République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 26 septembre 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 10e session - 45e séance
PL 7542-A
Annoncé le 8 novembre 1996 (Mémorial, page 6622), ce projet de loi a été présenté au Grand Conseil le 24 janvier 1997 (Mémorial, page 558) et renvoyé le même jour, sans débat de préconsultation, à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil (Mémorial, page 560).
La commission s'est réunie à six reprises (procès-verbaux nos 63 à 68).
Audition de M. Maitre, président du Conseil d'Etat
M. Maitre confirme que le Conseil d'Etat in extenso est très favorable à ce projet de loi. Il relève que la question urgente n'a pas donné satisfaction et que certaines questions dites «urgentes» auraient pu être traitées comme des interpellations ordinaires. La nouvelle procédure paraît beaucoup plus précise et efficace. Elle est calquée sur un mécanisme qui fonctionne très bien aux Chambres fédérales. Pour le Conseil d'Etat, il en résulte 2 avantages, à savoir:
- la possibilité de sortir les documents nécessaires afin de savoir répondre de façon très précise;
- suivant la nature du sujet, le Conseil d'Etat peut soulever un problème de politique générale et les départements concernés se coordonner en passant préalablement devant le Conseil d'Etat.
Il estime donc qu'il s'agit d'une procédure efficace et qui a fait ses preuves.
Il semble que l'on ait donc beaucoup trop usé de l'interpellation urgente pour des cas relevant d'interpellations ordinaires. M. Maitre est soucieux du retard accumulé par le Grand Conseil et pense que ce projet de loi permettrait d'être plus efficace. Il relève qu'il n'est pas possible de statuer sur le caractère urgent d'une interpellation sans développer cette dernière. Il y aurait donc un risque que se développe un débat particulier sur le caractère urgent de l'interpellation. M. Maitre pense qu'en cas de questions par écrit, les réponses du Conseil d'Etat seront de meilleure qualité, comme ce qui se passe, par exemple, lorsque le Conseil fédéral est interpellé. M. Maitre pense que les députés attendent une réponse de bonne qualité du point de vue facture.
Auditions de Mme Sayegh, présidente du Grand Conseil, et de M. Koechlin, vice-président du Grand Conseil
Mme Sayegh, après avoir analysé le nouveau système prévu, considère que l'interpellation orale a le mérite de la spontanéité, tout en admettant que la forme écrite permet en général de mieux cibler le problème. Elle est préoccupée par le problème pratique de la surcharge du secrétariat du Grand Conseil le jour de la session et préférerait un délai échéant la veille de la session. Elle considère qu'il y a lieu de distinguer le problème de la question écrite de l'interpellation urgente et de préserver les différents moyens de questionnement tout en préservant aussi la spontanéité.
M. Koechlin attire l'attention des commissaires sur le fait que la question se pose de savoir à qui appartient le droit de décider si une question est urgente ou non. Actuellement, c'est le député qui seul décide, d'où la prolifération des questions urgentes. Il manque, en fait, une autorité qui décide du caractère d'urgence de l'interpellation, avec pour conséquence que des projets de loi et des motions, matériellement beaucoup plus importants, sont reportées de session en session. Il avance l'idée que le bureau juge de l'urgence des interpellations déposées avant midi pour une séance qui pourrait avoir lieu entre 16 h et 17 h. Il faudrait que le député apporte la preuve de l'urgence. Si celle-ci est reconnue, l'interpellation se fait normalement. Si ce caractère n'est pas reconnu, soit le bureau transforme l'interpellation urgente en interpellation pure, soit la question urgente est transmise au Conseil d'Etat, voire à la presse, sous sa forme écrite. Il estime que ce système permettrait d'écarter près de la moitié des interpellations urgentes, tout en laissant aux députés le choix nécessaire.
En définitive, il propose le système suivant:
1. la question urgente est déposée jusqu'à midi;
2. le bureau se réunit à 16 h et statue sur l'urgence de chacune des questions;
3. si la question n'est pas considérée comme urgente, le député a le choix entre ces deux solutions : a) une réponse écrite du Conseil d'Etat dans les 24 heures; b) la transformation de la question en une interpellation ordinaire prévue dans l'ordre du jour.
Il précise que la preuve de l'urgence doit être apportée dans la motivation écrite en quelques lignes et que le député sera informé en début de séance de la décision du bureau quant au caractère d'urgence.
Travaux de la commission
Durant trois séances, la commission opère un tour d'horizon général après qu'il a été pris acte de traiter ce projet de loi en priorité. Durant cette discussion, les idées principales suivantes sont émises:
- le Grand Conseil pourrait commencer 1 heure avant pour une «heure des questions»;
- il faudrait un tri pour ne conserver que les questions véritablement «urgentes»;
- il ne faudrait pas perdre l'avantage principal de la question urgente, à savoir la spontanéité.
Les commissaires ont beaucoup de réticence à accepter une question écrite pure, tenant au principe de l'oralité. Par contre, en ce qui concerne la réponse, ils sont prêts à admettre une simple réponse écrite. Ils relèvent que, si les questions orales portent sur le même sujet, la simplification se fait elle-même, étant donné que ceux qui voulaient poser la même question se retirent.
Il est proposé de demander éventuellement aux chefs de groupe de procéder à un premier tri des questions urgentes, de manière à en limiter le nombre. Plusieurs commissaires se demandent si, en fait, le 15% du temps «perdu» consacré aux questions urgentes provient du système de questions urgentes, ou au contraire du retard chronique du Grand Conseil en ce qui concerne son ordre du jour. Certains pensent même que, si l'ordre du jour était tenu, il n'y aurait plus nécessité de recourir, du moins autant qu'à l'heure actuelle, aux questions urgentes, ce fait faussant le débat sur les questions urgentes.
Il est rappelé que l'heure des questions existe déjà dans de nombreux autres parlements. Les députés sont souvent sollicités par de nombreux points d'intérêt sur des questions d'actualité et la question urgente permet d'obtenir des réponses en temps voulu.
Il est rappelé que l'interpellation urgente étant un acquis récent du parlement, il paraît difficile de comprendre pourquoi on y renoncerait.
Arrivés à ce stade, les commissaires ont demandé à pouvoir consulter leurs groupes pour la suite des débats, et finalement il est constaté que tous les partis sont d'accord de poursuivre la discussion.
Dès lors, la décision d'entrée en matière est prise à 6 voix contre 4 et 1 abstention.
La commission examine alors différents problèmes, comme par exemple la possibilité pour le député de pouvoir répondre au Conseil d'Etat.
Certains proposent que la procédure soit totalement écrite, ou s'y opposent formellement, car les députés tiennent beaucoup à l'oralité des interventions, notamment pour la presse.
En ce qui concerne le temps que prendrait la possibilité de répondre au Conseil d'Etat, il est rappelé qu'à Berne, où l'on utilise un système semblable, le conseiller n'a le droit de répondre que:
a) «je suis satisfait»;
b) «je ne suis pas satisfait»;
b) «je suis partiellement satisfait».
Cette solution apparaît comme défavorable et très frustrante pour les députés.
Finalement, il ressort des discussions avec les commissaires que le principe qui voudrait augmenter la rapidité des débats mène imman-quablement au système du projet de loi déposé et à une procédure écrite. Par contre, il est indiscutable que les députés tiennent absolument à l'oralité des débats, ainsi qu'à la possibilité de répliquer pour avoir «le dernier mot».
Les deux principes étant visiblement incompatibles, un système transactionnel prend petit à petit forme dans le cadre des discussions de la commission et avant de lever la séance, la commission décide de renvoyer au sautier (sans vérifier si ce travail entre dans ses charges) les principes finalement dégagés par la commission et trouvant, semble-t-il, l'accord de cette dernière pour que la chancellerie rédige sous une forme légale adéquate un projet de loi totalement remanié.
Les principes que devra respecter cette nouvelle formulation sont les suivants:
- renoncer au système du projet de loi en tant qu'il crée la question urgente;
- revenir au système de l'interpellation urgente, mais la codifier en tenant compte des points suivants:
a) une rédaction concise des questions;
b) la remise au sautier, le premier jour à midi, de la question et du texte;
c) la transmission du texte immédiatement au Conseil d'Etat;
d) la possibilité donnée au député de développer sa question en3 minutes maximum lors de la première séance;
e) la réponse du Conseil d'Etat lors de la même session, par écrit ou oralement;
f) la possibilité donnée à l'auteur de la question de répliquer immédiatement.
Le sautier ayant fait diligence, la commission se trouve en possession, à sa séance suivante, d'un texte conforme à ces propositions. Il est immé-diatement mis en discussion.
Il est aussitôt relevé que, si le but du projet de loi était de rendre les débats publics, le projet de modification, qui donne au député la possibi-lité de développer son interpellation pendant 3 minutes, puis de répliquer3 minutes, en arrive à doubler le temps de parole, ce qui ne va pas dans le sens désiré.
Par contre, il est noté que le fait que l'interpellation ne puisse se faire que par écrit risque de limiter le nombre les initiatives ou de limiter le nombre de questions à une par parti. Il est en outre envisagé de n'autoriser qu'une seule interpellation par député.
Le Conseil d'Etat pouvant répondre par écrit, cela constitue également un gain de temps.
Il est alors proposé de limiter le temps de parole à 3 minutes au total, soit donc 1 ou 2 minutes pour l'exposé et 1 ou 2 minutes pour la réplique.
Il est également proposé de réduire la réplique aux seules phrases «je suis satisfait» ou «je ne suis pas satisfait».
En définitive, la commission retient le texte qui vous est soumis ci-après.
Examen et votes par articles
Il est renoncé à l'abrogation des articles 162A à 162D telle que prévue par le projet de loi (soit le remplacement proposé de l'interpellation urgente par la question urgente) ainsi qu'aux nouveaux articles 163 à 165 (question urgente).
Par contre, le principe de la révision et la modification de l'article 162, lettres A à P (interpellation urgente), est accepté à l'unanimité moins2 abstentions.
L'article 162A est adopté à l'unanimité.
L'article 162B est adopté après une discussion relative à la durée de l'exposé de l'interpellation. La proposition de la porter à 3 minutes est rejetée par 7 voix et 2 abstentions.
La nouvelle lettre B est donc acceptée à l'unanimité.
Article 162C: La note marginale est modifiée dans le sens qu'il est rappelé qu'il s'agit d'une réponse et d'une réplique.
Le Conseil d'Etat a le choix de répliquer immédiatement ou, s'il préfère, de répliquer le lendemain par écrit après avoir consulté ses services, et, s'il s'agit notamment d'une question politique, après avoir procédé à un tour de table.
Une proposition consistant à permettre au Conseil d'Etat de répondre a posteriori de façon plus étayée est rejetée par 9 voix contre 3.
La durée de parole concernant la réplique est finalement limitée à1 minute, par 10 voix contre 1 abstention.
En définitive, le texte figurant ci-après est accepté à l'unanimité de la commission moins une abstention.
Conclusion
La commission pense que le système proposé permettra de gagner du temps sans que les droits démocratiques des députés soient négligés, ni que la qualité des débats soit touchée. Elle vous engage donc à adopter ce projet de loi tel qu'il est résulté de ses travaux.
projet de loi
modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la Républiqueet canton de Genève
(B 1 01)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Art. 162 A (nouvelle teneur)
Définition et dépôt
1 L'interpellation urgente est une question posée au Conseil d'Etat sur un événement ou un objet d'actualité.
2 Le texte résumant l'essentiel de l'interpellation urgente doit être remis au sautier avant midi le premier jour de la session.
3 Il est transmis sur-le-champ au Conseil d'Etat et est distribué en début de session aux députés.
Art. 162 B (nouvelle teneur)
Développe-ment
1 L'interpellation urgente n'est pas annoncée et son auteur peut la développer oralement en deux minutes au point de l'ordre du jour figurant à la première séance de chaque session.
2 Un député ne peut présenter qu'une interpellation urgente à la même session.
Art. 162 C (nouvelle teneur)
Réponse et réplique
1 Le Conseil d'Etat répond oralement ou par écrit au plus tard le lendemain au point correspondant de l'ordre du jour.
2 L'auteur peut répliquer immédiatement après la réponse orale ou écrite du Conseil d'Etat. Le temps de parole est d'une minute.
Art. 162 D (nouvelle teneur)
Sitôt après la réponse du Conseil d'Etat ou la réplique, la présidence déclare close l'interpellation urgente.
Premier débat
Mme Vesca Olsommer (Ve). Ce projet de loi a quelque chose de cocasse : quelques députés, en quête d'efficacité, ont décidé de modifier la pratique des interpellations urgentes. Ils estiment qu'elles empiètent sur l'ordre du jour, parce que trop longues et souvent pas pressantes.
La commission des droits politiques estime, elle, que les députés aiment parler et pensent le faire à bon escient. Non seulement l'interpellation urgente est maintenue, mais sera désormais suivie d'une réplique.
Si quelqu'un devait se taire et répondre par écrit, c'est bien le Conseil d'Etat, cela raccourcirait les débats !
Cela dit, nous sommes favorables à ce projet de loi, parce qu'il présente des aspects positifs, à savoir que chaque député ne pourra développer qu'une seule interpellation. L'oralité, à laquelle nous sommes attachés en raison de sa spontanéité, est fort heureusement conservée.
Ce ne sont pas tant les interpellations urgentes qui allongent les débats, mais bien un ordre du jour surchargé dont nous ne venons pas à bout. Pour raccourcir les débats parlementaires, il vaudrait mieux renvoyer sans autre certains projets de lois.
Nous approuvons donc ce projet de loi et nous vous prions de l'accepter tel qu'il ressort des travaux de la commission.
M. John Dupraz (R). Je suis effaré de constater à quel point ce projet de loi a été déformé en commission ! Mes collègues et moi avons établi une procédure inspirée de celle du Conseil national qui fonctionne parfaitement.
Maintenant, non seulement l'interpellation est déposée par écrit, mais elle peut être développée oralement. Si bien que le temps gagné par le dépôt par écrit est perdu. De plus, un droit de réplique est accordé.
On ne pouvait pas faire mieux pour paralyser les travaux du parlement ! Le travail de la commission pèche par son insuffisance. Par conséquent, je demande le renvoi du projet en commission pour réexamen.
Autant s'en tenir à la loi en vigueur qu'adopter un tel projet qui ne fait que péjorer le principe de l'interpellation urgente !
M. Pierre-Alain Champod (S). Le groupe socialiste a pris connaissance de ce projet avec intérêt.
A l'époque, nous avions salué l'introduction de l'interpellation urgente qui permet aux députés de poser des questions précises et d'obtenir rapidement les réponses du gouvernement. Nous ne souhaitons donc pas que ce système soit modifié.
Nous approuvons cependant ce projet, parce qu'il maintient le principe de la question et de la réponse au cours de la même session, conserve l'oralité de l'interpellation même si cette dernière est préalablement déposée par écrit. La limitation à une interpellation par député ne nous dérange pas dans la mesure où les propositions des interpellations sont discutées au sein de notre groupe, avant que ne soient posées les questions jugées importantes.
Nous ne sommes donc pas favorables à la proposition de M. Dupraz de renvoyer ce projet en commission.
M. Olivier Lorenzini (PDC). Le groupe démocrate-chrétien s'est abstenu de se prononcer sur ce projet de loi en commission.
En tant qu'auteur du projet cosigné par Mme Mottet-Durand, M. Ducommun et M. Burdet, M. Dupraz s'est inspiré du système en vigueur au Conseil national. En commission, nous avons auditionné M. le président Maitre et Mme la présidente Sayegh.
Nous voulions, nous démocrates-chrétiens, renforcer l'efficacité de ce Grand Conseil quelque peu amoindrie par ces interpellations urgentes qui prennent une place considérable dans les débats, alors que ces derniers seront encore allongés par les réponses et dupliques introduites dans le projet. C'est pourquoi notre groupe s'est abstenu.
J'interviendrai de nouveau au cours du deuxième débat si des amendements sont proposés.
M. Claude Lacour (L), rapporteur. Je réponds brièvement à M. Dupraz.
Le premier projet, stipulant une procédure écrite, allait effectivement dans le sens d'une plus grande rapidité et d'une plus grande efficacité, mais les députés n'en veulent pas !
Les parlementaires veulent parler et ne veulent pas écrire. Il a donc fallu trouver un moyen terme entre l'oral et la rapidité. Ce moyen est ce projet dont nous avons revu la rédaction et que nous vous soumettons.
Mme Vesca Olsommer (Ve). Affirmer que les députés ont envie de parler relève de la boutade !
Ils veulent coller aux sujets d'actualité, car ils se doivent, vis-à-vis de la population, de traiter rapidement certains problèmes; d'où ces interpellations urgentes qui constituent un contact direct et privilégié avec le gouvernement.
C'est la raison pour laquelle ils tiennent à ce projet de loi.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est adoptée.