République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 19 juin 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 7e session - 32e séance
PL 7447-B
Lors de sa séance du 12 décembre 1996, notre Grand Conseil a renvoyé à la commission des affaires communales et régionales le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur les cimetières.
On rappellera que ce projet avait été étudié par la commission lors de ses séances des 1er octobre, 15 octobre et 29 octobre 1996 et que le texte que la commission avait soumis au Grand Conseil, le 12 décembre 1996, avait été adopté à l'unanimité des membres de la commission.
Le renvoi en commission a été motivé par trois éléments: une lettre de l'Association des communes genevoises qui regrettait que ses propres demandes n'aient pas été retenues, d'une part, une remarque de pure technique législative du département de justice et police et des transports, d'autre part, et enfin un souhait du député Bénédict Fontanet, que la commission réexamine la problématique liée à la laïcité des cimetières (Mémorial 1996, pages 7714 à 7716).
La commission des affaires communales et régionales a donc repris ses travaux le 14 janvier 1997 et a procédé aux auditions de l'Association des communes genevoises, de M. Gérard Ramseyer, président du département de justice et police et des transports, et de M. Michel Rossetti, conseiller administratif de la Ville de Genève.
Avance des frais de funérailles
A l'origine du projet de loi, se trouve la volonté des communes de mieux répartir entre elles les frais de funérailles dont elles peuvent être obligées d'en faire l'avance. L'Association des communes a dès lors prévu que les frais de funérailles sont avancés le cas échéant par la commune de domicile du défunt, puis, à défaut de domicile, par la commune où le défunt était propriétaire, puis, à défaut, par la commune d'origine et enfin par la commune sur le territoire de laquelle le décès est survenu.
Lors de son premier examen du projet de loi, la commission avait estimé ce système trop compliqué et qu'il suffisait de permettre aux communes de produire leur créance dans le cadre de la succession du défunt, voire de conclure directement entre elles des accords à ce propos. Devant l'insistance répétée de l'Association des communes et de la Ville de Genève, la commission se rallie en définitive à la proposition de l'Association des communes, en prenant acte des engagements desdites communes que le nouveau système n'entraînera pas de situations où un défunt resterait privé de funérailles pendant que les différentes communes concernées rechercheraient laquelle doit faire l'avance des frais. C'est sur la base de cette assurance que la commission a, en définitive, accepté de suivre la proposition de l'Association des communes genevoises, étant encore rappelé que ces règles ne s'appliquent qu'entre les communes genevoises exclusivement. La règle permettant à la commune qui a fait l'avance des frais de produire sa créance dans le cadre de la succession demeure.
Durée et tarif des concessions
Dans ses précédents travaux, la commission avait supprimé la disposition stipulant que les communes fixent la durée et le tarif des concessions, cela en partant de l'idée que les compétences générales données aux communes en matière de cimetières suffisaient. Le département de justice et police et des transports estime cependant préférable qu'une base légale précise figure dans la loi cantonale et la commission n'a eu aucune difficulté à accéder à ce souci de pure technique législative.
Laïcité des cimetières
Lors de ses travaux d'octobre 1996, la commission avait longuement discuté de la problématique liée à la laïcité des cimetières et avait conclu, à l'unanimité, qu'il était nécessaire de réaffirmer ce principe à l'occasion de la modification de la loi, réaffirmant de la sorte les principes sur lesquels s'était fondé le législateur de 1876 en les réactualisant. Déférant aux voeux du député Fontanet, la commission a repris cette question lors de sa séance du14 janvier 1997 et a notamment formellement interpellé les personnes qu'elle a auditionnées sur cette question. L'Association des communes genevoises a catégoriquement exprimé son attachement au maintien du principe de la laïcité et a fait observer, à juste titre, que l'admission de cimetières confessionnels, s'agissant en particulier des religions juive et musulmane, pose des problèmes insurmontables de durée des concessions. Le département de justice et police et des transports, par la voix du président Ramseyer, a également confirmé son attachement au principe de la laïcité des cimetières, soutenu par M. Michel Rossetti, conseiller administratif de la Ville de Genève, qui a rappelé que «la laïcité apporte la paix civile et religieuse».
Après avoir entendu ces avis, la commission a débattu à nouveau du sujet et, à nouveau à l'unanimité, est parvenue à la conclusion qu'il fallait réaffirmer le principe de la laïcité des cimetières. En plus des arguments avancés dans son précédent rapport (Mémorial 1996, pages 7705 et suivantes) la commission vous livre les réflexions suivantes:
1. Historiquement, la laïcité de l'Etat est le corollaire nécessaire de la liberté de croyance et de conscience. Les révolutionnaires français, luttant contre le pouvoir de l'Eglise, ont affirmé le principe de la laïcité, afin de protéger les citoyens contre les obligations de toutes sortes que leur imposait le pouvoir religieux indissociable du pouvoir de la monarchie capétienne. Le combat en France durera plus d'un siècle, puisque ce n'est qu'en 1903 que la séparation entre l'Eglise et l'Etat sera définitivement acquise. Il convient toutefois aujourd'hui de ne pas limiter le principe de la laïcité au combat des démocrates contre l'emprise religieuse, mais de donner un contenu positif à la laïcité en ce sens qu'elle oblige l'Etat à garantir les conditions de la paix religieuse et civile permettant à chacun d'exercer sa liberté religieuse. La limite de la liberté religieuse se situe précisément là où l'exercice de ladite liberté empiète sur celle d'autrui et là où l'ordre public est menacé par les excès religieux.
Nous sommes égaux devant la mort, et la loi genevoise sur les cimetières, en garantissant notamment une sépulture digne à chacun, contribue à la mise en oeuvre de ce principe. L'existence de cimetières confessionnels aurait certes l'avantage de respecter plus qu'aujourd'hui les convictions religieuses des défunts et de leurs proches, mais elle fait courir à la paix civile et religieuse des risques majeurs qui, s'ils apparaissent limités aujourd'hui, peuvent néanmoins réapparaître de manière rapide et dramatique.
La commission considère que le rôle fondamental de l'Etat de garantir la paix civile et religieuse justifie que l'on fixe ici une limite à la liberté religieuse et c'est la raison pour laquelle elle réaffirme son attachement au principe de la laïcité et vous invite à la suivre dans ses conclusions.
2. La dernière fois que l'ordre public suisse a été troublé par des questions religieuses remonte à la guerre du Sonderbund et c'est précisément immédiatement après cette guerre que le Grand Conseil a adopté la loi de 1876 que nous sommes aujourd'hui appelés à modifier. Nul ne pensait, lors des Jeux olympiques de 1984 à Sarajevo que cette ville, mosaïque de peuples et de religions, sombrerait dans la guerre civile quelques années plus tard. Nous ne devons pas avoir la prétention, dans une cité pluriconfessionnelle et pluriculturelle comme la nôtre, de croire que nous sommes à l'abri définitivement de toute crise et nous devons par conséquent garantir un cadre institutionnel favorisant la liberté religieuse et maîtrisant ses débordements: c'est ce à quoi contribue le principe de la laïcité des cimetières.
3. S'agissant tout spécialement des religions juive et musulmane, on rappellera que le principe commun à ces deux religions est l'inviolabilité des tombes. Cette exigence d'éternité est incompatible avec les principes démocratiques qui permettent au peuple de décider en tout temps des changements d'affectations de terrains. Le principe de l'inviolabilité, sans limite de temps, des tombes n'est envisageable que dans une société où, de manière unanime, le peuple respecte ce principe fondamental. Dans notre société, où un tel principe n'est pas acquis, le jeu démocratique peut conduire à ce qu'un cimetière soit désaffecté et son terrain destiné à d'autres utilisations. Une telle situation serait alors explosive, car l'on peut craindre que les communautés concernées ne considèrent, et à juste titre, la désaffection d'un cimetière comme une véritable trahison à l'égard des défunts qui y sont enterrés. C'est parce que nous ne voulons pas d'une telle situation que nous réaffirmons une fois encore notre attachement au principe de la laïcité des cimetières.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires communales et régionales a donc modifié le projet qu'elle vous a soumis lors de la séance du 12 décembre 1996 et vous recommande, par huit voix pour, une contre (AdG) et trois abstentions (2 PS, 1 Ve), d'adopter le projet de loi modifié dans la teneur qui suit. L'opposition au projet de loi a été motivée par la possible mise à la charge des frais de funérailles à la commune dans laquelle le défunt disposait d'une propriété immobilière. Les abstentions ont été motivées par les craintes de blocages auxquels peut conduire le système compliqué de la cascade d'avances de frais entre les différentes communes concernées.
Premier débat
M. Laurent Moutinot (S), rapporteur. J'avais mis au point un précédent rapport pour la commission des affaires communales et régionales. Le Grand Conseil nous avait renvoyé à nos travaux. En définitive, lors de cette deuxième série de travaux de commission, nous avons accepté les demandes de l'association des communes genevoises.
Je n'étais pas très enthousiaste et je demeure sceptique quant à cette proposition. C'est la raison pour laquelle, je m'étais abstenu lors des travaux en commission. Mais, dans la mesure où l'essentiel de cette loi est acceptable, le parti socialiste votera ce projet de loi.
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOImodifiant la loi sur les cimetières
(K 1 65)
Le GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur les cimetières, du 20 septembre 1876, est modifiée comme suit:
Art. 4 (nouvelle teneur)
1 Dans la règle, chaque commune doit avoir un ou plusieurs cimetières afin de pourvoir à la sépulture décente:
a) de toute personne décédée sur son territoire;
b) de ses ressortissants;
c) des personnes nées, domiciliées ou propriétaires sur son territoire.
2 Le Conseil d'Etat peut autoriser plusieurs communes à avoir un cimetière commun.
3 Les emplacements sont attribués sans distinction d'origine ou de religion.
4 Les frais de creusage, de comblement d'une fosse et de mise à disposition d'un emplacement de tombe pendant 20 ans, ou en cas d'incinération, de mise à disposition d'un emplacement pour l'urne cinéraire pendant 20 ans, sont à la charge de chaque commune pour les personnes visées à l'alinéa 1. Le règlement communal fixe le tarif des frais dans les autres cas.
5 Les communes peuvent accorder, dans le terrain réservé aux tombes, des concessions dont la durée et le tarif sont fixés par le règlement communal.
Art. 4A (nouveau)
1 Les frais de funérailles comprennent la fourniture d'un cercueil, la mise en bière et le transfert au cimetière ou au crématoire et, le cas échéant, la fourniture d'une urne.
2 Le règlement communal détermine les cas où la commune assure la gratuité des frais de funérailles et sa participation éventuelle à ces frais dans les autres cas.
3 Au besoin, les frais de funérailles sont avancés dans les limites fixées par le règlement d'exécution:
a) par la commune de domicile du défunt;
b) à défaut de domicile dans le canton, par la commune où le défunt était propriétaire;
c) à défaut de propriété immobilière dans le canton, par la commune d'origine du défunt;
d) à défaut de commune d'origine dans le canton, par la commune sur le territoire de laquelle le décès est survenu.
4 La commune qui a fait l'avance des frais de funérailles visés à l'alinéa 1 peut produire sa créance dans le cadre de la succession du défunt, lorsqu'il ne s'agit pas d'un cas où le règlement communal prévoit la gratuité.
Art. 7 (abrogé)