République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 13 juin 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 7e session - 30e séance
M 1140
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- le besoin de gérer de façon partenariale, entre entreprises, secteur public et société civile, la création d'emplois et le développement d'un tissu socio-économique;
- la nécessité de soutenir des projets entrepreneuriaux, par l'apport de fonds propres de lancement, dits capital-risque;
- que la région formée par la Suisse occidentale permet une gestion du développement innovant, grâce à un bassin de population de 1,5 à2 millions d'habitants;
- le soutien apporté par de nombreux cantons et autres pouvoirs publics au capital-risque,
invite le Conseil d'Etat
1. à établir dans un délai de 2 ans un Conseil régional du capital de lancement ou toute autre institution remplissant les mêmes fonctions, disposant d'un capital de dotation pour assurer son fonctionnement;
2. à coordonner, par un pool ou réseau de compétences professionnelles apolitiques, les soutiens publics romands au capital-risque afin de rechercher les synergies les meilleures; le cas échéant, par la création d'un fonds romand d'investissement, et avec l'appui des banques cantonales;
3. à lui proposer toute mesure législative utile pour abolir les concurrences fiscales, immobilières, etc., intercantonales dans le développement économique afin de créer en 5 ans une politique régionale commune de développement.
EXPOSÉ DES MOTIFS
De nouveaux projets créatifs
Un des moyens les plus sûrs d'améliorer le potentiel économique d'une région est de permettre la naissance de nouveaux projets, le développement de services créatifs ou de produits innovants. Ces projets sont les signes d'une vitalité éduquée de notre région de Suisse occidentale, romande ou lémanique. Avec des voies nouvelles, une dynamique économique et sociale se crée qui a tant manqué dans les années de grande satisfaction de l'après guerre et des Trente glorieuses.
Créer des emplois en créant des entreprises
Des emplois disparaissent lorsque s'éteint la flamme de la recherche et du développement. Mais des emplois se créent lorsque l'on stimule ce caractère privilégié de notre région, celui de l'innovation, de la culture technologique et sociale de pointe, de la curiosité pour les améliorations du bien-être de la société.
Du capital de lancement plutôt que du capital-risque
On a tort de conserver l'expression capital-RISQUE dans un secteur où les techniques de gestion permettent de suivre une entreprise naissante de manière à réduire ces risques qui paraissent inhérents à son développement. Les progrès sont grands depuis les tribulations des venture capitalists des années 80 pour inverser un taux de mortalité d'entreprise innovante de 80% dans les trois premières années d'existence, et assurer un suivi structuré qui permet, dès lors, de parler de capital de LANCEMENT, autrement plus positif.
Du capital-risque régional
Les gouvernements cantonaux de Suisse occidentale se sont tous intéressés au développement du capital-risque. La défection des grandes banques commerciales suisses dans ce secteur les y a incités.
Le tissu financier doit prendre une forme nouvelle et se recomposer, de façon partenariale :
- avec les investisseurs privés, ces «business angels» comme on les appelle aux Etats-Unis et qui ont réuni, en 30 000 clubs informels, plus de 20 milliards de dollars en apport capital-risque en 1995, avec aussi les institutions de prévoyance qui doivent privilégier l'investissement dynamique régional sans le maintien duquel le versement de ses rentes de vieillesse ne pourra jamais être assumé dans 10 ou 20 ans;
- avec les entreprises qui stimulent des équipes de recherche et qui renouvellent leur gamme de produits ou de services de peur de se retrouver avec un outil dépassé;
- avec l'apport public d'un Etat responsable de développer l'infrastructure de la communauté, que ce soit pour le logement, pour la circulation, les transports publics, la distribution énergétique ou que ce soit pour le maintien d'un tissu socio-économique en santé avec des emplois offerts et des marchés ouverts.
L'investissement régional de capital-risque ou de capital de lancement permet de stimuler l'emploi et de freiner, voire d'éradiquer grâce à une série de moyens judicieux, le chômage, cette anomalie scandaleuse d'une démocratie socio-libérale.
L'investissement dans ce qui est neuf et prospère, suivi avec des indicateurs et des outils compétents pour devenir un succès, est aussi une source de financement futurs. Les gains à réaliser sur des mises de fonds dans de jeunes entreprises dynamiques seront des véhicules profitables et positifs pour le financement des projets suivants. Il est nécessaire de rétablir cette dynamique de financement qui a quitté nos moeurs dans l'explosion économique facile des années 50 à 80.
Mise en commun régionale
Ces supports financiers accordés au capital-risque par des cantons bien intentionnés ne seront en place et prêts à bonne utilisation que lorsqu'ils seront basés sur une région complète et diversifiée. 200 000 habitants n'est pas la norme d'une société qui, en réseau décentralisé, organise sa vie et son développement à une échelle européenne ou même mondiale. La référence de masse critique actuelle est de l'ordre de 1 à 2 millions d'habitants. Cela représente la région lémanique et l'arc jurassien, regroupés en Suisse occidentale et, pourquoi pas, avec leurs voisins proches.
Les luttes fratricides sont à bannir pour obtenir chez soi, dans son canton, telle entreprise étrangère, pour attirer telle main-d'oeuvre de qualité, sont à bannir. La région est la norme qui permet le maintien de l'emploi et le developpement d'une société en santé. La coordination des entreprises du bassin d'emploi d'une région est désormais une règle de base d'existence équilibrée d'une communauté.
Certes, il ne s'agit pas de tout centraliser et alourdir. Une bureaucratie supplémentaire pourrait bien tuer définitivement notre région. A chacun sa spécificité, sa niche particulière de compétence ou de marché.
Mais que l'on coordonne, dans le cadre d'une politique de développement commune, élaborée ensemble ! Que les offres alléchantes pour l'accueil ou le développement soient développées dans un cadre commun et que les péréquations souhaitables soient mises en place pour que chacun profite d'un développement et pas un seul seulement.
L'urgence est grande
Les gouvernements doivent agir vite.
La présente motion est en phase d'être déposée dans tous les cantons romands à l'instigation du Forum interparlementaire romand (FIR), qui regroupe des parlementaires de tous les cantons.
Une crise structurelle est le meilleur moment pour créer de nouveaux instruments performants. La coordination des efforts de capital-risque est un aspect de cette dernière. Il s'agit d'utiliser comme une des pierres de l'édifice d'un développement actif, créateur d'emplois, de confiance dans les qualités de notre région et de plaisir d'améliorer le mieux-être de tous.
Débat
M. Armand Lombard (L). Après avoir fait, comme on dit, «un tour des popotes» de ce Grand Conseil, tout le monde est d'accord de demander, sans discussion, le renvoi de ce projet à la commission de l'économie qui dès lundi étudiera ce projet.
Je demande donc un vote immédiat sur le renvoi en commission.
Présidence de Mme Christine Sayegh, présidente
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission de l'économie.