République et canton de Genève

Grand Conseil

M 996-A
36. Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mmes et MM. Sylvia Leuenberger, Max Schneider, John Dupraz, Sylvie Châtelain et Martine Roset encourageant l'agriculture genevoise, biologique et intégrée. ( -) M996
Mémorial 1995 : Annoncée, 1603. Développée, 2320. Adoptée, 2324.

La motion concernant l'encouragement à l'agriculture genevoise biologique et intégrée a la teneur suivante:

MOTION

encourageant l'agriculture genevoise, biologique et intégrée

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- les résultats des votes sur la politique agricole du 12 mars 1995;

- l'importance de l'agriculture à Genève et la nécessité de maintenir et développer les emplois dans les branches en amont et en aval de la production agricole;

- la nécessité d'encourager une production de proximité, saine et respectueuse de l'environnement, afin de diminuer, à long terme, les impacts sur l'environnement (transports, pollution) et de préserver la santé des consommateurs,

invite le Conseil d'Etat

- à encourager, à Genève, la production biologique et intégrée dans l'agriculture;

- à étudier, puis à soutenir, avec les milieux intéressés, la possibilité d'étiqueter les produits alimentaires afin de renseigner le consommateur sur leur provenance (indigène ou étrangère) et sur leur mode de production (traditionnel, intégré ou biologique).

Introduction

Par votation populaire du 9 juin 1996, le peuple suisse a adopté un nouvel article 31 octies relatif à l'agriculture.

Dans son premier alinéa, il est stipulé que: «La Confédération veille à ce que l'agriculture, par une production à la fois durable et orientée vers le marché, contribue substantiellement:

a) a l'approvisionnement assuré de la population;

b) au maintien des bases naturelles de l'existence et à l'entretien du paysage rural;

c) à l'occupation décentralisée du territoire.»

Comme l'expose le Conseil fédéral dans son message concernant la réforme de la politique agricole 2e étape (politique agricole 2002 du 26 juin 1996): «La notion de production durable se réfère avant tout à la protection de l'environnement, c'est-à-dire à la préservation des ressources naturelles limitées. Conformément au rapport du CI Rio (Comité interdépartemental du Rio), il en résulte concrètement les tâches suivantes:

- les ressources renouvelables comme les champs, les pâturages et les forêts ou les systèmes hydrologiques souterrains sont à utiliser de manière à préserver leur faculté de régénération;

- les émissions polluantes dégradables doivent être maintenues en deçà de la capacité d'absorption des écosystèmes;

- les polluants non dégradables ne peuvent être émis dans l'environnement que dans la mesure où leur accumulation ne conduit pas à une concentration de polluants dangereuse pour l'Homme, la flore ou la faune;

- la biodiversité doit être sauvegardée;

- les ressources non renouvelables, par exemple les énergies fossiles, ne doivent pas être épuisées.

Il résulte de ce qui précède que toute la politique agricole fédérale s'oriente vers une agriculture respectueuse de l'environnement et qui encourage par conséquent la production biologique et intégrée.

L'article 31 octies alinéa 3 lettre a précise à ce propos qu'elle (la Confédération) «complète le revenu paysan par le versement de paiements directs aux fins de rémunérer équitablement les prestations fournies, à la condition que la preuve soit apportée qu'il est satisfait à des exigences de caractère écologique...».

Le but final de la Confédération est de verser des contributions uniquement aux agriculteurs qui respectent l'environnement et pratiquent notamment la production biologique et intégrée.

A titre d'indication, le soutien financier de la Confédération pour ces deux modes de production représentait pour Genève en 1995

2 600 000 F pour les exploitations en production intégrée

131 000 F pour les exploitations en culture biologique.

Ces contributions ont fait l'objet de fortes augmentations en 1996 à savoir:

4 254 000 F pour les exploitations en production intégrée

152 500 F pour les exploitations en culture biologique.

Ces augmentations résultent d'une part de l'accroissement des tarifs unitaires et d'autre part du nombre d'exploitations concernées (5 en culture biologique et 180 en production intégrée).

Aujourd'hui déjà, le principe des paiements directs attribués aux paysans en vertu de l'ordonnance sur les contributions écologiques met chaque année un peu plus l'accent sur des paiements qui sont octroyés aux agriculteurs capables de prouver qu'ils fournissent les prestations écologiques requises, à savoir de fumures équilibrées, d'une part équitable de surfaces de compensation écologique, d'assolements assurant la diversité des cultures, de protections appropriées du sol et d'une sélection et d'une utilisation ciblée des produits de traitement des plantes.

Mesures cantonales d'encouragement

Le Grand Conseil genevois en votant le 19 mai 1995 la loi visant à encourager l'implantation, la sauvegarde et l'entretien de surfaces de compensation écologique a encore fait un effort supplémentaire dans le soutien de la culture biologique et de la production intégrée puisque les surfaces de compensation écologique font partie intégrante des exigences liées à ces modes de production.

Au niveau du budget les montants fixés en application de cette loi sont pour 1996 de 200 000 F et la même somme est portée au budget 1997.

Les principales mesures soutenues en 1996 dans l'exécution de cette législation ont été les jachères non ensemencées et les fauches tardives des prairies extensives. Ces surfaces écologiques contribuent dans une large mesure à l'accroissement de la biodiversité.

Deux réseaux écologiques, à savoir celui des communes de Collex-Bossy/Versoix et celui lié à la sauvegarde de la perdrix en Champagne ont également bénéficié des contributions cantonales.

Les contributions totales versées en 1996 ont atteint la somme de 143 000 F.

Etiquetage des produits alimentaires et indications de provenance

L'information claire et complète sur les aliments est, rappelons le, réglementée par la loi fédérale sur les denrées alimentaires et les objets usuels, du 9 octobre 1992, ainsi que par l'ordonnance d'application entrée en vigueur le 1er mars 1995. Le but de cette législation est notamment de protéger les consommateurs contre les denrées alimentaires et les objets usuels pouvant mettre la santé en danger, et de les protéger contre les tromperies relatives à la véracité de l'information sur les denrées alimentaires notamment.

S'il s'agit, en revanche, de promouvoir une production agricole de proximité garantissant des produits frais et de bonne qualité en indiquant sur ceux-ci leur provenance et les méthodes de culture utilisées; de nouvelles réglementations ont été mises en place tant au niveau fédéral que cantonal.

Les Chambres fédérales ont en effet adopté le 21 juin 1996 trois nouveaux articles dans la loi sur l'agriculture. Ceux-ci doivent permettre d'édicter des prescriptions sur la dénomination des produits agricoles et des produits transformés, destinés à promouvoir leur écoulement. Ils devraient porter uniquement sur les aspects que la loi sur les denrées alimentaires ne traite pas: par exemple, les modes de productions particuliers tels que la culture biologique et la production intégrée, les caractéristiques spécifiques et l'origine des produits.

En application de ces trois nouveaux articles, une ordonnance relative à la protection des appellations d'origine et des indications géographiques des produits agricoles et produits dérivés entrera en vigueur le 1er juillet prochain. Ce système de protection juridique doit permettre de réserver l'utilisation d'une dénomination géographique à un produit originaire d'une région ou dont la spécificité est liée à cette région. Un registre des appellations sera créé sous la responsabilité de l'Office fédéral de l'agriculture qui enregistrera les dossiers de demandes. Ceux-ci devront comprendre le nom à protéger, la description du produit, son mode de fabrication et la zone dans laquelle il peut être élaboré et la preuve de son attachement historique à cette région.

Les responsables de la production agricole de notre canton devront examiner si dans leur production locale un produit, typiquement genevois, peut faire l'objet d'une appellation d'origine contrôlée ou d'une indication de provenance digne d'être protégée. Ils devront alors élaborer un cahier des charges dans le cadre de leur profession et déposer leur demande à l'Office fédéral de l'agriculture.

Une deuxième ordonnance intitutlée: «Ordonnance sur l'agriculture biologique et la désignation des produits agricoles et des denrées alimentaires biologiques», mise en consultation dans les cantons, n'a pas encore fait l'objet d'un consensus général. Son entrée en vigueur est suspendue également pour des raisons d'eurocompatibilité. Selon le Conseil fédéral, il s'agit d'éviter de mettre en place de nouvelles entraves au commerce. L'équivalence des dispositions suisses et du droit européen font actuellement l'objet de pourparlers car, dans ce domaine, l'intérêt du consommateur est d'obtenir une reconnaissance réciproque des produits provenant de l'agriculture biologique.

Le canton de Genève a pris les devants. A la suite d'une demande émanant plus particulièrement des maraîchers, des horticulteurs et des arboriculteurs, un projet de règlement lié à une marque de garantie: «Produit à Genève», vient d'être élaboré. La marque de garantie: «Produit à Genève» sera très prochainement déposée à l'Institut de la propriété intellectuelle à Berne par l'Office pour la promotion des produits agricoles de Genève (OPAGE), qui en sera propriétaire. Les producteurs agricoles genevois qui répondront aux conditions posées par le règlement pourront bénéficier de la marque qui se présente sous forme d'un logo déposé avec l'intitulé: «Produit à Genève». Ils pourront l'apposer sur leur production. Le contrôle de l'utilisation de cette marque sera confié à une commission ad hoc désignée par l'OPAGE. Elle travaillera sous la surveillance de cette dernière.

Conclusion

S'agissant d'encourager la culture biologique et intégrée dans l'agriculture, les chiffres cités ci-dessus démontrent que le canton, dans la mesure de ses moyens, l'encourage activement par le biais des surfaces de compensation écologique.

En ce qui concerne les appellations d'origine contrôlées et les indications de provenance, le canton soutiendra et collaborera à leur mise en place, à la demande des producteurs, qu'il s'agisse d'un mode de culture spécifique ou d'un produit présentant des caractères locaux typiques.

Il s'agit d'un travail de longue haleine qui doit conduire les partenaires, soit les producteurs eux-mêmes, à s'entendre sur les modes de production et les exigences minimales requises.

A la demande de la production, un groupe de travail auquel participeront des collaborateurs de l'Etat pourra élaborer des normes législatives conformes aux nouvelles ordonnances fédérales destinées à protéger les appellations du terroir.

Débat

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Les conclusions de ce rapport sont tout à fait satisfaisantes.

Il est évident que nous sommes ravis de la direction que prend le soutien à l'agriculture biologique, et il me paraît important de rappeler que c'est un sujet fondamental pour les Verts. En effet, même si l'on sait surfer sur Internet, créer des multinationales ou aller dans l'espace, si ce que l'on mange est dénaturé et ne permet plus de conserver le capital-santé de l'être humain, alors tout le reste n'est que littérature.

Mais je ne peux m'empêcher de souligner un petit déséquilibre dans ce rapport au niveau des chiffres. Dans la conclusion, il est dit que le canton encourage la culture biologique et intégrée selon les montants versés pour l'entretien des surfaces de compensation écologique. Mais il faut souligner que ce montant s'élève à 200 000 F. Cela fait un peu sourire. S'il est vrai que c'est un début, c'est un petit début.

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Madame Leuenberger, ce montant correspond à l'état des demandes que nous recevons pour des contributions de cette nature. Ce sont des contributions cantonales complémentaires à l'ensemble du dispositif fédéral.

Par ailleurs, le canton de Genève est le seul canton de Suisse à utiliser ce type de possibilités complémentaires aux contributions fédérales.

Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.