République et canton de Genève

Grand Conseil

No 29/IV

Vendredi 13 juin 1997,

soir

Présidence :

M. René Koechlin,premier vice-président

puis

Mme Christine Sayegh,présidente

La séance est ouverte à 17 h.

Assistent à la séance : MM. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat, Philippe Joye, Guy-Olivier Segond, Gérard Ramseyer et Mme Martine Brunschwig Graf, conseillers d'Etat.

1. Exhortation.

Le président donne lecture de l'exhortation.

2. Discussion et approbation de l'ordre du jour.

M. Christian Grobet (AG). Monsieur Koechlin, en tant que vice-président de ce Grand Conseil, vous devez savoir par coeur notre règlement, en prévision de vos éventuelles charges futures.

J'ignore si ce règlement prévoit un quorum comme au Conseil national. Je pense, Monsieur le président, que nous ne pouvons pas, décemment, siéger à quelques-uns, sachant que de nombreux députés assistent aux obsèques d'un ancien député, M. Charles Bosson.

Je propose une suspension de séance et que nous reprenions nos travaux à partir de 17 h 30. Je vous signale que certains députés sont partis, en croyant que la séance débuterait à 17 h 30.

Ne serait-ce que par égard pour ceux qui assistent aux obsèques de M. Bosson et pour ceux qui sont partis de bonne foi, il conviendrait, selon moi, de suspendre la séance jusqu'à 17 h 30.

Le président. Nous aurions pu traiter les points formels, éventuellement les interpellations urgentes. C'était une possibilité et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai ouvert la séance à l'heure prévue.

Je mets donc votre proposition aux voix.

Le résultat est douteux.

Il est procédé au vote par assis et levé.

Le sautier compte les suffrages.

La proposition de suspendre la séance et de la reprendre à 17 h 30 est adoptée par 15 oui contre 11 non.

La séance est suspendue à 17 h 5.

La séance est reprise à 17 h 30.

Présidence de Mme Christine Sayegh, présidente

(La présidente donne une deuxième lecture de l'exhortation.)

3. Personnes excusées.

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance : MM. Claude Haegi et Olivier Vodoz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Michel Balestra, Anne Chevalley, Erica Deuber-Pauli, Pierre Ducrest, Marlène Dupraz, Catherine Fatio, Dominique Hausser, Bernard Lescaze, Olivier Lorenzini, Jean-Pierre Rigotti et Pierre Vanek, députés.

4. Annonces et dépôts :

a) de projets de lois;

Néant.

b) de propositions de motions;

Néant.

c) de propositions de résolutions;

Néant.

d) de demandes d'interpellations;

Néant.

e) de questions écrites.

Néant.

IU 347
5. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Christian Ferrazino sur l'instauration d'une voie de recours en matière de déclassement de zone. ( ) IU347
Mémorial 1997 : Développée, 4231.

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. Le député Ferrazino a fait référence à un arrêt du Tribunal fédéral qui évoque la situation non conforme au droit en ce qui concerne les voies de recours, s'agissant des questions relatives à l'aménagement, en général, et aux plans d'affectation. Le Conseil d'Etat adoptera incessamment un projet de loi qui réglera cette question avec une compétence confiée au Tribunal administratif, sous réserve de décision du Conseil d'Etat.

Cette interpellation urgente est close.

IU 348
6. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Luc Gilly sur la construction d'un mur sur la terrasse du CERA de La Praille. ( ) IU348
Mémorial 1997 : Développée, 4233.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je partage entièrement les préoccupations de M. Luc Gilly concernant la qualité de l'accueil des personnes requérantes d'asile dans notre canton.

Je ne suis pas loin non plus de partager son avis, selon lequel la solution retenue dans le cas particulier n'est pas la plus satisfaisante. Malheureusement, l'autorité compétente, donc l'Office fédéral des réfugiés, a dû tenir compte d'un contexte délicat.

En effet, à tort ou à raison, de très nombreux habitants du voisinage se sentaient épiés par les usagers de la terrasse litigieuse. A ce stade, il faut préciser que ladite terrasse, d'une surface d'environ 100 m2, n'était à l'origine pas conçue comme espace extérieur accessible mais comme couverture d'une construction basse, sur cour, pourvue de lanterneaux surélevés, de 1,80 m sur 3,20 m, ce qui rend de toute manière l'utilisation malaisée. Elle est délimitée sur deux côtés par les façades des immeubles voisins. Les deux autres côtés étaient jusque-là munis de grillages d'un aspect carcéral fort discutable.

La situation qui a prévalu à ce jour était tout à fait insatisfaisante, sans compter les plaintes virulentes évoquées ci-dessus et laissait craindre une évolution du conflit, difficile à gérer, et, bien entendu, dommageable pour les requérants d'asile.

C'est dans ce contexte que l'Office fédéral des réfugiés a conçu le projet du mur litigieux destiné à servir d'écran visuel articulé autour de deux bacs à fleurs, de manière à rendre son aspect plus convivial. Ce projet est tout à fait conforme aux dispositions légales en matière de construction. Il a été approuvé par la commune qui a participé aux discussions préalables et par la commission d'architecture qui l'a accueilli favorablement.

Le mur en cours de construction a donc été autorisé par la police des constructions, le 25 mars 1997. L'autorisation a été publiée dans la FAO du 2 avril 1997, sans donner lieu à aucun recours. Tout en admettant qu'il est regrettable de devoir désamorcer des conflits par ce type de solution, je souhaite vivement que ce projet permette un apaisement des relations entre les personnes en cause, tout en améliorant la situation du point de vue esthétique.

Cette interpellation urgente est close.

IU 349
7. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Pierre-Alain Champod sur le devenir de l'association Trajets. ( ) IU349
Mémorial 1997 : Développée, 4234.

M. Guy-Olivier Segond, conseiller d'Etat. A la suite de la crise qui a secoué l'association Trajets l'an dernier, le Conseil d'Etat, le 18 décembre 1996, a défini, par lettre, un mandat donné à un groupe paritaire de concertation, présidé par M. Jaques Vernet, ancien président du Conseil d'Etat.

Le 25 mars 1997, le groupe paritaire de concertation a remis ses propositions et ses conclusions, signées par tous les partenaires intéressés. Le 9 avril 1997, le Conseil d'Etat a adopté, d'une part, les propositions et les conclusions du groupe paritaire et a, d'autre part, chargé un groupe de suivi, présidé par M. Albert Rodrik, de veiller à la mise en oeuvre effective, dans les délais fixés, de l'ensemble des propositions et conclusions du groupe paritaire adoptées par le Conseil d'Etat.

Par la suite, la mise en oeuvre effective des propositions et conclusions, atteinte après trois mois de négociations difficiles, acceptée par écrit par tous les partenaires, s'est avérée difficile, sinon impossible, principalement du fait des responsables de Trajets.

Par lettre du 6 juin 1997, les responsables de «Trajets», représentés par Me Mauro Poggia, sont pratiquement revenus sur les accords signés en faisant de nouvelles propositions.

A ce stade, il n'appartient pas au Conseil d'Etat de revenir sur la démarche engagée. L'autorité cantonale attend de tous les partenaires, y compris Trajets, qu'ils respectent leur signature. Le Conseil d'Etat examinera le 25 juin, sur la base d'un rapport du groupe de suivi qu'il a nommé, l'évolution de la situation. Le cas échéant, il prendra les mesures nécessaires.

En ce qui concerne le sort des bénéficiaires de Trajets, d'après les renseignements que nous avons, les travailleurs sociaux ont pris toutes les précautions pour que les usagers n'en soient pas les victimes. Mais il est vrai que la surcharge de travail, la maladie de quelques-uns et le climat qui règne actuellement dans l'association nous rendent inquiets quant à la prolongation de cette situation.

Toutefois, le Conseil d'Etat n'entend pas traiter cette affaire à chaud. Il a désigné un groupe de suivi qui doit rencontrer, une dernière fois, tous les protagonistes, mercredi 18 juin. Ensuite, il rendra son rapport écrit au Conseil d'Etat pour la fin du mois.

Cette interpellation urgente est close.

IU 350
8. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Bernard Clerc sur le statut fiscal de M. Arditi. ( ) IU350
Mémorial 1997 : Développée, 4235.

M. Jean-Philippe Maitre, président du Conseil d'Etat. (Remplace M. Olivier Vodoz, conseiller d'Etat.) J'interviens comme suppléant de notre collègue, chef du département des finances, et réponds à M. Clerc sur la première partie de sa question. M. Vodoz, actuellement absent, m'a communiqué les renseignements suivants :

Tout d'abord, il a sollicité, compte tenu des règles relatives au secret fiscal, l'autorisation de M. Arditi de pouvoir donner le renseignement sollicité. Cette autorisation étant acquise, M. Vodoz m'a autorisé à vous confirmer que M. Arditi est assujetti à Genève, compte tenu de sa situation familiale et professionnelle.

M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Je réponds à la deuxième partie de la question : soit les aspects des diverses modalités foncières. Le troisième et dernier paragraphe de cette interpellation urgente concerne le service des opérations foncières du DTPE relatives aux modalités de cession de l'auditorium Arditi/Wilsdorf à l'Etat de Genève, ainsi que l'accès public aux informations du registre foncier.

La direction du registre foncier précise que, après s'être légitimé, un député a accès à toutes les informations relatives à un bien immobilier, propriété de l'Etat. Pour ce qui est de l'auditorium Arditi/Wilsdorf, anciennement dénommé cinéma Manhattan, l'Etat de Genève en est devenu propriétaire dans les circonstances suivantes :

La financière Arditi/SA est propriétaire de la parcelle 71, feuillet 2 de Genève-Plainpalais, sur laquelle sont construits l'auditorium Arditi/Wilsdorf et un immeuble de logements/bureaux/commerces situé au 2-4, place du Cirque.

Par arrêté du 24 janvier 1996, le Conseil d'Etat a accepté que soit constituée gratuitement en faveur de l'Etat de Genève une servitude de superficie pour une durée de 99 ans, renouvelable d'entente entre les parties, pour la partie de la parcelle 71 sur laquelle est construit l'ancien cinéma Manhattan.

Cette servitude prime tout gage éventuel qui serait inscrit sur la parcelle 71, propriété de la financière Arditi. En d'autres termes, il est prévu que, en cas d'inscription de gage sur cette parcelle, la servitude ne peut être mise en péril dans une procédure de double mise à prix en cas d'adjudication du bien immobilier. La jouissance de cette salle est donc garantie par l'Etat de Genève pour toute la durée de la servitude de superficie.

Cette servitude a été assortie des clauses suivantes. Premièrement, la financière Arditi a retiré son recours auprès du Tribunal administratif contre l'arrêté du Conseil d'Etat publié dans la FAO du 19 janvier 1993, relatif au classement de la salle de cinéma Manhattan, y compris ses accès.

Deuxièmement, la financière Arditi s'est engagée à concéder à l'Etat de Genève toutes les servitudes additionnelles nécessaires à la bonne exploitation de cette salle.

Troisièmement, la financière Arditi et la Fondation Wilsdorf ont assumé le coût des travaux de rénovation de cette salle qui s'élève à environ 2,2 millions. L'auditorium dispose de 700 places sur 2 000 m2 de surface de plancher répartie dans un volume de 8 500 m3.

Quatrièmement, la financière Arditi paie durant cinq ans, à compter de la fin des travaux de rénovation, les contrats d'entretien, de chauffage et de ventilation, ainsi que l'abonnement annuel pour l'utilisation des fibres optiques, le tout se montant approximativement à 40 000 F par an.

Cinquièmement, l'Etat de Genève s'est engagé à ce que la salle du Manhattan, devenue auditorium Arditi/Wilsdorf à la suite de discussions extrêmement longues, soit affectée, de façon prépondérante, à des activités à caractère universitaire et/ou culturel.

Sixièmement, l'Etat de Genève a constitué une commission chargée de la gestion de la salle, composée de onze membres, notamment un représentant de la Fondation Arditi, un représentant de la Fondation Wilsdorf, un représentant du DIP, un représentant du DTPE, un représentant éminent du monde du cinéma.

Septièmement, à la suite de l'inscription de cette servitude au registre foncier, les autorisations de construire relatives à la transformation et la rénovation tant de la salle du Manhattan que de l'immeuble 2-4 place du Cirque ont été délivrées. Il faut relever que les oppositions contre ces autorisations de construire émanant d'associations de protection des locataires ont été retirées.

Cette interpellation urgente est close.

IU 351
9. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Jean Spielmann sur la procédure des enquêtes administratives internes. ( ) IU351
Mémorial 1997 : Développée, 4236.

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. A la suite du recours déposé devant la commission ad hoc, qui traite des recours contre les sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre des fonctionnaires de police et de la prison, un inspecteur de police a mis en cause certains de ses collègues, ainsi que la hiérarchie de la police de sûreté.

Le recourant reproche, en outre, à sa hiérarchie, au département et au Conseil d'Etat, une trop grande rigueur dans l'appréciation de ses propres manquements, contestant, en particulier, la révocation dont il fait l'objet.

Le 29 mai dernier, j'ai demandé au chef de la police de faire établir un tableau synoptique relatif aux faits litigieux avec, notamment, les mentions suivantes :

- A quand remontent les faits ?

- S'agit-il d'une infraction ou d'une violation d'un ordre de service ?

- Y a-t-il prescription ?

- Les faits sont-ils reconnus ? Sont-ils connus de la hiérarchie et, le cas échéant, ont-ils été sanctionnés ?

J'insiste sur le fait que les allégations de cet inspecteur étaient particulièrement peu claires.

Ce tableau, exigé pour le 15 juin, m'a été remis le 10 juin. J'entends confier une enquête administrative à une personnalité neutre, vu le contexte particulier de ce dossier. Son issue est fonction des disponibilités de cette dernière, mais on peut raisonnablement penser que cette enquête sera terminée dans le courant de l'été.

S'agissant de l'aspect pénal, et selon les renseignements que vient de me fournir le procureur général, il n'y a aucun pourrissement à déplorer. La cause a été renvoyée au Tribunal de police, et nous sommes dans l'attente de l'audience qui devrait être fixée prochainement.

Cependant, j'attire l'attention du député Spielmann sur le fait que si cet inspecteur a été sanctionné sur le plan administratif avant l'issue pénale, c'est à la demande expresse de son avocat.

C'est d'ailleurs le même genre de situation qui m'amène à parler de l'affaire de cet avocat nigérien. J'ai déjà répondu à cette question relative à l'enquête interne ou externe. Tout est question d'appréciation de la situation.

Dans le cas d'espèce, il est nécessaire d'établir les faits avant de faire juger par une personnalité extérieure. C'est ce que nous avons fait au sujet du dossier de cet avocat nigérien.

A cet égard, si, effectivement, j'ai adressé une lettre à l'intéressé, elle ne constitue, en aucun cas, une lettre d'excuse. Si je déplore les événements survenus le 5 avril 1997, j'ai avant tout précisé que rien ne se serait passé de la même manière s'il n'avait pas fait preuve de résistance lors de son interpellation par les services de police, et s'il n'avait pas d'emblée adopté une attitude particulièrement agressive. Cela étant, la démarche a revêtu un caractère diplomatique indéniable, vu les relations qu'entretient l'intéressé avec notre représentant au Nigeria.

Pour le surplus, j'observe que les regrets, proprement dits, ne concernent que les conditions dans lesquelles cette personne a été maintenue en salle d'audition. Il ne s'agit pas des conditions dans lesquelles elle a été arrêtée.

Cette interpellation urgente est close.

IU 352
10. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de Mme Fabienne Bugnon sur les activités de la secte Raël. ( ) IU352
Mémorial 1997 : Développée, 4237.

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Je remercie Mme Bugnon de sa question. «Clonaid» est un des services de la société Valuent Venturely Limited, créée le 11 mars 1997, à Las Vegas, par le mouvement raëlien.

Cette société envisage de construire un laboratoire dans un pays où le clonage n'est pas illégal, ce qui n'est pas le cas de la Suisse. Elle offrirait ses services - si l'on peut appeler cela ainsi - à des personnes fortunées. Le prix d'une telle opération a été fixé à 200 000 $.

Dans un premier temps, «Clonaid» confierait le clonage à des laboratoires existants. Elle devrait également offrir un service appelé : «Insuraclone» qui, pour la somme de 50 000 $, fournirait l'échantillonnage et le stockage de cellules d'un enfant vivant, afin de pouvoir créer un clone en cas de décès par accident ou en cas de maladie incurable.

Les personnes qui sont intéressées par «Clonaid» peuvent contacter la compagnie via le mouvement raëlien international qui possède, comme indiqué, une case postale à Genève ou une adresse sur Internet.

En l'état actuel de nos informations, aucune personne domiciliée en Suisse n'est mentionnée dans les divers communiqués relatifs au clonage. Seule la case postale attribuée à ce mouvement fait office de boîte à lettres à cette initiative, ce qui implique que le siège genevois du mouvement raëlien international sert, en fait, de secrétariat pour toutes les correspondances et publications.

Quant au guide national, il est domicilié en Valais; et le guide continental, dans le canton de Vaud.

Cette interpellation urgente est close.

IU 353
11. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Jean-Philippe de Tolédo : Métro léger ou traversée de la rade. ( ) IU353
Mémorial 1997 : Développée, 4238.

M. Gérard Ramseyer, conseiller d'Etat. Le développement des transports publics s'inscrit dans le cadre des besoins de déplacements nécessaires à la vie et au développement de notre cité et de sa région.

Par ailleurs, la loi sur les transports publics fixe les modalités de fonctionnement de cette loi. La création de voies réservées aux transports publics vise à améliorer la vitesse commerciale pour les transports collectifs.

Il est prouvé qu'au Centre-Ville, seul le développement de transports publics performants, tels que le tram, est à même de répondre aux objectifs généraux de la politique des déplacements à Genève qui sont :

Premièrement, de répondre à la demande en mobilité de la population.

Deuxièmement, améliorer l'accessibilité à l'agglomération.

Troisièmement, préserver l'environnement en réduisant les nuisances du trafic motorisé.

J'attire l'attention de M. Jean-Philippe de Tolédo sur le fait que les calamités qu'il prophétise sont les mêmes qui ne se sont pas réalisées avec la ligne du tram 13.

Je précise également qu'il est faux de prétendre que la rue de Lausanne deviendrait une rue de connexion, soit une rue presque piétonne, parce qu'elle ne ferait plus partie du réseau primaire.

J'aimerais encore ajouter que, dans le cadre de la politique des transports et de la circulation, une étude, C 2005, a été lancée, suite au refus par le peuple de la traversée de la rade. Cette étude, amorcée dans le cadre des états généraux de la circulation qui se sont tenus le 28 février 1997 et auxquels participaient, notamment, les représentants de tous les milieux concernés, y compris le groupe transport et économie, est en cours. Elle est même discutée par le groupe transport et économie et la coordination transport.

Les grandes lignes des décisions seront connues cet automne. En l'état actuel de cette étude, il n'est pas possible d'affirmer que les projets «tram» ont une utilité «hypothétique». C'est exactement le contraire dont il s'agit ! Cette étude confirme plutôt que la politique en cours est la seule qui permette d'atteindre les objectifs fixés par les autorités, par ce Grand Conseil et par le peuple genevois.

Cette interpellation urgente est close.

IU 354
12. Réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de Mme Nelly Guichard sur la création d'une fondation regroupant les centres de loisirs et de rencontre et les jardins Robinson. ( ) IU354
Mémorial 1997 : Développée, 4240.

Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Mme Guichard souhaitait savoir ce que devenaient les travaux concernant la Fondation pour les centres de loisirs ou, plutôt, la future Fondation pour l'animation socioculturelle.

Ma réponse tient en une phrase : le projet de loi est prêt. Il a été déposé sur mon bureau le 6 juin et sera traité au Grand Conseil au mois de septembre.

Cette interpellation urgente est close.

La présidente. La dernière interpellation urgente est de M. Max Schneider. Il n'est pas là, et comme M. Claude Haegi est retenu par d'autres obligations, si le groupe des Verts accepte, ce dernier répondra à cette interpellation urgente à la reprise.

Des voix. Il accepte !

La présidente. Très bien !

PL 7559-A
13.  Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier : a) Projet de loi de MM. René Ecuyer, Christian Ferrazino, Christian Grobet, Jean Spielmann, Pierre Vanek et Pierre Meyll concrétisant la deuxième invite de l'initiative 21 «Halte à la spéculation foncière» et modifiant à cet effet la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire. ( -) PL7559
Mémorial 1997 : Projet, 96. Renvoi en commission, 117.
Rapport de majorité de M. René Koechlin (L), commission d'aménagement du canton
Rapport de minorité de M. Christian Ferrazino (AG), commission d'aménagement du canton
R 336
b) Proposition de résolution de M. René Koechlin visant à établir que la loi votée le 23 juin 1994 (PL 6737) concrétise le deuxième volet de l'initiative 21 «Halte à la spéculation foncière». ( )R336

RAPPORT DE LA MAJORITÉ

Sous la présidence de Mme Sylvie Châtelain, la commission d'aménagement a examiné les 5, 12 et 19 mars 1997 le projet de loi cité en titre.

Assistaient aux séances MM. Georges Gainon, chef de la division de l'information du territoire et des procédures, Jean Charles Pauli et Didier Mottiez, juristes au département des travaux publics et de l'énergie (DTPE).

Selon ses auteurs, ce projet de loi concrétise la deuxième invite de l'initiative 21, dont la teneur est la suivante:

«Le deuxième moyen» (sous-entendu: de lutter contre la spéculation foncière) «est la mise au point d'un système de prélèvement d'une plus-value immobilière résultant de la simple délivrance d'une autorisation de construire. La loi fédérale d'aménagement du territoire permet au canton de prélever une telle plus-value.»

Bref historique

Le 15 octobre 1992, le Grand Conseil a déclaré recevables les volets 1, 2 et 4 de l'initiative 21.

Le volet 3 fut préalablement déclaré irrecevable parce qu'anticonstitutionnel. Il appartenait dès lors au Grand Conseil de concrétiser les trois invites jugées recevables.

Il convient ici de relever que cette initiative, déposée à la chancellerie le 8 février 1988, est régie par la loi constitutionnelle antérieure à sa modification, du 25 septembre 1992 et du 1er avril 1993.

Le volet 1 de l'initiative se rapportant à la fiscalité fut concrétisé par le projet de loi 6737, voté par le Grand Conseil le 23 juin 1994. Par erreur ou omission, cette loi n'a pas été soumise au scrutin populaire. N'ayant fait l'objet d'aucun recours, elle a cependant «acquis la force de la chose jugée» (voir Rapport du professeur Andréas Auer, du 25 septembre 1995).

Le volet 4, traitant de «l'acquisition de terrains par les collectivités publiques» a été concrétisé par le projet de loi 6964, contreprojet à l'initia-tive 25, adopté par le Grand Conseil le 29 avril 1993 et en votation populaire le 28 novembre 1993.

Quant au volet numéro 2, il a fait l'objet d'innombrables consultations, travaux de diverses commissions (logement, fiscale, aménagement), débats et de plusieurs propositions de concrétisation. Le projet de loi que traite le présent rapport en est la plus récente illustration.

A la suite du vote du 15 octobre 1992, évoqué ci-dessus, la commission d'aménagement a constitué une sous-commission chargée d'élaborer un projet de loi visant à concrétiser le deuxième volet de l'initiative. A l'issue de ce travail, ladite sous-commission, présidée par M. John Dupraz, député, a soumis le texte en résultant aux diverses instances et autres organisations concernées. Elle a notamment procédé, le 5 décembre 1994, à l'audition de M. René Ecuyer, président du Parti du travail, représentant les initiants. Le 6 février et le 13 mars 1995, ce dernier a écrit au président de la sous-commission afin de l'informer de la prise de position de son parti et pour lui communiquer les amendements que ce dernier suggérait d'apporter au projet.

La Chambre genevoise immobilière avait, pour sa part, déjà donné son avis le 25 novembre 1994.

Le 16 février 1995, le Rassemblement pour une politique sociale du logement prenait à son tour position relativement au texte élaboré par la sous-commission.

A la suite du rapport de cette dernière, la commission d'aménagement a prié le DTPE de demander un avis de droit. Le département s'est alors adressé au professeur Andréas Auer, qui a consigné son avis dans un document daté du 25 septembre 1995.

Répondant aux treize questions qui lui étaient posées, il en soulevait d'autres dont la commission devait débattre par la suite. Les principales d'entre elles portaient sur des sujets qui relevaient davantage de la fiscalité que de l'aménagement du territoire (double imposition, taxe ou impôt affecté, fonds de compensation, etc.). Pour ce motif, la commission d'aménagement a d'abord procédé à diverses consultations, puis, par courrier du 19 mars 1996, interrogé la commission fiscale sur le projet de loi qu'elle avait élaboré, notamment à propos des dispositions relatives à la compensation des plus-values et indemnisations censées concrétiser le volet 2 de l'initiative 21.

La commission fiscale répondit à la commission d'aménagement par lettre datée du 28 novembre 1996, qui concluait que «l'aspect fiscal (y compris le deuxième volet) de l'initiative avait été concrétisé par la loi votée le 23 juin 1994 (PL 6737)».

Le 8 janvier 1997, six députés de l'Alliance de gauche déposaient le projet de loi qui fait l'objet du présent rapport.

Commentaire

A l'examen, il s'avère que le projet de loi 7559 pose davantage de problèmes qu'il n'en résout, sans lever les innombrables objections formulées au cours des travaux de commissions.

Ainsi, les questions relatives à la double imposition, au calcul diachronique de la plus-value, à l'opportunité du moment où il convient de prélever la taxe - ou l'impôt, celles concernant l'affectation ou non de ces derniers à un «fonds de compensation», ainsi que maintes autres interrogations demeurent sans réponse.

Il convient de relever à la décharge tant des auteurs de ce projet de loi que de toutes les personnes qui ont tenté de concrétiser le deuxième volet de l'initiative 21 que ce dernier est suffisamment imprécis et mal conçu pour se prêter aux interprétations les plus diverses, voire les plus extrêmes. Ainsi ne s'agit-il pas de prélever une «plus-value immobilière» mais une taxe ou un impôt grevant celle-ci. Et de préconiser le prélèvement lors de la délivrance d'une autorisation de construire en tant que cause implicite de ladite plus-value exclut tous les cas d'aliénation sans construire, auxquels appartiennent les exemples les plus flagrants de spéculation. Cette limitation, à l'évidence, va exactement à fin contraire de l'initiative !

Par ailleurs, la délivrance d'une autorisation de construire est un acte administratif qui non seulement ne confère pas nécessairement à un bien immobilier une plus-value imposable, mais n'implique encore pas pour le bénéficiaire qu'il réalise le supposé bénéfice potentiel. Et s'il s'abstient de construire pour des motifs qui lui sont propres, il s'avère probable qu'il ne possède pas les moyens de payer une taxe ou un impôt grevant une prétendue plus-value qui demeure purement théorique.

Outre les défauts rédactionnels que comporte le deuxième volet de l'initiative, il convient de relever ses lacunes, ou ce qu'il aurait pu ou dû évoquer, à savoir notamment la plus-value que peut conférer à un bien-fonds une mesure d'aménagement telle qu'une modification du régime de zone - ou purement de l'affectation - sans impliquer pour autant une autorisation de construire.

En se cantonnant à ce cas d'espèce, le projet de concrétisation conçu par la commission d'aménagement outrepassait stricto sensu le texte de l'initiative, mais pas nécessairement l'intention de ses auteurs.

L'on se rend compte ici de l'énorme marge d'interprétation qu'offre le deuxième volet de l'initiative 21. Et c'est précisément cette ampleur qui en rend la concrétisation si difficile, si aléatoire et si controversée.

Venons-en au texte du projet de loi 7559:

Article 30D (nouveau)

Cet article circonscrit l'origine de la plus-value de tout bien ou actif immobilier. En tentant de l'élargir à tous les cas d'espèce, non seulement il constitue l'interprétation la plus expansive de la deuxième invite de l'initiative, mais il oblige, pour son application, l'administration à un contrôle astreignant et dispendieux d'une infinité de cas dont la majeure partie demeure bénigne et sans aucun rapport avec la notion de «spéculation foncière». Ainsi, pour être exhaustifs, les auteurs s'écartent du but poursuivi par les initiants.

Car non seulement, à l'instar de ces derniers, ils situent la cause de la plus-value dans l'autorisation de construire, mais ils l'assimilent aussi à toute mesure d'aménagement portant sur l'adoption ou la modification de l'affectation du sol. Cette dernière proposition est, du reste, semblable à celle qu'a élaborée la commission d'aménagement en s'inspirant des lois de même nature, pratiquées dans les cantons de Bâle-Ville et de Neuchâtel.

Nous formulons ici les mêmes critiques ou réserves, à savoir que:

1. l'autorisation de construire ne confère pas nécessairement à son bénéficiaire les moyens de payer une taxe ou un impôt grevant la plus-value qu'elle implique - pour autant qu'elle en implique une - aussi longtemps qu'elle n'est pas concrétisée par la construction correspondante;

2. toute mesure d'aménagement portant sur l'adoption ou la modification de l'affectation du sol ne figure ni explicitement ni même implicitement dans le deuxième volet de l'initiative. L'inscrire dans la loi qui prétend concrétiser celle-ci en constitue une interprétation contestable. Et bien que la commission d'aménagement l'ait adoptée dans un premier temps, elle n'en demeure pas moins éloignée stricto sensu du texte qui est censé l'inspirer.

Article 30E (nouveau)

En étendant le calcul de la plus-value au supplément de volume et au changement d'affectation des planchers - et non seulement d'un fonds - les auteurs considèrent comme spéculative toute adaptation, de quelque nature qu'elle soit, aux besoins de la population dès lors qu'elle confère intrinsèquement une plus-value au bien immobilier qui en est l'objet. A l'évidence, cette interprétation est abusive. Elle pèche par excès et son application nécessiterait la mise en place d'une énorme structure de contrôle, sans commune mesure avec le but poursuivi.

Par ailleurs, l'article en cause, consacré au calcul de la plus-value, omet de relativiser cette dernière à une valeur d'origine à définir, qu'elle soit fiscale, de succession, d'acquisition ou autre.

Article 30F (nouveau)

A propos de cet article, consacré à la notification de la taxation, nous formulons la même objection que précédemment à propos du texte de l'initiative et de l'opportunité de prélever une taxe lors de la délivrance d'une autorisation de construire.

En revanche, et en ceci les auteurs du projet corrigent l'erreur commise par les initiants, il serait correct d'exiger le paiement au moment de l'aliénation d'un bien-fonds, dès lors que celle-ci - sauf exceptions tels les cas de successions - procure au vendeur les moyens de s'acquitter d'une taxe.

Article 30G (nouveau)

Cet article situe la perception. Il concède la possibilité d'atermoyer le versement de la taxe jusqu'à l'ouverture du chantier. Mais le doute subsiste lorsque celle-ci tarde, si l'autorisation devient caduque ou quant au bien fondé de la plus-value que cette dernière confère au fonds en cas d'aliénation. Les intentions de construire de l'acquéreur ne coïncident en effet pas nécessairement avec celles du vendeur qui a obtenu l'autorisation. Cette ambiguïté rend délicate et difficile la tâche de l'administration chargée du prélèvement; et ses décisions que le flou des intentions des protagonistes rendra contestables, seront contestées et feront l'objet de recours qui viendront alourdir davantage encore le processus de construction.

Article 30H (nouveau)

Cet article esquisse les possibilités de révision découlant notamment des difficultés que nous venons d'évoquer. Il ne règle cependant pas tous les cas d'espèce; et s'il le pouvait, il devrait être sérieusement remanié.

Nous ne sommes, par exemple, pas certains qu'ils soit opportun de notifier la plus-value lors de la délivrance d'une autorisation préalable. Cette mesure n'est, en outre, mentionnée nulle part ailleurs dans le projet de loi. L'introduire ici ne fait qu'accroître la confusion.

Bien que les cas cités ici soient loin d'être exhaustifs, ils démontrent la complexité du processus de taxation dans le temps et les difficultés qui en découlent pour ceux qui seront chargés de le mettre en uvre.

Les articles 30J et K n'appellent pas de commentaire particulier.

Article 30L (nouveau)

La création d'un fonds de compensation a maintes fois été évoquée. Elle a l'avantage de permettre de verser des indemnités en cas d'expropriation matérielle sans grever le budget de l'Etat. En revanche un tel fonds, s'il est excédentaire, n'allégerait ni le déficit de fonctionnement ni le budget d'investissement selon qu'il serait affecté à l'un ou à l'autre.

Cette autonomie, du point de vue de la gestion des finances publiques, est ainsi discutable.

L'article 34, alinéa 2 (nouveau), n'appelle pas de commentaire particulier sinon que les innombrables contestations que l'application du projet de loi en cause ne manquera pas de provoquer ne feront que solliciter davantage encore la commission de recours et le Tribunal administratif, déjà surchargés.

De l'inopportunité d'une taxe supplémentaire

Selon la commission fiscale, consultée à propos du projet de loi élaboré par la commission d'aménagement, le deuxième volet de l'initiative a été concrétisé par la loi du 23 juin 1994 modifiant la loi générale sur les contributions publiques (D 3 05, art. 80 à 86b) et traitant tant de l'impôt ordinaire que de celui sur les bénéfices et gains immobiliers.

Cette loi taxe toute plus-value immobilière attachée à une aliénation à court ou à moyen terme (seule assimilable à la spéculation). L'introduction d'un prélèvement de même nature dans une autre loi telle que la LALAT non seulement ferait double emploi, mais compliquerait encore la tâche du département des finances chargé de la perception et obligé de procéder à tous les calculs visant à éviter la double imposition que risque d'entraîner l'application de deux lois distinctes visant le même but, à savoir: l'imposition sur les bénéfices et gains immobiliers de nature spéculative.

A l'appui des conclusions de la commission fiscale et pour tenter de convaincre les plus réticents, nous exposons ci-après un exemple illustrant le bien-fondé de ces déclarations.

Description d'un cas d'espèce

Un promoteur X. acquiert une parcelle nue de 5 000 m2 sise en zone agricole au prix de 50 000 F (soit 10 F le m2).

Dans les deux ans qui suivent, le Grand Conseil déclasse le terrain en zone 4B de développement avec un CUS de 0,6 qui confère à ce dernier une valeur potentielle de 325 F le m2. D'où une plus-value de 315 F le m2.

Première hypothèse:

Cinq ans plus tard X. vend son terrain 325 F x 5 000 m2 = 1 625 000 F et réalise un bénéfice de 1 575 000 F.

Il doit payer un impôt ordinaire (cantonal et fédéral) pouvant s'élever à 45% du bénéfice, soit 708 750 F dont serait déduite la taxe sur la plus-value si elle existait. Celle-ci ne modifierait pas d'un centime le montant prélevé puisque, selon le projet de loi 7559, elle ne dépasserait pas l'impôt ordinaire (max. 40% c/o env. 45%).

Deuxième hypothèse:

X. obtient, après huit ans de procédures, un plan localisé de quartier puis une autorisation de construire et réalise un immeuble qu'il vend à l'issue de l'opération. Celle-ci aura duré 10 ans comptés à partir du déclassement, dont 2 ans de construction.

X. investit un supplément de 375 000 F pour arrondir ses fonds propres à 20% du prix de revient.

Le plan financier de l'affaire est le suivant:

1. Terrain 1 625 000 F 16,25%

2. Construction et aménagements extérieurs 7 000 000 F 70,00%

3. Taxes, émoluments, frais de constit. hypoth.

 et frais financiers 1 100 000 F 11,00%

5. Divers et imprévus 275 000 F 2,75%

  ___________ ___________

Total prix de revient: 10 000 000 F 100,00%

Prix de vente: 11 000 000 F

X. réalise les bénéfices suivants:

Sur la vente: 1 000 000 F

Sur le terrain: 1 575 000 F

  ___________

Bénéfice total imposable: 2 575 000 F

X. paiera 45% de 2 575 000 F, soit environ 1 158 750 F d'impôt ordinaire.

Dans cette deuxième hypothèse également, toute taxe sur la plus-value que l'Alliance de gauche appelle de ses voeux serait déduite du bénéfice indiqué ci-dessus. Elle ne ferait que compliquer les calculs et notamment le travail des agents du fisc.

Troisième hypothèse:

X. conserve son immeuble et le loue.

Dans l'état actuel des choses et du fisc, il pourrait obtenir un revenu net sur fonds propres de 6%, soit 120 000 F, dont le fisc prélèverait annuellement:

0,1% d'impôt immobilier sur 10 000 000 F, soit  10 000 F

0,9% du capital de 2 000 000 F, soit 18 000 F

et par hypothèse moyenne 35% sur le revenu, soit: 42 000 F

 ______________

Total = charge fiscale annuelle: 70 000 F

soit plus de la moitié du revenu net.

Il convient de noter que X. versera en un peu plus de 16 ans l'équivalent de l'impôt qu'il aurait payé s'il avait vendu tout de suite son immeuble avec un bénéfice de 1 million de francs (deuxième hypothèse ci-dessus).

Si X. avait dû payer une taxe sur la plus-value de son terrain, sa situation serait la suivante:

Valeur du terrain (comme plus haut) avant l'imposition 1 625 000 F

dont à déduire: taxe sur la plus-value, soit moy. 30%  487 500 F

 ______________

Solde valeur du terrain 1 137 500 F

Solde fonds propres investis par X. 375 000 F

 ______________

Total part fonds propres de X. 1 512 500 F

Solde fonds propres investis par un tiers (à trouver) 487 500 F

(équivalent de la taxe) ______________

Total des fonds propres (comme plus haut) 2 000 000 F

Pour le même rendement net de 6%, X. payera au fisc:

0,1% d'impôt immobilier comme ci-dessus, soit 10 000 F

0,9% de son capital investi de 1 512 500 F, soit 13 613 F

et, par exemple et hypothèse moyenne, 35% sur le revenu

soit 35% de 6% de 1 512 500 F = 31 763 F

 _______________

soit annuellement 55 376 F

Après 16 ans, X. aura payé au fisc:

16 x 55 376 F = env. 886 000 F

+ la taxe (comme ci-dessus)  487 500 F

 ________________

Total: 1 373 500 F

soit 214 750 F de plus que s'il avait vendu à l'issue de l'opération (deuxième hypothèse).

La taxe sur la plus-value que l'Alliance de gauche appelle de ses voeux aurait ainsi pour conséquence d'inciter X. à vendre immédiatement après avoir construit plutôt que de garder son immeuble, le conduisant à spéculer sur une vente rapide et profitable plutôt que sur la conservation de son patrimoine immobilier.

Cet exemple démontre que la taxe en question irait exactement à fin contraire de l'initiative 21 qui vise à lutter «contre la spéculation foncière» (C.Q.F.D.).

Par ailleurs, le supplément de fonds propres de 487 000 F que X. devrait trouver augmentera l'état locatif au moins du montant de son rendement net de 6%, soit de 487 500 F x 6% = 29 250 F.

Ainsi, l'introduction d'une taxe sur la plus-value contribuerait-elle, en outre, à accroître les loyers.

Conclusion

Dans l'état actuel des choses et notamment du système d'imposition en place, le prélèvement d'une taxe sur la plus-value d'un bien-fonds telle que préconisée par les auteurs du projet de loi 7559 aura les conséquences suivantes:

1. Elle n'accroîtra pas la charge fiscale du promoteur qui «spéculerait» en vendant aussitôt que possible son bien, construit ou non. Elle n'aura donc aucun effet dissuasif à l'égard de ce dernier.

2.  Elle augmentera en revanche ladite charge fiscale de celui qui conservera son immeuble.

3. Dans ce dernier cas, elle provoquera nécessairement une hausse des loyers.

4. Le calcul et la perception de la taxe en cause compliqueront considérablement le travail de l'administration.

5. La création d'un «fonds de compensation» réduira le revenu fiscal de l'Etat du montant dont il sera crédité. La taxe sur la plus-value, dans le seul cas où elle pourrait accroître l'impôt d'un propriétaire, à savoir de celui qui conserverait son immeuble, ne contribuerait même pas à réduire le déficit de fonctionnement du canton dès lors qu'elle serait affectée audit «fonds de compensation». Pire: elle accroîtrait ledit déficit en privant le revenu fiscal de l'Etat du montant affecté.

Pour tous ces motifs, Mesdames et Messieurs les députés, la commission d'aménagement vous invite, par 6 voix (5 L, 1 PDC), 5 avis contraires (2 S, 2 AdG, 1 Ve) et 2 abstentions (R et PDC) à refuser d'entrer en matière sur le projet de loi 7559 tel qu'il vous est soumis.

Par ailleurs, fort d'avis de droit qu'il s'est permis de solliciter, le rapporteur vous invite à voter la résolution jointe au présent rapport, laquelle vise à entériner les conclusions de la commission fiscale, telles que consignées dans sa lettre-rapport du 28 septembre 1996 adressée à la commission d'aménagement.

Secrétariat du Grand Conseil

Proposition de MM. René Koechlin

Dépôt: 8 avril 1997

r 336

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

visant à établir que la loi votée le 23 juin 1994 (PL 6737), concrétisele deuxième volet de l'initiative 21 «Halte à la spéculation foncière»

LE Grand Conseil,

considérant:

- le volet 2 de l'initiative 21 «Halte à la spéculation foncière»;

- la loi du 23 juin 1994 modifiant la loi sur les contributions publiques (selon PL 6337 traitant de l'impôt sur les bénéfices et gains immobiliers);

- la lettre que la commission fiscale a adressée le 28 novembre 1996 à la commission d'aménagement;

- le deuxième paragraphe, chiffre 2, de la conclusion de l'avis de droit de Me Pierre Louis Manfrini, du 26 mars 1997,

décrète ce qui suit:

La loi du 23 juin 1994 modifiant la loi sur les contributions publiques (selon PL 6737) concrétise le deuxième volet de l'initiative 21, intitulée: «L'aménagement du territoire».

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le rapport de la majorité de la commission d'aménagement concernant le projet de loi 7559 concrétisant la deuxième invite de l'initiative 21 «Halte à la spéculation foncière» expose les motifs de la présente résolution.

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RAPPORT DE LA MINORITÉ

Bref rappel chronologique

L'initiative «Halte à la spéculation foncière» a été déposée en chancellerie le 8 février 1988 par le Parti du travail.

Cette initiative non formulée demandait «que le Grand Conseil de la République et canton de Genève légifère aux fins de combattre efficacement la spéculation foncière, notamment en modifiant les dispositions relatives à:

- la fiscalité;

- l'aménagement du territoire;

- le régime du crédit bancaire à l'achat de terrains;

- l'acquisition de terrains par les collectivités publiques.»

Agendée à sa séance du 15 avril 1988, le Grand Conseil a renvoyé, à cette date, cette initiative en commission. Examinée tant par la commission législative que par la commission de l'aménagement et par la commission fiscale, durant plus de 4 ans, le Grand Conseil s'est prononcé, lors de sa séance du 15 octobre 1992, en déclarant, d'une part, l'initiative 21 recevable, à l'exception de son troisième volet concernant le contrôle et l'encadrement de crédits, volet jugé contraire au droit fédéral, et, d'autre part, en acceptant cette initiative, amputée de sa troisième partie, c'est-à-dire réduite à ses première, deuxième et quatrième invites («la fiscalité», «l'aménagement du canton», «l'acquisition de terrains par les collectivités»).

Cela fait, le Grand Conseil renvoya en commission l'initiative afin qu'elle soit concrétisée sous forme de projets de loi. Il convient ici de rappeler que, lorsque le Grand Conseil est saisi d'une initiative non formulée et qu'il l'accepte, après l'avoir jugée recevable, il est tenu de la concrétiser et de soumettre ensuite les projets de loi la concrétisant à l'approbation du peuple.

Le 23 juin 1994, le Grand Conseil a voté une loi modifiant la loi générale sur les contributions publiques (PL 6737), concrétisant préten-dument le volet fiscal de l'initiative 21.

Quant au deuxième volet de l'initiative 21, il a fait l'objet de longues discussions au sein de la commission d'aménagement et, le 31 mai 1995, une sous-commission de la commission de l'aménagement (à laquelle participait le rapporteur de la majorité !) a adopté un avant-projet de modification de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LALAT). Cet avant-projet, censé concrétiser le deuxième volet de l'initiative 21 consacré à l'aménagement du territoire, n'a pas rencontré l'adhésion des initiants, vu le caractère beaucoup trop restrictif de cette proposition qui ne répondait manifestement pas aux voeux exprimés par le texte clair de l'initiative.

Le Grand Conseil pouvait-il ne pas tenir compte des critiques exprimées par les initiants ou devait-il, au contraire, agissant en quelque sorte sur mandat du peuple, mettre sur pied un projet qui réponde aux intentions des initiants? Quelle allait être la procédure à suivre par la commission de l'aménagement qui se trouvait partagée entre ceux qui considéraient que le projet de la sous-commission était satisfaisant et ceux qui se rangeaient aux arguments des initiants, considérant que la proposition formulée par la sous-commission ne répondait, de loin, pas à la volonté exprimée par les auteurs de l'initiative?

Les avis étant partagés et pour sortir de cette impasse apparente, la commission d'aménagement a décidé de demander à la présidente du Grand Conseil de solliciter un avis de droit et ce en date du 21 juin 1995.

Le professeur Andreas Auer, spécialiste des questions de droit constitutionnel, fut mandaté par le Conseil d'Etat pour trancher les questions soulevées.

Par courrier du 10 novembre 1995, adressé à la présidente du Grand Conseil, le Conseil d'Etat communiquait l'avis de droit réalisé en septembre 1995 par le professeur Auer en précisant: «Cet avis de droit répond de manière particulièrement précise aux questions posées par la commission de l'aménagement de votre Grand Conseil et nous ne pouvons que nous y référer» (voir annexe 1).

Voici ce que relève notamment l'avis de droit du professeur Auer:

- «Les dispositions constitutionnelles applicables au traitement parlementaire de l'initiative 21 ne permettent pas au Grand Conseil d'élaborer un contreprojet en réponse à celles-ci» (page 13, chiffre 39).

- «Il appartient donc au Grand Conseil de concrétiser le point 2 de l'initiative 21 par une loi, acceptée par une majorité de députés et soumise, comme nous l'avons vu, au référendum obligatoire.»

On ne peut être plus clair. Le peuple doit pouvoir se prononcer. Encore faut-il qu'on veuille bien lui soumettre un projet de loi. En effet, comme le relève le professeur Auer:

- «Le 15 octobre 1992, le Grand Conseil s'est engagé à concrétiser l'initiative 21. L'initiative n'est pas une simple pétition. Elle impose des obligations juridiques aux autorités. En raison de son approbation de l'initiative 21, le Grand Conseil est tenu de mettre sur pied un projet qui réponde aux intentions des initiants et exprime leurs pensées. L'inobservation de cette obligation peut constituer une violation du droit d'initiative et, partant, des droits politiques des citoyens. Le Tribunal fédéral a ainsi jugé en 1982 que le refus des autorités du canton de Bâle-Campagne de statuer sur l'opportunité d'une initiative populaire, pour le motif qu'il s'agirait d'attendre l'adoption d'une loi fédérale portant sur la même matière, constituait un déni de justice interdit par l'article 4 de la constitution et une violation des droits politiques des citoyens. Cinq ans plus tard il a pris une décision semblable à l'égard des autorités de Bâle-Ville qui, six ans après le dépôt d'une initiative, n'avaient toujours pas rédigé de rapport ni pris de décision à son sujet» (chiffres 42 et 43, pages 14 et 15).

Dans le cas d'espèce, plus de neuf ans après le dépôt d'une initiative, la majorité du Grand Conseil persiste à refuser de remplir le mandat constitutionnel qui est le sien, sous des prétextes aussi fallacieux qu'infondés.

La crainte du peuple fait perdre la tête au Parti libéral !

Etudié durant des années par la commission de l'aménagement, notamment durant l'hiver 1994 et le printemps 1995, le dossier s'enlisait de plus en plus, la majorité de la commission n'ayant manifestement pas la volonté de le faire aboutir. De tergiversation en tergiversation, traînant les pieds en examinant avec une lenteur injustifiée les possibilités de concrétiser le deuxième volet de l'initiative 21, la commission de l'aménagement a tout simplement tenté d'enterrer le dossier. C'est ainsi que plusieurs députés de l'Alliance de gauche ont déposé, en date du 8 janvier 1997, le présent projet de loi destiné à être soumis en votation populaire.

Le rapporteur de la majorité, après avoir proposé de concrétiser le deuxième volet de l'initiative en fixant une valeur foncière du m2 de plancher - afin de déterminer la plus-value pouvant résulter d'une mesure d'aménagement - s'est finalement déclaré opposé à l'adoption de toute mesure tendant à concrétiser ce volet de l'initiative 21, ayant subitement considéré que le Grand Conseil aurait déjà réglé cette question en votant, en date du 23 juin 1994, la modification de la loi générale sur les contributions publiques qui était destinée à concrétiser le volet fiscal de l'initiative 21 !

Ce qui n'a pas empêché le rapporteur de majorité, lors de la séance de la commission d'aménagement du 12 mars 1997, de proposer que la commission élabore un autre projet de loi que celui rédigé par l'Alliance de gauche, reconnaissant ainsi la nécessité de légiférer en la matière. Un nouveau projet de loi entièrement rédigé par le rapporteur de la majorité a même été distribué à tous les membres de la commission, lesquels ont été invités à l'étudier. Lors de la séance suivante, la majorité, ayant changé son fusil d'épaule, déclara que, tout bien considéré, il n'était en fait plus nécessaire de légiférer, affirmant, avec le plus grand sérieux du monde, que le Grand Conseil aurait déjà réglé le problème quatre ans plus tôt ! Peu soucieuse d'assurer un fonctionnement démocratique des droits populaires, la majorité retombait ainsi dans la léthargie où elle somnole depuis bientôt 10 ans !

Une manoeuvre pitoyable

Alors que la droite de ce parlement est majoritaire et qu'elle est ainsi en mesure de faire aboutir ses projets, elle choisit hypocritement l'esquive pour tenter d'éluder le débat, en utilisant des procédés dilatoires.

Je ne ferais pas l'injure au rapporteur de la majorité de penser que ses connaissances du droit constitutionnel sont si lacunaires qu'il puisse aussi benoîtement ignorer les règles à appliquer au traitement des initiatives populaires. Ce d'autant plus que l'avis de droit du professeur Auer (qui répond «de manière particulièrement précise aux questions posées», selon le Conseil d'Etat lui-même !) est entre les mains de tous les députés membres de la commission de l'aménagement. L'attitude adoptée en fin de parcours par la majorité est si pitoyable qu'elle ne mériterait guère de longs commentaires si elle n'avait pas pour conséquence de traîner dans la boue la volonté exprimée par le corps électoral.

Comme le relève le professeur Auer, «le Grand Conseil a entrepris de consacrer un projet de loi à chacun de ses volets» («la fiscalité», «l'aménagement du territoire» et «l'acquisition de terrains par les collectivités) (page 6, chiffre 20).

«En réponse à la question posée, il y a lieu de confirmer que le Grand Conseil s'est effectivement engagé, le 15 octobre 1992, à concrétiser les trois chapitres recevables de l'initiative 21 sous forme de projet de loi. En l'état, il ne l'a fait que pour le volet 1 et encore au prix d'une violation grossière des droits politiques des citoyens. Les volets 2 et 4 attendent encore concrétisation» (page 8, chiffre 23).

Le respect de la démocratie directe n'est apparemment pas la préoccupation première de la majorité actuelle de ce parlement.

En refusant aujourd'hui de donner corps à une initiative populaire rédigée en termes généraux et déposée il y a plus de neuf ans, le Grand Conseil bafoue, de manière scandaleuse, la volonté populaire exprimée par le corps électoral.

Grossière violation des droits politiques des citoyens

Il est incontestable que cette initiative non formulée, régie par les anciennes dispositions constitutionnelles genevoises, doit être concrétisée par des projets de lois, lesquels doivent être soumis au peuple, quelle que soit l'opinion du Grand Conseil à leur égard.

C'est dire que le Grand Conseil a non seulement l'obligation de légiférer, mais il doit également veiller à ce que le texte qui sera soumis au scrutin populaire réponde aux objectifs préconisés par les initiants.

Rappelons tout de même que le Grand Conseil disposait d'un délai d'un an pour soumettre ce texte au peuple. Le temps pris par ce parlement pour traiter cet objet et les velléités récemment et subitement exprimées par le Parti libéral d'essayer de l'enterrer, dépassent toutes les marges admissibles.

Que demande l'initiative?

Entre autres la «mise au point d'un système de prélèvement d'une plus-value immobilière résultant de la simple délivrance d'une autorisation de construire».

L'initiative se réfère expressément à «la loi fédérale d'aménagement du territoire (qui) permet aux cantons de prélever une plus-value».

A l'heure actuelle, deux cantons (Neuchâtel et Bâle-Ville) ont légiféré en la matière.

Afin d'éviter de faux débats, il convient de distinguer, d'une part, le prélèvement d'une plus-value, comme demandé par le deuxième volet de l'initiative 21, d'autre part, l'impôt sur les gains immobiliers.

La taxation de la plus-value découlant d'une mesure d'aménagement ou de la délivrance d'une autorisation de construire est la conséquence d'une mesure technique bien précise (détermination, par l'autorité, des avantages dont bénéficie le propriétaire foncier qui obtient une utilisation plus intensive de son bien-fonds, c'est-à-dire des droits à bâtir supplémentaires par rapport au régime ordinaire de la zone de construction).

Quant à l'impôt sur les gains immobiliers, il ne frappe que la valeur d'un terrain, ce qui est bien différent (d'ailleurs Bâle-Ville connaît les deux régimes de taxation).

L'impôt sur les gains immobiliers s'applique, en outre, à toutes les opérations, en évoluant vers la baisse en fonction du temps pendant lequel le vendeur a été propriétaire.

Or, l'initiative 21 préconise de ne taxer que la plus-value qui résulte à la fois de la délivrance d'une autorisation de construire et d'une mesure d'aménagement, au sens de l'article 5 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire. Cette plus-value qui, actuellement, n'est pas taxée, n'a donc rien à voir avec la plus-value résultant d'une vente immobilière.

Il s'agit bien de deux types de plus-values fondamentalement différentes qui interviennent dans des situations différentes et qui sont donc chacune susceptible de faire l'objet d'une taxation fiscale.

Tel est le voeu des initiants.

Telle est la proposition retenue par le présent projet de loi, que nous vous demandons de bien vouloir accepter, ne serait-ce que par respect des droits populaires.

PROJET DE LOI

concrétisant la deuxième invite de l'initiative 21 «Halte à la spéculation foncière» et modifiant à cet effet la loi d'application de la loi fédéralesur l'aménagement du territoire

(L 1 30)

LE GRAND CONSEIL

Décrète ce qui suit:

Article unique

La loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, du 4 juin 1987, est modifiée comme suit :

Article 30 C (nouveau)

La plus-value d'un bien ou actif immobilier procurée par une mesure d'aménagement ou un avantage particulier résultant d'une autorisation de construire est taxée au moment où cette plus-value se concrétise, à savoir à l'occasion de la délivrance de l'autorisation de construire matérialisant cette mesure d'aménagement ou cet avantage constructif, sous réserve de la taxation provisoire prévue à l'article 30 F ci-après en cas de changement de propriétaire d'un bien-fonds ayant bénéficié d'une mesure d'aménagement.

Art. 30 D (nouveau)

La plus-value d'un bien ou d'un actif immobilier est soumise à taxation, lorsqu'elle résulte:

a)

soit d'une mesure d'aménagement portant sur l'adoption ou la modification d'un plan d'affectation du sol au sens de la présente loi ayant pour effet d'accorder à ce bien immobilier des droits à bâtir supplémentaires ou d'autres avantages ;

b)

soit d'une autorisation de construire ayant pour effet d'accorder un avantage particulier à un bien immobilier, notamment du fait de l'application des normes d'une zone de développement lorsque celles-ci ne correspondent pas aux normes de la zone de fond, ou du fait de la mise au bénéfice d'une dérogation aux normes de la zone, à un plan d'affectation du sol, à la loi sur les constructions et installations diverses ou à toute autre loi fixant des règles en matière de construction

Art. 30 E (nouveau)

1 La plus-value soumise à taxation est calculée sur la base des éléments déterminants existant au moment dela délivrance de l'autorisation de construire qui bénéficiede la mesure d'aménagement, de l'application des normes de la zone de développement ou de l'octroi de la dérogation. La plus-value équivaut à la différence de valeur du bien ou actif immobilier entre la valeur correspondant au volume qui aurait pu être construit ou l'affectation qui aurait été admise en l'absence d'une mesure d'aménagement ou d'un avantage particulier et la valeur correspondant au volume de la construction effectivement autorisée ou à l'affectation admise.

2 La valeur du volume constructif supplémentaire résultant de l'octroi de droits à bâtir supplémentaires, telle que fixée par l'autorité de taxation, se calcule en fonction du coût usuel de la construction au m3 SIA pour le genre de construction concernée ; le requérant doit présenter à cette fin un calcul indiquant la différence de volume en cause, qui est vérifié par l'autorité de taxation.

3 La valeur du changement d'affectation, telle que fixée par l'autorité de taxation, se calcule en fonction de la valeur usuelle du volume ou de la surface de plancher bénéficiant du changement d'affectation par rapport à la valeur du bien-fonds avant la délivrance de l'autorisation.

Art. 30 F (nouveau)

1 Lorsqu'un bien ou actif immobilier bénéficie d'une mesure d'aménagement, au sens de l'article 30 D, lettre a, lui accordant une plus-value, cette dernière fait l'objet d'une taxation provisoire au moment où la mesure projetée est mise à l'enquête publique. Cette taxation, calculée sur la base des critères énoncés à l'article 30 E, est notifiée au propriétaire foncier concerné et fait l'objet d'une annotation au registre foncier.

2 La taxe n'est pas exigible avant la délivrance de l'autorisation de construire concrétisant l'avantage consenti, à moins que le propriétaire foncier n'aliène auparavant son bien ou actif immobilier, dans quel cas elle est immédiatement exigible.

3 La taxation provisoire est remplacée par une taxation définitive au moment de la délivrance de l'autorisation de construire.

Art. 30 G (nouveau)

1 La taxation s'opère sur la base d'un bordereau établi par le département et notifié par ce dernier, sous réserve du cas de l'article 30 F, au moment de la délivrance de l'autorisation de construire. La décision de taxation fait l'objet d'une annotation au registre foncier. Elle peut faire l'objet d'un recours au Tribunal administratif dans les 30 jours de sa notification.

2 Le paiement de la taxe doit intervenir au plus tard avant l'ouverture du chantier. La taxe est, toutefois, immédiatement exigible en cas de vente du bien ou actif immobilier. Lorsque plusieurs personnes sont propriétaires d'un immeuble, elles sont solidairement obligées envers l'Etat.

Art. 30 H (nouveau)

1 En cas de délivrance d'une autorisation préalable de construire, la notification du bordereau se fait simultanément à la notification de cette autorisation. Le paiement de la taxe est, toutefois, suspendu jusqu'à l'entrée en force de l'autorisation définitive, sauf en cas de vente du bien ou actif immobilier. Le montant de la taxe est revu lors de la délivrance de l'autorisation définitive en cas de modification des bases de calcul de la plus-value.

2 Au cas où, postérieurement à la décision de taxation, l'un des éléments entrant dans le calcul de celle-ci subit une modification, notamment en cas de modification du projet ou de vente du bien immobilier dans les deux ans de son achèvement à un prix ne correspondant pas à la plus-value calculée, le département peut, d'office ou à la demande du propriétaire, procéder à une révision du montant de la taxe.

Art. 30 I (nouveau)

Le taux d'imposition de la plus-value varie entre 20 et 40% selon l'importance de l'avantage concédé au bien ou actif immobilier en vertu des articles 30 C à 30 E. Le taux d'imposition est supérieur à 20%, notamment lorsque les avantages concédés portent sur l'octroi de droits à bâtir à des terrains inconstructibles, sur des changements d'affectation ou s'il y a cumul de droits à bâtir supplémentaires avec un changement d'affectation.

Art. 30 J (nouveau)

Le paiement des taxes prévues dans le présent titre est garanti par une hypothèque légale. L'hypothèque prend naissance, sans inscription, en même temps que la créance qu'elle garantit. Elle est en premier rang, en concours avec les autres hypothèques légales de droit public, et prime tout autre gage immobilier.

Art. 30 K (nouveau)

1 Les bordereaux définitifs relatifs au paiement des taxes, établis en application de l'article 30 G, sont assimilés à des jugements exécutoires au sens de l'article 80 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, du 11 avril 1889. Le recouvrement est poursuivi à la requête du conseiller d'Etat chargé du département, représentant l'Etat, conformément aux dispositions de ladite loi.

2 Les poursuites sont exercées dans le canton, quel que soit le domicile du débiteur.

3 Le paiement de la taxe prévue à l'article 30 C ne dispense pas l'aliénateur ou ses ayants cause de tous autres impôts prévus par la loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1987.

Art. 30 L (nouveau)

Un fonds de compensation recueille le produit des taxes. Il finance :

a)

les indemnités versées en application de l'article 30 M ;

b)

des mesures d'aménagement prises par l'Etat ou les communes en accord avec le département ;

c)

d'autres mesures compensatoires, prises par la collectivité, destinées à pallier les conséquences résultant de l'urbanisation du territoire.

Art. 30 M (nouveau)

1 Une indemnité ne peut être accordée que lorsque les inconvénients provoqués par une mesure d'aménagement sont équivalents à une expropriation matérielle.

2 Mention est faite au registre foncier de tels versements.

Art. 34, al. 2 (nouveau)

2 En dérogation à l'alinéa 1, les décisions prises en application de l'article 30 G peuvent faire l'objet d'un recours auprès de la commission cantonale de recours en matière d'impôts, instituée par la loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre 1887. Le Tribunal administratif, siégeant en plénum, connaît en réforme des recours interjetés contre les décisions de la commission cantonale de recours en matière d'impôts rendues en vertu du présent alinéa.

Premier débat

M. René Koechlin (L), rapporteur de majorité. Ce projet de loi prétend concrétiser le deuxième volet d'une initiative dont l'unique objectif est la lutte contre la spéculation foncière : c'est son titre même. Or il va à fin contraire, comme le démontrent les quelques exemples cités dans mon rapport, exemples que l'on pourrait multiplier par cent.

En taxant la plus-value d'un terrain, on incite le propriétaire à réaliser un bénéfice au plus vite en le vendant, ou en construisant et vendant un immeuble. On ne l'encourage pas à le conserver.

Si ce projet de loi est adopté, la charge fiscale du promoteur ne sera pas accrue : il spéculera en revendant au plus vite son bien-fonds, construit ou non, puisque ladite taxe sera déduite de la plus-value soumise à l'impôt sur les gains et bénéfices immobiliers.

Outre les complications administratives qu'elle entraînera, l'application de cette loi augmentera la charge fiscale de celui qui conservera son immeuble; elle provoquera, de surcroît, une hausse des loyers.

Par ailleurs, une taxe affectée à un fonds de compensation aurait pour effet de diminuer d'autant le revenu fiscal de l'Etat, utilisable notamment pour réduire le déficit de fonctionnement. L'impôt sur les bénéfices immobiliers, perçu actuellement, recouvrirait, de facto et in fine, la taxe souhaitée par les auteurs du projet de loi.

C'est pourquoi la majorité de la commission vous invite à rejeter l'entrée en matière sur ce projet de loi qui n'est, en fait, qu'un autogoal de ses auteurs en regard des objectifs de l'initiative.

Selon l'avis de droit recueilli par votre serviteur, le Grand Conseil doit formaliser les conclusions de la commission fiscale, selon le document annexé à mon rapport. Celui-ci prouve que la nouvelle loi fiscale, instituant l'impôt sur les gains et bénéfices immobiliers, adoptée le 23 juin 1994 par ce Grand Conseil, concrétise non seulement le premier, mais aussi le deuxième volet de l'initiative 21, dès lors qu'en vertu de cette loi, je cite : «Toute plus-value en droit fiscal genevois est taxée par l'Etat.»

Par voie de conséquence, la majorité de la commission invite ce Grand Conseil à refuser l'entrée en matière sur le projet de loi, puis à voter la résolution annexée à mon rapport.

M. Christian Ferrazino (AdG), rapporteur de minorité. Tant dans son rapport que dans sa présentation, M. Koechlin se trompe lourdement en croyant que la taxe, proposée par les initiants et concrétisée par ce projet de loi, viendrait en déduction de l'impôt sur les gains immobiliers.

Je ne sais pas où vous allez chercher cela, Monsieur Koechlin ! Nous n'avons cessé de répéter, en commission d'aménagement, que cette taxe sur les plus-values, résultant d'une mesure d'aménagement ou de la délivrance d'une autorisation de construire créant des droits à bâtir supplémentaires, a toute sa raison d'être, puisqu'elle s'ajoute à l'impôt sur les gains immobiliers. Celui-ci, d'une tout autre nature, ne répond pas à la situation que les initiants ont voulu toucher par cette mesure.

Avant de reprendre vos exemples pour en démontrer le «mal-fondé», je rappellerai certains faits sur lesquels vous êtes passé bien brièvement, à savoir que l'initiative, déposée par le parti du Travail en chancellerie, remonte à 1988.

A cette époque, le Grand Conseil ne pouvait qu'accepter ou refuser cette initiative. Comme il l'avait acceptée, il devait y donner suite. La commission d'aménagement a donc reçu l'initiative pour concrétiser, par un projet de loi, son volet «aménagement du territoire». La commission fiscale l'a également reçu, afin de concrétiser son volet fiscal par un autre projet de loi.

La commission fiscale ayant travaillé «plus vite» que la commission d'aménagement, elle a proposé en juin 1994, sauf erreur, la modification de la loi sur les contributions publiques, ce qui avait suscité de nombreux débats. Cette modification portait sur une nouvelle disposition prévoyant un impôt dégressif, avec le temps, sur les gains immobiliers... (Brouhaha.)

La présidente. Puis-je vous demander de cesser vos apartés ? C'est très pénible ! Poursuivez, Monsieur le rapporteur !

M. Christian Ferrazino, rapporteur de minorité. Je rappelais que la loi, adoptée par ce Grand Conseil, pour concrétiser le volet fiscal de l'IN 21 avait, en son article 83 ou 84, retenu que cet impôt serait dégressif et cesserait d'être perçu au terme de vingt-cinq ans. Cela se passait en juin 1994.

Après que ce Grand Conseil a voté cette loi fiscale, nous avons continué à travailler en commission, afin de concrétiser le volet «aménagement du territoire». Une sous-commission avait été créée à cet effet, et vous y participiez, Monsieur Koechlin ! Dès lors, je m'étonne que vous ayez travaillé, en 1995, à la concrétisation du volet «aménagement du territoire», alors que vous affirmez, ici, que cet aspect avait été réglé par le vote de 1994. Vous devrez expliquer cette contradiction.

Cela étant, la sous-commission n'a rien fait, sinon présenter une proposition - qui n'en était pas une - visant simplement à ne retenir, pour soumission d'une plus-value à la taxation, que les modifications de zone décidées par ce Grand Conseil, à savoir l'aménagement d'un terrain agricole en terrain constructible.

Cette proposition de la sous-commission, trop limitative, n'a pas été agréée par les initiants ayant considéré, à juste titre, qu'elle ne réglait qu'imparfaitement le volet concerné de leur initiative. Cette dernière demande l'établissement d'une taxe sur les plus-values issues de la délivrance d'une autorisation de construire en sus de celles découlant d'une mesure de déclassement d'un terrain agricole en terrain à construire, par exemple.

Dès lors, la commission a décidé, à l'unanimité, de demander un avis de droit au professeur Auer. Je rappelle que l'initiative non formulée, déposée en 1988, devait être examinée selon l'ancien droit constitutionnel qui a été modifié entre-temps. Dès le moment où le Grand Conseil était entré en matière et avait considéré l'initiative recevable, que pouvait-il faire ? Pouvait-il - c'était notre question - adopter le projet de loi non conforme à la volonté des initiants, projet proposé par M. Koechlin en sous-commission ? Nous avons posé cette question au professeur Auer, selon lequel le Grand Conseil devait s'en tenir à la volonté des initiants. Le projet de la sous-commission n'offrant pas les garanties suffisantes, nous sommes revenus devant la commission d'aménagement et avons élaboré un projet de loi répondant à la volonté des initiants.

Comme M. Koechlin et ses amis dressaient tous les obstacles imaginables pour ralentir nos travaux, l'Alliance de gauche a déposé le projet de loi que nous examinons ce soir. Ce projet, conforme à leur volonté, a reçu l'accord des initiants.

Je comprends, Monsieur Koechlin, que nos propositions ne vous enchantent pas, vous et vos amis, mais vous ne pourrez empêcher que le peuple se prononce à leur sujet. Le droit constitutionnel nous oblige, en cas d'initiative non formulée acceptée par le Grand Conseil, à soumettre au souverain un projet de loi concrétisant ladite initiative.

Puisque vous en avez l'obligation légale, ayez le courage d'aller devant le peuple ! Ne soyez pas hypocrites en vous retranchant derrière des arguments fallacieux du genre : «Tout compte fait, en se grattant bien la tête, n'aurait-on pas déjà répondu, en 1994, aux questions que nous avons examinées en 1995, 1996 et 1997 ?». Tel est le raisonnement du rapporteur de majorité ! Je me bornerai donc à citer quelques lignes du rapport, relativement long, du professeur Auer : «Le 15 octobre 1992, le Grand Conseil s'est engagé à concrétiser l'initiative 21. L'initiative n'est pas une simple pétition. Elle impose des obligations juridiques aux autorités. En raison de son approbation de l'initiative 21, le Grand Conseil est tenu de mettre sur pied un projet qui réponde aux intentions des initiants et exprime leurs pensées - écoutez, Monsieur Koechlin ! : «...qui réponde aux intentions des initiants et exprime leur pensée.» - «L'inobservation de cette obligation peut constituer une violation du droit d'initiative et, partant, des droits politiques des citoyens.»

Ce que vous proposez, Monsieur Koechlin, c'est, ni plus ni moins, une violation des droits politiques des citoyens, puisque vous ne voulez pas faire en sorte que le peuple se prononce sur le projet de loi concrétisant le volet «aménagement du territoire» de l'IN 21.

Voilà pour l'aspect choquant de votre démarche !

Maintenant, j'en viens aux trois exemples que vous citez dans votre rapport. Selon vous, ils devraient nous démontrer l'inutilité de légiférer en matière de taxation des plus-values. Il n'en est rien, puisque vous avez cru, à tort, que la taxation sur les plus-values résultant d'une mesure d'aménagement ou d'une autorisation de construire venait en déduction de l'impôt sur les gains immobiliers. C'est faux et archifaux ! Nous ne l'avons pas voulu, ne l'avons pas dit et vous ne trouverez nulle part une telle disposition dans le projet débattu ce soir. Au contraire, cette taxe vient s'ajouter, en cumul, à l'impôt sur les gains immobiliers.

Votre premier exemple figure en pages 7 et 8 de votre rapport. Il illustre le cas d'une personne achetant un terrain agricole à 10 F le m2 et le revendant, au terme de cinq ans, à 325 F le m2. Vous qualifiez cette personne de promoteur, en quoi vous avez tort. Un promoteur fait une promotion et construit, alors que celui qui achète un terrain, dans le seul but de le revendre, n'est qu'un spéculateur, Monsieur Koechlin ! Appelons un chat, un chat !

Dudit exemple, vous déduisez une plus-value de 315 F par m2, ce qui représente un bénéfice - j'ignore si vous avez fait ce calcul - de plus de 3 000% !

Une personne qui réalise un bénéfice de 3000%, sans rien faire sinon profiter d'une mesure de déclassement, doit être taxée sur cette plus-value en plus de l'impôt immobilier, ces deux notions devant être cumulées.

Ne trouvez-vous pas normal, Monsieur Koechlin, qu'une personne, réalisant un tel bénéfice, soit taxée à la fois sur le gain immobilier et sur la plus-value résultant de la mesure d'aménagement ?

Cette situation très choquante démontre, à elle seule, la nécessité de la loi que nous proposons.

Votre deuxième exemple est celui d'un promoteur qui achète et vend à l'issue de l'opération. La vente ayant lieu dix ans après l'acquisition, vous parlez de 45% d'impôt sur le gain immobilier. C'est faux, et pour vous le prouver, je me réfère à la loi que vous avez votée : c'est 10% d'impôt après dix ans, selon l'article 84 de la loi sur les contributions publiques. Cet impôt est si ridicule que vous n'avez même pas osé l'indiquer à l'appui de votre exemple. Mieux, vous l'avez gonflé jusqu'à 45% !

La réalité est tout autre. L'impôt ne serait que de 10% pour une personne ayant acheté un terrain à 10 F le m2 et l'ayant revendu à 325 F le m2. Vous vous satisfaites de cela et c'est choquant ! C'est pourquoi, selon le voeu des initiants, nous proposons que la taxe sur la plus-value soit ajoutée à cet impôt.

Votre troisième exemple est celui d'un acquéreur restant propriétaire de son bien. Vous avez souvent dit, Monsieur Koechlin, que vous pensez souvent à ce type de personnes et pas aux promoteurs ou spéculateurs en quête d'acheteurs.

En l'occurrence, votre exemple est éloquent. Si la personne ne vend pas son bien, elle n'acquittera pas d'impôt sur son bien immobilier. Vous démontrez ainsi la nécessité de légiférer pour l'établissement d'une taxe sur la plus-value, sinon vous devrez renoncer à toute forme d'imposition, la personne conservant son bien.

C'est à tort que vous avez cru pouvoir éluder la nécessité de cette taxe en pensant que l'impôt sur les gains immobiliers y suppléait. Vos exemples auront eu le mérite, une fois mes corrections apportées, de convaincre ceux qui doutaient encore de la nécessité d'une taxe sur les plus-values, taxe que nous avons l'obligation d'introduire en vertu du vote, en 1992, de ce Grand Conseil.

M. Chaïm Nissim (Ve). Nous avons travaillé sur cette initiative pendant quatre ans, en commission d'aménagement. Elle a soulevé deux problèmes très importants.

Le premier était posé par son applicabilité. En effet, il nous a été dit, au département, que de nombreux fonctionnaires devraient être engagés pour estimer, en vue de sa taxation, une éventuelle plus-value résultant d'une autorisation de construire.

Le deuxième relevait du risque évoqué par M. Koechlin, à savoir une hausse des loyers.

Notre première tentative, après deux ans de commission, fut de tricher un peu avec l'exposé original de l'initiative en ne taxant que les plus-values résultant d'une mesure d'aménagement, selon cet exemple d'un terrain agricole passant de 10 F le m2 à 325 F le m2, une fois déclassé. Sur ce point, nous étions tous d'accord.

En commission, nous avons rédigé un premier projet concrétisant la première partie de cette initiative, mais comme il ne concrétisait pas la partie relative à la taxation des plus-values résultant d'une autorisation de construire, nous doutions de sa constitutionnalité. Nous avons donc requis l'avis de M. Auer, professeur de droit constitutionnel. Il a été formel : même si nous n'étions pas d'accord avec la teneur de l'initiative 21, le Grand Conseil se devait d'en soumettre une loi d'application au souverain, quitte à ne pas la voter lui-même.

Nous avons reçu un deuxième avis de droit, assorti d'une manière de faire, de la part de Me David Lachat, avocat. Selon lui, le Grand Conseil devait proposer un projet appliquant l'ensemble des mesures demandées par l'initiative, soit la taxation des plus-values résultant d'une mesure d'aménagement ou d'une autorisation de construire. Libre ensuite au Grand Conseil de s'abstenir sur ce projet de loi. L'Alliance de gauche le soutenant, il serait soumis au souverain, ce qui fournirait à certains partis l'opportunité de faire connaître les effets pervers de l'initiative. Mais obligation est faite de se conformer à la volonté populaire.

Suite à ces consultations, la situation s'est améliorée avec la proposition du projet de loi 7559. Nous n'avions plus tant à réfléchir, la volonté populaire devant être respectée.

Mesdames et Messieurs de l'Entente, permettez-moi de vous dire une chose : si vous ne respectez pas la démocratie, vous devez au moins respecter la constitution. Hier soir, vous étiez très à cheval sur d'éventuels «froissements» de la loi par M. Grobet, dans le cadre de la gestion financière et administrative de l'Etat, alors que ce soir vous transgressez gravement la constitution en refusant de vous plier à l'obligation qui vous est faite par tous les avis de droit demandés : la concrétisation de cette initiative, signée par dix mille personnes.

Si, par miracle, vous déposiez, ce soir, le projet de loi 7559 en tant que concrétisation de l'initiative, vous vous abstiendrez tous. L'Alliance de gauche le soutiendra et ce projet devra être soumis à la population. Admettons, maintenant, que cette dernière l'accepte en dépit de toute la campagne dissuasive que vous aurez menée. Qu'en résulterait-il pour le bon fonctionnement de nos institutions ? Pas un drame, mais deux problèmes mineurs. Le premier serait qu'il faudrait embaucher quelques fonctionnaires pour déterminer les plus-values issues d'une autorisation de construire, mais là encore, de l'aveu tardif du département, le personnel déjà en place pourrait faire ce travail. Le deuxième problème est celui de la contre-performance, avec la répercussion d'une partie de cette taxe dans la fixation des loyers. Peut-être ces derniers augmenteraient-ils un peu, mais l'Etat, lui, bénéficierait de recettes fiscales.

Outre le fait que vous transgressez gravement la constitution, vous êtes en train de commettre une grosse bêtise. Il va de soi que M. Ferrazino recourra auprès du Tribunal fédéral si vous refusez d'appliquer ce qui est constitutionnellement requis.

M. Bernard Annen. C'est du chantage !

M. Chaïm Nissim. Ce n'est pas du chantage, Monsieur Annen ! M. Ferrazino gagnera son recours à coup sûr. Vous n'avez pas le droit de rejeter ce projet de loi. Au pire, vous pouvez vous abstenir. Vous ne pouvez pas refuser l'application d'une initiative populaire. C'est totalement anticonstitutionnel.

Abstenez-vous sur l'entrée en matière du projet de loi 7559 ! L'Alliance de gauche, elle, la votera. Le projet de loi sera ensuite soumis au peuple que vous aurez toute liberté de dissuader. La seule liberté que vous ne pouvez vous permettre est celle de ne pas concrétiser ce projet de loi.

Mme Alexandra Gobet (S). Voici bientôt dix ans que l'IN 21 a été déposée et bientôt cinq ans que nous savons tous que ses volets 1 et 2 sont recevables et nécessitent une concrétisation. Le but de l'initiative, lui, est aussi clair que son titre : «Halte à la spéculation foncière» !

Il n'y a pas que le temps mis à revenir devant ce Grand Conseil qui est inadmissible; l'est tout autant le forcing d'une majorité de la commission qui vit ses dernières heures et condamne une taxe parfaitement justifiée sur les plus-values occasionnées par les déclassements.

C'est ainsi que certains députés de l'Entente ont participé aux travaux de concrétisation et considéré, la séance suivante, que ces travaux auraient été clos trois ans auparavant. Je vous laisse juge de la crédibilité de leur démarche !

Le groupe socialiste regrette une telle issue pour le second volet de l'initiative. La considération la plus élémentaire des droits démocratiques appelle des projets de concrétisation qui respectent le texte de l'initiative. Des projets honnêtes qui font que les états d'âme des uns et des autres sont laissés de côté.

Nous n'avons pas à interférer sur le processus, le texte de l'initiative étant sans équivoque.

L'Entente voudrait-elle protéger certains de ce projet de l'Alliance de gauche, ou de n'importe quel projet, puisqu'il n'est rien ressorti de ces travaux ? Qui protégerait-elle ? Protégerait-elle le vieil agriculteur honnête, amoureux de sa terre, dont le rêve unique est de la léguer à ses enfants ? Est-ce lui ou est-ce l'électeur chéri d'une certaine droite que l'on désignera au choix, selon son bord politique, de spéculateur véreux ou d'investisseur héroïque, compte tenu de la conjoncture ?

La commission était pourtant parvenue à ébaucher un consensus qui aurait dispensé de toute taxe et le vieil agriculteur et le valeureux promoteur qui, se mêlant de construire des logements sociaux, aurait eu le privilège d'inclure cette taxe dans ses charges fiscales.

Nous ne sommes pas du tout persuadés que cette majorité ait voulu autre chose qu'aboutir à un cul-de-sac. Il aurait suffi d'un peu de bonne volonté pour accepter de travailler sur le projet de l'Alliance de gauche, et nous aurions pu vous soumettre un projet de loi conforme.

Le groupe socialiste vous prie d'accepter le projet de l'Alliance de gauche pour faire assaut à la couardise des députés qui siégeaient en commission, à cette majorité incompréhensive, parce que prise de peur. Un rejet ne pourrait que conduire à un recours au Tribunal fédéral pour déni de justice; cela vient d'être dit. Ensuite, nous ne pourrions que parler d'une majorité de blocage, la vôtre, Mesdames et Messieurs les députés de l'Entente !

M. Jean Spielmann (AdG). Avec cette initiative, nous aurons subi toute une série de manoeuvres et de tentatives d'escamotage, l'objectif principal de la majorité étant, comme précisé dans l'avis de droit du professeur Auer, de soustraire au vote populaire une décision qui ne lui serait pas favorable.

La première manoeuvre s'est déclenchée avec l'estimation du point 3, relatif à l'encadrement du crédit. Vous avez argué de la non-conformité de ce point avec le droit supérieur. Le professeur Auer le dit entre guillemets, mais le dit quand même. Il ne se prononce pas sur le bien-fondé de cette décision, mais à l'époque - le Mémorial en fait foi - une large discussion s'était engagée sur la possibilité ou l'impossibilité d'intervention. Vous avez donc décidé d'annuler ce point, prétextant sa non-conformité avec le droit supérieur, ce que nous avons évidemment contesté.

La deuxième manoeuvre fut d'accepter l'initiative. Je reprends ici les propos de M. Nissim, à savoir l'obligation qui vous est faite de respecter la volonté des initiants et la volonté populaire. Mais nous n'en sommes plus là, Monsieur Nissim ! Aujourd'hui, ce Grand Conseil, qui a approuvé trois des volets de l'initiative, doit respecter ses propres décisions en présentant un projet de loi conforme à son vote. Le professeur Auer l'affirme clairement dans son avis de droit. Il n'est donc pas possible de contourner cette obligation.

Toute une série de dispositions ont été prises, dont la plus curieuse figure dans le rapport de majorité. En effet, elle présume que toutes les conditions, sur le fond, sont remplies par la décision prise en 1994.

Le travail s'est poursuivi durant quelques années encore. Il se peut que le problème ait perdu un peu de son acuité maintenant, mais il n'en demeure pas moins important. Cela ressort des lectures de vos milieux, notamment de l'excellent document, déjà cité ici, de Jean-François Aubert, qui traite du renchérissement foncier et des problèmes qu'il pose aux juristes. Jean-François Aubert a donné plusieurs orientations et préconisé des dispositions, dont nous nous sommes inspirés pour présenter l'initiative, parce qu'elles cadraient avec nos propositions et émanaient d'un concept que nous partageons totalement. Je cite Jean-François Aubert : «Il serait bon de combattre la hausse de la valeur du sol quand ce ne serait que pour freiner la spéculation, car nul ne peut tenir pour satisfaisant l'état d'une société dont certains membres s'engraissent de l'industrie des autres.» Cet extrait pose un problème de fond à cette société : aux locataires d'abord, puis aux industriels qui veulent créer des emplois et développer des activités productives. Ces gens sont pénalisés par des opérations spéculatives qui ont conduit à la cherté des logements, bureaux et ateliers. Il s'agit donc de prendre des mesures.

A l'époque, le problème était d'une acuité extraordinaire, la spéculation ayant été très importante à Genève. Elle a pénalisé gravement son développement économique et, aujourd'hui, nous en subissons le contrecoup.

Cinq ans après le dépôt de l'initiative, nous sommes revenus devant le Grand Conseil pour débattre à nouveau de ces différents problèmes. Entre-temps, ils avaient perdu de leur acuité. Il nous était donc possible de les résoudre plus sereinement, et de préparer l'avenir en mettant en place les dispositions légales aptes à limiter la nocivité d'un comportement uniquement spéculatif.

Nous avons proposé les quatre volets qui constituaient de bonnes mesures. De l'une, on a dit qu'elle était inapplicable, et M. Nissim vient d'avouer naïvement que l'on s'était autorisé, en commission, à tricher un peu avec le texte des initiants pour présenter un projet qui n'aille pas trop dans leur sens. Je vous arrête tout de suite ! Vous ne pouvez plus tricher avec l'initiative dont vous avez proposé l'acceptation. Le professeur Auer affirme clairement que le Grand Conseil l'a votée, le rapporteur de majorité et le représentant du Conseil d'Etat s'étant prononcés. Par ailleurs, il estime probable qu'une partie importante des députés avaient voulu éviter une votation populaire de l'IN 21 plutôt qu'approuver les propositions restantes. Cela n'affecte en rien les conséquences juridiques qui découlent de la décision du Grand Conseil prise en 1992 et qu'il importe de rappeler.

La première est que la décision, qui a invalidé la troisième partie de l'initiative, n'a pas fait l'objet d'un recours de notre part. Il est d'ailleurs curieux que dans l'ensemble des textes, y compris dans le rapport de majorité, on nous en fasse le reproche. Nous aurions peut-être dû recourir, vu que vous aviez violé la loi à maintes reprises. Mais nous estimions que, l'initiative ayant été votée, nous parviendrions à sa concrétisation.

La deuxième est le vote du second volet, bien qu'il n'ait pas été soumis à votation populaire, comme il aurait dû l'être. Là encore, on nous a reproché de n'avoir pas interjeté un recours que nous aurions certainement gagné. Une fois encore, nous avions jugé superflu de recourir, la loi ayant été approuvée et votée.

Vu la situation actuelle et compte tenu des appréciations et de l'intervention du rapporteur, nous ne serons pas naïfs au point de rater la troisième occasion de recourir.

Sachez-le d'ores et déjà : si jamais vous refusiez d'entrer en matière sur l'initiative, notre recours sera admis par le Tribunal fédéral ! L'avis de droit du professeur Auer et l'exposé des motifs du rapporteur sont absolument clairs à ce sujet. De ce fait, vous serez obligés de soumettre nos propositions à votation populaire.

Les difficultés d'application du deuxième volet de l'initiative, relatif à l'aménagement du territoire, ont été également évoquées. Je rappelle que le dépôt de l'initiative a coïncidé avec l'entrée en vigueur d'une nouvelle loi fédérale sur l'aménagement du territoire. Cette loi permettait la prise de mesures et de moyens pour prélever la plus-value immobilière résultant de la délivrance d'une autorisation de construire. Elle autorisait donc les cantons à prélever cette plus-value.

Deux cantons ayant mis cette loi en vigueur, vous n'êtes donc pas crédibles quand vous lui opposez des difficultés d'application insurmontables. L'introduction de la loi, à Neuchâtel, l'un des deux cantons, a suscité des offensives virulentes de la droite et de tous les défenseurs des spéculateurs. A défaut de créer des emplois, ils préfèrent se battre pour leurs amis spéculateurs ! Ils sont allés jusqu'à faire recours au Tribunal fédéral qui a très nettement tranché : il a approuvé les mesures prises par le canton. De plus, le recours portant sur le montant de la plus-value, le Tribunal fédéral a estimé qu'elle pouvait être confisquée en totalité si elle nuisait à l'économie et au développement harmonieux; que le pourcentage du prélèvement n'était pas arbitraire et qu'il pouvait aller bien au-delà de ce que stipulait la législation cantonale.

Voilà, d'ores et déjà, notre réponse à vos éventuelles velléités de contrer notre décision en ce qui concerne la prise de plus-values, suite à des décisions relatives à l'aménagement du territoire. Là aussi, des précédents, au niveau du Tribunal fédéral, font que nous aurions la garantie qu'une telle loi peut entrer en vigueur et, surtout, jouer son rôle. En effet, nous devons nous donner les moyens de lutter contre la spéculation.

Le professeur Auer dit également...

La présidente. Je vous rappelle que vous n'avez plus qu'une minute pour conclure, Monsieur le député.

M. Jean Spielmann. ...que le vote d'entrée du Grand Conseil a pour effet la soumission de ces lois au souverain. Aujourd'hui, il a donc l'obligation de légiférer et de passer par la votation populaire. Ce même vote impose au Grand Conseil l'obligation de concrétiser, par une ou plusieurs lois, les propositions que nous avons formulées. L'ancienne loi sur les initiatives prévoyait, effectivement, la possibilité d'initiatives non formulées. Néanmoins, celles-ci étaient précises, et la jurisprudence permettait de définir les orientations que le Grand Conseil devait suivre pour légiférer. La loi sur les soins à domicile et autres exemples similaires démontrent, aujourd'hui, que la démarche proposée par la majorité de la commission et son rapporteur n'est tout simplement pas praticable. Elle ne l'est surtout pas sur le plan moral, car il est impossible, Monsieur Koechlin, d'approuver une initiative par tactique, dans le but de la soustraire au vote du peuple, puis d'essayer de la saboter avec des projets sans signification et des arguments qui ne tiennent pas la route.

La présidente. Votre temps de parole est écoulé.

M. Jean Spielmann. Je conclus, Madame la présidente. Si ce Grand Conseil ne prend pas les décisions qui s'imposent, à teneur de ses propres obligations légales, nous recourrons auprès du Tribunal fédéral pour nous faire rendre justice. Le scandale de cette initiative a suffisamment duré. Cela fait dix ans que vous vous en amusez, que vous défendez vos amis spéculateurs. C'est dix ans de trop et, cas échéant, nous vous ferons sanctionner par le Tribunal fédéral.

M. Michel Halpérin (L). Certaines choses venant d'être dites appellent des explications et quelques commentaires.

Le choix que nous sommes appelés à faire ce soir, notamment de reconnaître ou non la concrétisation du deuxième volet de l'initiative 21, résulte moins du rapport de la commission d'aménagement, qui était compétente, que de celui de la commission fiscale. Celle-ci a siégé pendant quatre séances pour examiner l'avant-projet de la commission d'aménagement et tenter de déterminer la nature exacte de cette concrétisation.

Or le préavis de la commission fiscale a été pris sur la première question qui était de déterminer si l'aspect fiscal, incluant le deuxième volet de l'initiative 21, avait été concrétisé par la loi votée le 23 juin 1994. Par neuf voix positives, dont la voix socialiste, et deux abstentions, celles de l'Alliance de gauche et des Verts, la commission fiscale fut unanime à considérer que concrétisation était faite.

Dès lors, je m'étonne que M. Nissim et Mme Gobet parlent de scandale. C'était le travail d'une commission, composée comme elle l'est toujours. Elle a siégé au cours de quatre longues séances, beaucoup réfléchi, et voté à l'unanimité, si on veut bien considérer que des abstentions, même de l'Alliance de gauche et des Verts, ne sont pas des refus. Ça, c'est pour la forme !

Sur le fond, le rapport renvoyé par la commission fiscale à la commission d'aménagement était fidèle aux travaux que nous avons conduits. C'est une première remarque. La deuxième, c'est d'essayer d'expliquer - si la lecture du rapport de la commission fiscale n'y suffit pas - le sens de notre réflexion.

Je voudrais vous rappeler, même si c'est inutile, que l'initiative s'intitule «Halte à la spéculation foncière» et que, dans sa motivation, les initiants ont mis l'accent sur le fait qu'ils cherchent à doter la République d'instruments plus efficaces pour lutter contre la spéculation foncière. Les propositions qui nous intéressent - j'occulte les autres, car elles ne sont plus à notre ordre du jour - sont la fiscalité et l'aménagement du territoire.

Si vous prenez la peine de lire le texte de l'initiative, vous constaterez que le chapitre sur la fiscalité rappelle, aux uns et aux autres, que le premier moyen est l'impôt sur la plus-value immobilière. Puis il passe au deuxième moyen, celui qu'on nous demande de concrétiser, intitulé «l'aménagement du territoire». On pourrait donc s'attendre à y trouver des propositions concernant l'aménagement du territoire. Or il s'agit encore d'une disposition fiscale, le texte précisant que le deuxième moyen est la mise au point d'un système de prélèvement d'une plus-value immobilière résultant de la délivrance d'une autorisation de construire. De sorte que le sous-titre «aménagement du territoire» est trompeur, peut-être pas délibérément, parce que le deuxième moyen est aussi un moyen de prélèvement, donc un moyen fiscal.

La troisième remarque que l'on peut faire est la suivante : lorsque la commission d'aménagement a saisi de son avant-projet la commission fiscale, elle a voulu lui faire partager son embarras. Pourquoi ? Parce que le texte proposé, pour concrétiser ce deuxième volet qui ne l'avait pas été formellement jusque-là, prenait acte, de facto :

1. que ce prétendu aménagement du territoire était une mesure d'ordre fiscal, puisqu'il s'agissait d'introduire un nouvel impôt;

2. qu'il s'agissait d'introduire un impôt qui se situait dans le temps, au moment où la procédure parlementaire ou du département aboutissait à une autorisation de construire ou à un déclassement de terrain, c'est-à-dire à des actes administratifs qui, par définition, ne sont pas des actes à connotation spéculative, puisque nous savons que le Grand Conseil et l'administration ne prennent pas des décisions de déclassement ou d'autorisation à des fins spéculatives. C'est dire que le bénéficiaire du déclassement ou de l'autorisation n'est pas encore en situation, par le seul acte de notre fait ou de celui de l'administration, de bénéficier d'une plus-value. Et chacun de constater que ce bénéfice ne se réalise qu'au moment où l'autorisation se traduit soit par une construction - à ce stade, le bénéfice n'est pas encore réalisé - soit par une vente, c'est-à-dire au moment où le propriétaire du terrain peut enfin réaliser son bénéfice, spéculatif dans sa définition initiale. Mais le parcours de déclassement, d'autorisation de construire, d'éventuelles politiques dérogatoires, d'endettement, de construction, puis de vente, prenant infiniment de temps, la notion même de spéculation se trouve quasiment vidée de son sens. C'est une constatation. On ne peut pas ne pas la faire, et la commission d'aménagement l'avait faite.

La commission d'aménagement constatait que le plus difficile était de déterminer le moment du prélèvement de ce nouvel impôt. Ses conclusions furent qu'il fallait le prélever au moment où il y avait de l'argent dans la poche de celui qui devait s'en acquitter. C'est ainsi que, tout naturellement, la commission d'aménagement est revenue au moment de la vente pour prélever cet impôt. Quand il a fallu concrétiser, on s'est aperçu que cela calquait étroitement l'impôt sur le bénéfice immobilier, parce que, même si la cause initiale est autre, cet impôt est aussi prélevé au moment de la vente - ici, il s'agirait de taxer le simple changement d'affectation ou l'autorisation de construire. On voit bien qu'économiquement la mesure ne déploierait ses effets, en engendrant un bénéfice éventuel, qu'après la vente.

Les deux impôts se recoupent dans la date de leur prélèvement et, si on ne veut pas les confondre en un seul, constituent une double imposition du bénéfice immobilier. On aura beau l'appeler comme on voudra, mais c'est bien de cela qu'il s'agit !

La commission d'aménagement et la commission fiscale se trouvaient donc dans une position fort compliquée. Tous les calculs proposés par l'administration pour donner un contenu réel à cet impôt et des moyens d'évaluation aboutissaient à des résultats inacceptables : ils spoliaient réellement des propriétaires pas nécessairement spéculateurs ou, pire, aboutissaient à pénaliser les moins spéculateurs au profit des vrais spéculateurs. La commission avait relevé - et c'est une chose qui mérite d'être rappelée - que le système pénaliserait les personnes qui auraient gardé longtemps leur terrain; par conséquent, ceux qui ne spéculaient pas auraient payé l'impôt le plus élevé.

Comme on ne pouvait imaginer que les initiants aient voulu que l'on pénalisât ceux qui n'étaient pas des spéculateurs, au sens commun du terme, nous étions dans une situation réellement embarrassante. C'est alors que nous nous sommes penchés sur les textes légaux et sur la portée de nos décisions. Lorsque les auteurs de l'initiative 21 ont demandé que l'on lutte contre la spéculation foncière, ils ont exercé leurs droits démocratiques. L'initiative ayant abouti, je vous demande de réfléchir à ce qui suit :

Imaginez que demain nous soyons confrontés à une nouvelle crise spéculative ! Cela arrive de temps en temps et dure plus longtemps que la disette qui, maintenant, est à l'ordre du jour. Imaginez que des membres de la population, qui n'ont pas en mémoire nos travaux remontant à cinq ou dix ans, lancent une nouvelle initiative «Contre la spéculation foncière», portant le numéro 121 et proposant les mêmes mesures ! Imaginez que cette initiative soit acceptée par le peuple ! Devrions-nous légiférer à nouveau sur un sujet épuisé par la loi précédente ? C'est évidemment absurde.

C'est un peu ce que l'on nous demande de faire. Nous avons déjà légiféré - ce que le peuple n'avait pas nécessairement à l'esprit quand il a voté - sur le prélèvement d'un impôt sur le bénéfice immobilier. Nous avons légiféré après cette initiative, en 1993 ou 1994, afin d'alourdir l'impôt sur le bénéfice immobilier, notamment pendant les deux premières années de possession, pour atteindre les spéculateurs authentiques.

Nous avons effectivement lutté sous l'angle du premier volet de l'initiative et sous l'angle du deuxième qui est un volet fiscal, en dépit de son appellation.

J'en viens brièvement aux recommandations du professeur Auer. Tout le monde a lu sa consultation. Par conséquent, personne n'aura manqué les paragraphes importants des pages 30 et 31 du rapport qui nous est soumis. Le professeur Auer y rappelle notre marge de manoeuvre. Le parlement n'est pas une simple chambre d'enregistrement des initiatives, notamment quand elles sont non formulées; il est libre, jusqu'à un certain point, de considérer qu'il a concrétisé une initiative à partir du moment où il s'est doté d'instruments législatifs - avant, pendant ou après - correspondant au but visé par les initiants. C'est bien la moindre des marges de manoeuvre que l'on puisse donner au législateur, surtout pour des initiatives qui ne sont pas formulées ou des contreprojets en butte à des difficultés.

D'ailleurs, le professeur Auer souligne que cette latitude nous est accordée par la législation fédérale, à laquelle les initiants font référence. De sorte que, lorsque la commission fiscale a rendu son préavis à l'unanimité moins deux abstentions, c'était en toute connaissance de cause. Elle savait que le but des initiants était de lutter contre la spéculation financière par des moyens fiscaux, l'un nommé en tant que tel et l'autre qualifié d'aménagement. Mais que, ces moyens ayant abouti, il devenait absurde de surlégiférer, à moins de considérer de notre devoir, si c'est votre idée, de confisquer le produit de toute vente immobilière, ce qui ôtera à tous, excepté à l'Etat, l'envie de spéculer.

Ceux qui veulent recourir au Tribunal fédéral sont libres de le faire. Ils l'ont tenté à propos de l'initiative sur l'emploi et contre l'exclusion. Ils ont eu le résultat des courses. J'attends sereinement le prochain.

M. John Dupraz (R). Nous nous trouvons dans une situation délicate, et je ne partage pas l'avis de mon préopinant, éminent et compétent juriste.

Nous avons l'obligation de concrétiser le volet restant de l'initiative, à savoir le prélèvement sur la plus-value.

Monsieur Halpérin, vous dites que cette taxe sur la plus-value issue d'un déclassement de terrain s'assimile à l'impôt sur les gains immobiliers. Ce n'est pas le cas, les deux problèmes étant absolument différents.

Par ailleurs, le principe dont nous discutons est déjà en vigueur dans deux ou trois cantons.

Ce problème est un vrai serpent de mer ! Lors de notre étude du projet de loi sur l'aménagement du territoire, la LALAT, nous avions provisoirement écarté cet objet, suite à un compromis entre les différents partis politiques.

Si nous l'avions maintenu à l'époque, il n'y aurait pas eu de loi cantonale d'aménagement du territoire : ceux qui voulaient plus de rigueur dans l'aménagement - les écologistes, notamment - étaient contre, tout comme l'étaient ceux désireux de conserver leur liberté d'action - les libéraux et M. Halpérin, rapporteur de minorité.

Seuls des gens raisonnables du centre et de gauche ont pu s'accorder sur un projet à moyen terme, de sorte que notre régime d'aménagement du territoire est actuellement apprécié en Suisse. En effet, il permet de préserver les sites méritant de l'être et de mettre à disposition de l'économie les terrains qui lui sont nécessaires.

Ce dernier volet à concrétiser pose un problème délicat. A l'époque, une sous-commission, que j'avais l'honneur de présider, avait été désignée par la commission d'aménagement. Sa mission était de tenter de trouver la solution que je viens d'évoquer.

Aussi vous m'étonnez, Mesdames et Messieurs de l'Alliance de gauche : lors de la réunion de cette sous-commission, nous avons eu toutes les peines du monde à recueillir vos avis et vos propositions ! Systématiquement, vous remettiez vos réponses à quinze jours et il nous fut pénible de travailler dans ces conditions.

D'autre part, le projet soumis à la commission fiscale a été élaboré en collaboration avec le département des travaux publics. Il ressemblait, peu ou prou, à celui de M. Grobet, alors en charge du département. Selon qu'il ait été député ou conseiller d'Etat, M. Grobet s'est toujours ingénié à transférer des pouvoir du législatif vers l'exécutif et de l'exécutif vers le législatif. Maintenant, de retour au parlement, il allonge la sauce en présentant un projet de concrétisation qui prévoit le prélèvement de la plus-value au moment de l'octroi de l'autorisation de construire.

Ce projet est excessif, inopérant et son application entraînerait une paralysie totale. Néanmoins, nous ne pouvons pas nous contenter de le rejeter, en présumant d'un recours et de son suivi. M. Halpérin, se fiant aux précédents jugements du Tribunal fédéral, assure que celui-ci accepterait l'interprétation du parlement d'une concrétisation de l'initiative par le prélèvement d'une plus-value, notoirement augmentée pour des ventes intervenant avant deux années de propriété.

Je ne suis pas sûr que les juges de Lausanne partagent son point de vue. Par prudence et sagesse, j'invite ce Grand Conseil à retourner en commission pour y travailler sur un projet à moyen terme qui soit applicable. Il faut que nous acceptions un compromis. Votre projet, Mesdames et Messieurs de l'Alliance de gauche, est excessif, mais ne rien faire le serait tout autant. Notre inertie nous entraînerait dans un imbroglio juridique dont l'issue nous serait inconnue.

Par conséquent, je préfère que nous retournions en commission pour travailler ensemble et trouver une solution. Nous l'avons fait à maintes reprises, notamment lors de la concrétisation de l'initiative qui prévoyait une régie publique pour administrer les immeubles. Dans ce cas, nous avions tiré en corner en déposant une motion, sauf erreur, à votre initiative, Monsieur Grobet. Vous pouvez être raisonnable quand vous voulez !

Je vous invite donc les uns et les autres à nous retrouver en commission pour chercher une solution plus sage que celle proposée présentement.

M. Bénédict Fontanet (PDC). Contrairement à ce que laissent accroire ceux qui nous accusent d'être des fripons avides de spéculer, les difficultés rencontrées ne proviennent pas de la mauvaise volonté de la majorité de ce Grand Conseil, mais ressortent directement de cette initiative populaire particulièrement mal ficelée.

Je me borne à vous donner un exemple relatif au volet de l'aménagement du territoire : le texte que vous soutenez, Monsieur Ferrazino, préconise la prise de mesures pour éviter la spéculation foncière dans le domaine de l'aménagement du territoire et vous citez, comme telle, la taxation d'une autorisation de construire, alors que manifestement celle-ci n'est pas une mesure d'aménagement du territoire, au sens où on l'entend d'habitude.

J'ai participé à la commission d'aménagement du temps où M. Grobet était en charge du département des travaux publics. On s'y est cassé la tête pendant deux ans, au fil de séances espacées, pour voir de quelle façon on pouvait, le cas échéant, concrétiser cette initiative. La précédente commission d'aménagement s'était également heurtée aux mêmes difficultés.

Ce soir, nous n'avons pas à choisir entre rien ou le projet de l'Alliance de gauche. Certes, nous avons tardé à concrétiser cette affaire et, en matière de droits politiques, tout retard est insupportable. Néanmoins, il est d'autres initiatives pour lesquelles nous avons beaucoup temporisé. Il a fallu douze ans pour que l'initiative de l'Alhambra aboutisse, et la fameuse affaire de la traversée de la rade a duré fort longtemps, également.

Force est de constater que le libellé des initiatives de certains groupes de pression et de certaines organisations ne va pas sans nous poser d'importants problèmes. Fort heureusement, nous disposons d'une certaine marge de manoeuvre, comme l'a dit M. Halpérin, dans la concrétisation des initiatives non formulées.

Je m'insurge contre le fait que nous aurions le choix entre rien et le projet de l'Alliance de gauche. Je partage l'avis de mon distingué collègue Dupraz pour considérer ce projet de loi, en tant que tel, comme difficilement applicable, bien qu'il se puisse, Monsieur Ferrazino, que nous ne l'ayons pas étudié avec toute l'attention voulue. Il n'empêche qu'il aboutit à une double imposition relativement choquante, puisque le montant de cette taxe s'ajouterait à celui de l'impôt sur les gains immobiliers. Cela constitue un problème de droit fiscal qui ne peut être résolu en plénière, sauf à lasser nos collègues qui n'ont pas le bonheur d'être juristes ou avocats. Cela pose aussi le problème du moment de la perception et de l'importance de la taxe.

Indubitablement, il est choquant que le propriétaire d'un terrain, acheté entre 10 et 15 F le m2, voie sa valeur passer à 500 ou 700 F le m2, suite à une décision du prince, en l'occurrence du Grand Conseil, si j'ose faire cette comparaison. Une taxe est dès lors pleinement justifiée, notamment à l'occasion du vote d'une loi de déclassement ou d'une mesure d'aménagement ayant pour effet de conférer une plus-value importante. Cela répond à la demande de l'initiative.

Taxer les autorisations de construire est totalement inadéquat, sauf à quintupler les émoluments dus à M. Joye qui serait sans doute heureux de diriger un département rentable, quand bien même il pourrait en résulter une certaine paralysie.

Par contre, quand une mesure de déclassement est prise, il me semble possible de taxer. Il est vrai que certains d'entre nous commencent à être las. J'ai passé une année ou deux à discuter de ce problème avec mes collègues, voici cinq ou six ans. Nous avions tous trouvé cette réflexion passionnante, et même les représentants de la gauche n'avaient rien trouvé de particulier à se mettre sous la dent. Tant la commission d'aménagement que la commission fiscale ont planché sur cet objet sans parvenir à trouver une solution transcendante. M. Auer a le bonheur d'être un constitutionnaliste, M. Manfrini celui d'être un excellent spécialiste du droit administratif, peut-être faudrait-il mandater un professeur de droit fiscal, connu pour son indépendance, pour nous proposer la ou les mesures à prendre dans le respect du texte de l'initiative que nous avons acceptée et de la volonté populaire qu'elle manifeste.

Contrairement à ce que d'aucuns disent, je ne suis pas de ceux qui trahissent le verdict du peuple. Je ne crains pas les foudres du Tribunal fédéral, nonobstant le respect que nous portons à cette autorité, M. Halpérin et moi.

Si le travail ressortant de la commission n'est pas satisfaisant, c'est parce que l'on ne peut pas simplement s'asseoir sur un texte qui a été accepté par une majorité d'entre nous, à un moment donné.

Par conséquent, un texte plus satisfaisant pour les uns et les autres doit être élaboré. En plénière, certains le voteront, d'autres pas, mais, en définitive, c'est le peuple qui tranchera.

Il est donc souhaitable de suivre la suggestion de M. Dupraz et de retourner en commission pour réexaminer cette affaire dans le sens du prélèvement d'une taxation sur la plus-value découlant d'une prise effective de mesures d'aménagement, nonobstant certaines dispositions figurant dans l'initiative, et non dans le sens d'un prélèvement sur les autorisations de construire. Il ne faudrait surtout pas d'un texte qui aboutisse, comme c'est le cas de celui d'aujourd'hui, à des dispositions confiscatoires, propres à paralyser le secteur du bâtiment et de l'immobilier.

M. Christian Grobet (AdG). Les gens à la rhétorique aisée ont l'art de semer la confusion dans un débat. M. Fontanet, avec son intervention, n'y a pas manqué.

Il affirme qu'une autorisation de construire n'est pas une mesure d'aménagement. Nous pouvons en discuter longuement, certains diront le contraire, mais le problème n'est pas là !

L'initiative ne préconise pas la taxation des mesures d'aménagement. Son texte, dont nous débattons maintenant, figure à la page 2 du rapport. Il demande des mesures pour lutter contre la spéculation foncière et la mise au point d'un système de prélèvement d'une plus-value résultant de la simple délivrance d'une autorisation de construire. Puis, il fait référence à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire. Il n'en demeure pas moins que le but de l'initiative est la taxation de la plus-value issue d'une autorisation de construire.

Monsieur Fontanet, vous vous occupez de nombreuses affaires immobilières; par conséquent, vous savez très bien qu'une autorisation de construire, surtout si elle est délivrée en vertu d'une dérogation, peut apporter une plus-value énorme... (M. Bénédict Fontanet hoche la tête.)... Ne secouez pas la tête, Monsieur Fontanet. Vous êtes administrateur de sociétés immobilières, alors, je vous prie, ne jouons pas à cache-cache !

Si le propriétaire d'un terrain agricole obtient, à tort ou à raison, mais plutôt à tort, une autorisation de construire une villa, vous ne pouvez pas contester que son terrain bénéficierait d'une plus-value extraordinaire : 335 F pour un mètre carré de terrain qui, auparavant, ne valait que 15 F ! - M. Dupraz me souffle : «Un peu plus de 5 F !».

Monsieur Fontanet, vous n'ignorez pas que lors de la vente de villas construites en zone agricole, on ne se contente pas de calculer la valeur des bâtiments. On calcule également la valeur du terrain correspondant aux droits à bâtir, en faisant passer sa valeur en «zone agricole» à celle en «zone villas», c'est-à-dire à 300 ou 400 F le m2 !

Il est des cas dont M. Joye se souviendra, où des autorisations de construire des villas en zone agricole ayant été délivrées, les propriétaires ont réalisé un bénéfice de 3 000 à 4 000% !

Prenons l'exemple de la Maison de l'Europe qui s'est vue accorder deux étages supplémentaires. Monsieur Fontanet, vous connaissez le bénéfice découlant d'une telle opération par rapport aux droits à bâtir usuels de cette parcelle. M. Opériol lève la main, il a dû le calculer !

Je vous rassure, Monsieur Nissim, il n'est nul besoin d'engager une ribambelle de fonctionnaires pour appliquer la règle de trois ! D'ailleurs le projet de loi charge l'architecte qui requiert l'autorisation de construire d'établir ce calcul très simple, facilement vérifiable par un seul fonctionnaire, au département. C'est simple et rapide à faire si l'on suit le principe proposé dans cette loi.

J'en viens à la mystification tentée par M. Halpérin. Son brio habituel nous ferait presque oublier la réalité du contenu de cette initiative, à savoir le prélèvement sur la plus-value issue d'une autorisation de construire !

Les autorisations de construire en cause résultent d'une dérogation ou de l'application d'une norme de la zone de développement et, neuf fois sur dix, aucune vente n'a lieu. Vous le savez, Monsieur Halpérin, puisque vous êtes tout autant impliqué dans les affaires immobilières que M. Fontanet !

Vous avez essayé de dire que nous avions déjà légiféré, en matière de cette initiative, par une imposition de la plus-value à l'occasion de la vente. C'est une tromperie ! En l'occurrence, il s'agit de taxer la plus-value en l'absence de vente.

Neuf fois sur dix, la plus-value résulte d'une autorisation de construire délivrée à un propriétaire qui n'a nullement l'intention de vendre. Et c'est ce propriétaire que nous voulons taxer !

M. Dupraz a eu raison de rappeler un débat antérieur qui a suscité une certaine confusion lors de l'adoption de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire. A ce moment, le Conseil d'Etat avait proposé de donner réponse à une des dispositions de la loi fédérale qui prévoit une taxation applicable aux mesures d'aménagement. Dans un esprit de compromis, on a préféré ne pas légiférer et renvoyer l'objet à plus tard. C'était en 1986, si j'ai bonne mémoire. Onze ans ont passé et on n'a toujours pas donné suite à ce compromis.

Il a fallu l'initiative du parti du Travail pour relancer la balle. A la fin de la dernière législature, la commission de développement, saisie de l'initiative, s'est avisée de l'existence d'une loi cantonale neuchâteloise, applicable non au stade de l'autorisation de construire mais à celui de la mesure d'aménagement. Cela aurait pu inspirer un contreprojet à l'initiative, puisqu'il a été conseillé de s'inspirer de la loi neuchâteloise. Le département a présenté une proposition dans ce sens... (L'orateur est interrompu et répond.)

La présidente. Monsieur Grobet, pourriez-vous donner votre avis sur le renvoi en commission ?

M. Christian Grobet. Je vais vous le donner, Madame la présidente ! C'est bien à propos du renvoi en commission que je rappelais qu'un compromis - et je remercie M. Dupraz de l'avoir souligné - a eu lieu, voici onze ans, et qu'une proposition de concrétisation de l'initiative a été présentée par le département des travaux publics, à la fin de la dernière législature. Sur ces entrefaites, le parti du Travail a écrit une lettre dans laquelle il exprimait le souhait que le prélèvement de la plus-value ait lieu lors de la délivrance de l'autorisation de construire, comme demandé par l'initiative. Puis, le temps ayant passé, le parti du Travail a proposé un texte démontrant la faisabilité de cette option. Il est donc faux de dire que les calculs seraient difficiles. Il est également faux de faire croire à une hausse des loyers. C'est un autre sujet et je n'entrerai pas dans les détails maintenant.

Monsieur Dupraz, vous avez toujours été raisonnable en matière d'aménagement du territoire, je suis le premier à le reconnaître. S'il ne s'agissait que de vous, il y a longtemps que nous aurions trouvé une solution conforme à l'initiative du parti du Travail.

En ce qui me concerne, je serais prêt à faire confiance à certains députés, dont vous, Monsieur Dupraz. Ce n'est pas le cas pour d'autres, et je ne crains pas de le dire ! Cela fait vingt-huit ans que je siège à un titre ou à un autre dans cette salle...

La présidente. Passons-nous au vote sur le renvoi en commission ? On débat depuis une heure et quart !

M. Christian Grobet. M. Fontanet s'est exprimé longuement. Il a parlé d'une initiative mal ficelée à faire balayer par le peuple. Il faut que la décision prise par ce Grand Conseil soit respectée. N'essayez surtout pas de noyer le poisson ! Nous acceptons que l'initiative soit renvoyée de nouveau en commission pour trouver une solution respectueuse de son auteur.

Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport à la commission d'aménagement du canton est adoptée.

 

La séance est levée à 19 h 5.