se sont adressés à l'ASLOCA pour qu'elle transmette une pétition au Grand Conseil qui exprime leur mécontentement, car ils n'arrivent pas à faire cesser les nuisances occasionnées par les utilisateurs du bar dénommé Le Marchand de Sable. Ils se sont adressés au département de justice et police et des transports pour que la police prenne des mesures. M. Ramseyer a très bien accueilli leurs revendications et a affirmé qu'il allait entreprendre quelque chose rapidement. Pourtant la situation ne cesse d'empirer sans aucun changement depuis plus de trois ans. Il ne s'agit pas d'une simple querelle de voisinage, les voisins du Marchand de Sable ont leur vie réellement empoisonnée par les clients de l'établissement. M. Ramseyer a conseillé d'agir devant un tribunal civil, mais l'ASLOCA souhaite trouver une procédure plus rapide. Le principal problème des locataires se situe dans la cour intérieure de leur immeuble, cour dans laquelle les jeunes viennent boire et se soulager. Il y a bien une grille qui en barre l'accès, mais elle ne fait qu'un mètre de hauteur, il est donc facile de passer par-dessus. Il suffirait de mettre une grille plus élevée ainsi qu'un portail pour que l'accès à la cour ne soit plus possible. Les travaux pour cette installation sont estimés à 5 000 F, somme qui devrait être assumée par la tenancière de l'établissement incriminé.
Mme Ducret, Mme Lachat et M. Grandjean expliquent que leur situation est devenue intenable. Ils estiment que les limites de l'acceptable ont été franchies, qu'il est temps de réagir, mais personne n'est d'accord de débourser le moindre sou pour améliorer la situation, ni le propriétaire, qui voit pourtant son immeuble se dégrader, ni la régie, qui refuse de prendre à sa charge les travaux demandés pour empêcher l'accès à la cour, ni la gérante de l'établissement, personne n'accepte de payer ces travaux. Les désagréments peuvent donc continuer encore longtemps. Les jeunes sont responsables d'actes de vandalisme qui dépassent l'enceinte du Marchand de Sable. Certains soirs, plus de 200 jeunes sont regroupés sur le trottoir devant ce bistrot où la bière est consommée en grande quantité. Les effets secondaires sont inévitables et Le Marchand de Sable n'est équipé que d'un seul cabinet. Les locataires éprouvent un sentiment d'insécurité et redoutent même quelque intrusion chez eux.
M. Escanez n'habite pas à cet endroit, mais travaille dans la boutique voisine du bar. Il s'occupe de la maison Escanez Piano. Tous les matins, sa vitrine est souillée, le trottoir devant chez lui recouvert de débris de verres cassés, les murs peints de graffitis et, comme la voirie ne passe que plus tard, il est obligé de nettoyer devant chez lui avant de commencer sa journée de travail. Sa vitrine a déjà été cassée à plusieurs reprises. S'il demande une intervention à la police, les gendarmes répondent qu'ils ne veulent pas venir parce qu'ils ne peuvent rien faire; ils ont peur de venir mettre de l'ordre; le mieux serait de fermer ce bar qui crée beaucoup de problèmes. Il constate qu'il manque une véritable terrasse devant cet établissement, raison qui oblige les jeunes à se tenir sur la route. Il craint l'éventualité d'un accident. Le but de la pétition est de faire bouger les choses.
2. Audition des représentants de la régie Moser & Cie (30 juin 1997)
Mme Lahlou, M. Carco
Mme Lahlou travaille dans le service juridique de la régie Moser alors que M. Carco s'occupe du service technique. Ce dernier rappelle la situation du Marchand de Sable. Le bar est divisé en deux salles qui ne sont reliées que par la cuisine. Il n'y a qu'un seul WC qui se trouve dans la salle où il n'y a pas de tables. Les clients qui consomment dans l'autre salle sont donc obligés de sortir pour se rendre aux toilettes. Il est techniquement impossible de relier les deux parties du bar pour faciliter l'accès aux toilettes.
La régie a décidé de prendre des mesures. Le portail de la cour est maintenant fermé dès 19 heures; il sera même rehaussé et des barreaux seront installés à la fenêtre qui donne sur la cour, ce qui ne permettra plus aux clients d'enjamber la fenêtre pour se rendre dans la cour. Le propriétaire a accepté de prendre ces travaux à sa charge.
Le problème du Marchand de Sable est le même que pour les autres bistrots de Carouge qui ont tous beaucoup de succès et peu de place pour accueillir la clientèle. Le problème de la voie publique est donc un problème commun à tous les cafés de Carouge. Dans le cas exposé à la commission des pétitions, la seule chose que puisse régler la régie est de faire bloquer la cour. Mme Ducret, qui est à l'origine de la pétition, a entamé une action en justice contre la régie. Elle demande des dédommagements. En conséquence, la régie s'est retournée contre la locataire. Cet immeuble est déficitaire, il ne rapporte rien tant les frais d'entretiens sont élevés. La régie s'occupe de faire régulièrement nettoyer la cour ainsi que la cage d'escalier mais refuse de faire le travail de la police sur la voie publique. Elle a fait des suggestions d'amélioration à la gérante du bar qui ne veut rien entreprendre, estimant que les autres établissements publics de la rue Vautier occasionnent autant de nuisances que son propre bar. La régie annonce qu'elle va entreprendre la réfection complète de la cage de l'escalier tellement elle est détériorée. Elle espère qu'une solution sera trouvée pour régler ce problème.
3. Audition de Mme Pont, gérante du Marchand de Sable (30 juin 1997)
Mme Pont fait savoir que le problème lié à la pétition, c'est-à-dire la cour de l'immeuble, est sur le point d'être réglé en conciliation des baux et loyers. La régie a accepté de prendre en charge le rehaussement du portail et la pose des barreaux aux fenêtres qui donnent sur la cour (pose qui doit encore être acceptée par la commission du Vieux-Carouge). Pour ce qui est de la voie publique, elle ne veut pas porter le chapeau pour tous les établissements de Carouge. Elle signale qu'une épicerie qui est ouverte jusqu'à 2 heures du matin s'est installée à côté du Chat Noir et que les jeunes vont y faire des emplettes qu'ils consomment ensuite sur la voie publique. Son établissement est ouvert 7 jours sur 7, de 19 heures à 1 heure du matin en semaine et de19 heures à 2 heures du matin le vendredi et le samedi. Elle est satisfaite de sa clientèle.
4. Discussion de la commission
Les commissaires, dans un premier temps, pensent qu'il faut remettre les choses à leur place. Carouge a toujours été une ville de fête et cela ne doit pas changer. Souvent, les habitants de Carouge ne quitteraient pour rien au monde cette commune sympathique et pleine de charme à laquelle ils sont attachés. Mais habiter Carouge, c'est aussi accepter les nuits carougeoises ! Dans tout le canton, les bistrots qui marchent sont bruyants et il y a bien souvent des protestations. Ce n'est pas le rôle de la commission des pétitions de contrôler comment les bars sont tenus. Il semble que le problème est un problème de l'été qui revient chroniquement à Carouge et que certains tenanciers tiennent mieux leur établissement que d'autres. Il faut tout de même laisser vivre Carouge !
Dans un second temps, certains commissaires pensent que la police devrait être plus présente, jouant un rôle de prévention et non de répression, en incitant les jeunes à mieux se comporter. Ils estiment que le danger sur la voie publique est réel et ils ne voudraient pas qu'un accident, faute de recommandations, se produise.
En date du 28 août 1997, le président de la commission recevait un courrier de l'ASLOCA indiquant que des éléments nouveaux étaient intervenus dans le dilemme opposant Mme Ducret et la régie Moser . Par une décision du 20 juin 1997 de la commission de conciliation, Mme Ducret a obtenu que la régie Moser & Cie effectue, aux frais de la bailleresse, une surélévation de la barrière séparant la cour de la rue Vautier, ainsi que le placement de barreaux aux fenêtres de l'établissement Le Marchand de Sable.
De plus, la locataire a obtenu une réduction de loyer de 25% pour la période du 1er septembre 1996 au 15 juillet 1997.
En définitive, la surélévation de la barrière a été effectuée fin juillet 1997 / début août 1997.
Il apparaît cependant à la plaignante que les mesures prises par la régie ne sont pas suffisantes et que des importuns continuent de pénétrer dans cette cour pendant la nuit, la largeur des barreaux permettant de passer entre deux barreaux (voir annexe : lettre de Mme Ducret, du 2 octobre 1997).
5. Vote
Le 25 août 1997, avant la réception des informations de l'ASLOCA, les commissaires de la commission des pétitions ont décidé de vous proposer, par 7 voix (4 L, 2 R, 1 PDC) contre 5 (2 AdG, 2 PS, 1 Ve) et 1 abstention (PDC), Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement
ANNEXE I
ANNEXE II
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées.