République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 18 septembre 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 9e session - 40e séance
PL 7621
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La constitution de la République et canton de Genève, du 24 mai 1847, est modifiée comme suit :
Art. 80A, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Sont toutefois réservés à la compétence du Conseil d'Etat les échanges et les transferts effectués dans le cadre d'opérations d'aménagement du territoire, de remembrement foncier et de projets routiers ou de projets déclarés d'utilité publique, ainsi que l'aliénation d'immeubles propriété :
a)
des Services industriels;
b)
d'une commune ou d'une fondation communale de droit public;
c)
des caisses de pensions dépendant de l'Etat, des établissements ou fondation de droit public, des communes;
d)
des Rentes genevoises-Assurance pour la vieillesse.
EXPOSÉ DES MOTIFS
1. Introduction
Nous expliquerons ci-dessous les motifs de la modification proposée de l'alinéa 2 de l'article 80A de la constitution de la République et canton de Genève. Il convient de faire remarquer d'emblée qu'en ce qui concerne les aliénations soumises à l'accord du Conseil d'Etat, seules les lettres c et d du projet sont nouvelles quant au contenu. La version actuelle de l'article 80A, alinéa 2, de la constitution, prévoit déjà que «Restent toutefois réservés à la compétence du Conseil d'Etat l'approbation de l'aliénation d'immeubles propriété des Services industriels, d'une commune ou d'une fondation de droit public communale, ainsi que les échanges et les transferts effectués dans le cadre d'opérations d'aménagement du territoire, de remembrement foncier et de projets routiers ou de projets déclarés d'utilité publique.»
2. Motifs de la demande de modification de l'article 80Ade la constitution
L'Intercaisses qui groupe diverses caisses de prévoyance de droit public notamment (CIA, CEH, CP, CAP, TPG) ainsi que l'Hospice général, les Rentes genevoises, les fondations immobilières) ont demandé au Conseil d'Etat de modifier l'article 80A de la constitution.
Ces institutions souhaiteraient en effet pouvoir aliéner leurs immeubles sans avoir besoin de l'approbation du Grand Conseil. La bonne gestion de leur patrimoine appelle à des aliénations d'immeubles leur appartenant, dans de bonnes conditions financières. Cela signifie que, lorsqu'un acheteur se profile, il est indispensable que le contrat puisse être passé dans un temps relativement bref, puisque le marché immobilier n'est pas dépourvu d'offres intéressantes se concurrençant les unes les autres.
Il est intéressant de faire remarquer la grande liberté laissée par le droit fédéral, soit la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, du 25 juin 1982 (ci-après LPP), et ses ordonnances, notamment l'ordonnance sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, du 18 avril 1984 (ci-après OPP 2) à ces institutions en matière de placements et de gestion. En effet, l'article 53 OPP2 a la teneur suivante :
«La fortune de l'institution de prévoyance peut être placée en:
a) des montants en espèces;
b) des créances libellées en un montant fixe, notamment des avoirs sur compte de chèque postal ou en banque, des obligations d'emprunts, y compris des obligations convertibles ou assorties d'un droit d'option, ainsi que d'autres reconnaissances de dettes, qu'elles soient incorporées ou non dans des papiers-valeurs;
c) des maisons d'habitation ou à usage commercial, y compris des immeubles en propriété par étage et des constructions en droit de superficie et des terrains à bâtir;
d) des participations à des sociétés qui se consacrent exclusivement à l'acquisition et à la vente d'immeubles ainsi qu'à la location et à l'affermage de leurs propres immeubles (sociétés immobilières);
e) des actions, bons de participation et bons de jouissance et d'autres papiers-valeurs et participations similaires, ainsi que des parts sociales de sociétés coopératives; le placement sous forme de participations à des sociétés ayant leur siège à l'étranger est admis, lorsque ces titres sont cotés en bourse.»
Ainsi donc, alors que jusqu'ici, par l'application de l'article 80A,alinéa 1, de la constitution, l'aliénation de leurs immeubles est contrôlée, les placements en bourse et en produits dérivés, autorisés par les dispositions précitées ne sont soumis à aucun contrôle fédéral ou cantonal alors même qu'ils comportent assurément autant de risques financiers pour l'institution qu'une aliénation d'immeuble. De plus, l'Etat peut être appelé en garantie et ne doit, de ce fait, pas être désintéressé de la gestion de la personne morale qui le concerne aussi.
De plus, on constate une inégalité de traitement entre les fonds de prévoyance. Selon la forme sous laquelle ils sont constitués ou selon leur appartenance au droit public cantonal ou communal, ils n'ont besoin que de l'approbation du Conseil d'Etat pour aliéner. Telle est la situation de la caisse de pensions du personnel de la Ville de Carouge, fondation communale de droit public, fonds de prévoyance au même titre que la CAP. Or la CAP a besoin de l'accord du Grand Conseil pour l'aliénation de ses immeubles.
3. Rappel historique de l'introduction de l'article 80A de la constitution
Cet article a été introduit pour concrétiser une partie de l'initiative non formulée du Rassemblement pour une politique sociale du logement, déposée le 25 mai 1973. Elle a été approuvée par le peuple le 27 septembre 1977 et le Grand Conseil a dû y donner suite. A l'origine, parmi les thèmes abordés, l'initiative demandait même une interdiction complète d'aliéner, mais le Rassemblement, favorable au plus grand nombre d'acquisitions possibles de terrains par l'Etat, destinés à la revente en vue de construire des logements, a accepté comme compromis d'admettre les aliénations à la condition qu'elles soient soumises à l'approbation du parlement. A cet effet, le Grand Conseil, puis le peuple auquel la réponse à l'initiative a été soumise, ont adopté l'article 41 de la loi générale sur le logement et la protection des locataires, du 4 décembre 1977, dans sa teneur actuelle (voir RSG I 4 05), soit :
1 L'aliénation des immeubles qui sont propriété de l'Etat, de collectivités publiques ou de fondations de droit public à des personnes morales ou physiques ou autres que des collectivités publiques ou des corporations de droit public est soumise à l'approbation du Grand Conseil.
2 Restent réservés à la compétence du Conseil d'Etat :
a)
l'approbation d'aliénations d'immeubles propriété d'une commune ou d'une fondation communale;
b)
les échanges et les transferts effectués dans le cadre d'opérations de remembrement foncier et d'aménagement du territoire ainsi que les opérations faisant l'objet de lois.
Toutefois, le Tribunal fédéral, ayant à juger le recours Chevalier à ce sujet, a considéré que l'article voté était contraire à la constitution, parce qu'il soumettait à l'approbation du Grand Conseil l'aliénation du domaine privé de l'Etat, alors même que l'article 101 de la constitution laissait à cette autorité le droit d'administrer seule ses biens. Une modification de la constitution consistant à l'harmoniser avec l'article 41 de la loi votée s'imposait (voir Mémorial I 1984, page 1640). L'article 80A de la constitution, dans sa teneur actuelle, a donc été rédigé.
Les motifs du Rassemblement pour proposer une limitation aux droits de l'Etat, des collectivités publiques, des établissements publics ou des fondations de droit public d'aliéner leurs immeubles à des personnes morales ou physiques autres que des collectivités publiques, des établissements de droit public ou des fondations de droit public avaient été suscités par des aliénations jugées scandaleuses dans le cadre de la commune de Plan-les-Ouates et de l'Hospice général.
On constate donc que les institutions demandant aujourd'hui la modification de l'article 80A de la constitution genevoise - CIA, CEH, CP, CAP, TPG, corporations, fondation de droit public cantonal et les Rentes genevoises, établissement de droit public cantonal - ne sont pas celles dont les agissements ont motivé l'introduction dudit article constitutionnel. En tant qu'institutions de droit public cantonal, elles sont toutefois soumises aux restrictions d'aliéner imposées par l'article 80A, alinéa 1, de la constitution. Cette remarque a son intérêt si le Grand Conseil est disposé à prévoir en leur faveur une exception à cette règle, faveur qu'il a accordée au sens du contenu actuel de l'alinéa 2 de l'article constitutionnel, notamment aux Services industriels, établissement de droit public, et probablement, sans y songer expressément à l'époque, aux fonds de prévoyance constitués sous forme de fondation communale de droit public.
3. Exception en faveur des fonds de prévoyance de droit publicet des Rentes genevoises à l'obligation de l'accord du Grand Conseilpour aliéner
L'article 80A de la constitution poursuit bien le but qu'il s'est fixé, soit le contrôle des aliénations d'immeubles des institutions mentionnées. En effet, les cas d'application de l'article 80A de la constitution n'apparaissent pas fréquents depuis son adoption en mars 1985. Il s'agit :
- de la loi approuvant l'aliénation d'un terrain, propriété de l'Etat de Genève, à Honda (Suisse) SA, dans la zone de développement industriel de Meyrin-Satigny, du 7 juin 1985 (voir ROLG 1985, page 377);
- de la loi approuvant l'aliénation d'un terrain, propriété de l'Etat de Genève, à Charmilles Technologies SA, dans la zone de développement industriel de Meyrin-Satigny, partie non reliée au rail, du 21 juin 1985 (voir ROLG 1985, page 462);
- de la loi autorisant l'aliénation d'un immeuble, propriété de l'Hospice général, sis chemin des Voirons 25, à Lancy, du 12 mars 1987 (voir ROLG 1987, page 235);
- de la loi approuvant un échange de parcelles entre l'Etat de Genève et la société ABB Sécheron SA, sur le territoire des communes de Satigny et Genève (Section Petit-Saconnex). (voir ROLG 1989, page 883);
- de la loi autorisant l'aliénation d'un immeuble propriété de l'Hospice général, sis sur la commune d'Avusy, du 10 novembre 1995 (voir RO 1996, page 4).
Ainsi donc, pour éviter les lenteurs de la procédure de l'article 80A de la constitution, les personnes morales qui demandent aujourd'hui à être rangées à l'alinéa 2 dudit article ont aliéné leurs immeubles entre elles, ce qui, un jour, si elles ont toutes besoin de liquidités en même temps ou doivent équilibrer leurs parts de placements en immobilier pour respecter l'OPP2, pourrait n'avoir plus de sens.
Comme nous l'avons vu plus haut, le Grand Conseil, en introduisant cet article constitutionnel, n'avait pas souhaité supprimer l'aliénation des immeubles des personnes morales mentionnées à l'alinéa 1 à des personnes morales ou physiques autres que des collectivités publiques, des établissement publics ou des fondations de droit public. Or, en pratique, tel a été le cas puisqu'on constate que ce sont 4 aliénations en 12 ans qui ont été sollicitées par le Grand Conseil dans ce cadre. Cela revient à dire que les institutions dont les droits d'aliénation ont été limités se sont vendu ou ont échangé entre elles des immeubles.
Il n'est donc pas étonnant qu'aujourd'hui, alors que la situation sur le marché de l'immobilier est bien différente en matière de revente en raison de la pléthore des objets à vendre, on mette en avant l'obstacle que comporte l'article 80A de la constitution à pouvoir transférer rapidement la propriété d'un bien dont le propriétaire visé à l'article 80A, alinéa 1, de la constitution voudrait se défaire.
Il serait concevable de prévoir une procédure d'aliénation semblable à celle adoptée pour les Services industriels ou les fonds de prévoyance sous forme de fondation communale de droit public. A l'époque, le Conseil d'Etat, peu favorable à la limitation d'aliénation que voulait imposer l'initiative, avait souhaité que l'on réserve à sa compétence un certain nombre d'aliénations de terrains qu'il avait acquis uniquement pour les revendre à des collectivités publiques ou des fonds de prévoyance et favoriser la construction de logements (voir Mémorial 1984 IV, pages 5047 et 5049). Le Grand Conseil tint partiellement compte des voeux du Conseil d'Etat en adoptant la rédaction actuelle de l'alinéa 2 de l'article 80A. On ne trouve nulle part d'explications motivant le fait qu'aucune exception n'ait été prévue pour les caisses de prévoyance à l'époque.
C'est pourquoi nous vous proposons aujourd'hui une nouvelle teneur de l'alinéa 2 de l'article 80A de la constitution introduisant une exception à l'obligation de l'accord du Grand Conseil pour les caisses de pensions dépendant de l'Etat (CIA, CP), la caisse de pensions dépendant des établissements publics médicaux (CEH), celle des Transports publics genevois et celle de la Ville de Genève, des Services industriels et du personnel communal transféré dans l'administration cantonale (CAP). La même demande concerne les Rentes genevoises, établissement de droit public, garanti par l'Etat et appliquant la LPP. Quant aux fondations communales de droit public, comme les Services industriels, elles bénéficient déjà de cette procédure d'aliénation facilitée, selon la teneur actuelle de l'alinéa 2 de l'article 80A de la constitution.
Tels sont, Mesdames et Messieurs, les arguments que nous avions à vous présenter pour solliciter une adaptation aux préoccupations d'aujourd'hui des caisses de pensions, de l'article constitutionnel 80A, alinéa 2, de la constitution et que nos soumettons à votre bienveillante attention.
Préconsultation
M. Pierre-Alain Champod (S). Les socialistes émettent la plus grande réserve sur cette modification de l'article constitutionnel concernant les aliénations d'immeubles.
En effet, il nous semble important que figure un article dans la constitution donnant clairement la compétence au Grand Conseil de décider du sort d'un terrain ou d'un immeuble appartenant à l'Etat, dont ce dernier désire se dessaisir.
A première vue, il peut sembler logique que des institutions, comme les caisses de retraites ou les SI, par exemple, aient une marge d'autonomie par rapport à la vente de leurs immeubles. Mais on se souvient que, voici quelques années, passablement de problèmes étaient apparus, lors de la vente des immeubles appartenant aux Rentes genevoises. Cette situation conflictuelle est à l'origine de notre réserve, et nous aurons l'occasion de donner nos arguments en commission.
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Ce sujet est délicat, car le Grand Conseil, à la suite d'une initiative populaire, a tout à fait clairement souhaité que l'aliénation d'immeubles, propriété de l'Etat, soit soumise à votre parlement. Nous n'entendons pas changer sur ce point.
Il y a un an environ, nous avons été cependant saisis d'une demande des caisses de pension de l'Etat pour permettre que l'aliénation ne soit plus de la compétence du Grand Conseil, mais du Conseil d'Etat, à teneur de l'alinéa 2, qui l'autorise déjà pour les SI et d'autres fondations communales.
En matière de fondation de droit de prévoyance, certaines situations sont tout à fait curieuses. Par exemple, la Fondation de Carouge n'aurait pas besoin de passer devant le Grand Conseil, tandis que la CIA ou la CEH le devraient.
Le Conseil d'Etat a beaucoup hésité avant de vous présenter ce projet, compte tenu de l'histoire liée à la disposition de l'article 80A. Il n'a pas oublié que, à l'époque, des problèmes étaient apparus avec l'Hospice général - par rapport à l'aliénation d'un certain nombre de biens - ainsi qu'avec les Rentes genevoises qui n'étaient pas ce qu'elles sont aujourd'hui. Leurs patrimoines respectifs ont été séparés. C'est pourquoi la demande des Rentes genevoises s'est trouvée incluse dans le projet du Conseil d'Etat.
Par cette scission des deux domaines, les Rentes genevoises ne sont plus qu'une assurance assimilée à la problématique des fonds de prévoyance.
Tout en étant conscients du problème, nous proposons de renvoyer ce projet en commission où il sera discuté, mais il faut que les caisses de pension qui nous ont écrit à cet égard puissent obtenir également la position du parlement.
M. Christian Ferrazino (AdG). Monsieur Vodoz, votre discours me conforte dans l'idée que je me fais de ce projet de loi, à savoir qu'il est tout simplement inacceptable. Vous étiez député lorsque ce Grand Conseil a été saisi du projet modifiant l'article 80A de notre constitution.
A l'époque - j'ai relu le Mémorial - vous-même et le parti libéral étiez farouchement opposés à l'adoption de cette disposition constitutionnelle. Par honnêteté intellectuelle, vous aviez rappelé le vote du peuple en 1973 concernant l'initiative du Rassemblement pour une politique sociale du logement et aviez déclaré que le Grand Conseil était bien obligé de la concrétiser. Par conséquent, disiez-vous : «Nous devons accepter cette disposition qui concrétise l'initiative du Rassemblement. Mais nous, parti libéral, recommanderons de voter contre.»
La volonté populaire s'est exprimée à deux reprises sur cette question. Une première fois, en 1973, lorsque le peuple a adopté l'initiative du Rassemblement. Une seconde fois, en automne 1977, lorsque le peuple a dû se déterminer suite au projet de loi du Grand Conseil. Vous avez été, à deux reprises, désavoué par le souverain.
Vous avez omis de rappeler que l'initiative du Rassemblement proposait, à l'origine, d'interdire toute aliénation d'immeubles appartenant à l'Etat ou à des établissements publics ou à des fondations de droit public. Dans un souci de conciliation, les initiants avaient accepté, suite au débat parlementaire qui s'est déroulé dans cette enceinte, de modifier cette volonté exprimée initialement en assouplissant et en soumettant uniquement à l'approbation du Grand Conseil les aliénations d'immeubles appartenant à l'Etat ou à des établissements publics ou à des fondations de droit public.
Un compromis a été adopté, voulu par le peuple, mais non par vous, Monsieur Vodoz.
Les abus commis à l'époque, notamment par l'Hospice général, sont à l'origine de cette initiative du Rassemblement et de cette disposition constitutionnelle adoptée par le peuple. Sauf erreur, l'Hospice général avait souhaité aliéner un de ses immeubles à l'un de ses directeurs.
Cette situation scandaleuse a démontré la nécessité que les biens appartenant à l'Etat, aux établissements publics et aux fondations de droit public soient soumis à l'approbation du Grand Conseil, lorsqu'ils devaient être aliénés.
Vous déclarez aujourd'hui que ce projet de loi n'a pas servi à grand-chose, étant donné le très petit nombre de demandes d'aliénation d'immeubles appartenant à l'Etat ou aux fondations de droit public. Mais le marché immobilier de l'époque permettait à ces établissements de se revendre mutuellement leurs immeubles. Aujourd'hui, la situation du marché immobilier est beaucoup plus délicate. En effet, certaines caisses de pension émettent le désir de vendre leurs immeubles à des tiers et non plus à des fondations de droit public.
Au moment où la disposition constitutionnelle - voulue par le peuple - trouve sa raison d'être, vous prétendez qu'il faut l'abroger, sans quoi, nous empêcherions les caisses de pension d'agir à leur guise. Monsieur Vodoz, c'est justement la raison qui justifie cette disposition constitutionnelle !
Vos propos m'étonnent, Monsieur Vodoz. En effet, lorsque nous adoptons une modification constitutionnelle, cette disposition n'est pas prévue pour les deux ou trois ans à venir. Je ne vous imagine pas proposant des modifications constitutionnelles pour la période couvrant les vingt-quatre mois à venir.
Vous savez que ce texte n'est pas revu tous les cinq ou dix ans. Nous modifions la constitution dans le but de protéger les biens de l'Etat et ceux des fondations de droit public contre les aliénations. Nous désirons créer des moyens d'empêcher des abus, comme ceux que nous avions dénoncés à l'époque.
Vos propos qui figurent dans l'exposé des motifs sont particulièrement choquants. Au moment, donc, où ce contrôle s'avère plus que nécessaire - certaines caisses de pension pourraient être gênées par cette loi, celles-là même qui désireraient se soustraire au contrôle du Grand Conseil et, le cas échéant, à celui de la population - vous défendez le dogme libéral en disant : «Laissons faire et abrogeons la disposition constitutionnelle voulue par la population !». Monsieur Vodoz, nous ne vous suivrons pas sur cette voie. Cette modification constitutionnelle sera soumise au verdict du souverain et je souhaite que vous soyez désavoué sur cette question, comme vous l'avez été dans les deux cas précédents.
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Je récuse le procès d'intention et historique que me fait M. Ferrazino. Tout à l'heure, j'ai pris la précaution de dire que ce projet était délicat et qu'il n'émanait pas d'une initiative du gouvernement, mais des caisses de prévoyance de l'Etat qui, comme tout le monde le sait, sont gérées, paritairement, par des personnes en majorité plus proches de M. Ferrazino que de moi.
J'ai parlé de situation délicate, car je suis bien conscient, ainsi que le Conseil d'Etat, des votes populaires et de la nécessité d'un contrôle.
C'est pourquoi nous n'avons pas voulu - comme le pensaient les caisses de prévoyance de l'Etat - que l'aliénation ne soit plus de la compétence du Grand Conseil ou du Conseil d'Etat, mais qu'elles aient toute liberté qui, d'ailleurs, leur est donnée par la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle.
En raison de la situation économique immobilière difficile, il résulte d'une analyse faite par les caisses de pension que la procédure - telle qu'elle a été voulue par le Grand Conseil et par le peuple - pourrait les entraver lors de changements de propriété des bâtiments.
Compte tenu de la demande expresse qui nous a été faite par l'Intercaisses, telle que citée dans l'exposé des motifs, le Conseil d'Etat vous pose le problème en toute objectivité. Il appartiendra à ce Grand Conseil de trancher.
Désire-t-il leur donner cette liberté, comme il l'a donnée aux SI, à la Banque cantonale - par rapport à l'alinéa 3 de l'article constitutionnel - et à des fondations communales ? Mais il se trouve que les fondations de prévoyance communales devraient alors aussi être placées sous le contrôle du Grand Conseil. Cette situation n'est pas logique, mais nous l'examinerons sereinement en commission. Je récuse encore une fois le procès d'intention qui nous est fait.
M. Michel Halpérin (L). Quant à moi, je ne suis pas surpris de ce procès d'intention. Il ne fallait pas s'attendre à ce qu'un projet tel que celui-ci passe en commission sans que M. Ferrazino et ses amis nous rappellent les origines de l'article 80A.
Ces origines sont ce qu'elles sont. Vous nous les avez rappelées. Historiquement, elles correspondent à une époque déterminée, très différente de la nôtre. Monsieur Ferrazino, vous avez l'air de penser que, lorsque le peuple a voté à la demande du Rassemblement, il reste à jamais fidèle à lui-même. Le peuple est comme chacun d'entre nous. Il a le droit à l'évolution, à la versatilité, au changement d'idée. Nous verrons bien. Nous ne serons pas seuls à élaborer ce projet de loi. Il s'agit d'un projet de loi constitutionnelle qui devra, de toute façon, être soumis au souverain. En conséquence de quoi nous verrons, nous tous, ensemble, si vos pronostics passéistes et rétrogrades se confirment ou si la population genevoise comprend, à cette modeste occasion, que le tout à l'Etat répond à une période désormais révolue, heureusement.
Votre projet est un bon projet, Monsieur le représentant du gouvernement, même s'il est un peu modeste. Nous aurions pu espérer, dix ans s'étant écoulés, aller un peu plus loin et un peu plus vite, mais commençons par le commencement !
Une voix. Très bien !
La présidente. Ce projet de loi est renvoyé à la commission du logement.
Une voix. Législative !
La présidente. Initialement, nous avions dit «législative», au Bureau et avec les chefs de groupe, et vous m'avez fait corriger, alors décidez-vous ! (Brouhaha.)
Bien, je mets aux voix la proposition de renvoyer ce projet de loi à la commission législative. En principe, lorsqu'il y des modifications constitutionnelles, on envoie les projets de lois à la commission législative, mais certains ont prétendu qu'il fallait la renvoyer à celle du logement.
Ce projet est renvoyé à la commission législative.