République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 12 juin 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 7e session - 28e séance
M 1128
EXPOSÉ DES MOTIFS
Nous sommes très conscients des multiples pressions qui s'exercent sur le sol genevois. C'est pourquoi nous aimerions rappeler le rôle socio-économique des jardins familiaux pour nombre de familles relativement peu aisées, c'est le seul moyen de cultiver un bout de terre. Actuellement, près de 600 demandes de familles sont en suspens. Les jardins familiaux jouent un rôle social qui n'est plus à négliger.
Avec la crise sociale et économique de caractère structurel que nous vivons, ces jardins ont trouvé une nouvelle raison d'être, passant successivement de jardin ouvrier à des jardins familiaux. Pour tous ceux qui connaissent les différents groupements genevois, le côté social et convivial n'est plus à démontrer.
Dans le cadre de cette motion, il ne s'agit pas d'effectuer des infrastructures lourdes et coûteuses, souvent inutiles. Il serait bon de retrouver un peu de simplicité et un esprit pionnier. Les aménagements ne pourraient-ils pas faire l'objet de travaux communautaires, voire bénévoles, des nouveaux locataires sous les directives d'implantation du DTPE ? Cette nouvelle façon d'approcher la problématique, avec un peu de créativité, permettrait certainement de pallier le manque de fonds et de débloquer la situation.
A noter aussi que ces locataires sont souvent des personnes âgées, utilisant les transports publics, et il serait souhaitable que les zones de jardins familiaux ne soient pas repoussées aux périphéries du canton.
En 1994, 39% des membres avaient entre 30 et 50 ans, 19% avaient plus de 65 ans. Une évolution est notée avec l'intérêt des jeunes pour ces activités.
En 1997, la Fédération genevoise des jardins familiaux fêtera ses 75 ans d'existence. A cette occasion il serait bon de faire un bilan de ses diverses activités sur le plan de l'intégration sociale, de la convivialité de l'apport économique des buts atteints, mais peut-être aussi des difficultés rencontrées à divers niveaux.
Avec plus de 1 800 membres, représentant chacun une famille, cette fédération joue un rôle social indéniable. Pour certains membres, elle constitue un apport complémentaire non négligeable. Le désir et la nécessité grandissante de vivre en rapport plus étroit avec la nature laissent présager un avenir florissant à la Fédération genevoise des jardins familiaux.
C'est dans cet esprit de convivialité que nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accueillir favorablement notre proposition de motion.
Débat
M. Jean-Claude Genecand (PDC). Notre groupe suit une ligne cohérente en la matière. Il est favorable à l'implantation de jardins familiaux, comme il l'a été pour transformer la zone agricole en zone sportive dans la commune d'Avusy.
La zone agricole n'est pas une fin en soi. Elle doit être au service de la population et des collectivités qui ont des besoins particuliers. La philosophie fondamentaliste qui veut que chaque mètre de terrain agricole déclassé soit compensé intégralement ignore les lois de base de l'évolution et du développement.
Si l'on est pour la libre circulation des personnes, on doit pouvoir admettre que celles-ci puissent s'installer sur notre territoire. Certes, je ne suis pas contre certaines cautèles si elles sont appliquées dans un esprit d'ouverture humanitaire. Si, donc, on est favorable à une ouverture, il faut admettre que des besoins nouveaux vont surgir. Or, en gelant tout déclassement agricole, on est implicitement en faveur d'un cloisonnement de notre pays contre l'intrusion des étrangers.
Attention, nous ne préconisons pas la liberté du renard dans le poulailler, mais un changement de zone qui écarte le bétonnage lorsque d'autres solutions sont possibles.
Concernant les jardins familiaux nous émettons deux restrictions. Lors de la dernière législature, nous avions accepté la création des jardins familiaux à Charrot, commune de Bardonnex, en précisant que le département des travaux publics et de l'énergie n'autoriserait pour toute construction que des bahuts à outils avec des normes bien précises. Il faudra que le département s'inspire de cette réglementation en délivrant l'autorisation.
Le deuxième but que nous souhaitons voir aboutir est en quelque sorte un code de déontologie. Et là nous nous adressons aux écolos de tout bord... Il est en effet fréquent de voir s'instaurer une concurrence entre les propriétaires de jardins familiaux. C'est à celui qui aura le plus beau jardin, et pour atteindre ce but on ne lésine pas sur les engrais, voire les pesticides ! Pourquoi ne pas négocier une convention entre les futurs propriétaires d'un groupe de jardins familiaux qui décideraient que seules les cultures biologiques sont permises ? (L'orateur est gêné par les bavardages.) Monsieur Lescaze, auriez-vous l'amabilité de parler un peu moins fort ? (Rires.)
L'Etat commercialise du compost de qualité. La pratique de cette méthode est à la portée de chacun, et il suffit d'accepter certaines contraintes et d'être patients, mais les résultats sont à la hauteur des efforts. Je parle en connaissance de cause. Cela fait une vingtaine d'années que j'utilise le compost et des produits naturels contre les petites bêtes, en bannissant engrais, pesticides et fongicides. Et, croyez-moi, j'arrive par mes résultats à étonner particulièrement ceux de ma famille qui sont maraîchers.
C'est dire que la culture biologique n'est pas une chimère, a fortiori pour ceux qui la pratique dans un but de détente. Nous espérons que ce message ne soit pas un voeu pieux et que les motionnaires s'emploieront à le faire aboutir.
M. Max Schneider (Ve). Nous avons signé cette proposition de motion dans l'urgence, puisque nous savions qu'une demande avait malheureusement été refusée par le département des travaux publics et de l'énergie pour autoriser dans les plus brefs délais les soixante-deux jardins familiaux déjà prévus dans le plan d'aménagement n° 28648 du département des travaux publics et de l'énergie, lors de l'acceptation de l'autoroute de contournement, notamment la voie de contournement de Plan-les-Ouates.
Ces jardins sont déjà prévus et inscrits sur le plan : tout est fait. Ce qui nous manque, c'est le feu vert du département des travaux publics et de l'énergie. Ce soir, j'espère que M. le conseiller d'Etat Philippe Joye pourra nous donner une réponse concrète, comme il l'avait fait lorsque le contournement de Plan-les-Ouates avait été voté dans ce Grand Conseil. En effet, M. Philippe Joye avait déjà accordé une partie de ces jardins familiaux sur cette même parcelle aux représentants des jardins familiaux.
Dans la même démarche, nous nous adressons à M. Philippe Joye, pour savoir s'il lui est possible de débloquer ce dossier.
Dans le contexte actuel, il faut savoir que la manière de préparer ces jardins familiaux revient assez cher. Dans le cas qui nous concerne, les fonctionnaires du département des travaux publics et de l'énergie ont évalué à environ un million le coût d'aménagement de ces jardins familiaux. Il y a peut-être là non une erreur d'estimation des coûts, mais une erreur dans la manière d'envisager ces jardins.
Notre proposition est la suivante : laisser de côté ces coûts et tenter de voir ces futurs détenteurs de jardins comme des acteurs des travaux à effectuer. Ils pourraient ainsi prendre en charge une partie de ces travaux, non seulement sur le plan financier mais par un travail manuel. Cela pourrait aider à débloquer la première invite de cette motion, si possible ce soir ou dans les plus brefs délais.
S'agissant du code de déontologie proposé par mon cher collègue et ami Genecand, je suis d'accord avec lui : bien souvent les pesticides sont un peu trop utilisés dans ces jardins familiaux. J'avais du reste proposé au département de l'intérieur, de l'environnement et des affaires régionales de faire des recommandations aux agriculteurs et aussi aux jardiniers du dimanche, dans le but de diminuer l'utilisation de pesticides et autres engrais chimiques.
Je vous suis jusque-là, Monsieur Genecand. Par contre, en matière de cultures biologiques, notamment dans les jardins familiaux, les écologistes optent pour des mesures incitatives et non pas coercitives. Il faut laisser les gens prendre ce type de décisions en connaissance de cause.
En conclusion, les personnes qui ont des villas avec jardin n'en éprouvent pas le besoin, mais pour ceux qui vivent en ville, dans des immeubles, le fait d'avoir un tout petit lopin de terre représente énormément; peut-être un espace de liberté pour travailler la terre, les pieds sur terre, si j'ose dire.
Voilà pourquoi la deuxième invite a aussi son importance. Six cents familles attendent actuellement un jardin. Parmi elles, il y a certainement des chômeurs, des gens un peu paumés qui seraient heureux d'avoir une occupation. C'est la raison de notre deuxième invite. Elle est accompagnée d'un souhait, Monsieur Joye : celui de faire ce qui a été réalisé à Lausanne où les gens en pleine ville, aux abords des immeubles, peuvent cultiver des surfaces gazonnées transformées en jardins ouvriers.
Mon explication est terminée. J'espère que M. Joye acceptera de répondre ce soir à la première invite et de renvoyer la deuxième en commission.
Mme Alexandra Gobet (S). Le groupe socialiste vous recommande de soutenir cette proposition.
En effet, la conjoncture actuelle fait que des personnes sont écartées du marché du travail et ont des préoccupations importantes. La culture de ces jardins familiaux constitue un exutoire tout à fait opportun pour ces personnes. Ne serait-ce que pour cela et vu la disponibilité de terrains, nous ne pouvons que vous engager à soutenir cette proposition.
M. Philippe Joye, conseiller d'Etat. Le département a toujours été favorable aux jardins familiaux. Nous savons que la demande est très forte : environ six cents.
Pour le projet d'implantation à Plan-les-Ouates, aux Sciers, une première tranche de trente-six jardins a été réalisée en 1995. Pour la tranche suivante de soixante-deux jardins, je ne suis pas en mesure de vous dire tout de suite que les choses sont réglées. Par contre, nous préparons le projet de loi et nous devrons le mettre en arbitrage. Nous ne pourrons effectivement pas répondre à toutes les demandes qui dépassent largement les possibilités offertes par le budget de l'année prochaine, et le financement de cette opération ne figure pas au plan de trésorerie des grands travaux.
Pour le projet des Sciers, qui fait partie d'un projet plus vaste, nous essayons de recenser, sur l'ensemble du territoire cantonal, les lieux qui se prêtent à une telle affectation. Cela se fait dans le cadre de la révision du plan directeur cantonal. Nous intégrerons tous ces emplacements dans les plans sectoriels, le but étant de répondre à la demande en proposant de nouveaux périmètres d'implantation.
Je saisis l'occasion pour dire deux choses.
Comme vous le dites, la réalisation de jardins familiaux de 250 m2 est assez coûteuse. Pour répondre à une très grande demande, nous essayons de trouver, comme la commune de Collonge-Bellerive qui a déposé une demande dans ce sens, des jardins familiaux de 100 m2.
Nous essayerons aussi de réaliser des jardins familiaux de petite dimension dans les zones des quartiers d'habitation. Votre suggestion de limiter les coûts de construction en faisant participer les futurs locataires à la réalisation de ces jardins familiaux me semble tout à fait positive. Il faut simplement l'aménager avec les organes de la fédération.
Je suis convaincu de la nécessité de créer ces nouveaux jardins. Il est dommage que, sur les quarante-cinq communes du canton, la moitié n'ait pas répondu à ma demande. Sur la moitié qui a répondu, une minorité seulement s'est exprimée favorablement sur le principe. Il y a donc un gros travail à faire auprès des instances communales pour créer des jardins familiaux dans leur commune.
La présidente. C'est bien vrai, Monsieur Schneider, vous voulez reprendre la parole ? J'aimerais passer au vote !
M. Max Schneider (Ve). Je tiens à remercier M. Joye pour les informations qu'il nous a données ce soir. J'espère simplement qu'il ne sera pas nécessaire d'avoir un budget «grands travaux» pour obtenir le crédit destiné aux soixante-deux jardins familiaux de Plan-les-Ouates. On peut envisager une réalisation plus simple des jardins familiaux, comme vous l'avez dit, cela dans le but de débloquer ce dossier le plus rapidement possible.
Mise aux voix, cette motion est adoptée.
Elle est ainsi conçue :
motion
pour l'autorisation de nouveaux jardins familiaux répondantaux demandes de la population genevoise
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- le rôle socio-économique très important joué par les jardins familiaux;
- les conditions économiques difficiles pour une partie de la population,
invite le Conseil d'Etat
- à autoriser dans les plus brefs délais les 62 jardins familiaux déjà prévus dans le plan d'aménagement no 28648 du département des travaux publics et de l'énergie (DTPE) du 29 novembre 1993;
- à procéder à l'inventaire des parcelles susceptibles de recevoir l'implantation de jardins familiaux pour répondre aux demandes actuelles, soit près de 600 familles en attente.