République et canton de Genève

Grand Conseil

Q 3555
de M. Daniel Ducommun : Rigot et Sismondi. ( )   Q3555

(Q 3555)

de M. Daniel Ducommun (R)

Dépôt: 21 mars 1997

«Rigot et Sismondi»

L'acte de donation de Rigot s'oppose à Sismondi. Les termes de la donation de Rockefeller à l'université de Genève sont clairs et méritent le respect que même, et surtout, une institution d'Etat doit aux engagements conclus.

Dès lors, d'autres emplacements que la campagne Rigot ont-ils été envisagés pour la construction du collège Sismondi? Si oui, lesquels, et pourquoi n'ont-ils pas été retenus?

RéPONSE DU CONSEIL D'ÉTAT

du 17 septembre 1997

C'est le 15 août 1942 que M. John D. Rockefeller junior cédait à l'université les parcelles nos 2182 et 2183 du cadastre de Genève, section Petit-Saconnex, plus précisément dénommées domaine Rigot, d'une surface totale de 53 731 m2.

Antérieurement à cet acte de donation, une convention avait été signée le 23 juin 1942 entre M. John D. Rockefeller junior, l'université de Genève et l'Etat de Genève. Cette convention explicite les raisons pour lesquelles ces deux parcelles étaient cédées à l'université:

1. M. Rockefeller avait acheté cette propriété Rigot, située à proximité de la Société des Nations, pour

«servir l'intérêt public, à savoir:

... prévenir toutes sortes de spéculations dans l'usage et dans la disposition de cet objet par des tiers, et avec le but ultérieur de mettre ladite propriété, à l'exclusion de tout bénéfice de nature commerciale, à la disposition de la Société des Nations ou d'activités similaires ou en rapport avec celle-ci, soit directement soit indirectement, et servant les fins générales de la Société des Nations.»

2 M. Rockefeller, désirant donner une autre preuve de l'intérêt qu'il porte à Genève et à tout ce qui peut se rapporter au bien-être et à l'avenir de la communauté, déclare dans cette convention que son intention est de transférer ou de faire transférer ladite propriété à l'université de Genève, cela aux conditions suivantes:

 «L'université de Genève pourra user de cette propriété comme bon lui semble sans aucune restriction, à l'exception d'une servitude inscrite au registre foncier, au terme de laquelle il ne sera fait aucune construction sur cette propriété ni aucune transformation d'un bâtiment aussi longtemps que la Société des Nations occupera la propriété adjacente, sinon avec le consentement de ladite Société des Nations.»

Cette servitude de destination a été inscrite le 2 mars 1944 au profit de l'Etat de Genève.

 «M. Rockefeller exprime l'espoir que, dans la mesure où cela sera possible, la propriété sera administrée dans l'esprit et le but dans lesquels il l'a acquise primitivement, ainsi qu'il a été dit dans le paragraphe 1er» (voir point 1).

 L'acte de donation du 15 août 1942 précise en son article 3 les termes de la convention du 23 juin 1942 en ce qui concerne l'université:

 «... Le terrain sera affecté à l'université qui l'utilisera pour ses besoins et ses disciplines variées, ou pour les professeurs et les étudiants: cours, laboratoires et instituts de l'université ou de l'Institut universitaire des hautes études internationales; ou d'organisations connexes ou internationales; sports et distractions universitaires, oeuvres de prévoyance et de solidarité, etc. ...»

Collège Sismondi

Les bâtiments du collège Sismondi ont été édifiés en 1955-1956 sur le domaine Rigot. Certains considèrent qu'un collège d'enseignement secondaire correspond à une «junior school» de type américain qui, aux Etats-Unis, fait partie intégrante du système universitaire. En effet, les termes du legs doivent se rapporter à la personnalité du donateur M. John D. Rockefeller junior, Américain, ayant intégré toute la diversité d'un campus de type américain dans les termes de l'acte de donation signé le 15 août 1942, plus particulièrement en son article 3, susmentionné.

Il faut toutefois préciser que les juristes consultés à ce sujet ne sont pas tous d'accord entre eux quant à l'assimilation du collège Sismondi à une «junior school» de type américain et pouvant être assimilé aux «organisations connexes» de l'université.

Aménagement de la place des Nations

Le 28 juin 1996, le Grand Conseil genevois votait un crédit d'étude global de 5,9 millions de francs concernant:

- l'aménagement de la place des Nations;

- la planification d'une maison universelle, de la bibliothèque de l'Institut des hautes études internationales (IUHEI), du centre de politique de sécurité, d'un lieu d'expression;

- la planification de la Maison des Droits de l'homme et des affaires humanitaires, d'un bâtiment pour l'IUHEI, de l'extension du collège Sismondi et d'un espace multifonctionnel.

En ce qui concerne le collège Sismondi, deux hypothèses de travail ont été examinées:

- soit sa rénovation/extension, en profitant de l'occasion pour construire les équipements qui lui font cruellement défaut, à savoir les salles de gymnastique, le centre de documentation, des salles de cours et de sciences supplémentaires, une aula et une cafétéria;

- soit sa démolition-reconstruction par étapes.

C'est cette dernière hypothèse qui a été retenue.

Il est bon de préciser qu'à ce jour, l'Etat de Genève, dans ce secteur, ne dispose pas de terrains suffisamment grands et susceptibles d'accueillir ce type d'équipement public. Depuis plusieurs années, le département des travaux publics s'est efforcé, sans succès, de trouver un terrain permettant de déménager ce collège.

En ce qui concerne les activités de l'IUHEI, celles-ci sont projetées en grande majorité sur le domaine Rigot, ce qui, compte tenu de l'article 3 précédemment décrit, ne devrait poser aucun problème.

Négociations avec l'ONU

Le 3 juillet 1997, le Conseil d'Etat a, par écrit, sollicité le Conseil fédéral afin d'obtenir de l'ONU qu'elle accepte de lever toutes les restrictions du droit de bâtir dont elle est bénéficiaire, et qui pourraient faire obstacle au réaménagement de la place des Nations.

Ces restrictions du droit de bâtir au profit de l'ONU s'expriment de deux façons:

- par inscription au registre foncier, à son profit, d'une servitude de restriction de bâtir en hauteur sur une portion importante de l'actuelle place des Nations;

- conformément aux conditions de donation de la campagne Rigot à l'université par M. John D. Rockefeller junior en date du 15 août 1942.

Le 24 juillet 1997, M. l'Ambassadeur Walter B. Gyger, représentant permanent de la Suisse près des organisations internationales à Genève, a informé le département des travaux publics et de l'énergie qu'il était chargé d'envoyer une note à l'ONU lui demandant d'accepter la levée de toutes les restrictions du droit de bâtir dont elle est bénéficiaire et qui pourraient faire obstacle au réaménagement de la place des Nations (y compris la campagne Rigot).

Négociations avec l'université

Lors d'une séance qui s'est tenue le 12 mars 1997, en présence deMM. Bernard Fulpius, recteur de l'université, Blaise Knapp, vice-recteur, et M. Philippe Joye, conseiller d'Etat en charge du département des travaux publics et de l'énergie, il a été décidé qu'une solution globale devait être trouvée permettant de donner satisfaction:

- au donateur, soucieux d'éviter toute spéculation immobilière et de préserver les intérêts de l'ONU, qui a succédé à la SDN;

- à l'université, qui escompte lors de cette opération pouvoir recentrer ses activités à proximité de ses bâtiments de Plainpalais;

- à l'Etat de Genève, qui désire

- maintenir le collège Sismondi sur le domaine Rigot;

- construire des bâtiments pour les besoins de l'IUHEI;

- aménager une desserte entre l'avenue de France et l'avenue de la Paix.

Le 23 juin 1997, à l'issue d'une séance réunissant les délégués du Conseil d'Etat, d'une part, et du rectorat, d'autre part, une solution d'échange foncier sans soulte a été trouvée, qui s'articule ainsi:

L'Etat de Genève à l'université de Genève 53 185 m2 à Pinchat, sur la commune de Carouge. En contrepartie, l'université de Genève cède à l'Etat de Genève la campagne Rigot d'une surface de 53 731 m2. Ces parcelles sont toutes deux situées en zone villas de sorte que l'échange peut s'effectuer sans soulte.

Dans sa séance du 3 juillet 1997, le Conseil d'Etat a accepté le principe de cet échange.

Ainsi la solution retenue devrait-elle permettre de résoudre la délicate question de la reconstruction du collège Sismondi sur son site actuel, tout en sauvegardant pleinement les intérêts patrimoniaux de l'université par le transfert de ses droits à bâtir sur un terrain idéalement placé, qu'elle pourra affecter, le moment venu, à la satisfaction de ses besoins propres.