République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 26 septembre 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 10e session - 45e séance
PL 7567-A
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Ce projet de loi a été renvoyé à la commission le 24 avril dernier et traité le 23 juin 1997 sous la présidence de M. Pierre Ducrest et en présence deM. Claude Haegi, conseiller d'Etat chargé du département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales (DIEAR), Mme Karin Salibian, secrétaire adjointe, M. Georges Albert, futur directeur de la direction générale du logement, et M. Louis Cornut, chef de la division des études d'aménagement au département des travaux publics et de l'énergie (DTPE).
Mme Salibian rappelle que ce projet de loi fait suite à la motion 792, déposée le 10 avril 1992, qui demandait de revoir toute la réglementation relative à la location et à la sous-location des logements meublés. Cette loi est devenue obsolète et n'est plus appliquée par l'office du logement social. Pour un député, la motion 792 ne demandait pas l'abrogation de la loi, mais sa modification en vue de donner mandat à l'office de contrôler la sous-location qui peut être abusive.
Mme Salibian précise que, dans le logement social qui relève de la compétence du DIEAR, la sous-location est interdite. Pour le secteur privé, celle-ci relève des tribunaux des baux et loyers. A l'origine, l'office du logement social demandait à toute personne qui louait un appartement meublé ou sous-louait une chambre meublée de l'annoncer à l'office, mais pratiquement personne ne le faisait et c'est pourquoi cette loi n'a jamais été appliquée.
Rappelons qu'avec la détente du logement, les abus ont disparu. De fait, la location et la sous-location sont régies par le titre huitième du code des obligations du bail à loyer, du 15 décembre 1989. Il importe donc d'abroger la loi concernant la location et la sous-location de logements meublés, du15 juin 1979.
L'article unique du projet de loi est accepté par 5 oui, 3 non et1 abstention.
Nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de suivre la majorité de la commission.
RAPPORT DE LA MINORITÉ (Disquette)
Le 4 juin 1992, le Grand Conseil a adopté la motion de Mme etMM. Irène Savoy, David Lachat et Pierre-Alain Champod, pour une remise à jour de la législation dans le domaine du logement. L'objectif était de «procéder à un toilettage de cette législation, en collaboration avec les milieux immobiliers et le Rassemblement pour une politique sociale du logement», les modifications proposées par la motion n'avait «aucune connotation politique». Diverses lois étaient touchées par cette proposition de motion, dont la réglementation relative à la location et à la sous-location de logements meublés.
Il convient de rappeler que le 1er juillet 1990 est entré en vigueur un nouveau droit du bail (titre 8e du code des obligations) qui rendait obsolètes ou contradictoires certaines dispositions cantonales.
Au lieu du toilettage attendu, le Conseil d'Etat a déposé devant le Grand Conseil, le 29 janvier 1997, un projet de loi abrogeant purement et simplement la loi concernant la location et la sous-location de logements meublés. A l'appui de ce projet de loi, le Conseil d'Etat a déclaré que la législation en la matière était devenue désuète et n'était plus appliquée par le DIEAR. Il ajoutait que la pénurie de logements n'était plus aussi aiguë à Genève qu'au moment de l'adoption de cette législation, soit le 15 juin 1979, et qu'il se justifiait dès lors d'abroger purement et simplement cette loi.
La commission du logement s'est réunie le 23 juin 1997 et, sans entendre aucun des partenaires des milieux intéressés, a voté l'abrogation de la loi.
Genèse de la loi concernant la location et la sous-location de logements meublés
La loi concernant la location et la sous-location de logements meublés a été adoptée le 15 juin 1979 par notre Grand Conseil (Mémorial 1979,pages 1874 à 1898). Il est intéressant de relever les motivations de l'époque, les positions respectives des uns et des autres, ainsi que les arguments échangés pendant le débat. La commission puis le Grand Conseil étaient à l'époque convaincus que la location et la sous-location d'appartements meublés ne devaient pas servir à créer artificiellement une pénurie dans le secteur des logements non meublés. Le rapport de majorité, présenté parM. Arnold Schlaepfer, proposait purement et simplement de soumettre à autorisation la location et la sous-location de logements meublés. Cette position était défendue par le Parti du travail, le Parti démocrate-chrétien, les socialistes et Vigilance. Dans un rapport de minorité, Mme Anne Petitpierre, tout en se déclarant parfaitement d'accord quant au but de la loi et à la nécessité de lutter contre les abus en matière de location et de sous-location meublées, a proposé que ne soit soumise à autorisation que la location de logements meublés «entrant dans une catégorie où sévit la pénurie». M. Jean-Philippe Maitre, alors député, soutenait le rapport de la majorité en rappelant que l'on ne pouvait laisser aux seuls bailleurs le soin de décider si le logement en cause se trouvait dans une catégorie où sévit ou non la pénurie (Mémorial 1979, page 1885). Il était soutenu dans cette position parM. Christian Grobet et M. Armand Magnin.
Le Parti libéral, par la voix de M. Jacques Simon-Eggly, soutenait, quant à lui, le rapport de la minorité, sans aucunement remettre en cause la nécessité de légiférer en la matière. En définitive, le Grand Conseil a suivi, pour l'essentiel, les propositions du rapport de la majorité. Ainsi, toute location ou sous-location meublée est soumise à autorisation et celle-ci doit être refusée lorsque le logement en cause appartient à une catégorie où sévit la pénurie de logements.
A cette époque, il y avait unanimité au Grand Conseil pour estimer que la location et la sous-location meublée devaient être interdites dans les catégories où sévit la pénurie et ce n'est que sur le mode de procédure que la majorité et la minorité divergeaient.
Situation actuelle
On ne voit pas en quoi la situation s'est modifiée depuis 1979 et il est toujours utile aujourd'hui de lutter contre la pénurie de logements non meublés et son aggravation artificielle par la location de logements meublés. On sait, d'autre part, que les personnes qui louent des appartements meublés sont souvent particulièrement démunies et, dès lors, malheureusement victimes de bailleurs peu scrupuleux. Lorsque le Conseil d'Etat et la commission du logement à sa suite justifient l'abrogation de la loi en disant que la pénurie n'est plus aussi aiguë à Genève, ils oublient l'un et l'autre que chaque année le Conseil d'Etat détermine les catégories de logements où sévit la pénurie et qu'actuellement il est considéré qu'il n'y a plus de pénurie pour les appartements de 1 et 2 pièces, mais qu'il subsiste regrettablement une forte pénurie d'appartements de 2 ½ pièces à 6 pièces et plus. Le système légal, en se référant strictement aux catégories de logements où sévit la pénurie, est dès lors assez souple dans la manière d'atteindre le but visé et ne doit pas être supprimé.
Conséquences du nouveau droit du bail, du 15 décembre 1989
Le nouveau droit du bail entré en vigueur le 1er juillet 1990 ne contient aucune disposition spécifique en ce qui concerne les logements meublés, à l'exception du délai de congé pour les chambres meublées. La problématique de la location de logements meublés n'a donc pas été touchée par le nouveau droit fédéral. En revanche, la sous-location, que le bailleur pouvait précédemment interdire, est aujourd'hui autorisée par l'article 262, à certaines conditions. En effet, le bailleur ne peut refuser que son locataire sous-loue que dans l'hypothèse où ledit locataire refuse de communiquer les conditions de la sous-location ou que les conditions de la sous-location comparées à celles du contrat principal sont abusives, ou encore dans l'hypothèse où la sous-location présente pour le bailleur des inconvénients majeurs.
En conséquence, la législation cantonale ne peut contredire ces dispositions de droit fédéral et ne peut prévoir de règles régissant les rapports entre sous-locataires et sous-bailleurs dans le sens d'une meilleure protection des sous-locataires, puisque cette matière est entièrement réglée par le droit fédéral. En revanche, le canton conserve la faculté, pour des motifs de politique sociale, de prendre des mesures en matière de logements à condition qu'elles ne soient pas contradictoires avec le droit fédéral. Lors des travaux ayant précédé l'adoption de la loi du 15 juin 1979, la commission avait sollicité à ce propos un avis du professeur Knapp, qui avait conclu qu'une intervention du législateur cantonal était possible «si elle a pour but de combattre la pénurie sévissant sur le marché des logements non meublés» (Mémorial 1979, page 1875). Dans ces conditions, il est clair que le législateur ne peut intervenir en matière de location ou de sous-location meublée s'agissant d'objets qui n'appartiennent pas à la catégorie où sévit la pénurie, mais qu'il peut intervenir dans les catégories où sévit la pénurie et c'est précisément le système adopté en 1979 qu'il n'y a aujourd'hui aucune raison de remettre en cause. Il en va différemment en ce qui concerne certaines dispositions du règlement d'application, voire de l'interdiction pure et simple de sous-location contenue dans la loi générale sur le logement et la protection des locataires et c'est précisément ces différents problèmes que visait la motion 792, qui sert aujourd'hui de prétexte à l'abrogation d'une législation manifestement utile. En admettant que la problématique est liée à la pénurie, le Conseil d'Etat admet implicitement l'utilité de la législation dans certaines hypothèses, ce qui devrait le conduire, en cas d'abrogation de la loi, à proposer qu'elle soit à nouveau promulguée s'il l'estimait nécessaire ! Au lieu de cela, mieux vaut garder la loi actuelle, quitte à préciser les conditions relatives à l'existence de la pénurie.
En l'état, mieux vaut maintenir purement et simplement la loi existante, mais s'il y a lieu de procéder à son toilettage, le projet devra être renvoyé à la commission du logement, afin, notamment, qu'elle entende les partenaires sociaux du logement. En effet, si le Rassemblement pour une politique sociale du logement et l'ASLOCA sont opposés à l'abrogation de la loi, le rapporteur de minorité ignore à l'heure actuelle la position de la Chambre genevoise immobilière, mais sait, en revanche, que de nombreux bailleurs et régisseurs sont opposés notamment à la sous-location meublée et que la location meublée est souvent le fait d'outsiders décriés par les milieux immobiliers eux-mêmes.
Pour toutes ces raisons, la minorité vous recommande de refuser le projet de loi 7567 et de maintenir dans notre législation l'un des moyens qu'elle comporte pour lutter contre la pénurie de logements.
ANNEXE
9
Premier débat
M. Jean-Claude Genecand (PDC), rapporteur de majorité. Je signale que notre collègue, M. Moutinot, n'a pas assisté à la séance. Il s'est fait excuser et remplacer par M. Champod qui, selon le rapport de minorité, n'a pas demandé l'audition des milieux intéressés.
Cette législation est devenue obsolète, parce que mise en place en période de pénurie pour éviter l'aggravation artificielle du manque de logements par la location et la sous-location d'appartements meublés.
Lors de la mise en place de cette loi, en 1979, on ne s'est pas inquiété, soit par laxisme, soit par impossibilité, de contrôler son application. Or il est bien connu que si une contrainte légale n'oblige pas les gens à entreprendre la démarche, la loi demeure lettre morte.
Ce constat, fait en commission, nous a conduits à abroger cette loi.
Par ailleurs, on nous assure que la sous-location des logements sociaux est interdite. Quant aux abus de sous-location dans les immeubles privés, ils relèvent des tribunaux des baux et loyers.
Notre groupe accepte donc ce projet qui abroge la loi sur la location et la sous-location de logements meublés.
M. Laurent Moutinot (S), rapporteur de minorité. Le premier argument donné à l'appui de ce projet consiste à dire que la loi n'est pas appliquée.
S'il fallait, Monsieur Haegi, supprimer les lois dans les domaines où vous n'êtes pas actif, beaucoup de classeurs seraient vides dans le recueil officiel ! Si l'on ajoute, Monsieur le président, que vos services ont appliqué cette loi pendant plusieurs années, on ne peut que conclure qu'elle est applicable.
Contrairement à ce que vous dites, Monsieur Genecand, j'ai le souvenir de nombreux cas où nous avons interpellé l'administration sur la délivrance ou le refus d'autorisations de louer ou de sous-louer en meublé. Nous avons toujours obtenu des réponses.
Votre deuxième argument est que la loi ne sert plus à rien, la pénurie étant finie. Cet argument n'est pas pertinent pour deux raisons :
La première est que le Conseil d'Etat détermine, chaque année, les catégories dans lesquelles sévit la pénurie de logements. Malheureusement, celle-ci existe toujours pour les appartements de deux et demie à six pièces. Le Conseil d'Etat l'admet lui-même quand il prend son arrêté. Alors ne venez pas dire que la pénurie a pris fin !
La deuxième raison est qu'à la suite des débats de 1979 la loi actuelle stipule clairement qu'elle ne s'applique qu'en cas de pénurie. Par conséquent, de deux choses l'une : ou il y a pénurie et la loi est appliquée; ou il n'y en a pas et la loi n'est pas appliquée.
L'abroger serait un contresens, car il y a toujours pénurie. De surcroît, ce serait un exercice législatif idiot : si la pénurie venait à sévir, à supposer qu'elle n'existe pas, il faudrait revoter la même loi, tout le monde s'accordant à penser que la location et la sous-location de logements meublés y participent artificiellement, du fait qu'un certain nombre de logements sont soustraits du marché locatif, notamment par des outsiders qui les destinent à une population défavorisée. En effet, à part quelques internationaux qui ne sont là que provisoirement, ceux qui s'intéressent à ce type de logement sont des personnes très défavorisées.
Cette loi est utile et modérée dans le sens qu'elle ne s'applique pas tous azimuts, mais uniquement en situation de pénurie. Dès lors, de toutes les raisons invoquées, je n'en vois aucune qui puisse justifier son abrogation.
Le Conseil d'Etat a présenté ce projet de loi comme étant la réponse à une motion socialiste. A relire ladite motion, je constate qu'elle n'a jamais demandé de jeter le bébé avec l'eau du bain. Elle a simplement demandé l'adaptation de la législation cantonale au droit fédéral, lorsqu'il a été modifié avec effet au 1er juillet 1990.
Que quelques adaptations soient envisageables, je peux le concevoir, mais je m'oppose à la suppression pure et simple de la loi.
Je n'ai jamais écrit que M. Champod avait, ou pas, requis des auditions. J'ai simplement constaté, dans mon rapport, qu'aucune audition n'avait été faite.
Si les locations et les sous-locations de logements meublés ont effectivement diminué ces dernières années, c'est partiellement dû au fait que les milieux immobiliers désapprouvent ces pratiques et qu'ils ont veillé à les restreindre. Je ne vois donc pas l'intérêt qu'ils auraient, aujourd'hui, à l'abrogation de la législation en la matière. Il vaudrait la peine de les interpeller formellement à ce sujet.
Mme Nicole Castioni-Jaquet (S). Je tiens à féliciter le rapporteur de minorité de son analyse concrète d'une situation concrète.
Le rapport de majorité, lui, a la qualité non négligeable de ne pas accaparer notre temps : son contenu est très succinct.
Nous constatons que le travail de la commission du logement, chargée d'étudier le projet de loi 7567, a été trop succinct, lui aussi.
Je ne reviendrai pas sur les arguments développés par mon collègue, M. Moutinot, mais je vous informe que les socialistes demandent le renvoi de ce projet à la commission du logement, pour que soient auditionnés les partenaires sociaux du logement et les professionnels de l'immobilier.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport à la commission du logement est rejetée.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
(PL 7567)
LOI
abrogeant la loi concernant la location et la sous-locationde logements meublés
(I 4 15)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi concernant la location et la sous-location de logements meublés, du 15 juin 1979, est abrogée.