République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 6 novembre 1997 à 17h
54e législature - 1re année - 1re session - 51e séance
E 871
Le président. Conformément au règlement, nous allons procéder à la prestation de serment de M. Pierre Meyll, doyen d'âge, ainsi que de Mme Deuber-Pauli, puisqu'elle est arrivée parmi nous, entre-temps.
Une voix. Trop tard ! (Rires.)
Le président. Je prie l'assemblée et les personnes de la tribune de bien vouloir se lever.
M. Pierre Meyll et Mme Erica Deuber-Pauli sont assermentés.
Le président. Le Grand Conseil prend acte de votre serment. Dès maintenant, vous pouvez rejoindre les rangs de votre groupe.
Vous pouvez vous asseoir, Mesdames et Messieurs.
13. Allocution du président.
(Les deux huissiers sont debout sur la quatrième marche, l'un à gauche, l'autre à droite de l'estrade.)
Le président. (Debout.) Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi d'abord de vous exprimer ma gratitude pour la confiance que vous me témoignez et l'honneur que vous me faites en me désignant à la présidence de ce parlement et à la direction de vos débats à venir.
Pour remplir cette mission, dont vous me chargez, je vous dirai, à l'instar de Mme Marlène Dupraz, il y a quatre ans, lors de la prestation de serment - les anciens parmi vous s'en souviennent et notamment notre doyen d'âge - que : «je ferai mon possible» ! (Rires.) Et je l'espère à votre satisfaction.
Me conformant à une coutume et au risque d'en déranger une autre, contradictoire de la première lors du changement de législature, je commencerai par faire l'éloge de la présidente sortante, Mme Christine Sayegh. Vous avez su, Madame, conduire les longs travaux du Grand Conseil avec intelligence, avec beaucoup de compétence et avec autant d'autorité que de douceur... cette tendre fermeté qui tient de la subtile combinaison de votre féminité, avec un caractère très jurassien, propre à votre origine de La Chaux-de-Fonds.
Et il fallait faire preuve de beaucoup d'assurance, mêlée de psychologie, pour maîtriser la fougue de nombreux députés, souvent passionnés - n'est-ce pas, Monsieur Vanek ? - et tenter d'abréger les trop longs discours qui entretenaient des débats interminables sans nécessairement les animer...
Votre parcours professionnel en tant qu'avocate, votre connaissance des lois, mêlés à votre rôle d'épouse et de mère de famille, vous confèrent la capacité de comprendre avec beaucoup de lucidité non seulement les questions qui se posent à un parlement comme le nôtre mais encore la structure administrative qui en assure le fonctionnement. Sous votre présidence, poursuivant l'oeuvre de votre prédécesseur, le service du Grand Conseil a subi des métamorphoses visant à en accroître l'efficience.
Madame la présidente - permettez-moi de vous attribuer encore ce titre, à titre provisoire - au nom du Grand Conseil, au nom des députés qui l'ont quitté, au nom, enfin, de celles et ceux qui vous ont côtoyée durant l'exercice de votre fonction, je vous dis tout simplement : merci ! (Applaudissements.)
Je saisis encore ici l'occasion pour remercier tout le service du Grand Conseil. Merci à Mme le sautier qui s'est beaucoup démenée au cours de l'année qui s'achève. Merci encore - bien que M. Meyll l'ait déjà fait, et avec brio - à M. Obrist, sautier-adjoint, qui prend sa retraite; une retraite que nous lui souhaitons heureuse dans son cher Jura vaudois. Merci, enfin, à celles et ceux qui, en leur âme et conscience, se dévouent quotidiennement «à la chose publique et au bon fonctionnement de notre institution».
La nouvelle composition du Grand Conseil, telle qu'issue des urnes, confère à la communauté d'intérêts de gauche une courte majorité de deux sièges. Autant dire, connaissant l'assiduité des députés, qu'au cours de la législature qui débute ce soir les votes seront serrés, et il conviendra souvent, Madame le sautier, de compter les voix.
Cette répartition, proche de l'équilibre, devrait nous inciter tous tant que nous sommes à mener une politique plus consensuelle que d'opposition, de dialogue plutôt que d'affrontement, et nous conduire à rechercher des compromis tout helvétiques plutôt que des formules extrêmes ou des solutions tranchées, qui ne feront que provoquer toutes les formes de contestation que connaît notre constitution.
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, nous devrons nous efforcer - si nécessaire, préalablement apprendre - à mieux nous écouter les uns les autres pour mieux nous comprendre, afin de «faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées», pour reprendre les termes de notre exhortation.
A cet endroit de ma réflexion, je ne résiste pas à la tentation de vous redire - pour le plaisir - cette pensée de La Rochefoucauld qui évoque une des règles essentielles du dialogue - ou simplement de la conversation - et qui devrait inspirer nos débats. Je cite :
«Une des choses qui fait que l'on trouve si peu de gens qui paraissent agréables ou raisonnables dans la conversation, c'est qu'il n'y a presque personne qui ne pense plutôt à ce qu'il veut dire qu'à répondre précisément à ce qu'on lui dit. Les plus habiles et les plus complaisants se contentent de montrer une mine attentive, en même temps que l'on voit dans leurs yeux et dans leur esprit un égarement pour ce qu'on leur dit et une précipitation pour retourner à ce qu'ils veulent dire; au lieu de considérer que c'est un mauvais moyen de plaire aux autres que de chercher si fort à se plaire à soi-même, et que bien écouter et bien répondre est une des plus grandes perfections que l'on puisse trouver dans la conversation.»
Eh oui, Mesdames et Messieurs, de ce modèle ou de cette leçon de savoir-vivre, nous aurons bien besoin au cours de nos prochains débats. C'est pourquoi je vous invite à vous en souvenir.
Cette maxime m'inciterait à vous entretenir brièvement à propos du fonctionnement de notre parlement, en relevant quelques-unes des causes de son casuel dysfonctionnement et en suggérant, en passant, les moyens d'y remédier. Mais ces recommandations prolongeraient fastidieusement ce discours. C'est pourquoi je vous en fais grâce.
Je voudrais simplement vous dire qu'il nous appartient de nous discipliner et de nous efforcer d'améliorer ce que je pourrais appeler «notre rendement». J'invite les chefs de groupe, leurs nouveaux adjoints logistiques et les rapporteurs de commission à se consulter beaucoup plus systématiquement et aussi fréquemment que possible, afin de finaliser les textes les plus controversés avant de les soumettre au suffrage de ce Grand Conseil.
Pour terminer, Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi d'évoquer encore un trait saillant de l'expérience de douze années que j'ai vécue au sein de ce parlement.
J'ai pris part à maints débats et affronté de nombreux adversaires. Ces joutes m'ont notamment rappelé - en me le faisant vivre - tout le sens de l'évangélique injonction qui requiert d'aimer ses ennemis. Je m'empresse de dire que je n'ai jamais considéré mes adversaires politiques comme des ennemis, mais plutôt comme des interlocuteurs auxquels je m'opposais dans une lutte sans merci pour des idées et pour la cause publique. Toujours est-il que plusieurs de ces personnes, au fil des combats, provoquèrent en moi une sympathie qui croissait à mesure que je les affrontais et les connaissais davantage. Ainsi, par exemple, un soir - c'était la première fois, il y a de cela fort longtemps - ai-je avoué à M. Armand Magnin - je l'ai aperçu dans la tribune; je ne sais pas s'il y est encore - alors député du parti du Travail, auquel je m'opposais à toute occasion, que bien que je ne fusse jamais de son avis j'éprouvais de la sympathie pour lui. Eh, oui ! Et il m'a répondu à peu près ceci : «Ah, oui ! Et bien moi aussi, je te trouve plutôt sympa ! Pour un libéral, je considère que tu es relativement potable...». (Rires.) Ainsi, ai-je incidemment appris que la lutte pour des idées, le combat politique, la défense de ses propres convictions se situaient sur un plan qui s'avère sans commune mesure avec le domaine affectif.
Ce constat peut paraître banal. Toujours est-il qu'il fut pour moi l'une des expériences les plus relevantes de mon activité de député. Je vous avoue que dans cette salle j'éprouve passablement de sympathie pour beaucoup de personnes que je connais, car au fil des mois et des années j'ai appris à les connaître, et qui occupent ou ont occupé les différents sièges de ce Grand Conseil.
Et, Mesdames et Messieurs, cela constitue certainement le bilan le plus positif de mon expérience politique.
C'est pourquoi je formule ici le voeu qui consiste à vous souhaiter, à vous tous, et notamment à vous les nouveaux venus dans cette enceinte, de vivre nos futurs affrontements en saisissant l'occasion que ceux-ci vous offrent d'éprouver le plaisir secret de mieux connaître l'autre, cet alter ego qui tantôt partage et tantôt combat votre opinion.
Dans cet esprit et à cette condition, le débat parlementaire constitue un véritable enrichissement. C'est cet enrichissement, Mesdames et Messieurs les députés, qu'en ce lieu, ce soir et pour conclure, je vous souhaite à tous. J'ai dit. (Applaudissements.) (Les deux huissiers quittent la salle.)