République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 2 octobre 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 11e session - 47e séance
PL 7726
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article 1
La loi d'application du code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale, du 14 mars 1975, est modifiée comme suit:
Art. 25 (nouvelle teneur)
Les autorités genevoises appliquent les dispositions cantonales relatives à la procédure pénale, sauf disposition contraire de la loi fédérale imposant des règles de droit fédéral ou l'application du droit étranger (art. 9, 65, 65A et 80B, E, I, K, L, M, EIMP).
Art. 29, al. 2, et note marginale (nouvelle teneur)
2 Il est compétent pour dresser le procès-verbal d'extradition simplifiée (art. 54, al. 1, EIMP). Dans ce cas, le juge d'instruction informe préalablement la personne poursuivie des conditions d'extradition simplifiée, ainsi que de ses droits de recours, d'obtenir l'assistance judiciaire et de se faire assister d'un mandataire
Art. 31 (nouvelle teneur)
1 Le juge d'instruction est compétent en particulier pour:
recevoir la demande d'entraide (art. 29, al. 2, 77 et 78 EIMP);
procéder à l'examen préliminaire de la demande d'entraide et rendre la décision d'entrée en matière (art. 80 et 80A EIMP);
statuer sur l'application du droit étranger, la participation à la procédure de personnes qui y participent à l'étranger et la consultation du dossier (art. 65, 65A et 80B EIMP);
pourvoir à la désignation d'un avocat d'office à la personne poursuivie (art. 21, al. 1, EIMP);
procéder à l'exécution simplifiée (art. 80C EIMP);
exécuter les actes d'entraide, à l'exception de la notification de documents (art. 63, al. 1 et 2, et 80A, al. 2, EIMP).
2 Lorsqu'une perquisition, un ordre de production, la saisie d'objets ou documents concernant le domaine secret sont contestés, le juge d'instruction place l'objet ou le document en lieu sûr et en interdit l'accès. La Chambre d'accusation statue à bref délai sur l'admissibilité de ces mesures (art. 9 EIMP).
3 Le chef de la police et les officiers de police sont compétents pour assurer les relations directes de police à police (art. 75A EIMP).
Art. 32, al. 1 (nouvelle teneur)et note marginale (nouvelle teneur)
1 Après exécution de la demande d'entraide, le juge d'instruction rend une décision motivée sur l'octroi et l'étendue de l'entraide (art. 80D EIMP).
Art. 33 (nouvelle teneur)
1 Les décisions du juge d'instruction sont motivées et comportent l'indication du délai, de la forme et de la voie de recours (art. 22, 80E et 80K EIMP). Le recours est formé devant la Chambre d'accusation, qui statue comme autorité cantonale de dernière instance (art. 23, 80F EIMP).
2 La décision de clôture ou toute autre décision autorisant, soit la transmission à l'étranger de renseignements concernant le domaine secret, soit le transfert d'objets ou de valeurs, n'est exécutoire qu'à l'échéance du délai de recours; ce recours a un effet suspensif (art. 80L, al. 1, EIMP).
3 Lorsque le recours est rejeté, le recourant peut être condamné aux frais de l'Etat. S'il n'est pas domicilié en Suisse ou si son domicile est inconnu, le recourant peut être tenu, à peine d'irrecevabilité, de fournir des sûretés en garantie des frais judiciaires présumés.
Art. 34 (nouvelle teneur)
Ont qualité pour recourir:
l'office fédéral de la police (art. 80H, lettre a, EIMP);
quiconque est personnellement et directement touché par une mesure d'entraide et justifie d'un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (art. 80H, lettre b, EIMP).
Art. 34A (nouveau)
Le procureur général est l'autorité compétente pour procéder à la notification de documents (art. 63, al. 2, lettre a, EIMP).
Art. 34B (nouveau)
Le procureur général et le juge d'instruction sont compétents pour procéder à la transmission spontanée de moyens de preuve et d'informations (art. 67A EIMP).
TITRE IV
Chapitre IV (nouvelle teneur)
Délégation d'une poursuite pénale
Art. 43, al. 1 (nouvelle teneur)
1 Le juge d'instruction traite la demande, procède aux opérations nécessaires et transmet le dossier à l'office fédéral (art. 13 et 15A LTEJUS).
Art. 45, al. 2 et 3 (nouvelle teneur)
2 Les décisions du juge d'instruction sont immédiatement exécutoires. Le recours n'a pas d'effet suspensif, sauf si l'ayant droit rend vraisemblable que la décision lui cause un préjudice immédiat et irréparable ou si la décision ordonne la transmission à l'étranger de renseignements qui concernent le domaine secret ou le transfert d'objets ou de valeurs (art. 19A LTEJUS).
3 Lorsque le recours est rejeté, le recourant peut être condamné aux frais de l'Etat. S'il n'est pas domicilié en Suisse ou si son domicile est inconnu, le recourant peut être tenu, à peine d'irrecevabilité, de fournir des sûretés en garantie des frais judiciaires présumés.
Art. 46 (nouvelle teneur)
Ont qualité pour recourir:
l'office fédéral de la police;
quiconque est personnellement et directement touché par une mesure d'entraide et justifie d'un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.
Art. 48 (abrogé)
Art. 2
La chancellerie d'Etat est habilitée à remplacer l'abréviation LEEU par LTEJUS dans la loi d'application du code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale, du 14 mars 1975.
EXPOSÉ DES MOTIFS
I. Introduction
1. La loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP) est entrée en vigueur le 1er janvier 1983. Elle a été élaborée suite à la loi fédérale du 3 octobre 1975 relative au traité conclu avec les Etats-Unis d'Amérique sur l'entraide judiciaire en matière pénale (LTEJUS).
Basées sur des conceptions identiques, tirées des conventions européennes d'extradition et d'entraide judiciaire en matière pénale, ces deux lois ont montré de nombreuses faiblesses sur le plan de l'exécution des demandes d'entraide, notamment en ce qui concerne la durée de la procédure qui, dans certains cas particulièrement retentissants (Pemex, Marcos), s'est révélée excessive.
Cette durée excessive était essentiellement imputable à la multiplicité des voies de recours prévues par l'EIMP et au fait que le déroulement d'une procédure pouvait être très différent d'un canton à l'autre. L'utilisation abusive des voies de droit à des fins dilatoires par des personnes se présentant souvent à tort comme des ayants droit a constitué un facteur de ralentissement supplémentaire.
Ces faiblesses ont conduit le Conseil fédéral à mettre en oeuvre une révision étendue de ces deux lois, qui se justifiait d'autant plus que l'évolution actuelle de la criminalité internationale démontre qu'une lutte efficace contre ce fléau passe plus que jamais par un renforcement de la collaboration internationale entre autorités de poursuite pénale.
Le Conseil fédéral a donc proposé une modification de ces lois, visant à simplifier et accélérer la procédure d'entraide. S'agissant de l'EIMP, l'amélioration principale porte sur la limitation des voies de recours. Ces dernières ont été regroupées en fin de procédure, afin de ne pas entraver l'exécution de l'entraide. Les intérêts des ayants droit pouvant subir un préjudice immédiat et irréparable sont toutefois préservés par la possiblité de recourir dans certains cas avant la décision de clôture et d'obtenir l'effet suspensif (art. 80E et 80L EIMP). Par ailleurs, un pas important a été franchi dans la lutte contre la criminalité internationale par l'attribution à l'autorité de poursuite pénale suisse de la compétence de transmettre spontanément à une autorité pénale étrangère des informations, voire des moyens de preuve, à certaines conditions, à l'image de la réglementation adoptée par la Convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation du produit du crime (art. 67A EIMP).
Les modifications de la LTEJUS s'inspirent de celles de l'EIMP, tout en respectant les obligations de la Suisse contenues dans le traité d'entraide judiciaire conclu le 25 mai 1973 avec les Etats-Unis d'Amérique.
Pour plus de détails, on se reportera au message du Conseil fédéral, publié dans la Feuille fédérale 1995, IIIe partie, pages 1 et suivantes. Ces modifications ont été votées par les Chambres, avec quelques amendements, le 4 octobre 1996 et sont entrées en vigueur le 1er février 1997.
2. Les changements apportés à la législation fédérale impliquent une adaptation des titres IV et V de la loi cantonale d'application du code pénal et d'autres lois fédérales en matière pénale, qui traitent respectivement de l'application de l'EIMP et de la LTEJUS.
Dans leur teneur actuelle, ces dispositions, introduites par la loi du16 décembre 1982 (projet du Conseil d'Etat: voir Mémorial 1982, pages 1884 et suivantes), répètent souvent le droit fédéral. Cette approche didactive avait été adoptée dans le but de faciliter la lecture de la législation fédérale en matière d'entraide, qui constituait alors une nouveauté. Après 15 ans de pratique, ce besoin ne s'exprime plus avec la même force. Le présent projet adopte néanmoins la même démarche, mais de manière moins systématique. Le respect d'une technique législative rigoureuse aurait conduit à un texte plus court.
La matière étant réglée de manière détaillée à l'échelon fédéral, les cantons n'ont qu'une marge étroite pour légiférer, en raison de la force dérogatoire du droit fédéral. Pour l'essentiel, le rôle du législateur cantonal consiste à désigner les autorités d'application compétentes (juge d'instruction, procureur général, police, Chambre d'accusation, Cour de justice, Cour de cassation).
II. Commentaire article par article
Article 25 (nouvelle teneur)
La parenthèse renvoie aux nouvelles dispositions de procédure de l'EIMP dérogeant aux règles cantonales de procédure. Pour le surplus, cet article est inchangé.
Article 29, alinéa 2 (nouvelle teneur)
La notion de «remise sans formalité» est remplacée par celle d'«extradition simplifiée», conformément à la nouvelle terminologie adoptée par l'EIMP. Pour le surplus, cet article est inchangé.
Article 31 (nouvelle teneur)
Alinéa 1: L'article 26 LACP, qui confère une compétence générale au juge d'instruction en matière d'entraide, permettrait de renoncer à cet alinéa. Il a paru néanmoins utile de conserver le rappel, dans la loi cantonale, des principales opérations dont l'EIMP charge le juge d'instruction, ce d'autant qu'elles sont, pour certaines d'entre elles, nouvelles.
A la lettre f, il est fait une exception à la compétence du juge d'instruction s'agissant de la notification de documents, dont l'article 34A nouveau prévoit qu'elle sera confiée au procureur général. Il s'agit de tenir compte du fait qu'à Genève la notification d'actes judiciaires à la requête d'autorités extérieures au canton est du ressort du Parquet, qui est traditionnellement désigné comme autorité compétente dans le cadre des conventions intercantonales et internationales. Il n'y a aucune raison d'instaurer une exception à cette règle en matière d'EIMP. Déjà actuellement, toutes ces notifications passent par le Parquet, nonobstant la teneur de l'article 31, alinéa 1, lettre e, LACP.
Alinéa 2: Il s'agit de la reprise de la lettre f de l'alinéa 1 actuel, complétée par la mention de l'ordre de production (art. 63, al. 2, lettre b, EIMP) et la précison que la Chambre d'accusation statue à bref délai.
Alinéa 3: Il s'agit de la reprise de l'alinéa 2 actuel, avec la référence au nouvel article de l'EIMP.
Article 32 (nouvelle teneur)
Il s'agit de la transcription dans la loi d'application d'une des principales modifications introduites par la révision. Cette décision de clôture ouvre en effet les voies de recours. Les décisions incidentes qui la précèdent ne peuvent plus être attaquées séparément, sauf exceptions, afin de ne pas ralentir la procédure d'entraide (art. 80E EIMP).
Article 33 (nouvelle teneur)
Alinéa 1: Afin de remédier aux distorsions constatées dans l'application de l'EIMP par les cantons, chacun d'eux appliquant sa propre procédure, le droit fédéral règle désormais également la question des délais de recours(art. 80K) et celle de l'effet suspensif (art. 80L).
Alinéa 2: Vu l'importance de l'article 80L, alinéa 1, EIMP, il paraît justifié d'en reprendre le texte dans la loi d'application cantonale.
Alinéa 3: Lorsqu'il a adopté la base légale permettant le prélèvement d'un émolument en cas de rejet d'un recours devant la Chambre d'accusation dans le domaine de l'entraide internationale en matière pénale, le 26 avril 1996, le législateur a entendu mettre fin au traitement de faveur dont bénéficiaient les auteurs de ces recours par rapport aux autres utilisateurs de la justice pénale, pour qui cette dernière n'est pas gratuite (Mémorial 1996, pages 2181 et suivantes).
Une année après l'entrée en vigueur de cette norme, force est de constater qu'elle reste la plupart du temps lettre morte, car les recourants domiciliés à l'étranger ne s'acquittent pas de l'émolument auquel ils ont été condamnés.
Or, le service des contraventions, chargé du recouvrement de ces créances, n'engage pas de procédures hors de nos frontières, en raison de leur complexité et de leur coût. A cela s'ajoute qu'en vertu d'un principe bien établi de droit international, les créances de droit public d'un Etat ne sont pas exécutoires dans un autre Etat en l'absence de traité international, car leur recouvrement constitue un acte de souveraineté.
Le seul moyen de remédier à cette impuissance est de permettre à la Chambre d'accusation, dans ces cas, de contraindre le recourant à fournir des sûretés destinées à garantir le paiement de l'émolument auquel il pourrait être condamné en cas de rejet de son recours. Il va de soi qu'en cas d'admission du recours, les sûretés seront restituées à leur ayant droit.
Article 34 (nouvelle teneur)
Cette disposition est conforme au nouvel article 80H EIMP.
Article 34A (nouveau)
Voir ci-dessus, ad article 31, alinéa 1.
Article 34B (nouveau)
Cette possibilité de transmisson spontanée constitue l'un des points forts de la révision. Les cantons sont libres de désigner leurs autorités de poursuite pénale. A Genève, il s'agit au premier chef du procureur général (art. 115 du code de procédure pénale), ce qui rend nécessaire l'introduction d'un article topique dans la loi d'application (voir art. 26 LACP). Nous vous proposons de confier également cette compétence au juge d'instruction, dont l'office fédéral de la police reconnaît la qualité d'autorité de poursuite pénale au sens de l'article 67A EIMP. Au cas où vous estimeriez qu'une seule juridiction doit être désignée, il conviendrait de choisir impérativement le ministère public, conformément au texte clair de la loi et pour le motif que seule une minorité de causes fait l'objet d'une ouverture d'information, autrement dit est confiée au juge d'instruction.
Chapitre IV (nouvelle teneur)
«Délégation» remplace «délai», fruit d'une coquille.
Article 43, alinéa 1 (nouvelle teneur)
Le contenu de la parenthèse tient compte des changements apportés à la LTEJUS.
Article 45, alinéas 2 et 3 (nouvelle teneur)
Alinéa 2: Cet alinéaa est adapté au nouvel article 19 LTEJUS. Le principe du caractère immédiatement exécutoire des décisions du juge d'instruction étant affirmé, une réserve des mesures provisoires prévues à l'article 8 LTEJUS ne se justifie plus.
Alinéa 3: Voir le commentaire de l'article 33, alinéa 3.
Article 46 (nouvelle teneur)
Cette disposition, tout comme celle actuellement en vigueur, est calquée sur son pendant dans le cadre de l'application de l'EIMP (voir art. 34, nouvelle teneur).
Article 48 (abrogé)
L'article 6 LTEJUS, qui instaurait une commission consultative permanente chargée d'examiner si un refus d'entraide était justifié, a été abrogé.
Article 2
L'abréviation officielle et en usage parmi les praticiens de la loi fédérale relative au traité conclu avec les Etats-Unis d'Amérique sur l'entraide judiciaire en matière pénale est «LTEJUS» et non pas «LEEU» comme indiqué dans notre loi d'application cantonale.
Au bénéfice des explications qui précèdent, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à approuver le présent projet de loi.
Ce projet est renvoyé à la commission judiciaire sans débat de préconsultation.