République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 12 juin 1997 à 17h
53e législature - 4e année - 7e session - 28e séance
PL 7415-A et objet(s) lié(s)
5. Rapport de la commission LCI chargée d'étudier les objets suivants :
L'incendie intervenu le 15 décembre 1995 dans un magasin du passage Malbuisson a causé une émotion justifiée. Les circonstances de l'incendie ont amené bien des citoyens à se demander si les normes de sécurité étaient suffisamment sévères, concernant particulièrement les établissements ouverts au public.
Ces interrogations ont incité les députés Liliane Johner et Pierre Vanek à déposer une proposition de motion, en date du 10 janvier 1996. En substance, les auteurs de la motion demande au Conseil d'Etat de renforcer les mesures préventives et de sécurité contre le feu dans les locaux accessibles au public, particulièrement ceux situés au sous-sol. Le 13 février 1996, ces mêmes députés ont déposé un projet de loi modifiant la LCI. Il stipule que les établissements publics disposent des dégagements et des sorties permettant une évacuation rapide à l'air libre (à l'extérieur du bâtiment). Un second article impose une mise en conformité des bâtiments existants aux prescriptions en vigueur. (voir texte de la motion 1044 et du projet de loi 7415 en annexe de ce rapport)
Auditions
La commission a d'abord procédé à l'audition de Mme Sylvie Bietenhader, directrice de la police des constructions, et de M. Charles Lavall, chef du service sécurité et salubrité des constructions (DTPE). Ceux-ci rappellent que l'adaptation des constructions anciennes à de nouvelles normes pose le problème délicat de la rétroactivité. L'on ne peut exiger des propriétaires qu'ils se lancent dans un processus de rénovation permanente: le principe de la proportionnalité doit être respecté.
L'exigence de la mise en conformité de bâtiments existants aux normes actuelles doit rester l'exception. Elle ne peut se justifier par la gravité des risques encourus, comme dans le cas des ascenseurs. On peut envisager un assainissement des bâtiments ouverts au public, mais il faut faire une sérieuse pesée de l'intérêt public avant de fixer des délais pour l'ensemble des bâtiments concernés. La mise en conformité se heurte parfois à de très grandes difficultés techniques exigeant des travaux considérables.
Mme Bietenhader et M. Lavall attirent l'attention de la commission sur le caractère quelque peu obsolète des 70 articles du RALCI sur la prévention des incendies. Ils suggèrent donc de les abroger et d'introduire un renvoi à la norme édictée par l'Association des établissements cantonaux d'assurance incendie (AEAI). Cette norme est utilisée dans tous les cantons suisses, sauf à Genève ! Ledit texte est plus détaillé que la législation genevoise. Son interprétation et son usage sont beaucoup plus simples pour les architectes suisses.
L'audition de M. Raymond Joly, chef du service technique de l'Etablissement cantonal d'assurance incendie et des éléments naturels du canton de Vaud, a sans aucun doute largement contribué à convaincre la commission de l'intérêt de la norme AEAI. Elle a été établie en concertation avec les différents offices fédéraux concernés, les inspectorats cantonaux et fédéraux du travail et les associations professionnelles. Elle est eurocompatible et a force de loi dans tous les cantons suisses à l'exception du canton de Genève (en Argovie, la norme AEAI est entrée en vigueur en 1997). M. Joly signale, au passage, que des collaborateurs genevois ont participé à l'élaboration de ces normes.
La Suisse possède une doctrine homogène, ce qui facilite le travail des architectes. La mise à jour de la norme est réalisée par une commission technique, un organe permanent qui se réunit six à huit fois par an. Il existe un bureau de représentation au niveau européen qui suit les principales innovations.
La norme AEAI se compose d'un ouvrage de base qui fixe les objectifs de la prévention incendie et d'annexes qui fournissent des prescriptions techniques détaillées d'exécution. Le texte suit les différentes étapes du processus de construction des bâtiments. La norme évolue au gré de l'innovation technologique et des nouvelles conceptions. Le bois, par exemple, a été récemment réhabilité et les préoccupations écologiques sont largement prises en compte dans le texte.
En ce qui concerne les constructions ouvertes au public, la norme exige un parcours dégagé jusqu'à l'air libre. Les prescriptions techniques concernent, par exemple, la longueur du parcours et les escaliers nécessaires en fonction tant du nombre d'occupants que de la situation de la salle. La norme prévoit que les bâtiments s'adaptent aux nouvelles prescriptions lors de la transformation ou de changements d'affectation. Une mise en conformité est également requise lorsque le danger est particulièrement important.
Les auditions suivantes ont fait apparaître les originalités discutables et biens connues de l'organisation de lutte contre l'incendie à Genève. M. Olivier Légeret, commandant du service d'incendie et de secours (SIS), rappelle que son service n'a pas de compétence en matière de prévention. Il souligne qu'il n'y a qu'à Genève que les sapeurs-pompiers ne s'occupent pas de cet aspect. Imageant son propos, il parle d'«une armée qui ne peut pas préparer son terrain». Il donne l'exemple de la salle de spectacle de l'Arena, pour lequel le SIS n'a jamais été consulté. Quoi qu'il en soit, le SIS ne peut rien exiger, il ne peut qu'essayer de convaincre.
Le commandant Légeret précise encore, que si des compétences supplémentaires devaient être attribuées au SIS, celui-ci n'aurait pas les ressources financières et humaines pour accomplir ces nouvelles tâches.
M. Philippe Wassmer, directeur de la sécurité civile, et M. Jacques Arnaud, inspecteur cantonal adjoint du service du feu, rappellent l'organigramme de la «Prévention sécurité incendie» au niveau cantonal:
1. le service sécurité/salubrité (DTPE) qui s'occupe des bâtiments;
2. l'inspection cantonale du service du feu (DIER) chargé notamment du contrôle du respect des normes édictées et de la prévention dans les établissements recevant du public;
3. l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail (DEP) responsable de tout ce qui a trait à la protection des travailleurs.
Contrairement aux responsables des services compétents du DTPE, MM. Arnaud et Wassmer préfèrent les règlements en vigueur à la norme AEAI, les estimant plus précis. Ils considèrent, de surcroît, que la norme AEAI porte à interprétation. Ils se prononcent donc pour le maintien des règlements genevois existants, avec une référence à la norme AEAI. Cette manière de faire est possible pour autant qu'il n'y ait pas de contradictions entre les règlements et la norme AEAI.
Concernant ces deux dernières auditions les renseignements fournis par le commandement du SIS et les responsables de l'ICF n'étaient pas concordants sur quelques points précis. Visiblement, la collaboration pourrait être améliorée entre ces deux services. Mais cela, on le sait depuis longtemps...
Conclusion de la commission
Au terme de son étude, la commission a été unanime pour juger qu'un renvoi à la norme AEAI constituerait un progrès par rapport à la situation actuelle. Elle a demandé à Mme Bietenhader de présenter un projet de loi concrétisant cette option. Le but de ce projet de loi est de faire figurer dans la loi le principe de renvoi à la norme AEAI dans le domaine de la prévention et sécurité incendie. Elle conduirait à supprimer les articles actuels du RALCI concernant la prévention et la sécurité incendie.
L'adoption du projet de loi proposé par la commission permettrait que Genève ne fasse plus cavalier seul. Les avantages de la norme AEAI sont nombreux. Citons notamment leur eurocompatibilité, leur évolution permanente aux nouvelles conceptions et au progrès technique. Leur donner valeur de références permet d'éviter que la réglementation ne soit influencée par des projets particuliers que le gouvernement entendrait favoriser.
Au cours de ces travaux, la commission s'est persuadée que, sur la base de la législation actuelle, le DTPE peut parfaitement exiger la mise en conformité des bâtiments existants à la norme l'AEAI ou à toute autre norme, dans le respect du principe juridique de la proportionnalité. Sur cet aspect précis, il s'agit fondamentalement d'un problème d'application des lois et non d'une insuffisance des lois. Le degré de laxisme dans l'application des lois ne ressort que de l'autorité exécutive et de la justice. Le Grand Conseil ne peut qu'exprimer des souhaits; aucune législation ne peut réduire à néant la part d'appréciation de l'exécutif ou de l'administration.
L'exemple du canton de Vaud montre qu'il est parfaitement possible de mener des campagnes d'assainissement par secteur et d'exiger des propriétaires une mise en conformité avec les exigences actuelles.
Ces arguments ont convaincu les auteurs de se rallier au projet de loi et de retirer leurs propres textes si le projet de loi devait être accepté par le Grand Conseil.
C'est donc à l'issue d'un vote unanime que la commission vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter le nouveau projet de loi qu'elle vous soumet.
ANNEXE
Secrétariat du Grand Conseil
Proposition de Mme et M. Liliane Johner et Pierre Vanek
Dépôt: 10 janvier 1996
M 1044
proposition de motion
sur la sécurité dans les constructions ouvertes au public
LE GRAND CONSEIL,
considérant :
- le très grave danger qu'ont couru de très nombreuses personnes à l'occasion de l'incendie survenu le 15 décembre dernier dans un magasin du passage Malbuisson, lequel s'est étendu dans deux grands magasins et un cinéma du centre-ville, qui ont dû être évacués d'urgence;
- les causes ayant provoqué l'extension de l'incendie et les mesures de sécurité insuffisantes qui sont apparues à cette occasion, qui auraient pu avoir des conséquences catastophiques,
invite le Conseil d'Etat
- à veiller à ce que la recherche de la rentabilité maximale dans la construction de bâtiments et la réalisation d'objectifs commerciaux ne se fassent pas au détriment de la sécurité des usagers;
- à charger le service cantonal du feu, en collaboration avec les services concernés du département des travaux publics et de l'énergie, de renforcer les mesures préventives et de sécurité contre le feu dans les locaux accessibles au public (tels que magasins, salles de spectacles, hôtels, hôpitaux, pensions pour personnes âgées, etc.) et tout particulièrement ceux situés en sous-sol.
Premier débat
PL 7415-A
Ce projet est adopté en trois débats, par article et dans son ensemble.
La loi est ainsi conçue :
LOI
modifiant la loi sur les constructions et les installations diverses
(L 5 05)
LE GRAND CONSEIL
Décrète ce qui suit:
Article unique
La loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988, est modifiée comme suit:
Art 108, al. 2 (nouveau)
2 L'article 121, alinéa 2, est réservé.
Art 121, al. 2(nouveau, l'al. 2 ancien devenant l'al. 3)
2 Les exigences imposées pour les constructions et installations en matière de prévention des incendies sont régies par la norme de protection incendie et les directives de l'Association des établissements cantonaux d'assurance incendie (AEAI).
M 1044-A
Mme Liliane Johner (AdG). Compte tenu du vote positif pour le projet de loi, nous retirons la motion.
Le Grand Conseil prend acte du retrait de cette proposition de motion.