République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1065-A
4. a) Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Roger Beer, Fabienne Bugnon, John Dupraz, Marie-Françoise de Tassigny, Gilles Godinat, René Longet, Chaïm Nissim, Elisabeth Reusse-Decrey et Pierre Vanek sur le contrôle de la situation radiologique au CERN. ( -) M1065
Mémorial 1996 : Développée, 3582. Renvoi en commission, 3602.
Rapport de majorité de Mme Barbara Polla (L), commission de la santé
Rapport de minorité de Mme Claire Torracinta-Pache (S), commission de la santé
R 346
b) Proposition de résolution de Mme Barbara Polla pour une information régulière à propos des activités du CERN. ( )R346
R 348
c) Proposition de résolution de Mme Claire Torracinta-Pache sur la surveillance de la radioactivité du CERN. ( )R348

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Le 24 avril 1996, la CRII-RAD (Commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité) a tenu une conférence de presse à Genève, suite à certains contrôles qu'elle avait effectués au CERN à la demande de M. Pierre Allemann, l'un de ses anciens employés, et de la firme Métareg (France) (société de sous-traitance par l'intermédiaire de laquelle M. Allemann avait été engagé), contrôles effectués à l'insu du CERN lui-même. Les mesures effectuées, selon la conférence de presse, mettaient en doute la qualité de la radioprotection au CERN, d'une part, et, d'autre part, la qualité de la formation de ses employés. Le CERN, prévenu trop tardivement, n'a pas assisté à la conférence de presse.

Suite à cette situation, à sa médiatisation, et à l'inquiétude qu'elle généra dans la population genevoise, un groupe de députés déposa le 7 mai 1996 la motion 1065 (dont le texte original est en Annexe I), demandant notamment que soit réalisée dans les plus brefs délais une étude indépendante de la situation au CERN, et que les résultats en soient rendus publics.

Lors des débats du Grand Conseil du 21 juin 1996, au cours desquels cette motion fut traitée, nous insistions déjà sur le fait qu'une telle étude avait été immédiatement mandatée par le CERN auprès d'un organisme de lui indépendant, à savoir, la SUeR, Sektion für Überwachung der Radioactivität, qui dépend de l'office fédéral de la santé publique (OFSP), et ses résultats rendus publics le 15 mai 1996. Nous proposions, dès lors, dans un premier temps, de rejeter cette motion, puisqu'il avait déjà été répondu à son invite. Dans la mesure, cependant, où l'inquiétude semblait persister sur la qualité de la radioprotection et de la formation au CERN, et qu'il nous paraissait de la plus haute importance que tout doute soit levé à ce sujet, nous approuvâmes finalement le renvoi de cette motion à la commission de la santé.

Sous la présidence de Mme Claude Howald, la commission de la santé a ainsi consacré à cet objet 5 séances, à savoir, les 17 janvier, 7 et 14 mars, 16 mai, et 30 mai 1997. Elle a procédé à un certain nombre d'auditions, notamment de M. le professeur Alfred Donath, chef de la division de médecine nucléaire de l'HUG, puis de représentants respectivement de la CRII-RAD et du CERN, ainsi que de M. Bernard Michaud, chef de la division de radioprotection de l'OFSP.

La rapporteur de ce dossier a fait le choix de faire un rapport généraliste plutôt qu'un rapport d'expert. En effet, une des conclusions essentielles à laquelle la commission est arrivée est la nécessité de pouvoir bénéficier d'une information accessible pour tous sur les activités du CERN et les mesures de radioprotection qui y sont prises. Ceux qui souhaiteraient davantage de détails techniques sont priés de se référer aux annexes II et III (respectivement réponses du CERN aux allégations de la CRII-RAD, du 15 mai 1996, et note du 29 mai 1996).

Audition du professeur Alfred Donath

M. Donath rappelle tout d'abord que le CERN dépend conjointement des juridictions française et suisse. Afin de régler le problème que pose cette double dépendance, le CERN a fait le choix d'appliquer en toutes circonstances les normes en général les plus sévères, à savoir, les normes suisses, qui sont en effet parmi les plus strictes du monde. Ces normes sont détaillées dans le manuel de radioprotection du CERN, dont la dernière édition en version française date de 1996. Le CERN applique concrètement et détaille dans ce manuel le principe de base de la radioprotection, à savoir, ALARA, As Low As Reasonably Achievable. Le CERN est considéré dans les milieux professionnels comme une institution modèle en ce qui concerne la radioprotection. Depuis le début des années 70, M. Donath, par délégation de l'exécutif genevois, est responsable de vérifier les systèmes de radioprotection du CERN, ce qu'il fait officiellement trois ou quatre fois par an. Il précise qu'il n'est en aucun cas l'avocat du CERN.

M. Donath rappelle que la radioactivité est un phénomène naturel, omniprésent, notamment dans le corps humain. Il souligne que, de ce fait, l'objectif d'irradiation zéro est impossible et contraire à l'état naturel.

Il revient ensuite sur les faits qui ont motivé la motion 1065.

La CRII-RAD a annoncé avoir trouvé des pièces radioactives dans une poubelle banale du CERN. L'interprétation de la CRII-RAD est celle d'une négligence coupable du CERN, alors que le CERN, lui, met en cause, de façon officieuse dans la mesure où il n'y a pas eu de suite pénale, un acte de malveillance. M. Donath estime que la responsabilité du CERN dans cette découverte est très peu vraisemblable, ce d'autant plus que les éléments découverts par la CRII-RAD provenaient d'expériences effectuées plusieurs mois auparavant, alors que les poubelles sont vidées chaque jour.

Il détaille ensuite le cas malheureux de M. Allemann, ancien employé du CERN actuellement atteint d'un cancer du poumon. Il explique qu'au vu des doses d'irradiation auxquelles M. Allemann a été exposé, aucune relation ne peut être raisonnablement établie entre ce cancer du poumon et le fait que M. Allemann travaillait au CERN, même si ce dernier est convaincu du contraire. L'on sait, par contre, que le risque de cancer du poumon est fortement augmenté par le tabagisme, et encore plus par l'exposition concomitante à l'amiante, antécédents que l'on retrouve chez M. Allemann. Il rappelle également que M. Allemann a fait l'objet de contrôles parfaitement adéquats, comprenant notamment trois mesures d'anthropogammétrie, et que tous se sont avérés dans les normes.

M. Donath revient ensuite sur différentes mesures rapportées par la CRII-RAD. Il constate que les prélèvements effectués au Nant d'Avril, par exemple, n'ont pas été mis en rapport avec les doses naturelles d'irradiation environnementale. Il souligne à cet égard que, pour atteindre la limite de radioactivité tolérée pour la population, il faudrait que quelqu'un boive par an 60 m3 d'eau du Nant d'Avril !

Il répond ensuite à diverses questions, en précisant qu'il peut témoigner, en sa qualité d'expert de longue date, de la qualité tant de la radioprotection que de la formation assurées par le CERN.

Audition de la CRII-RAD

Les représentants de la CRII-RAD, Mme Michèle Rivasi et M. Bruno Chareyron, expliquent tout d'abord à la commission que la CRII-RAD a été créée en France suite à l'accident de Tchernobyl. La CRII-RAD fonctionne depuis 1987 de façon autonome, et travaille essentiellement sur mandats. Les représentants détaillent ensuite les sources des divers matériaux sur lesquels ils ont effectué des mesures, et leurs résultats. Ils critiquent la qualité de la radioprotection du CERN, radioprotection par rapport à laquelle la CRII-RAD estime d'ailleurs avoir une autre conception que le CERN. Selon Mme Rivasi, le CERN, en termes de radioprotection, opte pour une philosophie de respect de la loi, alors que la CRII-RAD estime que l'on ne peut pas fonctionner de la sorte. Les représentants de la CRII-RAD estiment aussi que le fait de trouver des objets radioactifs dans des poubelles banales est particulièrement inquiétant, quelle que soit la provenance de ces objets. La CRII-RAD elle-même a pu sortir de l'enceinte du CERN en possession d'objets radioactifs sans qu'aucune alarme soit enclenchée. Finalement, les représentants de la CRII-RAD critiquent également, et surtout, le manque de formation adéquate des employés, se basant sur l'exemple de M. Allemann, qui n'aurait jamais reçu de qualification lui permettant de comprendre les enjeux de son travail. Ils insistent encore sur les risques encourus par les personnes soumises à des irradiations même minimes en termes d'augmentation de l'incidence des cancers. Finalement, en réponse à une question, les représentants de la CRII-RAD estiment ne pas avoir eu l'opportunité d'établir avec précision l'état général de l'environnement au CERN, faute d'avoir été invités à le faire.

Audition du CERN

M. Horst Wenninger et M. Manfred Hoefert représentent le CERN, en leurs qualités respectives de directeur technique et de responsable de la radioprotection. Ils rappellent que le CERN et son environnement général sont régulièrement contrôlés par un institut indépendant du CERN, dépendant de l'OFSP, et sis à Fribourg, la SUeR, institut qui leur a été recommandé par le département de l'action sociale et de la santé (DASS). Ils rappellent également les principes et l'application des mesures de radioprotection au CERN. Le CERN est une organisation ouverte, notamment aux étudiants, et il est souhaitable et nécessaire que cet état de choses perdure - «ouverte» signifiant notamment le fait qu'il n'y a pas de contrôle policier à l'entrée. Suite à l'affaire qui a motivé la présente motion, le CERN a néanmoins renforcé ses systèmes de surveillance. Le CERN contredit ensuite les allégations de la CRII-RAD aussi bien en matière de radioprotection qu'en matière de formation (voir annexes II et III pour les réponses détaillées du CERN aux allégations de la CRII-RAD).

Audition de M. Bernard Michaud

M. Michaud, chef de la division de radioprotection de l'OFSP, fait, dans un premier temps, un état des lieux concernant la radioprotection au CERN. Le CERN produit de la radioactivité, ce qui a pour conséquence un contrôle permanent de ses locaux et de son personnel. Cette surveillance s'effectue dans le cadre d'un accord entre le Conseil fédéral et le CERN; la division de radioprotection est par ailleurs en contact permanent avec l'OPRI (Office de protection contre les radiations ionisantes, à Paris). M. Michaud représente le Conseil fédéral au CERN.

L'OFSP réfute les accusations de la CRII-RAD concernant une possible menace sur le personnel et l'environnement du CERN. Les contrôles, évaluations et interprétations de la division de radioprotection de l'OFSP et celles de l'OPRI sont par ailleurs toutes concordantes. M. Michaud rappelle que les résultats de sa division ne sont pas différents de ceux présentés par la CRII-RAD, mais que l'interprétation en est fort différente. Il estime que le CERN ne représente aucun risque pour la population et pour l'environnement.

En réponse à une question, M. Michaud affirme ne pas avoir d'interprétation définitive quant au fait que des objets radioactifs aient été trouvés dans des poubelles banales, ce qui, bien sûr, n'aurait jamais dû arriver. Il rappelle aux commissaires les suspicions du CERN, qui lui paraissent vraisemblables, puisque aucune mesure ou contrôle ne permettent de mettre en cause les systèmes de protection du CERN.

En réponse à une autres question, M. Michaud affirme que les vrais experts ne sont pas pro- ou antinucléaires. Il rappelle que l'OFSP fonctionne en toute indépendance de tout lobby nucléaire et que les objectifs de l'OFSP sont strictement des objectifs de santé publique. Il rappelle encore que la législation suisse est une des plus strictes du monde en matière de radioprotection, que le CERN s'y soumet spontanément, et qu'il n'en a jamais enfreint les règles. La radioprotection à l'intérieur du CERN répond ainsi pleinement aux exigences de l'OFSP.

Discussion

Dans le cadre des discussions fournies qui ont suivi ces auditions, les commissaires ont fait un effort important pour se mettre d'accord sur un certain nombre de points. Cet effort aboutit, notamment, sur le fait que, d'une part, il ne s'agissait pas de mettre en cause le CERN, et que, d'autre part, il y avait lieu de ne pas s'attacher spécifiquement au cas de M. Allemann, mais au contraire d'avoir une vue plus générale sur les questions de radioprotection du CERN. Les commissaires se sont également mis d'accord sur le fait qu'il serait extrêmement favorable que le CERN fournisse à la population de la région genevoise une information qui lui soit accessible et qui puisse la rassurer. Le Grand Conseil genevois n'ayant pas la compétence spécifique de s'adresser au CERN, les commissaires ont alors travaillé à la rédaction d'une résolution adressée au Conseil fédéral.

Par contre, les commissaires n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur la notion d'expert. La majorité de la commission, pleinement rassurée par les réponses apportées par le CERN, par le professeur Donath, et surtout par l'OFSP, a estimé que ce dernier est un organisme fiable, ni pro-, ni anti-nucléaire, mais dont l'objectif est de veiller à la santé des personnes, et que sa division de radioprotection représente donc, de façon idéale, l'expert compétent et neutre par excellence.

D'autres commissaires, au contraire, voient dans la reconnaissance de l'exemplarité de la radioprotection du CERN une attitude potentiellement partiale, surtout de la part de l'OPRI (homologue français de la division de radioprotection de l'OFSP, dont l'audition, proposée, n'a néanmoins pas été retenue). Afin d'arriver à un juste équilibre des organes soi-disant favorables ou au contraire suspicieux par rapport au nucléaire, ils proposent que l'on inclue dans les dispositifs de contrôle de radioprotection du CERN la nécessité de s'informer auprès «de sources variées d'obédiences diverses» (il s'agit de comprendre, notamment, la CRII-RAD).

La majorité de la commission estime cependant que le meilleur des contrôles, et celui qui peut réellement rassurer la population, n'est pas fait par des groupes qui auraient des interprétations contradictoires, mais par des experts compétents et neutres, dont l'objectif est de fournir des informations et des interprétations aussi objectives que possible. Spécifiquement, si aucun commissaire n'a mis en cause les compétences techniques reconnues de la CRII-RAD, le parti pris antinucléaire, reconnu lui aussi, de cet organisme «d'obédience diverse», et la divergence de ses interprétations par rapport à celles de l'OFSP, conduit la majorité de la commission à refuser cette proposition. En effet, cette majorité estime que des interprétations contradictoires de faits identiques ne seraient pas à même de répondre à l'objectif partagé d'information et de réassurance de la population.

Finalement, l'ensemble des commissaires s'est accordé sur le fait que la multiplicité des experts extérieurs étaient une bonne chose. La majorité de la commission estime qu'à cet égard le doubles contrôle, suisse et français, est parfaitement adéquat et répond à cette exigence.

Conclusion

A l'issue de ses travaux, la majorité de la commission s'estime satisfaite quant aux explications fournies et aux mesures prises pour assurer une sécurité, une radioprotection et une formation optimales au CERN. L'ensemble de la commission se retrouve sur le fait qu'il serait important que la population genevoise dans son ensemble puisse bénéficier d'une information régulière, et qui lui soit accessible, sur les activités du CERN. Une telle information serait bénéfique pour les deux parties, dans la mesure où elle ne peut que bénéficier à la communication mutuelle. Par contre, la commission n'a pas su se mettre d'accord quant à la définition de l'expert. Ainsi, la majorité de la commission a estimé que l'OFSP, sa division de radioprotection et sa section de surveillance ne pouvaient en aucun cas être suspects de partialité quant au nucléaire, ces différents offices n'ayant pour objectif que la meilleure santé de la population suisse. Elle a également conclu que la multiplicité des experts existants, aussi neutres que compétents, représentait une garantie adéquate d'efficacité maximale.

C'est la raison pour laquelle la majorité de la Commission vous recommande fermement, Mesdames et Messieurs les députés, de voter la résolution ci-dessous, à l'exclusion de toute autre:

(R 346)

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

pour une information régulière à proposdes activités du CERN

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- l'importance du CERN dans le contexte scientifique, économique et international à Genève;

- les récents évènements ayant mis en cause publiquement les systèmes de radioprotection du CERN;

- la qualité des systèmes de sécurité, de radioprotection et des contrôles externes suisses et français mis en place par le CERN;

- l'importance d'informer la population genevoise tant sur les activités du CERN que sur la qualité des systèmes de protection,

invite le Conseil d'Etat

à intervenir auprès de l'autorité fédérale afin qu'une information claire et accessible soit fournie à intervalles réguliers à la population du canton de Genève et de la région à propos des activités du CERN, leur nature et leurs implications, notamment en ce qui concerne les mesures de radioprotection.

ANNEXE I

Secrétariat du Grand Conseil

Proposition de M mes et MM. Roger Beer, Fabienne Bugnon, John Dupraz, Marie-Françoise de Tassigny, Gilles Godinat, René Longet, Chaïm Nissim, Elisabeth Reusse-Decrey et Pierre Vanek

Dépôt: 7 mai 1996

M 1065

proposition de motion

sur le contrôle de la situation radiologiques au CERN

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- les résultats de contôles radiologiques effectués les 20 janvier et15 février 1996 à l'intérieur du CERN et à ses abords par des représentants de la CRII-RAD (Commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité), organisme de réputation scientifique internationale ayant effectué de nombreuses missions pour des collectivités publics diverses au cours de ses 9 ans d'existence;

- les interrogations légitimes soulevées par les résultats de ces contrôles exploratoires dans le rapport de synthèse qui en découle, notamment à propos:

- des débits de dose anormalement élevés en plusieurs points du site et en dehors de zones contrôlées,

- de déchets radioactifs, dont certains objets très irradiants et présentant des niveaux d'activité élevés dans des poubelles banalisées destinées à être collectées par une société extérieure chargée de l'évacuation des ordures du CERN,

- de l'affectation par le biais de la sous-traitance de personnel non qualifié, travaillant avec un équipement insuffisant et sans évaluation correcte des doses reçues, à des travaux très pénalisants (démontage, découpage et compactage de matériel radioactif);

- qu'il est d'intérêt public évident qu'une réponse soit apportée aux interrogations soulevées quant à ces problèmes et quant à l'ensemble de la situation radiologique au CERN;

- que l'intérêt même du CERN demande une pleine transparence sur toutes ces questions et exige que la qualité des mesures de radioprotection et de gestion des déchets sur son site soit à la hauteur de sa réputation scientifique de pointe et qu'en outre les représentants du CERN ont d'ores et déjà publiquement déclaré qu'ils étaient disposés à «entreprendre des vérifications de fond» et «à mandater des experts indépendants en accord avec les autorités de surveillance» et le cas échéant à confier ces études à la CRII-RAD,

invite le Conseil d'Etat

- à intervenir pour que soit réalisée dans les plus brefs délais une étude, confiée à un organisme reconnu et indépendant, étude établissant un état des lieux complet sur les différents problèmes liés à la radioactivité au CERN et leurs incidences éventuelles;

- à soutenir politiquement la concrétisation de cette étude en collaboration étroite avec les parties concernées: scientifiques, élus des français et suisses, représentants des syndicats, des travailleurs concernés et associations de défense de l'environnement;

- à rendre publics les résultats de cette analyse.

ANNEXE II

12

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

ANNEXE III

27

28

29

30

31

RAPPORT de la minoritÉ

La conférence de presse donnée à Genève en avril 1996 par les représentants de la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité, de Valence (ci-après: CRII-RAD), a provoqué une émotion certaine au sein de la population genevoise. En effet, les contrôles radiologiques, effectués au CERN par la CRII-RAD - sur demande de M. Allemann y ayant travaillé en sous-traitance et aujourd'hui gravement atteint dans sa santé, - ont donné les résultats suivants :

- Les mesures radiométriques ont révélé en plusieurs points du site et en dehors des zones contrôlées des valeurs de débits de dose anormalement élevées.

- Des déchets radioactifs ont été trouvés dans des poubelles banalisées destinées à être collectées par une société extérieure chargée de l'évacuation des ordures du CERN. Certains objets sont très irradiants et présentent des niveaux d'activité élevés, parfois très nettement supérieurs aux seuils d'exemption fixés par le CERN.

- L'environnement intérieur du site porte des marques de contamination par de nombreux produits d'activation caractéristiques du fonctionnement des accélérateurs de particules. Les transferts de radioactivité s'opèrent notamment à partir du centre de gestion des déchets radioactifs, un espace où les matériaux à traiter sont entreposés à l'air libre et exposés aux agressions de la pluie et du vent, agents qui favorisent les phénomènes de lixiviation, de corrosion et d'érosion et participent à la dispersion des particules radioactives.

- Par le biais de la sous-traitance, le CERN a pu effectuer des travaux très pénalisants (démontage, découpage et compactage de matériel radioactif) du personnel non qualifié, travaillant avec un équipement insuffisant et sans évaluation correcte des doses reçues (seule l'exposition externe est prise en compte, les incorporations de radionucléides, par inhalation notamment, ne sont pas comptabilisées).

- Compte tenu du caractère particulièrement limité des contrôles, il est impossible de poser un diagnostic sur la validité du système de contrôle des matériaux et des déchets radioactifs ni sur le niveau réel de la radioprotection. Le nombre d'anomalies identifiées apparaît cependant élevé en regard des quelques investigations conduites. Les informations collectées justifient une enquête approfondie, prenant en compte l'étendue du CERN, la complexité des activités qui s'y déroulent et la multiplicité des composants susceptibles d'être activés.

(Extraits du rapport présenté par la CRII-RAD, le 24 avril 1996)

Toutes les informations détaillées sur les contrôles effectués par la CRII-RAD figurent en Annexe I du présent rapport et n'y seront donc pas reprises intégralement.

Suite à cette conférence de presse, plusieurs députés de notre parlement ont déposé la motion 1065, dont vous trouverez le texte original en Annexe II et qui a été renvoyée à la commission de la santé. Présidée par Mme Claude Howald, la commission a consacré cinq séances à l'étude de la motion et a procédé à diverses auditions. M. Albert Rodrik, chef de cabinet au DASS, a participé à nos travaux.

Audition du professeur Donath

M. Donath rappelle que le CERN dépend conjointement des juridictions françaises et suisses. Dans notre pays, le CERN rapporte régulièrement sur ses activités aux autorités fédérales et cantonales. M. Donath représente le gouvernement genevois dans ces réunions. Au vu de la double juridiction, le CERN applique les normes de contrôle les plus sévères, c'est-à-dire les normes suisses.

Il explique que plus une personne est exposée à la radioactivité, plus cela aura des conséquences biologiques. Il précise cependant que la radioactivité est un phénomène omniprésent et que partout les individus et les objets s'irradient mutuellement. En Suisse, l'irradiation naturelle est de 4 à5 mSv/an. Dans les milieux professionnels, on tolère un seuil de 20 mSv/an. Ce seuil est de 50 en France et de 15 au CERN. Ce dernier passe pour une institution où la radioprotection est appliquée de manière idéale.

En ce qui concerne M. Allemann, ce dernier a travaillé au CERN pendant seize ans, par l'intermédiaire de la société de sous-traitance Métareg (traitement de matériaux radioactifs, découpage, stockage, etc.) Il souffre aujourd'hui d'un cancer des poumons dont l'autorité française sanitaire a décrété qu'il s'agissait bien d'une maladie professionnelle mais qu'elle était la conséquence d'une activité antérieure à ses années au CERN, alors qu'il travaillait en contact avec de l'amiante. M. Allemann est, quant à lui, persuadé que les irradiations auxquelles il a été soumis au CERN ont largement contribué à sa maladie. C'est ce qui l'a poussé à alerter la CRII-RAD. Or la plus grande irradiation à laquelle il a été soumis est de 13 mSv et la moyenne annuelle de 6,4 mSv. Les contrôles qu'il a effectués à trois reprises à l'HCUG n'ont rien révélé d'anormal. Néanmoins, il semble que M. Allemann n'a pas toujours travaillé avec les moyens de protection adéquats et a refusé des cours de formation. M. Donath ajoute qu'il est toujours très difficile d'établir la cause primaire d'un cancer. Et il ne faut pas oublier que M. Allemann fumait deux paquets de cigarettes par jour...

En résumé, il y a deux problèmes distincts. D'une part, le malheureux cancer de M. Allemann dont il rend le CERN responsable, ce dernier étant dans l'impossibilité de prouver le contraire ; d'autre part, les assertions de la CRII-RAD mettant en cause les mesures de radioprotection appliquées par le CERN et le manque de formation de M. Allemann.

M. Donath, souligne encore qu'il n'est pas là pour défendre le CERN et que, par ailleurs, la CRII-RAD est une institution très qualifiée. Mais on ne peut pas exclure le fait que ce soit M. Allemann lui-même, encore en possession d'une clé du local de stockage ( ! ), qui ait déplacé les éléments radioactifs dans un lieu où ils seraient facilement découverts par la CRII-RAD. C'est en tout cas la thèse du CERN même si ce dernier n'a pas voulu porter cette affaire en justice.

Audition de la CRII-RAD

Représentée par Mme Rivasi, présidente, et M. Chareyron, ingénieur en génie nucléaire et responsable du laboratoire, la CRII-RAD a été créée en France à la suite de l'accident de Tchernobyl et en réaction à l'absence d'information et de transparence ayant prévalu à l'époque vis-à-vis de la population. Organisme indépendant, employant une vingtaine de collaborateurs, la CRII-RAD travaille sur mandat et réalise des expertises en France et en Union européenne.

Ses représentants expliquent qu'ils ont été sollicités par M. Allemann pour faire ces investigations et qu'ils n'ont jamais pu le prendre en défaut dans ses allégations. Ils reconnaissent avoir travaillé à l'insu de la direction du CERN. Ils sont intervenus deux fois: une fois en compagnie de M. Allemann et une fois seuls. Ils ont également effectué des prélèvements à l'extérieur du site, dans le lit du Nant d'Avril. M. Allemann leur a fourni une partie des éléments à analyser mais il n'était pas là lorsque le collaborateur de la CRII-RAD a découvert les joints radioactifs dans une poubelle banale. De toute manière, que des éléments aussi radioactifs aient pu être manipulés et déplacés intentionnellement en de tels lieux, par une personne qui, de surcroît, n'y travaille plus, n'est pas rassurant et démontre des lacunes dans le système de sécurité et de formation des employés.

En ce qui concerne le travail dont était chargé M. Allemann, les représentants de la CRII-RAD estiment que ce dernier a bel et bien évolué dans des zones radioactives et surtout qu'il n'avait pas reçu la formation adéquate. Rappelons que M. Allemann travaillait pour Métareg, sous-traitant du CERN. Autre constat de la CRII-RAD: ses collaborateurs ont pu sortir des déchets radioactifs de l'enceinte du CERN sans qu'aucune alarme ne se manifeste. D'ailleurs, depuis leur intervention, les contrôles des allées et venues du personnel et des visiteurs ont été considérablement intensifiés.

En conclusion, les deux problèmes fondamentaux sont la protection de l'environnement sur le site et aux alentours du CERN ainsi que la formation du personnel. D'après Mme Rivasi, le CERN opte pour une philosophie de respect des normes de sécurité admises (même si la barre est haut) alors que la CRII-RAD estime qu'il faut connaître les causes et les conséquences de toute radioactivité artificielle et la combattre au maximum. Le CERN doit jouer la transparence, ne pas se réfugier dans son aura internationale et accepter qu'un contrôle plus complet soit réalisé par un organisme indépendant.

Audition du CERN

MM. Wenniger, directeur technique du CERN, et Hoefert, responsable de la radioprotection, ont été également auditionnés par la commission.

Après l'intervention de la CRII-RAD, le CERN a été contrôlé par un organisme indépendant, l'Institut pour la surveillance de la radioactivité de Fribourg, conseillé par les autorités fédérales. Les mêmes prélèvements que ceux de la CRII-RAD ont été effectués et les résultats sont quasi les mêmes. Auparavant, le CERN évitait de faire lui-même trop de mesures à l'extérieur du site, par respect des souverainetés suisse et française. Aujourd'hui, il a reçu les autorisations lui permettant d'augmenter ses mesures de contrôle et dorénavant ces mesures seront enregistrées à Berne dans le cadre de l'observation de l'environnement national.

Le CERN conteste avoir des doses de radioactivité anormalement élevées. Ces dernières peuvent d'ailleurs changer en fonction du sol et du climat. Ils appliquent les normes les plus strictes établies par la commission internationale de radioprotection. Tout le site de Meyrin/Prévessin est une zone surveillée et un rapport annuel est fourni aux autorités cantonales et fédérales. (Le manuel de radioprotection du CERN a été distribué aux commissaires.)

Les représentants du CERN précisent qu'ils ont été avertis au dernier moment de la conférence de presse de la CRII-RAD et qu'ils en ignoraient l'objet. Ils présumaient qu'ils allaient être attaqués publiquement sans pouvoir se défendre. Les mesures effectuées par la CRII-RAD l'ont été pendant le week-end. Le CERN n'a jamais reçu de rapports, il n'est en possession que de photocopies de photocopies ! Cela dit, ils ne remettent pas en cause le savoir-faire de la CRII-RAD.

En ce qui concerne les pièces radioactives trouvées dans une simple poubelle, la CRII-RAD les a emmenées au-delà de la frontières sans autorisation et il a été difficile au CERN de les récupérer. Il s'agit d'éléments ayant contribué à une expérience remontant à quelques années et qui sont normalement stockés dans un local fermé, derrière une clôture de 2 m de haut. Ils ignorent qui a pu les déplacer mais on ne peut exclure que quelqu'un l'ait fait avant la venue de la CRII-RAD. Ils ont cependant renoncé à ouvrir une enquête.

M. Allemann s'était vu proposer une formation adéquate qu'il a refusé de suivre. L'erreur du CERN est probablement de ne pas avoir assez insisté. Mais on ne voulait pas non plus que M. Allemann, père de six enfants, soit licencié. Par ailleurs, M. Allemann était toujours accompagné et guidé dans son travail par un supérieur. Le CERN a le souci d'offrir de bonnes conditions de travail à tous ses collaborateurs, y compris ceux employés par des sous-traitants. En Suisse, les sous-traitants de ce genre d'activité doivent recevoir une autorisation de l'office de la santé publique et cela implique la présence au sein de l'entreprise d'un expert en radioprotection.

En conclusion, ces événements ont été le révélateur d'un besoin de changement d'attitude et de réforme du système de sécurité et de contrôle. Cela dit, il faut bien comprendre que le CERN n'est pas une centrale nucléaire fermée mais un centre de recherche ouvert et que 10 000 personnes traversent le site chaque jour. Chaque visiteur reçoit dorénavant une carte de passage spéciale et de nouveaux murs ont été construits. Le CERN a également compris que l'institution souffrait d'un manque de communication avec le public. La campagne d'information va donc être accrue. Le CERN apprend tous les jours et essaie de s'améliorer.

Audition de M. Michaud, de l'OFSP

M. Michaud, chef de la radioprotection à l'OFSP, précise d'emblée qu'il n'a pas à se prononcer sur la motion. Il dresse un bref état des lieux sur la radioprotection au CERN. Il y a un contrôle permanent des locaux et du personnel, résultant d'un accord entre le CERN et le Conseil fédéral. C'est M. Michaud qui représente le Conseil fédéral auprès du CERN. L'OFSP réfute les accusation de la CRII-RAD selon lesquelles il existerait des menaces pesant sur le personnel et l'environnement. Les analyses effectuées par l'OFSP et les services français correspondants ont donné des résultats concordants et satisfaisants. Les mêmes que ceux de la CRII-RAD d'ailleurs, le problème étant dans l'interprétation que l'on en fait. La teneur en radioactivité des échantillons prélevés au CERN et dans les alentours est nettement inférieure aux normes en vigueur en Suisse. Quant aux éléments métalliques trouvés dans une poubelle, M. Michaud ne peut pas expliquer comment ils ont pu arriver à cet endroit et confirme que ça n'aurait jamais dû se produire. Il rappelle que le CERN a de fortes présomptions à ce sujet. C'est la seule explication qui lui semble vraisemblable. Pour le reste, il répète que le rejet de radioactivité produit par le CERN est négligeable, très inférieur au niveau autorisé et ne présentant aucun danger pour la population et l'environnement.

M. Michaud reconnaît que l'information donnée par le CERN dans ses rapports n'est compréhensible que pour des scientifiques.

Quant aux reproches formulés par certains à propos des laboratoires effectuant les contrôles et qui seraient des organismes officiels et non indépendants, il rétorque que ce n'est pas nouveau et que certains ont tendance à diviser les experts en deux catégories, les pronucléaires et les antinucléaires. Il tient à dire que l'OFSP est totalement indépendant des lobbies nuclaires et que son objectif est la préservation de la santé publique et rien d'autre.

Discussion

Assez rapidement, les commissaires se rejoignent sur quelques points:

- l'idéal serait d'arriver à une unanimité de la commission sur un nouveau texte afin de donner un message clair et efficace à l'intention du CERN;

- il n'est pas de la compétence du Grand Conseil genevois de s'adresser directement au CERN, il faudra donc passer par les autorités fédérales;

- il faut éviter de s'attacher au cas personnel de M. Allemann dont il est impossible de déterminer la cause de la maladie, ses motivations et le rôle exact qu'il a joué dans cette affaire;

- tout le monde est d'accord qu'une information claire et régulière sur les activités et les mesures de radioprotection du CERN doit être donnée à la population afin de la rassurer.

Certains commissaires souhaitent s'en tenir uniquement à une invite sur l'information, ayant été pleinement rassurés par les réponses données à leurs questions par les responsables de la radioprotection du CERN.

D'autres, au contraire, sont sensibles au fait que, si toutes les analyses ont donné les mêmes résultats, l'interprétation qu'en font les experts scientifiques varie notamment en ce qui concerne les prélèvements végétaux à l'extérieur du site et que, suite à l'intervention de la CRII-RAD, certains dysfonctionnements ont été révélés et sont incontestables :

- des pièces métalliques radioactives ont été découvertes par la CRII-RAD dans une poubelle banale, à l'extérieur du CERN. Négligence ou malveillance ? De toute manière, ces éléments n'avaient pas à être à cet endroit;

- la CRII-RAD a pu sortir des éléments radioactifs du CERN sans qu'aucune alarme se manifeste;

- un employé d'une société de sous-traitance a travaillé pendant des années sur du matériel radioactif sans avoir reçu la formation adéquate;

- ce dernier était encore en possession d'une clé d'un local de stockage alors qu'il ne travaillait plus au CERN depuis longtemps.

Et qu'en est-il de ces sociétés de sous-traitance qui ne présentent pas toujours les garanties nécessaires de compétence pour ce type de travail ? Le CERN ne devrait-il pas assumer lui-même ces activités ?

Enfin, un dispositif de radioprotection, aussi complet et exigeant soit-il, peut présenter des lacunes dans son application pratique. Ce qui a bien été le cas.

Une question occupe ensuite longuement la commission et divise les députés, à savoir l'indépendance et la neutralité des experts scientifiques en radioprotection. Des convictions pronucléaires peuvent-elles avoir une influence sur les conclusions d'un rapport ? Peut-on être neutre lorsqu'on est pronucléaire ? Et vice versa... La minorité de la commission estime que, pour être tout à fait rassuré, il faut obtenir des avis d'experts indépendants et d'obédiences diverses.

Ouvrons maintenant une parenthèse pour souligner les efforts de M. Rodrik qui a tenté à plusieurs reprises de proposer un texte consensuel, permettant à l'ensemble de la commission de s'y rallier. En vain ! M. Nissim, qui avait, entre-temps, présenté une nouvelle proposition de résolution (Annexe III) se déclare prêt à la retirer au profit du texte de M. Rodrik. Tous ces efforts sont inutiles, la majorité de la commission, emmenée par le parti libéral, se cramponne à ses positions. Une députée libérale s'oppose même à ce qu'on parle de problèmes lorsqu'on évoque ce qui s'est passé au CERN.

Conclusion

Mesdames et Messieurs les députés, si vous prenez la peine de comparer les textes de la motion 1065, de la résolution de M. Nissim et de la proposition ci-après, vous réaliserez à quel point la minorité de la commission s'est efforcée d'arriver à un consensus. Elle ne pouvait aller au-delà, une invite portant uniquement sur l'information du public étant vraiment insuffisante.

C'est pourquoi, au vote final, la minorité de la commission, par 5 voix (2 ADG, 2 S, 1 Ve) contre 7 (4 L, 1 R, 2 PDC), a accepté la résolutionci-après et vous recommande vivement d'en faire autant.

ANNEXE I

42

43

44

ANNEXE II

Secrétariat du Grand Conseil

Proposition de M mes et MM. Roger Beer, Fabienne Bugnon, John Dupraz, Marie-Françoise de Tassigny, Gilles Godinat, René Longet, Chaïm Nissim, Elisabeth Reusse-Decrey et Pierre Vanek

Dépôt: 7 mai 1996

M 1065

proposition de motion

sur le contrôle de la situation radiologiques au CERN

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- les résultats de contrôles radiologiques effectués les 20 janvier et15 février 1996 à l'intérieur du CERN et à ses abords par des représentants de la CRII-RAD (Commission de Recherche et d'Information Indépendante sur la radioactivité), organisme de réputation scientifique internationale ayant effectué de nombreuses missions pour des collectivités publics diverses au cours de ses 9 ans d'existence;

- les interrogations légitimes soulevées par les résultats de ces contrôles exploratoires dans le rapport de synthèse qui en découle, notamment à propos:

- des débits de dose anormalement élevés en plusieurs points du site et en dehors de zones contrôlées,

- de déchets radioactifs, dont certains objets très irradiants et présentant des niveaux d'activité élevés dans des poubelles banalisées destinées à être collectées par une société extérieure chargée de l'évacuation des ordures du CERN,

- de l'affectation par le biais de la sous-traitance de personnel non qualifié, travaillant avec un équipement insuffisant et sans évaluation correcte des doses reçues, à des travaux très pénalisants (démontage, découpage et compactage de matériel radioactif);

- qu'il est d'intérêt public évident qu'une réponse soit apportée aux interrogations soulevées quant à ces problèmes et quant à l'ensemble de la situation radiologique au CERN;

- que l'intérêt même du CERN demande une pleine transparence sur toutes ces questions et exige que la qualité des mesures de radioprotection et de gestion des déchets sur son site soit à la hauteur de sa réputation scientifique de pointe et qu'en outre les représentants du CERN ont d'ores et déjà publiquement déclaré qu'ils étaient disposés à «entreprendre des vérifications de fond» et «à mandater des experts indépendants en accord avec les autorités de surveillance» et le cas échéant à confier ces études à la CRII-RAD,

invite le Conseil d'Etat

- à intervenir pour que soit réalisée dans les plus brefs délais une étude, confiée à un organisme reconnu et indépendant, étude établissant un état des lieux complet sur les différents problèmes liés à la radioactivité au CERN et leurs incidences éventuelles;

- à soutenir politiquement la concrétisation de cette étude en collaboration étroite avec les parties concernées: scientifiques, élus des français et suisses, représentants des syndicats, des travailleurs concernés et associations de défense de l'environnement;

- à rendre publics les résultats de cette analyse.

ANNEXE III

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur la surveillance de la radioactivité au CERN

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- le rôle très important joué par le CERN pour l'économie genevoise en particulier et pour la science mondiale en général;

- les spécificités du CERN, sorte de campus universitaire ouvert, d'une part, et usine devant gérer des déchets parfois radioactifs, d'autre part;

- qu'un dispositif de radioprotection, aussi complet soit-il, peut présenter des lacunes dans son application (ce que l'enquête préliminaire de la CRII-RAD au CERN a mis en évidence);

- que ces informations rendues publiques peuvent provoquer une certaine inquiétude au sein de la population,

invite le Conseil d'Etat

à proposer aux autorités compétentes:

- d'étudier dans quelle mesure une collaboration entre le CERN et un organisme indépendant (extérieur?) permettrait de pallier les insuffisances constatées dans l'application de son dispositif de radioprotection;

- de veiller à ce qu'une information claire et accessible soit donnée au public.

Débat

Mme Barbara Polla (L), rapporteuse de majorité. Sans revenir en détail sur le contenu du rapport, j'aimerais souligner ce qui a réuni, d'une part, et ce qui a séparé, d'autre part, les commissaires de la commission de la santé.

Voici ce qui les a réunis : vu l'importance du CERN pour notre région, il serait très bénéfique, tant pour Genève que pour le CERN, que nous bénéficiions d'une information régulière et accessible sur les activités de cette organisation, notamment sur les mesures de radioprotection. Il est intéressant de relever que cette idée a paru excellente au responsable de la Division de Radioprotection de l'Office fédéral de la santé publique que nous avons auditionné en commission.

En dépit de notre opposition initiale, le 21 juin 1996, cette motion a finalement été renvoyée à la commission de la santé. Elle en est ressortie complétée d'une proposition partagée qui pourra apporter un plus, à savoir cette information régulière.

Ne pouvant pas intervenir directement auprès du CERN, tous les commissaires ont opté pour la résolution, afin de passer par le Conseil fédéral.

Nous avons également décidé unanimement de ne pas revenir sur certains aspects du problème initial, notamment sur le cas personnel de M. Allemann. A ce sujet, je cite Mme Torracinta-Pache qui écrit dans son rapport : «Il faut éviter de s'attacher au cas personnel de M. Allemann dont il est impossible de déterminer la cause de la maladie, ses motivations et le rôle exact qu'il a joué dans cette affaire.»

Enfin, nous avons estimé qu'il serait bien que nous soyons tous d'accord, mais nous en sommes restés là, car : qui ne peut, ne peut.

Nous nous sommes divisés sur la notion d'experts en ce qui concerne la radioprotection, d'où un rapport de minorité. En effet, la minorité de la commission souhaite que l'information dont je viens de parler provienne de sources variées «d'obédiences diverses.» La minorité demande encore si on peut être neutre quand on est pronucléaire. La majorité de la commission, que je représente, juge parfaitement adéquat le système d'expertises auquel le CERN se soumet.

Je vous rappelle que les experts suisses pour le CERN sont le professeur Donath, de Genève, l'Office fédéral de la santé publique, à Berne, et surtout la SUeR - Sektion für Überwachung des Radioactivität ou Section pour la surveillance de la radioactivité - rattachée à la Division de Radioprotection de l'Office fédéral de la santé publique.

Ce sont des experts aussi parfaitement compétents que neutres. En aucun cas, ils ne peuvent être soupçonnés de partialité.

Mme Torracinta regrette, dans son rapport, que nous nous cramponnions à nos positions. C'est effectivement le cas, et c'est pourquoi je vous propose d'accepter la résolution 346 qui demande l'information détaillée dont je viens de parler et de rejeter la résolution 348 qui ajoute à cette requête l'obligation de se renseigner «auprès de sources variées, d'obédiences diverses.»

Je ne voudrais pas terminer cette première intervention sans saluer la qualité des informations fournies par le CERN. Elles nous ont totalement rassurés par rapport aux causes qui ont motivé le dépôt de la motion. Nous pourrons, à notre tour, tranquilliser la population en ce qui concerne le contrôle et la fiabilité des systèmes de sécurité et de radioprotection, en tous points conformes aux normes suisses.

Mme Claire Torracinta-Pache (S), rapporteuse de minorité. Je suis déçue que nous ne soyons pas parvenus à un consensus final et que nous nous trouvions face, ce soir, à deux rapports.

Déçue, parce que la minorité de la commission a fait de gros efforts pour arriver à cet accord. J'en veux pour preuve la différence qui existe entre la motion initiale à plusieurs invites, annexée à nos rapports, et notre résolution, avec une seule invite portant sur l'information du public.

Déçue aussi, car si nous reconnaissions tous la nécessité, comme Mme Polla l'a dit, d'une bonne information de la population sur les activités et les mesures de radioprotection du CERN, la majorité, elle, a refusé que cette information provienne de sources diverses. J'y reviendrai tout à l'heure.

Comme vous êtes censés avoir lu les deux rapports, je ne vous relaterai pas à nouveau cette histoire aux allures de roman policier. Néanmoins, je tiens à souligner deux points :

1. J'ai utilisé le terme de «dysfonctionnements» que j'assume, faute d'en trouver un meilleur, pour qualifier ce que je décris à la page 38 de mon rapport. Ces dysfonctionnements sont incontestables et n'ont été récusés par aucune des parties. Je vous les rappelle :

«- des pièces métalliques radioactives ont été découvertes par la CRII-RAD dans une poubelle banale, à l'extérieur du CERN;

- la CRII-RAD a pu sortir des éléments radioactifs du CERN sans qu'aucune alarme se manifeste;

- un employé d'une société de sous-traitance a travaillé pendant des années sur du matériel radioactif sans avoir reçu la formation adéquate;

- ce dernier était encore en possession d'une clé d'un local de stockage alors qu'il ne travaillait plus au CERN depuis longtemps.»

Même si la responsabilité, dans certains cas, peut en incomber à d'autres, les représentants du CERN ont reconnu les faits avec une honnêteté qui m'a impressionnée. Ils ont affirmé avoir pris des mesures pour qu'ils ne se reproduisent plus.

2. Ce point a trait aux prélèvements que la CRII-RAD a effectués à l'extérieur du site, notamment dans les plantes et les eaux du Nant d'Avril. Les autres experts requis n'ont pas contesté les résultats obtenus par la CRII-RAD. Le problème réside dans leur interprétation et c'est là que nous en venons aux experts «d'obédiences diverses». Ce terme ne me satisfait pas pleinement, mais il est plus adéquat, à mon avis, de parler de «sources d'information d'obédiences diverses» que d'experts pro ou anti nucléaires. On peut être pro ou anti nucléaire quand on parle de production d'énergie, mais pas quand on parle du CERN.

Deux approches sont possibles en matière de radioprotection. Certains privilégient celle qui consiste à fixer des normes très élevées - c'est le cas du CERN - et à s'assurer qu'elles soient respectées. D'autres privilégient celle qui consiste à combattre la radioactivité au maximum, après en avoir analysé toutes les causes.

Il s'agit donc de deux approches différentes, et il n'est nullement question de mettre en cause l'honnêteté ou la neutralité des uns et des autres.

Si les tenants des deux approches, après avoir été consultés, s'accordaient à dire que tout est pour le mieux au CERN en matière de radioprotection, l'aura, le prestige et la crédibilité de celui-ci s'en trouveraient renforcés. Dès lors, je ne vois pas ce que l'on risquerait à consulter plusieurs experts.

On procède ainsi dans d'autres domaines, notamment dans celui de la médecine. Quand un praticien nous conseille une intervention chirurgicale et que le deuxième exprime le même avis, on n'hésite plus sur la voie à suivre. En cas de désaccord, on consulte un troisième médecin.

Bien sûr, comparaison n'est pas raison. En l'occurrence, les expertises requièrent des procédures longues et compliquées. Mais quand il s'agit de protéger un environnement et des personnes en supprimant ou en réduisant des émanations radioactives, le jeu en vaut vraiment la chandelle.

C'est pourquoi je vous recommande de voter le texte de la résolution 348 avec cette référence à des sources d'information diverses.

Ces sources peuvent être l'OFSP ou son homologue français l'OPRI, pour autant qu'un autre organisme indépendant, tenant d'une autre approche, puisse être consulté.

La population doit être informée régulièrement, clairement et complètement. Nous en sommes tous d'accord. Elle serait plus rassurée si cette information provenait de sources variées, d'obédiences - au pluriel ! - diverses.

Mme Janine Hagmann (L). Si cette motion a été déposée pour affoler la population, elle a raté sa cible !

Les travaux de la commission ont permis d'auditionner de nombreuses personnalités qui, toutes, ont rassuré les commissaires quant à la situation radiologique au CERN.

Les excellents rapports, présentés ce soir, le prouvent. Aucun doute excessif ne subsiste quant aux risques que pourrait encourir la population résidant près du CERN.

La politique du CERN, en matière de radioprotection, stipule qu'aucune pratique, entraînant une exposition de personnes aux rayonnements ionisants, ne doit être adoptée avant qu'il n'ait été vérifié que cette exposition est maintenue au niveau le plus bas qu'on puisse raisonnablement atteindre, compte tenu des facteurs sociaux et économiques.

Les normes en vigueur garantissent à la France et à la Suisse un niveau de protection au moins équivalent à celui en vigueur sur leurs territoires nationaux.

Conformément aux accords internationaux, le CERN coopère étroitement avec les autorités nationales. Des rapports réguliers sont adressés aux autorités qui visitent fréquemment les installations de l'organisation. Elles peuvent y accéder à tout moment, sans aucune restriction.

Le CERN fait aussi l'objet d'inspections internationales. Afin de pallier le problème de la double juridiction, le CERN applique, en permanence, les normes de contrôle les plus sévères.

Alors pourquoi faut-il soutenir le rapport de majorité, alors que nos deux bonnes rapporteuses ont reconnu que les commissaires ont essayé de trouver un consensus ? Parce que dans un domaine pointu, ardu à comprendre et pouvant susciter des doutes, une information régulière est nécessaire pour sécuriser la population. D'où l'invite d'intervenir auprès de l'autorité fédérale, comme dit dans le rapport.

L'invite que je vous demande de soutenir est celle de Mme Polla. Dans son rapport, elle a fort bien expliqué que l'Office fédéral de la santé publique, en relation avec l'Office de protection contre les radiations ionisantes à Paris, exerce un contrôle permanent.

Une information du CERN, oui ! D'autres directives ciblées par rapport à cette information, non, parce qu'elles sont inutiles ! Mme Polla l'a clairement explicité : nous friserions l'ingérence.

C'est pourquoi le groupe libéral vous propose de voter la proposition de résolution de la majorité de la commission de la santé.

M. Chaïm Nissim (Ve). Les deux rapports sont objectifs. Ils décrivent bien ce qui s'est passé en commission.

En ce qui me concerne, je relève trois points qui ne l'ont guère été par les deux rapporteuses.

Le premier concerne une différence supplémentaire existant entre les experts «d'obédiences diverses» que nous voulions interviewer et les experts «neutres» plébiscités par la majorité. Cette différence est exprimée par le deuxième considérant de notre résolution 348 : «- les spécificités du CERN, sorte de campus universitaire ouvert, d'une part, et usine devant gérer des déchets parfois radioactifs, d'autre part;».

La majorité pourrait accepter ce considérant qui n'a suscité aucune opposition en commission. En effet, nous jugeons important de signifier que le CERN n'est pas seulement une usine travaillant avec des déchets dangereux, mais qu'il est aussi un campus universitaire qui fait de la recherche. J'ai passé une quinzaine d'années dans ce campus et je tiens à dire que j'ai aimé cette période de ma vie, aimé les gens qui travaillaient avec moi... (Rires.)

Cela dit, je n'ai pas détesté les radiations que j'y ai ramassées... (Rires.) ...compensées par le développement de mon intelligence. (Rires.)

Nous avons divergé sur la question de l'objectivité scientifique... (Rires.) ...et j'aimerais que nous en discutions maintenant.

Il faut savoir si nous pouvons compter sur l'objectivité des deux organismes officiels cités à la page 5 du rapport de Mme Polla qui sont la SUeR, un organisme suisse, et l'OPRI, un organisme français.

L'OPRI s'est notoirement déconsidéré à plusieurs reprises. Il y a dix ans, juste après l'accident de Tchernobyl, l'OPRI prétendait que le nuage radioactif avait épargné la France, qu'il n'y avait donc pas de problème, alors que les mesures scientifiques prouvaient que la radioactivité avait touché tous les pays voisins.

L'OPRI s'est à nouveau déconsidéré à propos de la radioactivité à La Hague. Vous savez probablement que les écologistes de Greenpeace ont mesuré à marée basse, à l'extrémité du tuyau de vidange, des doses inquiétantes de radioactivité. Le gouvernement français a mandaté un médecin, le professeur Viel, qui a noté une augmentation des cas de leucémie aux alentours de La Hague. Entre-temps, la composition du gouvernement ayant changé, celui-ci a nommé une commission d'enquête à laquelle l'OPRI s'est opposé au point que son directeur, le professeur Souleau, a été obligé de démissionner. Ce faisant, il...

Une voix. Il s'appelle Soûlaud !

M. Chaïm Nissim. Je suis désolé, il s'appelle S-o-u-l-e-a-u et c'est un membre de l'OPRI. En démissionnant, il a dénoncé les lobbies de presse anglophones, car une grave querelle sévit dans les milieux de la physique nucléaire entre les anglophones, qui reconnaissent qu'il n'y a pas de dose radioactive sans risque, et les francophones, notamment ceux de l'OPRI, qui persistent à vouloir faire croire au public qu'il y a une dose en dessous de laquelle aucun risque n'est encouru.

Par voie de presse, le professeur Souleau a fait savoir que ce lobby de presse anglophone avait piégé le professeur Viel en transformant en certitude une hypothèse des plus difficiles à vérifier, etc. Le professeur Souleau s'est donc complètement déconsidéré.

Par conséquent, j'estime que l'OPRI ne peut pas être respecté comme pourrait l'être une autorité scientifique neutre.

J'en viens à la SUeR, l'autorité suisse chargée de contrôler la radioactivité au CERN. Je n'ai pu, à mon grand regret, prolonger mon enquête à son sujet. Je sais, néanmoins, qu'elle est relativement proche de la HSK - Hauptabteilung für Sicherheit der Kernanlogen. Cette HSK totalement déconsidérée, elle aussi, est dirigée par Serge Prêtre qui a siégé dans toutes les commissions relatives à Creys-Malville. Il a toujours affirmé, rapports à l'appui, que le supergénérateur ne présentait aucun risque. Il a suffi que le gouvernement change, en France, pour que la vérité scientifique se fasse jour. Aujourd'hui, on reconnaît que Creys-Malville présentait des risques inacceptables pour la population, alors qu'il y a dix ans les autorités scientifiques prétendaient le contraire. La HSK et peut-être la SUeR se sont, à notre point de vue, déconsidérées.

La vérité purement scientifique n'existe pas. Par contre, une vérité relative, autant politique que scientifique, existe. Elle s'est appliquée à Creys-Malville et le sera pour la Hague et sans doute pour le CERN.

Dans la mesure où la vérité purement scientifique n'existe pas, il est extrêmement important, si on veut obtenir une information objective sur la radioactivité au CERN, qu'il y ait des commissions d'obédiences diverses pour se prononcer. Et ces «obédiences diverses» ne sont pas uniquement celles de Mme Polla, ce sont aussi les nôtres, comme la CRII-RAD qui fait preuve de plus de pugnacité et de motivation. Ses membres ont quelque chose à apporter au débat.

Il est donc très important que vous votiez la résolution de la minorité et pas seulement celle de la majorité qui ferme le débat.

M. Pierre Vanek (AdG). On entend des choses surprenantes dans cette enceinte !

A l'instant même, Mme Hagmann disait que si cette motion avait été déposée pour affoler la population, elle avait raté sa cible. Je vous assure, Madame, que si nous avions entrepris, sur cet objet, une campagne d'affolement de la population, nous aurions fait mieux.... ou bien pire !

Nous avons déposé une motion, parce que nous voulons une information sur ce qui se passe au CERN. La population y a droit, et le plus complètement possible. Vous noterez que nous n'avons pas mené de campagne publique sur cet objet depuis des mois. Nous avons suivi la voie du Grand Conseil, et cet objet est passé devant la commission de la santé.

Ce qui m'affole, Madame Hagmann, c'est quand vous déclarez qu'il ne subsiste aucun doute, confirmant ce qu'a écrit Mme Polla dans son rapport. Non, Madame Hagmann ! Le doute doit subsister en permanence. Il constitue la garantie essentielle que nous devons avoir en la matière. C'est ce qui constitue entre autres une démarche scientifique.

C'est pourquoi nous défendrons une motion invitant à recourir à des experts autres que ceux de l'officialité, quelles que soient leurs qualités. Mme Polla, elle-même, indique dans son rapport que le CERN dépend des juridictions française et suisse. Bien sûr, comme référant, nous avons l'Office fédéral de la santé publique qui est un organisme de surveillance, en quelque sorte, et partie à l'affaire, car si nous découvrions quelques problèmes, cela prouverait que la surveillance n'était pas à la hauteur.

Notre motion est pondérée et gentille. Je vous invite à la voter.

Je prends un autre exemple : aujourd'hui, je lis dans le «Tages Anzeiger» que le Conseil fédéral a demandé une expertise à un organisme allemand au sujet des fissures de la centrale de Mühleberg. M. Prêtre, mis en cause par M. Nissim, n'objecte nullement à une telle expertise et le porte-parole de la Confédération dit textuellement : «C'est logique, c'est normal, et c'est ce que nous demandons».

Je vous invite donc à adopter la version du rapport de Mme Torracinta-Pache.

M. Jean-François Courvoisier (S). Je tiens à ajouter quelques considérations personnelles à l'excellent rapport de minorité de notre collègue Claire Torracinta.

J'insisterai sur le fait que ce n'est pas sans regret que nous nous sommes vus contraints de déposer un rapport de minorité. Pour un problème aussi sérieux que celui des dangers de la radioactivité, nous aurions été heureux que la commission de la santé vote une résolution à l'unanimité, sans aucune arrière-pensée politique, afin de rassurer la population inquiète, à juste titre, après que la presse a relaté la découverte de déchets radioactifs entreposés dans des poubelles, à l'extérieur du CERN, et après que le rapport de la CRII-RAD a fait connaître un taux de radioactivité élevé dans l'eau des ruisseaux et dans les plantes aquatiques aux environs du CERN.

Malheureusement, les commissaires libéraux, qui accusent régulièrement la gauche de blocages, se sont montrés intraitables en refusant d'admettre la nécessité d'un contrôle accru, afin que les incidents mentionnés ne se reproduisent plus. Hélas, les commissaires libéraux ont réussi à entraîner leurs collègues de l'Entente.

J'en viens aux objets trouvés dans les poubelles. Un ex-employé, M. Allemann - atteint d'un cancer du poumon pour lequel le CERN récuse toute responsabilité - a été accusé, sans preuve aucune, d'avoir sorti ces objets par vengeance, pour nuire à la réputation du CERN. Aucune enquête sérieuse n'a pu prouver la véracité de cette accusation. Aucune plainte n'a été déposée contre M. Allemann, peut-être pour ne pas nuire à un homme gravement atteint dans sa santé.

Lorsque Mme Torracinta a demandé à M. Donath comment un homme ne travaillant plus au CERN avait pu conserver la clé de l'entrepôt, qui contenait des objets dangereusement radioactifs, M. Donath a répondu que M. Allemann n'avait plus cette clé, mais qu'il avait certainement un complice dans la place. M. Donath a ajouté que des sous-traitants avaient été engagés sur la base de faux certificats. Lorsque j'ai demandé à M. Donath si ces sous-traitants pouvaient être responsables de négligences, il m'a dit ne pas pouvoir me répondre.

A l'heure où le terrorisme sévit dans le monde entier, il me semble inconcevable que l'on puisse sortir du CERN des objets aussi dangereux. Si nous avons des raisons de nous inquiéter de leur présence dans des poubelles, nous devons aussi nous préoccuper du taux élevé de radioactivité des eaux et des plantes aquatiques dans les environs du CERN.

L'exactitude des mesures effectuées par la CRII-RAD ainsi que la probité des experts affectés à cette tâche n'ont été mises en doute par personne.

Seule l'interprétation de ces mesures diffère selon qu'elle émane des experts du CERN ou des experts de la CRII-RAD.

Ayant appartenu à l'Orchestre de la Suisse romande pendant plus de vingt-trois ans, je suis un habitué des bonnes et des mauvaises interprétations; je peux en juger.

En revanche, je doute que les commissaires de la commission de la santé ou les autres députés puissent affirmer que l'interprétation des experts du CERN est plus juste que celle de la CRII-RAD ou vice et versa.

En ouverture de chaque séance de notre parlement, nous prenons l'engagement de «...faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.» Ce sont les citoyens qui, par leur vote, nous ont confié les destinées de notre patrie.

Le respect de notre serment nous fait un devoir de rassurer nos concitoyens à propos d'un danger aussi grave.

J'ose espérer que la majorité de ce parlement aura la sagesse de voter la résolution 348 de notre collègue Claire Torracinta.

Mme Barbara Polla (L), rapporteuse de majorité. Je réponds tout d'abord à M. Nissim au sujet de l'OPRI.

En commission, nous avons proposé l'audition de M. Roland Masse, le directeur actuel de l'OPRI. La minorité s'y est opposée. Finalement, nous nous sommes rangés à sa décision, non sans avoir beaucoup insisté pour obtenir cette audition.

Il ne me paraît pas justifié de parler de l'ancien OPRI par rapport à l'actuel qui a un autre directeur et une autre politique. Voici un an, j'ai d'ailleurs invité le professeur Roland Masse à une conférence publique à Genève pour parler du système de radioprotection en France. Malheureusement, Monsieur Nissim, vous n'étiez pas là.

En ce qui concerne le problème de La Hague, il n'a rien à voir avec la question dont nous débattons présentement.

Quant aux rapports entre la SUeR et M. Serge Prêtre, qui, à vous entendre, est votre bête noire, j'ai eu le temps de procéder à l'enquête nécessaire. J'ai sous les yeux des renseignements précis qui nous apprennent que la SUeR est dirigée par M. Volke, que cette section fait partie de la Division de la Radioprotection, dirigée par M. Michaud de l'Office fédéral de la santé publique. M. Serge Prêtre, lui, dirige la division principale de la sécurité des installations nucléaires, laquelle est une division de l'Office fédéral de l'énergie dépendant du Département fédéral des transports, des communications et de l'énergie. Il s'agit donc de deux organismes complètement séparés.

Je réponds maintenant à Mme Torracinta-Pache sur les normes en matière de radioactivité. Elles sont évidemment fixées par les autorités suisses et non par le CERN.

Il est vraiment difficile de mettre en cause l'objectivité de l'Office fédéral de la santé publique, comme il serait difficile, à Genève, de douter de celle du DASS, ces organismes ayant pour but premier et final la santé des Suisses, respectivement celle des Genevois. Il me paraît hors de question d'envisager que les personnes de l'Office fédéral de la santé publique feraient preuve de partialité quant au choix d'une soi-disant protection du CERN, versus la protection de la santé des citoyens.

Monsieur Vanek, c'est vrai que le doute est nécessaire, mais c'est aux scientifiques de le cultiver. C'est pourquoi nous nous entourons des meilleurs scientifiques. Ceux du CERN doutent constamment, et c'est pourquoi ils sont parvenus à modifier certains systèmes de protection. Par exemple, l'institution étant ouverte aux étudiants, les portes n'étaient pas soumises à un contrôle de police. Maintenant, les choses ont changé.

N'étant pas des scientifiques, mais des politiciens, nous avons le devoir de rassurer la population et pas celui de lui transmettre nos doutes.

Monsieur Vanek, votre motion est «gentille» comme vous l'êtes vous-même ce soir. Néanmoins, je vous recommande de voter la résolution de la majorité.

Je n'ai pas de réponse particulière à donner aux commentaires de M. Courvoisier.

Le président. Je mets aux voix la proposition de motion 1065.

Mme Claire Torracinta-Pache (S), rapporteuse de minorité. Je propose de voter la résolution en premier. Si la résolution 348 était acceptée, nous pourrions envisager de retirer la motion.

Le président. Cette proposition est-elle acceptée ? Oui ! Par conséquent, je mets aux voix la proposition de résolution 346 de la majorité de la commission.

M. Chaïm Nissim (Ve). Il serait plus indiqué de voter d'abord la résolution 348 de la minorité, parce que ses invites sont plus nombreuses et que l'on commence toujours avec l'amendement le plus éloigné.

Le président. Monsieur, il est difficile d'apprécier ce qui est le plus éloigné et ce qui est le moins. Je mets au vote la proposition de résolution de la majorité, à savoir la proposition de résolution 346.

R 346

Mise aux voix, cette proposition de résolution est rejetée.

R 348

La proposition de résolution est mise aux voix.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

Mise aux voix, cette résolution est adoptée par 36 oui contre 29 non. Elle est renvoyée au Conseil d'Etat.

Elle est ainsi conçue :

(R 348)

RÉSOLUTION

sur la surveillance de la radioactivité du CERN

LE GRAND CONSEIL,

considérant :

- le rôle très important joué par le CERN pour l'économie genevoise en particulier et pour la science mondiale en général;

- les spécificités du CERN, sorte de campus universitaire ouvert, d'une part, et usine devant gérer des déchets parfois radioactifs, d'autre part;

- qu'un dispositif de radioprotection, aussi complet soit-il, peut présenter des lacunes dans son application (ce que l'enquête préliminaire de la CRII-RAD au CERN a mis en évidence);

- que ces informations rendues publiques peuvent provoquer une certaine inquiétude au sein de la population,

invite le Conseil d'Etat

à intervenir auprès de l'autorité fédérale afin qu'une information claire et accessible soit fournie à intervalles réguliers à la population du canton de Genève et de la région à propos des activités du CERN, leur nature et leurs implications, notamment en ce qui concerne tous les problèmes et mesures relatifs à la radioprotection, en priant ladite autorité de s'informer auprès de sources variées, d'obédiences diverses.

M 1065-A

Le Grand Conseil prend acte du retrait de la proposition de motion 1065-A.