République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 13 juin 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 7e session - 30e séance
R 334
EXPOSÉ DES MOTIFS
L'an dernier notre Grand Conseil a voté une nouvelle loi sur les allocations familiales. Cette nouvelle législation conditionne l'octroi des allocations d'encouragement à la formation - pour les jeunes de 18 à 25 ans qui poursuivent des études ou un apprentissage - à la situation financière des parents.
L'introduction de ce critère de ressources a pour conséquence une diminution des allocations de chômage des personnes qui ont des enfants aux études ou en apprentissage et qui ont un revenu supérieur aux normes fixées par la loi genevoise sur les allocations familiales.
Les indemnités de chômage représentent le 70% du salaire assuré. Ce taux est porté à 80% du salaire assuré pour les personnes qui ont des enfants à charge. L'ordonnance considère qu'un enfant est à charge s'il donne droit à des allocations familiales ou d'encouragement aux études (art. 33 OACI). L'application stricte de cette disposition a pour conséquence que les chômeurs et chômeuses qui ont un enfant aux études ou en apprentissage ne touchent que le 70% de leur dernier salaire si leur revenu est en dessus des normes fixées par la législation genevoise sur les allocations familiales.
A partir du 1er janvier 1997, ces chômeurs sont doublement pénalisés, non seulement ils ne bénéficient plus des allocations de formation, mais en plus leurs indemnités de chômage passent de 80% à 70% de leur salaire assuré.
Cette diminution des prestations de chômage n'a pas été voulue par les députés genevois et ne correspond pas à la volonté du législateur fédéral. En effet, le commentaire du projet d'ordonnance sur l'assurance-chômage du 21 septembre 1995 précise à propos de l'article 33 que: «chaque personne ayant une obligation d'entretien envers un enfant touche une indemnité au taux de 80%».
Compte tenu de ce qui précède, il serait souhaitable que le Conseil fédéral prenne en compte la législation particulière du canton de Genève et modifie l'ordonnance de la LACI pour permettre à l'ensemble des chômeurs qui ont des enfants de moins de 25 ans, qui poursuivent des études ou un apprentissage et qui sont à leur charge, de toucher des indemnités de chômage représentant le 80% de leur salaire assuré.
Au bénéfice de ces explications, nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, de bien vouloir accueillir favorablement cette résolution.
Débat
M. Pierre-Alain Champod (S). L'an dernier, le Grand Conseil a voté une nouvelle législation sur les allocations familiales. Dans le cadre de cette refonte des allocations familiales, le versement des allocations pour les personnes ayant des enfants de plus de 18 ans qui poursuivent des études ou un apprentissage a été transféré des caisses d'allocations familiales au service des bourses d'étude et d'apprentissage.
Dans les travaux que nous avions effectués à cette époque, nous avions également instauré une clause de revenus pour bénéficier de cette allocation de 220 F pour les personnes ayant des enfants âgés de 18 à 25 ans. Lorsque nous avons voté ce projet de loi, aussi bien en plénière que dans les discussions en commission, nous n'avions pas imaginé qu'il pourrait avoir des conséquences fâcheuses pour un certain nombre de parents qui sont au chômage.
Il convient ici de rappeler que les personnes ayant des enfants à charge et qui sont au chômage touchent 80% de leur dernier salaire; celles qui n'en ont pas ne touchent que 70%. Comment la notion d'enfant à charge est-elle définie par la loi ? L'article 33 du règlement d'application de la LACI stipule : «...qui a une obligation d'entretien envers des enfants si l'assuré a droit à des allocations pour enfant ou de formation professionnelle en vertu du droit cantonal sur les allocations familiales.»
A partir de ce que je viens de dire, deux situations se présentent :
- Les personnes qui sont au chômage dont le revenu familial dépasse les limites donnant droit aux 220 F d'allocations. Ces personnes touchent 70% seulement de leur indemnité de chômage, les autorités fédérales considérant qu'elles n'ont pas d'enfant à charge.
- Les personnes qui entrent dans les limites de revenu fixées par la législation genevoise. Actuellement, les caisses de chômage versent 80% du dernier salaire, mais cette décision des caisses genevoises est contestée par l'OFIAMT. En effet, le règlement stipule que la prestation doit venir de la loi des allocations familiales. Or, à Genève, elle vient de la loi sur les allocations et les bourses d'études.
En conséquence - et c'est le but de cette résolution - notre Grand Conseil doit rendre les autorités fédérales attentives à ce problème pour bien montrer que la volonté du législateur genevois n'était pas de priver les personnes ayant des enfants entre 18 et 25 d'une partie des indemnités de chômage.
D'autre part, je vous signale que des parlementaires genevois qui siègent à Berne sont également intervenus dans le même sens que cette résolution.
Je vous invite donc, Mesdames et Messieurs les députés, à renvoyer ce soir cette résolution au Conseil fédéral.
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). Souvent, pour un nouveau progrès social, la pratique d'une loi met en lumière quelques contradictions face aux objectifs initiaux. Cela est regrettable, car cela concerne des familles qui se trouvent déjà en situation de fragilité suite au chômage.
En effet, la prise en compte de la nouvelle loi genevoise en matière d'allocations familiales montre que son interprétation au niveau fédéral pénalise les chômeurs genevois. Cela est certainement dû à une incompréhension des législateurs fédéraux.
Il est donc impératif de renvoyer cette résolution au Conseil fédéral pour qu'il puisse reconsidérer la LACI. C'est la recommandation expresse du groupe radical.
M. Bernard Clerc (AdG). Nous ne serions pas en train de discuter de cette résolution si nos amendements, lors du débat sur la loi sur les allocations familiales, avaient été suivis, notamment celui prévoyant le rétablissement des allocations familiales jusqu'à l'âge de 25 ans.
Alors, évidemment, si on part d'une modification comme celle-là et qu'elle induit par la suite un certain nombre de conséquences en cascade, il ne faut pas s'étonner que l'on soit contraint d'essayer d'autres mesures telles que cette résolution dont on peut d'ailleurs malheureusement douter qu'elle débouche sur quelque chose de positif.
Nous la soutiendrons néanmoins, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, mais, une fois encore, nous avons la démonstration que la fameuse théorie selon laquelle il faut donner à ceux qui en ont besoin - en l'occurrence, on a supprimé les allocations familiales à six mille jeunes sous prétexte de ne donner qu'à ceux qui étaient dans les normes des allocations d'apprentissage et de bourses d'études - engendre un cumul de désavantages en cascade qui se portent sur une partie de la population, notamment la classe moyenne.
Cette résolution permet justement de faire cette démonstration. C'est la raison pour laquelle je tenais à mettre ces éléments en évidence.
M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Il est exact que la nouvelle loi cantonale sur les allocations familiales a créé des distorsions dans l'application de la législation fédérale en matière d'assurance-chômage, en particulier au regard de la nouvelle ordonnance d'application de la LACI révisée. Le problème est donc réel. Il a été débattu dans le cadre du Conseil de surveillance du marché de l'emploi avec les partenaires sociaux.
Je suis en mesure de vous indiquer que le 9 avril 1997 le Conseil d'Etat est intervenu auprès de M. Delamuraz pour lui demander de mettre en chantier une révision de l'ordonnance. Par courrier du 2 mai 1997, M. Delamuraz m'a répondu en disant qu'il était conscient du problème de l'existence de cette inégalité de traitement entre assurés, et qu'une modification des dispositions de la LACI et de l'OACI devait être envisagée à brève échéance.
Dans ce contexte, cette résolution est utile pour deux raisons.
D'abord, parce qu'elle montre que le parlement appuie cette démarche du Conseil d'Etat et, ensuite, parce qu'elle peut avoir pour effet de confirmer ce que nous avons l'intention de dire à l'autorité fédérale : il n'est pas nécessaire de modifier la loi - ce qui serait de toute évidence trop long - il suffit de traiter ce point au niveau de l'ordonnance pour arriver au résultat souhaité.
Cette résolution devrait effectivement être renvoyée non pas aux Chambres fédérales, Monsieur Champod, mais directement au Conseil fédéral, et nous en appuierons son soutien.
Mise aux voix, cette résolution est adoptée et renvoyée au Conseil fédéral.
Elle est ainsi conçue :
rÉsolution
concernant le chômage et les allocations familiales
LE GRAND CONSEIL,
considérant:
- que la législation sur le chômage prend en compte les enfants à charge dans la fixation des indemnités;
- que la nouvelle législation genevoise sur les allocations familiales entrée en vigueur le 1er janvier 1997 conditionne l'octroi des allocations d'encouragement à la formation à la situation financière des parents;
- que cette nouvelle législation sur les allocations familiales pénalise une partie des chômeuses et des chômeurs genevois qui ont des enfants en études ou en apprentissage,
invite le Conseil fédéral
à modifier l'ordonnance de la loi sur le chômage afin de considérer comme charge de famille les jeunes adultes qui poursuivent des études ou un apprentissage indépendamment du fait que leurs parents soient au bénéfice d'une allocation d'encouragement à la formation.
La présidente. Nous passons au point 34 de notre ordre du jour, réplique de Mme Fabienne Blanc-Kühn à la suite de la réponse orale du Conseil d'Etat à son interpellation 1980, «La SIP de demain : quel futur pour les travailleuses et les travailleurs ?». Mme Fabienne Blanc-Kühn, vous avez la parole !
Mme Fabienne Blanc-Kühn (S). La SIP ayant une longue histoire, je répliquerai lors d'une session ultérieure.
La présidente. Bien, nous agenderons de nouveau votre réplique !