République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 18 septembre 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 9e session - 40e séance
M 1144
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- le très large appui apporté par la presque totalité des partis au principe du service civil;
- la difficulté, voire l'impossibilité, pour nombre d'associations d'engager des civilistes, vu les indemnités importantes à leur verser (environ 1000 F par mois);
- le fait qu'à l'heure actuelle seuls les établissements d'une certaine importance peuvent, pour des raisons financières, employer des civilistes, créant ainsi une distorsion sur le marché de l'emploi,
invite le Conseil d'Etat
à prélever sur les crédits non dépensés en 1996 du département militaire la somme de 100 000 F destinée à soutenir financièrement les associations qui souhaitent engager un civiliste.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le 1er octobre 1996, la loi fédérale sur le service civil, soutenue par une large majorité des partis, entrait en vigueur.
Enfin la Suisse offrait aux personnes qui ne pouvaient concilier leur conscience avec le service militaire la possibilité d'effectuer un travail au service de la société civile: santé, social, conservation des biens culturels, recherche, protection de l'environnement, coopération au développement, agriculture. Autant de secteurs dans lesquels allaient pouvoir s'engager les civilistes.
Mais après quelques mois de fonctionnement, les premières difficultés surgissent, ainsi que certains effets pervers.
1. Les difficultés
Nombre des domaines cités ci-dessus sont suivis par la vie associative. Or, l'emploi d'un civiliste coûte cher: presque 1 000 F par mois, ce qui dissuade les associations d'avoir recours à cette possibilité. La loi n'offre donc aucune amélioration pour la vie associative, contrairement à ce qu'elle aurait dû entraîner.
2. Les effets pervers
A l'heure actuelle, seules les institutions d'une certaine importance peuvent assurer le «salaire» d'un civiliste. Hôpitaux, maisons pour personnes âgées, etc. Mais, en fait, il s'agit là d'une distorsion sur le marché de l'emploi, car le recours aux civilistes évite à ces institutitons d'engager du personnel fixe.
Conscient de ce problème, l'OFIAMT vient de créer un fonds d'un million de francs pour aider les associations de protection de l'environnement, mais uniquement elles, à assumer les frais occasionnés par l'engagement d'un civiliste.
Genève connaît une vie associative très riche, dans le domaine de l'environnement, mais aussi et surtout dans le cadre de la défense des droits de l'homme.
Pour compléter l'aide octroyée par l'OFIAMT, Genève devrait avoir à coeur de soutenir aussi les associations qui travaillent dans d'autres secteurs.
C'est pourquoi nous proposons de prélever une petite moitié des crédits non dépensés au département militaire durant l'année 1996 pour créer un fonds d'aide à l'engagement des civilistes à Genève.
Le taux de participation (les associations pourraient verser un pourcentage du salaire), les critères d'octroi, etc., devront être définis par un règlement.
Cette proposition vise à rendre utile et efficace une loi largement soutenue et qui malheureusement ne répond pas totalement aux attentes.
C'est pourquoi nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accueillir favorablement cette motion.
Débat
La présidente. Cet objet est resté non traité au département militaire en raison d'une erreur dans l'ordre du jour. Il s'agit du point 49 bis, soit une proposition de motion concernant l'application du service civil. D'ores et déjà, je vous informe que la commission ad hoc, à laquelle cette proposition devrait être renvoyée, est constituée.
M. Luc Gilly (AdG). Voici bientôt une année que la loi sur le service civil est entrée en vigueur à la satisfaction de la plupart des personnes qui ont soutenu ce projet ou qui y participent. Un an de service civil, c'est peu, il est vrai, mais un an, c'est déjà suffisant pour se rendre compte d'une grave lacune dans son application.
En effet, un des buts du service civil était d'offrir une amélioration notable aux associations souvent privées de finances suffisantes et trop souvent handicapées par le fait que les bénévoles ne «se ramassent pas à la pelle».
Les associations pensaient pouvoir accueillir des civilistes pour mieux faire leur travail. Or, vous devez savoir, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il en coûte à peu près 1 000 F par mois à chaque association qui veut engager un civiliste, si elle entend bénéficier de cette aide attendue.
Cette motion tente de corriger le tir, si j'ose dire. Elle propose donc de prélever la somme de 100 000 F sur les crédits du département militaire non dépensés en 1996. Cette somme, bien modeste, mais, bienvenue, permettra donc aux civilistes d'être accueillis par de petites associations. Vous l'aurez compris, jusqu'à présent, seules les institutions d'importance peuvent engager des civilistes. Mais, en raison du chômage, l'engagement de civilistes dans certaines institutions nous pose des problèmes qu'il faudra aussi aborder et résoudre.
Pour revenir à la motion, il est important que nous la soutenions ce soir en la renvoyant à la commission ad hoc - si j'ai bien compris - pour la traiter au plus vite. Elle pourra peut-être rendre au service civil une de ses raisons d'être et une de ses raisons de vivre.
Pour ceux qui n'ont pas lu le projet de cette motion, je rappelle que l'OFIAMT a ouvert un compte d'un million de francs pour venir en aide aux associations, mais à celles travaillant uniquement sur les questions de protection de l'environnement.
A Genève, il s'agit de faire connaître le nombre des associations - pas seulement celles liées à la protection de l'environnement - afin qu'elles puissent bénéficier d'une aide substantielle, sinon je ne vois pas comment elles pourraient se débrouiller.
Mme Elisabeth Reusse-Decrey (S). Je compléterai très brièvement ce qu'a dit M. Gilly. Au 31 mars 1997, quelques mois après l'entrée en vigueur de la loi, mille quatre cents demandes d'exécution de service civil avaient été déposées. Parmi ces mille quatre cents demandes, la proportion de Genevois était importante et nettement au-dessus de la moyenne nationale. (Brouhaha.)
La présidente. Un peu de silence, s'il vous plaît !
Mme Elisabeth Reusse-Decrey. Comme l'a dit M. Gilly, les associations rencontrent des difficultés importantes, ne pouvant payer les civilistes. La concurrence s'est installée sur le marché du travail; en voici deux ou trois exemples : le foyer «Clair-Bois» propose trois postes pour civilistes, la résidence «Les Châtaigniers» en demande plusieurs, les établissements publics socio-éducatifs, EPSE, également. S'il est bien que des civilistes travaillent auprès des handicapés ou des personnes âgées... (Brouhaha.)
La présidente. Monsieur Lescaze, s'il vous plaît, on peut rire à la buvette ou à la salle des Pas perdus ! (Brouhaha.)
Mme Elisabeth Reusse-Decrey. ...les risques de concurrence sur le marché du travail pour ce genre d'établissements qui engagent des civilistes à 1 000 F par mois, au lieu de créer des emplois, sont un effet pervers de la loi qu'il faut corriger. Voilà en ce qui concerne la loi sur le service civil.
Côté finances, chaque député se souvient qu'il avait été décidé que les crédits non dépensés en 1996 seraient reportés en 1997 et permettraient, premièrement, de payer une prime unique à la fonction publique, deuxièmement, d'assurer l'indexation des allocations aux personnes âgées et aux chômeurs en fin de droit et, troisièmement, de payer, si nécessaire, des dépassements de crédit au DTPE qui aurait sous-évalué des frais dans certains secteurs.
Dès lors, si des crédits reportés peuvent être utilisés pour dépanner le DTPE qui a mal évalué les budgets nécessaires à son fonctionnement, nous avons estimé que l'on pourrait aussi prélever une toute petite partie de ces crédits pour aider des associations à engager des civilistes, afin qu'une loi que nous avons tous voulue puisse répondre à ses objectifs.
M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat. Ce type de problème est assez systématiquement affecté au département militaire. Sachez, une fois encore, que le service civil n'a rien à faire avec les affaires militaires. Il dépend du Département fédéral de l'économie. C'est l'OFIAMT qui est chargé de l'application du service civil dans notre pays. Cette tâche est exclusivement de nature fédérale et, d'ailleurs, la loi fédérale prévoit expressément et de manière limitative les tâches auxquelles peuvent être affectés les civilistes.
Voilà pour la forme, afin que l'on ne mélange pas le département militaire et le service civil. Ce n'était pas non plus du ressort du département de justice et police, mais, comme je l'avais suggéré, celui du département de l'économie.
Cela étant, je prends bien volontiers le projet. Il est vrai qu'une personne faisant son service civil représente une dépense mensuelle - y compris la nourriture - de 999 F, donc quasiment les 1 000 F qu'il gagne. Il est tout aussi vrai que l'OFIAMT a créé un fonds d'un million pour permettre de le financer.
Pour ma part, je considère - mais votre Grand Conseil décidera - que le canton ne doit pas assumer cette tâche. En effet, je ne pense pas que cette demande de 100 000 F soit exceptionnelle. Elle se répétera régulièrement pour faciliter et permettre de financer l'engagement de personnes désireuses de faire leur service civil dans des associations ou dans des organisations qui ne pourraient pas les financer.
Je ne vois pas d'inconvénient au fait que vous la traitiez en commission ad hoc, puisque vous avez décidé de former une commission ad hoc sur cette question. A cet égard, je souhaite pouvoir être entendu par cette commission, ou, alors, mon collègue Jean-Philippe Maitre, si l'on souhaite que ce soit le département de l'économie publique. Mais j'entends, comme chef du département des finances, l'être aussi en ce qui concerne l'utilisation des reports de crédit.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission ad hoc du service civil.
La présidente. Cette commission est composée de Mmes et MM. : Henri Gougler, René Koechlin, Claude Lacour, Armand Lombard, Vérène Nicollier pour le parti libéral; Luc Gilly, Christian Grobet, Liliane Johner pour l'Alliance de gauche; Dominique Hausser, Elisabeth Reusse-Decrey pour le parti socialiste; Thomas Büchi, Pierre Froidevaux pour le parti radical, Olivier Lorenzini, Pierre Marti pour le parti démocrate-chrétien; Gabrielle Maulini-Dreyfus pour le parti des Verts.